I - Chapitre 20 : Une nouvelle bulle


Bonjour à tous ! 

Il ne vous pas beaucoup plu le chapitre précédent ahah ! Mais je suppose que vous devez être occupé.e.s en ce moment : Brevet, Bac Français, Bac tout court, exams? J'espère que tout se passe bien pour vous en tout cas ! 

Allez un nouveau chapitre dont j'avoue attendre beaucoup les réactions ... Bonne lecture à tous ! 


Chapitre 20 : Une nouvelle bulle.

J'avais demandé à Cédric, Emily, Simon et Cho de garder le secret sur la proposition de Viktor Krum d'appuyer ma candidature chez les Vautours de Vrasta, mais c'était tout de même au cœur d'une partie de nos conversations, dépassant même le Tournoi. Pâques arriva avec les lots de chocolat envoyés par nos familles respectives – chez moi il s'agissait d'œufs expédiés par les Bones, mon père se contentant d'un mot au bas d'une lettre d'Alexandre pour dire que Dieu m'accompagner en cette passion du Christ. Les mots firent beaucoup rire Simon et Cédric, et ce dernier se fit une joie de partager ses nombreux chocolats avec moi pour compenser.

-Est-ce qu'il pense que tu fais toujours ton carême ? me lança Simon alors que nous parcourions le parc.

Emily et Cédric s'étaient à nouveau extasiés sur la proposition de Viktor Krum, et au bout d'une semaine cette histoire avait commencé à m'agacer prodigieusement. Alors j'étais sortie discrètement pour prendre l'air dans le parc, et Simon était venu me rejoindre d'un pas trottinant. Je le lorgnai de façon mauvaise en m'asseyant sur un banc.

-Non, je pense qu'il ne se fait plus d'illusion sur ma pratique de la religion depuis que je lui ai dis que je ne croyais plus en Dieu.

-Ça a dû lui briser le cœur, fit remarquer Simon en s'asseyant à son tour. A partir de quand tu as arrêté de croire en Dieu ? Dès que tu es entrée à Poudlard ?

-Non, ça s'est fait lentement, évaluai-je en me souvenant des semaines de réflexion que j'avais eues allongée sur mon lit. Mais j'ai vraiment réalisé que j'avais cessé d'y croire en quatrième année.

-La Chambre des Secrets ?

J'opinai du chef et frottai mes mains moites contre mon jean. Comme c'était les vacances nous étions autorisés de vous vêtir avec autre chose que notre uniforme, et c'était avec joie que je retrouvais mes pantalons et mes pulls. Je rabattis ma capuche sur ma tête pour me protéger de la brise fraiche et tirai les cordons. Cela arracha un sourire à Simon.

-Retour à Terre-en-Lande, déclara-t-il avec amusement. Qui est vraiment loin de Brasta ...

-C'est Vratsa, Simon et continue de me parler de ça et je t'enfonce ma baguette dans le nez.

La mention de notre village me plongea dans la mélancolie. Je n'avais jamais passé autant de temps loin de chez moi, et les terres familiales me manquaient. Tout comme ma famille elle-même.

-Alex m'a transmis une lettre de Chloé la dernière fois, ajoutai-je en tentant d'ignorer le pincement que j'avais au cœur. Elle te dit bonjour.

-Bonjour à elle. Elle a gagné la coupe régionale de foot ?

-Elles sont en demi-finale, toujours.

Simon hocha la tête avec un sourire. Lui aussi semblait nostalgique : s'il y avait une chose que nous avions en commun, c'était notre amour pour notre famille et pour les terres qu'elles habitaient. Pour les longues vadrouilles en bande d'enfant que nous étions dans la campagne du Gloucestershire, les feux de camps que nous avions fait dans le jardin de Kate et Chloé, d'Alexandre et Caroline qui faisaient offices de papa et de maman de la troupe ... L'idée m'effleura qu'à présent qu'ils travaillaient et avaient quitté le nid familiale, cela devait être Simon et moi qui faisions office de couple parental. Cela creva ma bulle de mélancolie et j'exhalai un profond soupir.

-Bon, plus que deux mois à tenir. Et quand on rentrera ... ton cauchemar commencera.

-Ça va, ne dégaine pas les menaces, répliqua Simon en levant les yeux au ciel. Je sais très bien que quand on rentre tu seras majeure et moi pas. D'ailleurs, mes parents demandent ce que tu veux pour ton anniversaire.

-Rien.

Simon essuya un léger rire entendu, et un sourire effleura mes lèvres. Dans deux semaines, j'aurais dix-sept ans et je ne pouvais m'empêcher d'être excitée à l'idée de pouvoir utiliser librement la magie en tout temps. C'était le plus beau cadeau qu'un sorcier pouvait recevoir.

-Je transmettrais. Maintenant, avant de retomber dans le sentimentalisme ... Plus de message ?

-Ah ! me souvins-je soudain avec l'impression qu'on me donnait un coup dans le ventre. Justement, il fallait que je te parle de quelque chose ! Ça ne peut pas être Selwyn !

Devant les yeux incrédules de Simon face à mon éclat soudain, je relatai la conversation que j'avais eue avec Miles et le mécanisme de l'héritier qui empêchait Selwyn de me faire le moindre mal. Les yeux de Simon s'agrandirent à mesure que mes mots s'alignaient et j'achevai en disant que je n'avais aucune idée de qui pourrait m'envoyer les mots.

-Une famille suprémaciste qui déteste la magie noire et Tu-Sais-Qui, souffla Simon quand je me tus. Alors ça, c'est original.

-Ça m'a paru étrange aussi.

-C'est étrange mais ça peut faire sens. Et ça ne me surprend qu'à moitié, Selwyn n'était pas rassuré quand Maugrey nous a montré les Sortilèges Impardonnables en début d'année. Il n'a pas aimé ça plus que nous.

-Mouais ...

J'avouai avoir du mal à comprendre comment un garçon aussi malfaisant que Selwyn, capable de me martyriser pendant mes années de scolarité sans vergogne ni regret, simplement parce que j'étais née de parents moldus, pouvait s'offusquer devant l'usage de magie noire. A mon humble avis, son âme était déjà assez noire, ce n'était pas utiliser ce genre de magie qui la noircirait encore plus.

-Alors tu as fini par en parler à Bletchley, poursuivit Simon l'air songeur. Bon on ne va pas se mentir, ça a été utile, non ? Ça permet de disculper Selwyn. Ce n'est pas faux, Selwyn ne prendrait pas le risque d'aller contre les ordres de son père, surtout si son frère n'est plus dans ses bonnes grâces. Et c'est vrai que depuis ce qui s'est passé en début d'année, excepté les messages qui du coup ne sont pas de lui ...

