I - Chapitre 14 : Le jour d'après


Bonjour bonjour ! 

Encore exceptionnellement je poste le mardi, et encore plus exceptionnellement je poste une seconde semaine de suite pour des raisons logistiques - mais je ne suis pas sûre que ce soit pour vous déplaire ! Après je reprendrais un mercredi sur deux ! 

Bonne lecture ! 


Chapitre 14 : Le jour d'après.

-Je vais aller voir les profs.

-Non, tu n'iras pas !

-Ça fait trop de choses là, Vic', il faut arrêter de fermer les yeux.

Simon et moi traversions le pont qui enjambait la vallée et un bras du lac Noir, entre le château et le flanc opposé de la montagne. Il m'avait trouvé sur le bord du Lac, discutant avec Miles et m'avait presque kidnappé, m'attrapant par le col pour m'emmener au loin. C'était la veille de la rentrée et le soleil se couchait sur nos vacances comme sur le Lac Noir. Je m'accoudai à la rambarde en poussant un profond soupir.

-Les deux messages, la blessure de Miles au bal, compta Simon, les sourcils froncés. Et cette histoire de notes de métamorphoses ? Sérieusement ?

-Je n'y crois pas non plus, avouai-je pour y avoir mûrement réfléchi.

Je passai une main troublée dans mes cheveux qui avaient retrouvé leur forme initiale au premier shampoing. J'admettais avoir retrouvé ma masse de boucle avec un véritable plaisir, ainsi que mon uniforme et mes bonne vieilles chaussures plates. Pour ma plus grande surprise, j'étais restée jusque minuit au bal, et tel Cendrillon, j'étais rentrée dans ma Salle Commune pour me dévêtir de mes apparats et retrouver ma réelle vie. Cédric et Emily avaient tardé à rentrer, et je n'avais eu aucune envie de parler à Simon, alors je m'étais mise en pyjama et avait attendu Emily, le regard fixé sur ma tenture à me repasser mes images du bal dans ma tête. J'avais dansé plusieurs fois avec Miles, m'améliorant à chaque pas, discutant avec Susan, avec Kamila, et même surpris Roger Davis embrassant Fleur Delacour dans le parc. Mais malgré tout, les images de la manche de Miles imbibée de sang n'avaient pas quitté mon esprit et m'avait gardé alerte. J'en étais arrivée à la même conclusion de Simon : Miles avait menti sur la raison des griefs de Selwyn.

-C'est parce qu'il venu au bal avec une « Sang-de-Bourbe » ... Aïe !

Simon venait de me frapper sèchement à l'arrière de la tête, me foudroyant du regard.

-N'utilise jamais ce mot pour te désigner, me rabroua-t-il avec humeur. C'est déjà assez compliquer de prohiber cette insulte de la bouche des Sangs-Pur, alors si vous vous y mettez aussi ...

-D'accord, d'accord ... il n'empêche que c'est ça, la raison.

« Ulysse n'aime pas qu'on lui dise non ». Connaissant Selwyn, je n'en doutais pas un seul instant. Le Serpentard était né avec une cuillère d'argent dans la bouche – et sertie de pierre précieuse, la cuillère. De ce que je savais, la famille Selwyn était l'une des plus riches de la Communauté Magique – et donc l'une des plus influentes. Simon pencha doucement sa tête sur le côté.

-Possible. Il n'empêche que je trouve cette histoire très louche. Il y a trop de liens qui sont tissés entre toi et Selwyn depuis ce début d'année. Les menaces sur le cinq novembre, et maintenant qu'il blesse le gars qui t'accompagne au bal ... Franchement, donne-moi une seule raison de ne pas en parler à Chourave.

-Je vais me faire renvoyer ?

-Sauf celle-là !

-Mais c'est déjà une raison parfaitement suffisante ! répliquai-je vertement en m'éloignant de la rambarde.

Simon s'y adossa les bras croisés sur la poitrine, me dévisageant la mine contrariée. Derrière lui, les montages des Highlands se découpaient derrière un épais rideau de flocons, les cimes enneigées des arbres donnant à celle-ci un aspect immaculé. L'hiver battait son plein en Ecosse, et seuls les élèves de Durmstrang en paraissait ravis : ils passaient une grande partie de leur temps dehors quand les autres se dépêchaient de trouver la quiétude chaleureuse du château.

-On ne va pas débattre à nouveau là-dessus, je suis presque persuadé qu'ils ne vont pas te renvoyer mais passons. Je peux comprendre. Mais enfin, s'il arrive quelque chose ...

Je rentrai la tête dans les épaules, incertaine. Effectivement, après ce que je venais de voir au bal, il pouvait s'en passer des choses. Et Miles qui dormait dans la même pièce qu'Ulysse Selwyn ... J'avouai ne pas être particulièrement rassurée. J'avais tenté d'en discuter à nouveau avec lui, mais il s'était fendu d'un sourire apaisant et m'avait assuré que rien ne s'était passé depuis le bal. Je n'avais aucune raison de mettre sa parole en doute mais une petite voix en moi me murmurait sans cesse de rester en alerte. Je me pris la tête entre les mains avec un grognement de frustration.

-Calme-toi, m'admonesta Simon.

-Facile à dire pour toi ...

-Je t'assure, c'est loin d'être facile.

-Si ça se trouve, c'est rien, tentai-je de me convaincre, bien que la voix me soufflait le contraire.

-Le sang sur la manche de Bletchley, c'est vraiment rien.

Je grognai à nouveau et me laissai aller contre l'autre parapet, tiraillée. Bien sûr que ce n'était pas rien, et que c'était inquiétant. Bien sûr que je ne croyais pas l'excuse de Miles, et que ce mensonge m'angoissait quant à la véritable raison de cette attaque. Et peut-être étais-je d'avantage angoissée du fait que cela concernait Miles. Je sentis mes joues s'enflammer. Ce bal m'avait appris une chose, à travers la danse et la peur, c'était que je tenais bien plus à Miles que je n'avais bien voulu me l'avouer. Puis le visage couvert de cicatrice de Nestor Selwyn se superposa à celui de mon ami et une autre forme de peur s'insinua dans mes veines. Une bouffée d'angoisse me fit suffoquer.

-OK, d'accord on arrête ! céda finalement Simon, remarquant sûrement que j'étais au bord de la crise de nerf. Je ne veux pas qu'Alexandre me tombe dessus parce que tu t'es évanouie au bord d'un pont et que tu as fait une chute vertigineuse. On prend le temps d'y réfléchir et je n'irais pas voir les profs dans ton dos ... Mais Vicky, réfléchis-y, s'il te plait. Parce qu'un jour, il arrivera quelque chose, soit à toi, soit à Miles et là crois-moi tu regretteras de ne pas avoir risqué le renvoi.

Il marqua une pause, avant de froncer les sourcils.

-Est-ce que ... tu as confiance en Miles, maintenant ?

-Je crois, répondis-je prudemment.

Il n'avait fait aucune allusion à ses sentiments pendant le bal, et la façon dont Selwyn l'avait agressé montrait bien qu'ils n'étaient plus en bon terme. Et malgré ce que ça signifiait, je voulais bien admettre que c'était de bons signaux me concernant.

-Alors est-ce qu'il est envisageable que tu lui parles du cinq novembre et des messages ?

-Non, refusai-je de but en blanc.

-Laisse-moi finir ! Si tu lui parles des messages et qu'il pense comme moi que tu es en danger, peut-être qu'il te dira ce qui vraiment poussé Selwyn à l'agresser. Et là, peut-être qu'on y verra plus clair et qu'on pourra prendre une décision. C'est peut-être à cause du simple fait que tu est née-moldue(il appuya ce mot, comme pour me faire comprendre qu'il était hors de question que l'autre ne frôle à nouveau ses oreilles) sans que ça n'est de rapport avec ce qui s'est passé le cinq novembre ... Ou une autre raison qui nous échapperait, mais bref.