-Il ne s'est rien passé, oui. Selwyn a décidé de me laisser en paix, et a passé le mot à ses sbires.

-Alors qui c'est ?

Je secouai la tête. J'avais beau retourné ça dans tout les sens, je ne voyais pas qui d'autre pouvait être au courant. Mais rien ne m'était parvenu depuis la seconde tâche alors ... Peut-être devrais-je oublier, et me concentrer sur les autres problèmes que j'avais. Les examens qui se profilaient. Le Tournoi. Miles.

-Aucune idée, Simon, soupira-je en posant mes coudes sur mes genoux. Je vais y réfléchir entre deux révisions.

-Et tu lui as parlé de ça quand ?

-Quelques jours avant les vacances, pourquoi ?

-Et pourquoi je suis au courant que maintenant ?

-Ah. Euh ...

Mes joues s'empourprèrent et je fus enchantée d'avoir mis ma capuche pour cacher mon visage. Néanmoins Simon ressentit mon embarras dans mon mutisme et un sourire s'étira sur ses lèvres.

-Quelque chose à dire Vicky ? Quelque chose qui t'aurait ... fait oublier de me dire que je devais arrêter de vouloir étrangler Selwyn ?

-Tu n'aurais pas su étrangler Selwyn. Attends, tu voulais l'étrangler ?

-Ne change pas de sujet ! Balance alors, il s'est passé quoi ?

Devant mon obstination à me taire, Simon finit par deviner et fut secoué d'un fou rire. Il dut se lever et faire quelque pas pour se calmer, l'hilarité faisant trembler ses épaules. Je le lorgnai d'un regard ennuyé.

-Ça va, remets-toi ...

-Tu veux rire ? s'esclaffa Simon en tentant de se redresser. Attends, il faut que j'envoie une lettre à Alexandre !

-Simon non ! Simon Bones, reviens ici !

Je me dressai sur mes pieds pour le poursuivre alors qu'il détalait en riant vers le château. Ce fut à ce moment que je me rendis compte qu'il avait grandi : malgré son manque d'entrainement, ses jambes étaient plus amples et allaient plus vite que les miennes. Malgré tout je finis par le rattraper au détour d'un couloir, et sautai derechef sur dos. Simon glapit et se rattrapa au mur de couloir pour se stabiliser. J'éclatai de rire en calant mes jambes contre ses hanches pour ne pas tomber.

-Ça alors Bones, au bout de seize ans tu arrives à me porter !

-Tu es n'es pas si lourde que ça en réalité ...

-Très drôle.

Je sautai à terre et Simon s'étira, et rajusta son tee-shirt. Les couloirs étaient déserts pendant les vacances et la plupart des élèves restaient dans leur Salles Commune ou à la bibliothèque pour réviser les examens. Ça me faisait un drôle d'effet de voir les couloirs d'ordinaire noirs de monde si vide, comme si la vie avait déserté les murs de l'école. Ne restaient à présents que les champions, des étrangers et des fantômes. Je relevai les yeux sur l'unique personne trépignante de vie dans le coin.

-Sérieusement Bones. Ne dis rien à Alexandre ... je n'ai même ... encore rien décidé ... Oh bon sang, Bones. (Je portai une main à ma tempe et me laissai aller contre le mur). Franchement l'amour c'est pénible.

-L'amour, carrément ?

Je jetai un regard noir à Simon, qui me gratifiait d'un sourire moqueur.

-Le quart de la moitié du début d'une prémisse d'amour, rectifiai-je en croisant mes bras sur ma poitrine.

-Bon, parfait alors. Alors pourquoi tu n'as rien décidé ?

Je poussai un grognement, reconnaissant en ces mots un écho de ceux que ma meilleure amie avait prononcé avant que l'on rentre dans le terrain de Quidditch.

-Emily a dit la même chose ...

-Oh oh oh attends ! Emily ? Elle l'a su avant moi ? Pourquoi je ne le sais qu'après Emily ?

L'indignation de Simon me fit sourire et je tapotai son épaule avec condescendance.

-Et après les jumeaux Weasley qui nous ont interrompu dans la cuisine. Et une dizaine d'elfe de maison.

-Je suis outré.

-Oh ne râle pas, tu le sais avant Cédric ...

-Cédric, répéta Simon l'air songeur. Dis-moi Vicky, ce ne serait pas à cause de Cédric que tu hésites ?

Je haussai les épaules sans répondre. Simon avait malheureusement raison. Pas que Cédric soit un paramètre dans ma décision, mais elle ne rendait pas celle-ci plus sereine. Je connaissant l'animosité de mon ami envers Miles : je n'étais pas certaine qu'il prenne l'idée d'une potentielle relation avec le sourire.

-Tu sais, il n'a rien à dire, me rappela Simon en se laissant aller contre le mur à côté de moi. Si j'avais pris l'avis d'Emily en compte quand je suis sorti avec Octavia, ça ne se serait pas fait ...

-Je ne prendrais pas l'avis de Cédric en compte, mais ça m'énerve qu'il n'essaie pas de comprendre que Serpentard ne veut pas dire persécuteur.

-On a tous des préjugés sur les Serpentards, admit Simon en penchant la tête sur l'épaule. Crée par un homme qui ne voulait pas des nés-moldus dans l'école et qui a carrément caché un monstre pour les éliminer, épaisse aura de magie-noire, Maison de Tu-Sais-Qui ...

-Maison de Merlin, aussi, rappelai-je amèrement. Et Merlin était juste un immense sorcier, le Dumbledore de son époque.

-Je ne dis pas le contraire, Vicky. Mais on ne va pas se mentir, depuis que je suis entré dans cette école, personne à Serpentard ne m'a donné l'envie d'aller vers lui – Bletchley compris, navré.

-Tant mieux, je ne tiens particulièrement à ce que vous soyez amis.

Simon eut un sourire entendu.

-Oui, je vois, tu as peur de ce que tout ce que je pourrais lui raconter. Oh, je pourrais lui dire que tu t'es battue en culotte avec Liam Hatway ?

Mon regard torve accompagné d'une tape sèche derrière la tête lui donna sa réponse.

-Ni ça, ni rien, assénai-je en reprenant ma marche en avant. Allez viens, crevette, Cédric et Emily doivent s'être plongés dans les révisions maintenant ...

-Crevette toi-même.

Mais il se tint sage jusqu'aux portes de la bibliothèque. Comme je l'avais espéré, celle-ci était presque déserte et Emily et Cédric travaillaient dans un coin tranquille. Mais à mon plus grand déplaisir, Cho était assise à leurs côtés, si penchée sur son parchemin qu'un fin rideau de cheveux noir masquait ses traits. Elle souffla bruyamment, faisant voler les mèches devant son visage et arrachant un sourire amusé à Cédric.

-Je hais la Potion, bougonna-t-elle alors que Simon prenait une chaise. Je vais avoir un T aux BUSEs ...

-Ne dis pas de bêtises, la rassura Cédric en lui prenant la main. Les examinateurs ne sont pas aussi exigeants que Rogue ...

-Parle pour toi, marmonna Simon, qui ruminait toujours le fait de n'avoir obtenir qu'un « E » en Potion dans l'examen.

Cédric lui adressa un sourire sarcastique. Il était le seul à la table à ne pas travailler : il lisait en toute décontraction un magazine de Quidditch alors qu'Emily révisait tant la Métamorphose qu'elle ne relevait pas les yeux de son grimoire et que Cho s'était à nouveau plongée presque corps et âme dans sa Potion. Je plissai les paupières, ma joue appuyée contre mon poing avec ennui.

-C'est d'une injustice que tu n'aies pas à passer les examens, grommela-je. Tu es sans doute le plus doué d'entre nous ...

-Simon est le plus doué, rappela Cédric, arrachant un sourire à mon voisin. Moi je suis simplement le plus polyvalent mais je n'aurais jamais la dextérité de Simon en matière de sortilège et maléfice.

-J'ai entendu parlé de ton duel avec la fille de Durmstrang, enchérit Cho en levant vaguement la tête pour sourire à Simon. Il paraît que tu lui as bien tenu tête et c'est un exploit quand on sait que les gens là-bas étudient la magie noire ...

-Etudier n'est pas utiliser, répliquai-je avant de taper dans l'épaule de Simon. Et la crevette manque de souplesse, c'est ce qui le perd tout le temps. Je propose qu'au lieu de réviser nous allions faire une balle au prisonnier.

-Une quoi ? s'étonna Cho en dressant un sourcil.

Je réprimai le profond soupir qui me montait aux lèvres et m'apprêtait à me fendre d'une énième explication sur les jeux moldus, mais Simon m'empêcha cette peine en abattant à son tour sa main sur mon épaule.

-Bien Vicky ! Si tu veux jouer à la balle au prisonnier, tu dois me donner les cinq exceptions à la loi de Gamp sur la métamorphose élémentaire.

-Mais c'est simple, répliqua Cho, les yeux écarquillés.

Mon regard sur Simon n'en fut que plus noir. Cette leçon était l'une des premières dont nous avait dispensé McGonagall cette année, elle s'était depuis longtemps effacée de mon esprit ... Je fouillais dans les ruines de mes souvenirs pour bredouiller :

-La vie. La nourriture.

-Bien joué, et la suite ?

-Allez Vic', les cinq et promis on ira jouer à la balle aux prisonnier, rit Emily, qui avait enfin levé le nez de son grimoire. Allez, en soit c'est logique, qu'est-ce que tu ne peux pas faire apparaître par magie ?

J'avais l'impression que mon cerveau surchauffait, mais peu à peu les ruines se remirent en place et ordonnèrent mon esprit.

-L'argent. Sinon on serait tous riche.

-La vie, la nourriture, l'argent, résuma Cédric avec un sourire. C'est pas mal, ensuite ?

Je fronçai les sourcils mais finis par m'avouer vaincue en secouant tristement la tête. Cédric eut un sourire compatissant et Emily darda un regard mauvais sur Cho qui me contemplait avec consternation.

-Si c'est si simple on t'écoute, lui lança-t-elle avec un brin de sécheresse.

Les joues de Cho rosirent légèrement et ses yeux étincelèrent avec défi.

-Les informations, répliqua-t-elle froidement. On ne peut pas savoir toutes les connaissances d'un coup de baguette.

Je me sentis presque visée par sa phrase et me penchais sur mon parchemin pour écrire les cinq exceptions et les faire entrer de façon définitive dans ma mémoire. Vie, argent, nourriture, informations ...

-Et la dernière ? demandai-je sans lever le nez.

-Ta préoccupation du moment.

Je mis un moment à comprendre, avant de réaliser ce que Simon voulait dire face à son sourire sarcastique et à la façon dont Emily pinçait les lèvres, comme si elle se retenait de rire. Cette fois mon visage passa à l'écarlate et je griffonnais « amour » sous les quatre autres mots. Je sentais presque le regard brûlant et inquisiteur de Cédric sur moi, et m'empressai de trouver une échappatoire pour éviter un interrogatoire :

-Mais alors, les filtres ? m'étonnai-je à l'adresse d'Emily, notre spécialiste des potions. L'amour peut être crée par magie, non ?

-En réalité non, répondit-t-elle en reprenant son sérieux. On a appris ça en début d'année, pendant notre cours théorique sur les filtres d'amour ...

-Théorique uniquement, car on voit mal Rogue nous concocter un filtre d'amour, ricana Simon. La seule chose qu'on a dû faire c'est faire un antidote et là je le reconnais bien : il préfère annihiler l'amour que le créer, cet homme.

-Toujours est-il que les filtres ne créaient qu'un simulacre d'amour, reprit Emily. Une sorte d'obsession que je trouve glauque d'ailleurs, qui peut-être assimiler à de l'amour mais qui n'en est pas. Les sentiments n'ont rien à voir dedans, ce qui est crée est complétement ... artificiel.

-Et en plus son effet est limité dans le temps, rappela Cédric. Si disons, je te faisais boire un filtre d'amour pour que tu « aimes » éperdument Simon et avoir enfin la paix avec vos stupides disputes, selon la puissance du filtre ça durerait de quelques heures à quelques jours, mais il faudrait t'en faire reboire pour que les effets perdurent.

-Et des idées stupides comme ça, tu en as encore beaucoup en stocke ?

-Amen ma sœur, marmonna Simon.

-Copieur.

Simon me lança un regard torve avant de m'enjoindre à réviser ma métamorphose puisque, devant l'échec sur les exceptions de la loi de Gamp, j'étais privée de balle aux prisonniers. Je soupirais en ouvrant mon livre, vaincue par la nécessité.