La proposition de Simon n'était pas dépourvue de sens et je me détendis pour y réfléchir. Peut-être que j'avais plus confiance en Miles qu'avant, mais au point de lui confier un tel secret ... ? J'avais toujours quelques doutes sur ce qu'il était capable de sacrifier à son ambition – même si celle-ci s'éloignait de Selwyn. Je n'avais hésité à en parler à Simon à l'époque parce que j'étais jeune et qu'il était mon seul « terrain connu », et que malgré tous ses défauts, je le savais être d'une véritable loyauté – envers Alexandre à défaut de moi.

-Je vais voir, concédai-je au plus grand soulagement de Simon. Je vais voir comment ça évolue, si c'est dans la lignée du bal.

-Qui du coup, n'était pas si terrible que ça ?

Je fus presque soulagée de voir le sourire de Simon prendre une teinte moqueuse. J'étais ravie de pouvoir éloigner le sujet de la dangerosité du moment, avant de me rendre compte que la conversation qui s'amorçait était bien plus glissante.

-Je ne répondrais pas à cette question.

-La coiffure était moche, mais la danse moins pire que ce à quoi je m'attendais – et vu comment tu souriais je suis sûr que tu appréciais. La danse ou Miles, je ne suis encore sûr de rien. Mais je reste déçu : tu n'as bu assez pour chanter des chansons moldues sur les tables ...

-Amen, soupirai-je, ne pouvant empêcher un sourire s'effleurer mes lèvres. Et une rumeur m'est parvenue comme quoi tu as refusé d'aller au bal avec Octavia McLairds ...

Simon fronça son nez pointu, mais lâcha malgré tout :

-Vrai. Je l'ai quitté juste avant l'annonce du bal et elle a pris peur. Il lui fallait absolument un cavalier ...

-Mais quelle pimbêche ...

-Pas tant que ça, la défendit étonnement Simon, très calme. Octavia fait parti d'une famille de sorcier qui a été un temps puissante, jusqu'à avoir quelqu'un Ministre de la Magie. Un gars très excentrique qui refusait de communiquer normalement et ça a fini par le faire évincer. Après ça, ça a été la chute pour la famille McLairds ... Ses grands-parents et ses parents tentent de redorer leur blason et de rendre la gloire à leur famille, et ça passe par les ... alliances matrimoniales.

Des fiançailles arrangées, donc. Ce fut mon tour de froncer du nez pour signifier mon dégoût. Je n'arrivais toujours pas à croire que les grandes familles soient aussi arriérées pour ce qui concernait la société et la culture. Obliger deux êtres qui ne s'aimaient pas pour la gloire de la famille ... Et le pire dans tout cela, c'était que les deux êtres en question y consentaient. Ils étaient aussi conditionnés avec ce genre d'idée que les elfes de Maison avec leur définition de « liberté ».

-Et venant de la renommé famille Bones, tu étais sa cible ? compris-je

Le visage de Simon s'assombrit et il passa une main sur son visage.

-Je ne sais pas si on peut parler de « cible ». Au début, on est sorti ensemble parce qu'on s'appréciait vraiment. C'est une fois qu'elle m'a présenté à ses parents cet été que ça a changé : ce qui n'était qu'une amourette entre ados était devenu pour elle quelque chose de beaucoup plus sérieux. Je pense qu'une fois que ses parents ont compris qui j'étais – le fils de qui j'étais – ils se sont mis à presser Octavia de me garder à tout prix pour ...

-... qu'un jour vous vous mariez et que vous ayez beaucoup de bébés. Oh Seigneur, Simon Bones croisé à Octavia McLairds ... Regarde ! (Je fis exagérément tressauter ma main). J'en tremble !

Simon me donna un coup sec pour me faire baisser ladite main.

-Moque-toi. Mais réfléchis, qu'est-ce que tu ferais si tes parents te pousser comme ça vers une voie ? Ils n'ont pas dû être ravis d'apprendre que j'avais fini par quitter Octavia – j'en avais assez qu'elle soit obsédée par mon nom et qu'elle commence à faire des projets d'avenir dont je ne voulais pas. Mais ses parents ... ses parents vont tout lui mettre sur le dos, l'obliger soit à me reprendre, soit à avoir mieux. Alors, Vicky, qu'est-ce que tu ferais ?