***

Nous avions fini par faire une balle aux prisonniers le dernier week-end des vacances, après qu'Emily se soit assurée que j'étais capable de jeter convenablement un sortilège d'apparition. J'y étais toujours aussi forte et Simon toujours aussi nul, donc ce fut pour l'ensemble la meilleure après-midi des vacances. A la fin, quand presque tout le monde s'était détourné du jeu pour retourner réviser, j'avais instauré des règles spécifiques pour Simon, afin qu'il reste un peu plus longtemps sur le terrain au lieu de se planquer dans la « prison ». Cédric et moi nous étions mis chacun de part et d'autre de lui, nous lançant la balle avec l'intention de le toucher, et lui devait nous éviter. Ce fut un calvaire pour lui mais il s'y plia de bonne grâce pour améliorer ses réflexes et sa gestuelle, et quand le soleil se coucha derrière les montagnes, il parvint même à gober la balle pour ensuite me la lancer avec hargne. Un bond m'avait permis de l'éviter et Cédric avait éclaté de rire avant de mettre fin au jeu, pour empêcher que ça ne dégénère en guerre entre moi et Simon. Nous avions terminé les vacances dans la Salle Commune en toute insouciance, riant bièraubeurre à la main, avant que la réalité de Poudlard nous happe à nouveau.

Avec la rentrée, un flot ininterrompu d'élève reprit les couloirs d'assauts, et la place se tarit sur les canapés de la salle. Elle amena également avec elle l'exaltation du Tournoi qui nous avait quitté avec les vacances, et la pression se remit à monter doucement. Cédric souriait moins, Emily était plus tendue, et Simon se renfermait dans un mutisme caractéristique de son stresse. Et moi, je regardais s'envoler la bonne humeur des vacances avec nostalgie, attendant la fin de ce Tournoi avec impatience pour retrouver une vraie vie d'étudiante. Le 24 juin n'arriverait jamais assez vite à mon goût.

Le lundi de rentrée s'était écoulé lentement, avec un certain ennui puisque la plupart des professeurs nous avaient mis la pression concernant les examens, nous rappelant qu'excepté Cédric, le Tournoi ne nous exemptait pas et que cet événement ne devait nous faire relâcher. Evidemment, pour beaucoup d'entre nous à Poufsouffle, Maison dite la plus travailleuse de Poudlard, le discourt avait un certain d'écho, bien que la plupart d'entre nous n'avait pas attendu les professeurs pour se plonger dans les révisions. Mais chez les autres élèves, cela provoquait plus d'agacement ou de nonchalance, et une fois que les professeurs se retournaient vers le tableau, ils se remettaient à parler du Tournoi. Et Cédric se tendait, et écoutait silencieusement les exaltations et les pronostiques sur la future épreuve, la mâchoire contractée.

-Pitié, demande à Simon d'aller leur jeter un maléfice, marmonnai-je en jetant un regard mauvais à deux Serdaigles.

C'était en Sortilège, et exceptionnellement je me retrouvais à côté de Cédric car nous étions pris dans une discussion de Quidditch quand nous étions entrés dans la salle. Octavia et Henry, l'un de ses camarades de Maison, spéculaient sur l'épreuve du 24 juin, proposant des tâches plus morbides les unes que les autres, insouciants de la présence de l'un des champions derrière eux. Octavia participait peu au jeu, remarquai-je, mais souriait poliment à chaque proposition indécente de Henry.

-Ou moi, d'ailleurs. J'ai jeté un super maléfice cuisant à Gillian Fawley la dernière fois.

-Sérieusement ? Pourquoi ?

Le sourire qui s'étira sur les lèvres de Cédric me rassura. Je recopiais vaguement les formules qui s'inscrivaient magiquement sur le tableau de Flitwick.

-Elle colportait des rumeurs sur Hermione Granger. Je n'aimais pas trop.

-Une vraie petite justicière, s'amusa Cédric en se détournant définitivement des Serdaigles. C'est vrai que Poudlard a abusé sur elle après l'article de Rita Skeeter. Mais tu vois que tu es capable de faire des belles choses.

J'eus le léger sourire et balayai la pièce du regard. Simon et Emily s'étaient installés au premier rang, et par la grâce du hasard celle-ci s'était retrouvée aux côtés de Roger Davies. Les deux étaient si raides qu'ils semblaient s'être pris un maléfice du saucisson. Mon regard descendit vers les premiers rangs et tomba sur la nuque de Miles, penché sur son parchemin avec une concentration évasive. Mes joues s'empourprèrent légèrement et je détournai le regard. Emily avait raison : je ne pouvais pas avoir de certitude absolue. J'avais fait le premier pas en l'embrassant dans la cuisine. Je ne pouvais pas faire machine arrière. Et plus que tout, je n'avais pas envie de faire machine arrière. J'avais envie d'aller voir ce qu'il y avait au delà de ce baiser. Tant pis si, avec cette décision, je décevais le garçon qui était assis à mes côtés.

-Je demande comment Roger et Emily se sont retrouvés l'un à côté de l'autre, commentai-je pour éloigner mes pensées de Miles.

-La patte du destin. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre eux cet été, mais Emily en est encore furieuse. Je pense que ça va au delà de l'histoire qui ne s'est pas faite parce que Roger est trop volage.

-Je suis d'accord. Mais va arracher cette information à Emily.

-A part Doloris, c'est impossible.

-Doloris ? Ce sera ça ta prochaine épreuve ?

Henry, le garçon de Serdaigle, s'était retourné avec avidité sur Cédric. Octavia rougit en observant que le champion était juste derrière elle et baissa honteusement le nez, regrettant sans doute toutes les spéculations qu'elle avait émise plus tôt sur les épreuves. Cédric perdit son sourire et fixa froidement Henry.

-Bien sûr que non.

-Mêle-toi de ce qui te regarde, lançai-je sèchement.

-Le Tournoi ça nous regarde tous, répliqua Henry avant de s'adresser à Cédric. Alors Diggory ? Tu vas le gagner ?

-Arrête, marmonna Octavia en tirant sa manche. Flitwick nous regarde.

C'était vrai, mais on ne pouvait pas dire que c'était un regard particulièrement menaçant. Cela dit ça eut pour mérite de faire baisser les yeux de Henry, et il nous tourna enfin le dos. La sonnerie retentit un instant plus tard et Cédric se dépêcha de ranger ses affaires. Je dressai un sourcil face à sa précipitation qui renversa ses rouleaux de parchemin à terre.

-Tu as rendez-vous avec Cho ? proposai-je alors qu'il ramassait ses affaires, les joues cramoisies.

-Oui, avoua-t-il avec un sourire confus. On va aller ... J'en sais rien. Loin. Dans une bulle où personne ne parle de la troisième tâche ...

-On est qu'à la rentrée, Cédric ...

-Justement. Ce n'est que la rentrée, et au moins dix personnes sont venues me voir en me demandant ce que j'avais prévu, si j'avais l'intention de gagner – Erwin m'a même proposé de casser une jambe à Potter ! Un jour, et je suis déjà acculé alors ...

-Tu as besoin de souffler, achevai-je en chargeant mon sac. Je comprends parfaitement. Alors ... Bonne escapade romantique.

Cédric m'adressa un nouveau sourire crispé, mais je sentis son regard glisser sur les premiers rangs, où Miles écoutait poliment l'une de ses camarades déblatérer vivement avec de grands gestes.

-Et toi ? s'enquit-t-il du bout des lèvres. Tu comptes faire quoi jusqu'au dîner ?

-Réviser, sans doute, répondis-je en haussant les épaules. Emily a dit qu'elle m'aiderait pour la métamorphose ...

Je fus satisfaite de constater que mes joues avaient gardé leur couleur naturelle et que ma voix n'avait rien laissé paraître. C'était en effet mon programme prévu, mais durant le cours, j'avais eu le cœur battant, et mon regard avait eu du mal à rester fixer sur mon parchemin, vagabondant régulièrement contre mon gré sur les premiers rangs ... Peut-être que je changerais mes plans. Mes yeux glissèrent à nouveau inconsciemment, mais je le forçais à le fixer sur Cédric. Il fronçait les sourcils, comme s'il devinait mes intentions et planta son regard dans le mien.

-Vic' ... Sérieusement, tu comptes faire quoi ?

Je m'efforçais d'avoir un sourire rassurant, le cœur battant parce que je vais de voir Miles se lever du coin de l'œil. Je trémoussai sur place, ne sachant que répondre sans qu'il ne me désapprouve quand Emily vint me sauver en remontant vers nous :

-Cédric qu'est-ce que tu fais encore là ? Cho t'attend devant la salle !

Cédric et moi tournâmes la tête au même instant et effectivement Cho se tenait dans l'embrassure de la porte, glissant un coup d'œil à l'intérieur de la pièce pour savoir où en était Cédric. Celui-ci m'adressa une derrière œillade suspicieuse avant de prendre son sac et de sortir rejoindre sa petite-amie. Je déglutis violemment.

-J'ai changé d'avis. Il va me haïr.

-Ne dis pas de connerie, répliqua Emily en me donnant un coup de coude. Cédric s'adaptera, comme on s'est adopté à Cho, ou à la relation entre Simon et Octavia. Par les chaussettes de Merlin, Vic' ! Si j'ai pu accepter que Simon sorte avec Octavia, Cédric n'aura rien à dire sur le fait que tu sortes avec Miles.

-C'est bien vrai, commenta Simon, qui venait de remonter vers nous avec un sourire goguenard.

Roger Davies quant à lui prenait tout le temps de ranger ses affaires et je soupçonnais Emily de s'être enfuie dès les premiers tintements de sonnerie. Simon arriva à notre hauteur et me tapota la tête avec condescendance.

-Allez bon courage minus. On débattra ce soir de qui dit quoi à qui. Je me réserve Alexandre à défaut d'avoir ton père.

-Rêve toujours, rétorquai-je en me dégageant. Et minus toi-même.

-Et n'oublie pas, pas de prise de tête ! me rappela Emily en me serrant brièvement la main. Tu me raconteras ce soir !

-Nousraconteras !

Emily jeta un regard torve à Simon et l'emmena à l'extérieur avec un gros soupir sous mon regard amusé. J'achevai de ranger mes affaires avec lenteur, les entrailles et la gorge nouée à mesure que la pièce se vidait. Puis une ombre vint obscurcir mon champ de vision et une voix moqueuse entonna au dessus de moi :

-Tu m'attends, Vic' ?

Je levai les yeux, un sourire coupable aux lèvres. Miles s'était appuyé contre ma table, son sac à dos négligemment jeté sur son épaule, les bras croisés sur sa poitrine. Je secouai ma plume devant son nez.

-En réalité comme tu le vois, je suis en train de ranger mes affaires.

-Tu en mets un, de temps. Dépêche-toi, la classe de ma sœur attend.

Je jetai un coup d'œil à la porte pour effectivement voir des deuxièmes années s'agglutiner devant l'embrassure. Felicity, la jeune sœur de Miles aux cheveux bruns et aux jolis yeux bleus, adressa un signe de main à son frère avec un grand sourire. Je me dépêchais d'achever de ranger mes affaires pour suivre Miles hors de la salle. Felicity sautilla devant lui, ses cheveux bondissant sur ses épaules.

-Tu as appris quoi ? Tu pourras me montrer après ?

-Si tu es sage, répliqua-t-il en tirant l'une de ses mèches, lui arrachant une grimace. Je t'ai déjà présenté Victoria ?

Les yeux bleus de Felicity me dévisagèrent avec une certaine malice. Elle enroula sa cravate verte et argent autour de son poignet.

-Pas besoin, je t'ai vu un million de fois avec. Mais ravie que tu officialises la chose ! (Ses camarades commencèrent à s'engouffrer dans la salle et elle nous salua d'un geste de la main). A ce soir !

La porte se referma sur elle et le silence s'abattit sur le couloir, nous laissant seul Miles et moi. Je frottai discrètement mes joues pour en sonder la couleur : la rencontre fortuite avec Felicity n'avait fait qu'augmenter la pression. Ravie que tu officialises la chose ... Miles désigna la porte de la salle d'un mouvement de la main.

-Ma sœur.

-Enchantée. Elle a l'air adorable.

-Ça va, la petite est pire. Pendant toutes les vacances elle a essayé de s'introduire dans ma chambre et de voler mon balai. Ça a fini par arriver, elle a voulu l'essayer et on a tous fini à Saint-Mangouste.

-C'est l'hôpital des sorciers, ça ?

Miles confirma d'un hochement de tête. Nous commençâmes à faire quelques pas dans les couloirs, d'abord silencieusement, jusqu'à que je lui demande comment s'étaient passées ses vacances. Il avait apparemment travaillé la métamorphose d'arrache pied avec Felicity, car la matière était sa bête noire, tout fait pour éviter son autre sœur Cora, et passait la majorité des vacances dans sa chambre pour minimiser le contact avec ses parents. Je fronçais les sourcils.

-Si tu ne voulais pas voir tes parents, tu pouvais rester à Poudlard ...

-Cora voulait que je revienne, et Felicity ne voulait pas que je la laisse y aller seule, répondit-t-il en haussant les épaules. Et puis je voulais en profiter pour revoir mon grand-père.

-Celui qui élève des chouettes ?

-Il est à la retraite, maintenant, mais oui. Et toi, les vacances ?

-Quidditch, balle aux prisonniers, révisions ... Du grand classique.

-Et des nouvelles concernant la troisième tâche ?

Je secouai la tête, mes lèvres se pliant en une moue réprobatrice. Les vacances et l'absence du Tournoi me manquaient de plus en plus, mais je gageais qu'elles manquaient d'avantage à Cédric. Miles finit par s'arrêter devant les arcades qui bordaient le parc et s'adossa à l'un des piliers de pierre, un sourire aux lèvres. Mais le sourire se crispait face au silence, et je me rendis compte en cherchant à le combler que je n'avais pas d'autres sujets badins à épuiser. Et pire encore, que je n'en avais pas la moindre envie. Chaque mot vide de sens ne faisait qu'augmenter mon stresse et la boule de nervosité qui grossissait au creux de mon ventre. Ce fut sans doute elle qui me poussa à lâcher du bout des lèvres.

-Et donc ... entre deux devoirs de métamorphose ... Tu as pu réfléchir pendant les vacances ?

Je maudis mes joues d'ainsi s'enflammer, mais ma gêne fut atténuée par le fait que celles de Miles suivaient le même mouvement, si bien qu'il se frotta la peau comme si cela pouvait faire disparaître la couleur écarlate. Le geste fut attendrissant et m'arracha un sourire.

-C'est ça, moque-toi, maugréa Miles quand son regard effleura mon sourire. Mais je te rappelle que de nous deux, c'était toi qui avais à réfléchir. Mes sentiments envers toi ont toujours été parfaitement clairs.

-Sauf dans la cuisine. Dans la cuisine, c'est moi qui étais claire. Toi, tu as fait le mort.

C'était si direct que je laissai moi-même échapper un rire nerveux. La consternation emplit les iris de Miles, puis un sourire amusé ourla ses lèvres, et il passa une main gênée dans ses cheveux.

-D'accord. Tu as raison, j'ai fait le mort. Mais ... je te l'ai dit, Vic', j'étais tellement surpris, je ne m'y attendais tellement pas ... tu m'as tellement bassiné que tu n'avais pas de sentiments pour moi que j'avais fini par m'en convaincre. Alors j'ai réprimé ce que je ressentais pour toi et alors que le processus était en cours, tu changes d'avis et tu m'embrasses. C'était déstabilisant, je n'ai pas su comment réagir alors ... je n'ai pas réagi.

-Oui enfin, je te préviens avant de t'embrasser, fis-je remarquer en levant les yeux au ciel. Il y a eu quelques secondes de latence.

Je me rappelai parfaitement de la lenteur avec laquelle on s'était rapproché, après que j'aie avoué à mi-mots avoir possiblement des sentiments pour lui. Ces quelques secondes ne lui avaient-elles pas donner un indice sur la teneur du moment ? N'avait-il pas eu le temps de prévoir une réaction, n'importe laquelle ? Ou avais-je mal fait les choses au point que ce soit trop troublant ? Miles eut l'air d'autant plus embarrassé et se dandina d'un pied à l'autre.

-Vic', j'ai parfaitement conscience d'avoir été d'une nullité incroyable, dans la cuisine. Pas la peine de retourner le couteau dans la plaie. J'ai parfaitement compris que j'avais gâché ce moment.

Mes yeux s'écarquillèrent sans que je ne le contrôle. Lui, gâcher ce moment ? Ça n'avait pas été moi, avec mon indécision et mon inexpérience ? J'ouvris la bouche, prête à le détromper, mais Miles embraya avant que la moindre mot ne puisse franchir mes lèvres, agitant les mains et s'animant, comme si cet aveu lui avait donné le courage d'aller plus loin :

-Et j'en suis vraiment désolé, Victoria ! Je m'en suis voulu, dès que j'ai passé la porte de la cuisine je me suis rendu compte que j'avais foiré, avait été un imbécile sur toute la ligne ! Je n'ai pas réagi, je t'ai perdu pour après m'enfuir comme un lâche et te laisser seule quand les Weasley sont arrivés !

-Miles, ce n'est pas ...

-J'aurais dû rester. J'aurais dû t'embrasser, Victoria, ne pas gâcher ça. Par les chaussettes de Merlin, j'aurais ... En fait, je ne suis pas sûr de savoir ce que j'aurais dû faire. Mais clairement, pas ce que j'ai fait ...

-Miles ...

-On est vraiment obligé de reparler de ça ? finit-il par lâcher en me regardant à travers ses cils, d'un air presque timide.

J'étais tellement abasourdie que je clignai stupidement des paupières, le cœur cognant contre ma cage thoracique si fort que je n'entendais maintenant plus que ça. Miles avait l'air sincèrement contrit, les joues écarlates et le regard rivé au sol. Ses mains étaient profondément enfouies dans ses poches et son talon heurtait sans cesse le parapet derrière lui, allant avec sa nervosité apparente. Il me jeta un regard furtif, et remarquant que je le fixai toujours sans rien dire baissa à nouveau les yeux. Les coups sur le parapet se firent plus pressants.

-Arrête de me fixer comme ça, marmonna-t-il, enfonçant d'avantage ses mains dans ses poches. Ça devient gênant.

-Désolée. C'est simplement, que ...

Ma phrase suspendue ramena son regard sur moi, et mon cœur manqua un battement. Soudainement les mots que je m'apprêtais à prononcer s'étouffèrent dans ma gorge. Miles dressa un sourcil, m'incitant silencieusement à poursuivre et je déglutis pour lâcher :

-Je pensais que ... c'était moi qui avais gâché le moment. Que je t'avais tellement repoussé que tes sentiments avaient changé. Et dans le cuisine j'avais cette impression de ... comment dire ... (mes joues s'embrasèrent autant que celles de Miles, et je fus sur le point de me ventiler de ma main) je ne sais pas, mal faire les choses ?

-Mal faire les choses ?

Ce n'était pas humainement possible de rougir si fort. Même dans les dessins animés les visages ne devaient pas être si écarlates. Je sentais avec une grande fébrilité la chaleur émanait de ma peau, et je rassemblais fiévreusement mes cheveux en une courte queue-de-cheval. A mon tour, je fuyais le regard de Miles, mais je sentais le sien sur moi sans arriver à en capter l'expression. Puis une fois que ma queue fut terminée et que ma température corporelle fut un tantinet baissé, un son retentit dans le couloir, incongru et déboussolant. La flambée reprit de plus belle quand je me rendis compte que Miles venait d'éclater de rire, si fort que ses éclats se répercutaient sur les antiques pierres du château et bourdonnaient à mes oreilles. Il avait sorti une main de sa poche pour la plaquer contre sa bouche, comme si cela pouvait contenir son hilarité soudaine. Alors je vis ses épaules se détendre, les mains sortir des poches. Le talon cessa de marteler le parapet et à mesure que son rire emplissait l'espace la tension s'échappait de son corps. Et ce fut communicatif malgré moi : je me mis à pouffer également, de façon si incontrôlable que je dus m'adosser à côté de lui au portique, les épaules secouées. Quelques minutes plus tard nous étions assis à terre dans le couloir, haletants, épaule contre épaule à nous remettre de notre fou rire qui, je devais l'avouer, nous avait été bénéfique. Miles avait ramené un genou plié et posé son bras dessus, bien plus détendu qu'il ne l'avait jamais été depuis le début de notre discussion. J'étais presque persuadée que mes joues avaient repris leur couleur naturelle, ne subsistant de mon embarras et de mon hilarité qu'une couleur rosé.

-Ah Seigneur, soupirai-je, un sourire insensé aux lèvres. On est vraiment des crétins.

-C'est un bon résumé.

Le sourire que je sentais dans la voix de Miles me rassura, et quand je tournais le visage vers lui pour l'apercevoir, il s'étirait d'une oreille à l'autre, tout aussi insensé que le mien. Il dût sentir mon regard sur lui car il tourna la tête pour planter ses yeux dans les miens. Nous étions si proches que nos nez se touchaient presque et se frôlèrent même quand il inclina légèrement son visage. L'espace qui nous séparait était si court que je ne savais où poser les yeux, et je me rendis compte inconsciemment que mon regard s'attardait très souvent sur ses lèvres. Des lèvres sur lesquelles s'étirèrent un léger sourire.

-Alors je te propose ... qu'on arrête d'être des crétins ?

Je déglutis violemment, pour faire passer la boule chauffée à blanc qui s'était formée dans la gorge lorsque le regard de Miles avait accroché le mien. J'ouvris la bouche, et me retrouvai incapable de prononcer le moindre mot, rendue muette par la teneure du moment. Pour ne pas perdre la face, je hochai doucement la tête, et par là même rapprochant mon visage du sien. Nos fronts entrèrent en contact, et à partir de là, tout sembla facile. Miles n'eut qu'à franchir la faible distance qui séparait ses lèvres des miennes, et cette fois ce fut parfait. C'était doux, prudent, tout empreint d'une certaine tendresse. Ma main se perdit avec hésitation sur sa joue, tremblante et Miles l'attrapa pour enserrer mes doigts contre son visage, approfondissant notre baiser. Il caressa doucement mes cheveux avant que je ne m'écarte lentement, sans réellement m'éloigner. Mes doigts continuèrent de frôler sa peau avec indécision, comme s'ils n'arrivaient pas à y croire. Pourtant la chaleur sous ma peau était bien réelle, comme le doux sourire de Miles lorsqu'il écarta une mèche rebelle de mon visage pour la ramener derrière mon oreille.

-Si j'avais su qu'il fallait simplement te laisser partir pour que tu acceptes, j'aurais arrêté de harceler dès le début, plaisanta-t-il avec un petit rire tremblotant.

-Quel crétin tu fais, vraiment.

-Mais ... un crétin qui devient ton petit-ami ?

Cette fois le rire qui franchit mes lèvres fut plus franc, et je m'écartais pour passer une main dans mes cheveux. Les doigts de Miles virent frôler les miens, comme pour insister sur sa question. Je réfléchis un fraction de seconde avant de prendre sa main dans la mienne, comme une réponse, et de le gratifiai d'un sourire timide.

-J'en ai bien l'impression.

-Par Merlin pincez-moi ! lâcha-t-il en levant les yeux au ciel, un sourire extatique aux lèvres. Au bout d'un an et demi je sors enfin avec Victoria Bennett !

-Et quoi, tu veux une médaille ?

-Ça mériterait, non ?

Je secouai la tête en m'esclaffant doucement, serrant mécaniquement ses doigts des miens.

-Non. Les médailles on réserve ça pour le Quidditch quand je t'aurais battu à plate couture.

-En même temps avec l'Attrapeur qu'on a ... Ce n'est pas une gloire.

-Fallait pas accepter le Nimbus 2001.

Miles me jeta un regard circonspect, mais un sourire de ma part suffit à l'adoucir, et il caressa doucement le dos de ma main de son pouce. Un frisson remonta mon bras, et je poussai le vice à me laisser aller contre lui, et à appuyer ma joue contre son épaule. J'exhalai un léger soupir dans lequel les restes de pressions et de gênes s'échappèrent pour ne laisser que la plénitude. Mon premier baiser avait été arraché, mon second raté, mais la troisième fois avait été la bonne, si je pouvais dire. Non, décidemment, ce n'était pas si terrible.

Rester à en informer Cédric.

Et Simon.

Et Emily.

Un gémissement s'échappa de mes lèvres quand je me rendis compte que le plus dur restait à faire. Car dans ma liste j'avais également oublié Alexandre, ce grand frère que j'aimais de tout mon cœur mais dont je n'avais aucune idée de la réaction qu'il pourrait avoir face à la nouvelle relation de sa petite sœur à l'égard de laquelle il était si protecteur. Miles me jeta un regard surpris.

-Qu'est-ce qu'il se passe ?

-Tu crois que ce serait possible qu'on reste genre ... dans une bulle ? Où il n'y aurait que nous deux et personne pour commenter ... ça ?

Je désignai du menton nos mains entrelacées et un nouveau sourire frôla les lèvres de Miles. Mais cette fois, il était nettement plus dépité.

-Oh crois-moi, Vic', j'aimerais bien.

Mon cœur dévala ma poitrine et je jetai un regard désappointé à Miles. Il ne me regardait pas, mais fixait nos doigts noués sans se départir de son sourire étrange.

-Tu crois ... que Selwyn pourrait dire quelque chose ?

-Selwyn, Montague, Warrington, Flint, énuméra-t-il avec un haussement d'épaule. On ne peut pas dire que tu sois particulièrement appréciée chez les Serpentards. Alors oui, je m'attends à des remarques, des moqueries, mais je commence à m'y être habitué.

-Miles ...

-Vic', je m'en moque totalement. Franchement, tu comptes plus que tout ce qu'ils pourraient dire.

Là dessus il se pencha à nouveau sur moi et effleura mes lèvres d'un baiser qui se voulait tendre et rassurant, mais qui ne parvint pas à effacer totalement la culpabilité qui s'était mise en enfler en moi. Les secondes et la chaleur des lèvres de Miles sur les miennes finirent par l'apaiser et je fermais les paupières pour profiter pleinement du baiser. Et ses propos m'avaient rassurée, et surtout touchée. « Tu comptes plus que tout ce qu'ils pourraient dire ». Je n'étais pas sûre que c'était une phrase que Miles aurait pu prononcé il y avait quelques semaines, lui qui espérait si ardemment une bonne entrée au Ministère qu'il avait trouvé que c'était une bonne idée de se rapprocher d'Ulysse Selwyn. Mais à présent c'était fini. A présent il était là, et il m'embrassait. Et il y avait quelques semaines, je n'aurais jamais songé que cela me rendrait si heureuse.

Enfin, cela me rendait heureuse. Jusqu'à que j'ouvre un œil, enivrée par un baiser qui s'était plus attardé que le précédant, et que je croise un œil vert à peine caché derrière un angle du couloir. Je grognai tout contre les lèvres de Miles avant de m'écarter pour pester :

-Je vais le tuer.

Miles dressa un sourcil surpris.

-Selwyn ? Je sais que ce n'est pas le grand amour entre vous mais je ne suis pas sûr que ça réglerait ...

-Pas Selwyn. Pas encore.

Je jetai un coup d'œil au fond du couloir et cette fois j'aperçu distinctement un mouvement de repli derrière le mur. Etrangement, j'enrageai autant que cela m'amusait presque. J'adressai un sourire crispé à Miles.

-Désolée, cette fois c'est moi qui vais devoir partir comme une voleuse. J'ai ... quelque chose à régler ?

-Quelque chose ? répéta-t-il avec suspicion, se tordant le cou pour fixer la direction dans laquelle je regardais. Ou quelqu'un ?

-Quelqu'un que je peux gérer. Peut-être la plus facile. Ça te dérange si ... ?

-Non, vas-y. De toute façon ... On se revoit bientôt ?

J'eus un sourire attendri et pris mon courage à deux main pour me pencher vers lui et l'embrasser doucement avant de murmurer un « très bientôt ». Puis je me dressai sur mes pieds, rompant tout lien physique entre Miles et moi et mettant définitivement un terme à ce doux moment. Je repris mon sac de cours abandonné sur le mur opposé et après un dernier signe de la main je m'éloignai dans le couloir, un sourire que je savais incroyablement niais aux lèvres. Je venais de tordre ma bouche pour le faire disparaître quand Miles m'interpella. Je fis volte-face pour le voir se redresser à son tour, souriant de façon crispée.

-Finalement, je ne la trouve pas si idiote cette histoire de bulle. Alors peut-être que dans un premier temps ... on pourrait s'en contenter, non ? Juste ... le temps de trouver nos marques.

Ma bouche se tordit en une grimace dubitative. Emily me sauterait dessus dès que j'aurais posé un pied dans la salle Commune et Cédric soupçonnait quelque chose. L'idée d'une bulle où nous ne serions que deux à partager le secret de notre nouvelle relation me paraissait bien illusoire. Et la proposition m'étonnait beaucoup, compte tenu du zèle peu discret dont Miles avait fait état pour sortir avec moi.

-Une bulle légèrement élargie serait envisageable, pondérai-je alors d'un ton prudent. Mais ...

-Je m'en contenterais, sourit Miles. Merci, Vic'.

Le « de rien » resta bloqué dans ma gorge alors je me contentai d'un hochement de tête avant de raser le mur du couloir. J'entendis les pas de Miles s'éloigner dans la direction opposée, le cœur battant à tout rompre dans ma poitrine. En un geste inconscient je portais ma main à mes lèvres, comme pour garder la chaleur de notre dernier baiser, m'assurer que ce qui venait de se passer était bien réel, et pas un songe dont je me rappellerais à peine une fois réveillée. Peut-être aurais-je dû prolonger ce moment pour m'assurer de cela ...

-Ah Bones, lâchai-je en tournant enfin au détour du couloir. T'as vraiment un don pour tout gâcher.

Mais je fronçai les sourcils en arrivant face au corridor. Vide. Complétement vide. J'avais beau le fouiller du regard, je n'y voyais que des murs de pierre, une vieille armure dans une alcôve et de vieux portraits de sorciers qui me fixaient avec consternation. Pourtant je n'avais pas rêvé ... J'aurais reconnu le vert des yeux de Simon entre mille ...

-Par Merlin, Bones, où tu te caches ?

-Si vous parlez du garçon blond, il est parti il y a quelques secondes.

Je sursautai devant cette voix désincarnée qui semblait venue de nul part, la main sur le cœur. Puis je perçus un mouvement frénétique sur ma gauche et découvrit une sorcière peinte dans de lourd habits médiévaux me faire de grands signe de la main depuis son cadre pour attirer mon attention. Rassurée je me rapprochai d'elle, et elle fronça son nez pointu.

-Franchement ma fille, vous ferez mieux de faire quelques efforts de présentations. Vous n'arriverez pas à garder votre conquête en restant coiffée de la sorte.

-Pardon ?

Mécaniquement, j'effleurai ma queue de cheval dont la moitié de mèche trop courte s'échappait et qui en était presque défaite et me retournai. Effectivement depuis son cadre la sorcière avait une vue parfaite sur l'angle et les deux couloirs. Je m'empourprai, mais cette fois de rage. Par Merlin, ne pouvait-on avoir aucune intimité à Poudlard ? Même quand vous vous pensez à l'abri des regards, des yeux peints vous suivaient partout. C'était agaçant. La sorcière eut un reniflement méprisant.

-Un joli garçon, je n'en disconviens pas. Tout de même, vous auriez pu avoir plus de tenue ...

-Ce couloir était désert.

-J'étais là, moi.

-Et moi aussi ! ajouta le portrait d'un vieux maître devant son chaudron. Enfin, dans le cadre d'Imelda, on avait une belle vue ...

-Oui bon j'ai compris, râlai-je, mes joues rougissantes de plus belle. Vous avez vu Simon ?

Imelda hocha gravement la tête et un sourire sinistre releva la commissure de ses lèvres.

-Simon je ne sais pas si tel est son nom, mais clairement nous n'étions pas seuls à vous observer. Comme je vous l'ai indiqué, il est parti quelques secondes avant votre arrivée.

-Je vais le tuer. Le tuer, brûler son corps à l'acide, et enterrer les restes dans la Forêt Interdite.

Je ne m'attardai pas sur le regard proprement choqué de la sorcière et pris congé des portraits sans même un merci.

-La prochaine fois pensez au moins à vous coiffer ! me jeta tout de même Imelda avant que je ne tourne au détour d'un couloir.

Ma coiffure, c'était bien le cadet de mes soucis. Ma discussion avec ces stupides peintures avaient refroidi mon enthousiasme et maintenant que les minutes s'écoulaient, le moment qui sur le coup m'avait paru si réel devenait soudain aussi brumeux qu'un songe. J'aurais dû rester avec Miles, plutôt que de courir après ce fantôme qu'avait décidé de devenir Simon Bones ... Je gémis seule dans le couloir avec désespoir en songeant qu'il avait sans doute assisté à toute la scène et devait sans doute allègrement en conter chaque détail à une Emily trépignante et à un Cédric réprobateur.

Bien. Que la tempête tombe ... De toute manière à peine ma belle bulle avait été crée que les vent l'avait faite voler en éclat. 

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