-J'irais chercher mieux parce que honnêtement toi ... c'est pauvre.

Ses yeux s'écarquillèrent et il soupira d'un air agacé alors que le gratifiai d'un sourire sarcastique. Néanmoins, ces révélations sur Octavia McLairds me troublaient et donnaient une nouvelle épaisseur à la fille superficielle que je pensais connaître. En effet, j'ignorais comment je réagirais si mes parents régissaient ma vie au point de m'indiquer qui épouser, pour quelles raisons ... J'avais d'un prime abord songer que je refuserais et que je m'opposerais à eux, mais c'était parce que j'avais grandi dans une famille qui m'avait laissé faire mes choix. Qu'est-ce que cela aurait été si j'avais élevée chez les McLairds, rompue à me sacrifier au nom de la sainte famille ?

-C'est impossible d'avoir une conversation avec toi, se plaint Simon en s'arrachant à la rambarde. Et d'ailleurs pourquoi on parle de moi ? C'est moi qui ait lancé la conversation sur toi et Miles et ...

-J'ai tout détourné, me vantai-je avec un sourire malicieux. Admire et prends-en de la graine, Bones.

-Non mais je te jure, soupira-t-il, dépité. Allez viens, l'arnaqueuse, je commence à me les geler.

-Fragile.

-C'est bon, tu as fini ?

Je pouffai et le suivis le long du pont, non sans agrémenter notre chemin d'une dernière pique :

-Alors, comment tu as trouvé Kamila ?

***

Comme Cédric avait découvert rapidement les solutions à l'énigme de l'œuf, il était bien plus détendu que dans les semaines qui avaient précédées la première tâche. Et également en paix avec lui-même : le lendemain du bal, il m'avait avoué avec un sourire avoir aiguillonné Harry pour l'énigme, sans aller dans les détails ni citer Maugrey. Il lui avait juste conseillé d'aller prendre un bain dans la Salle de Bain des préfets avec l'œuf : un bon compromis, selon lui. Il lui donner une piste sans que ce ne soit trop explicite et que la réponse vienne de Harry lui-même. Emily avait poussé un hurlement de rage en l'apprenant mais je lui avais adressé un sourire approbateur. Simon avait raison : Cédric gagnerait ce Tournoi à sa façon, avec droiture.

Emily et moi avions découvert trois jours après la rentrée ce qui mettait également Cédric d'une humeur si allègre. Nous venions de sortir de Métamorphose et relisions les notes que McGonagall avait inscrites sur mon devoir, copieusement raturé de rouge.

-« Il faut se ressaisir, Bennett », maugréai-je, lisant la conclusion de la directrice de Gryffondor. Oh, pour un devoir écrit en une nuit c'était pas mal, non ?

-On parle de McGonagall, me rappela tristement Emily. Alors même si écrit en une nuit, c'est un devoir correct, tu sais que ça ne suffira pas pour elle. Il faudrait qu'on s'y prenne plus à l'avance, la prochaine ... on traine à chaque fois parce que nous on s'en sort mieux en Métamorphose, mais toi ... Hey ! (Je venais de la prendre vivement par le bras pour la coller contre le mur de pierre glacial, derrière une armure). Qu'est-ce qui se passe ?

Je posai un doigt sur mes lèvres pour l'induire au silence, et désignai du menton le couloir que nous venions de remontrer. Cédric venait de sortir de la classe de Métamorphose, tenant tendrement la main de Cho Chang. La mâchoire d'Emily en tomba d'indignation quand, après un regard alentour, elle se dressa sur la pointe des pieds pour poser un chaste baiser sur ses lèvres.

-L'enfoiré ! jura-t-elle dans un murmure enragé. Mais quel sale petit ...

Je la fis taire d'un regard, sachant très bien que la voix d'Emily pouvait s'emporter quand elle se mettait à insulter quelqu'un. Elle comprit le message et rongea son frein jusqu'à ce que Cho et Cédric ne remontent le couloir et disparaissent au détour d'un angle. Emily eut alors le loisir de sortir de notre cachette et d'exploser :

-Et il ne nous dit rien !

-Calme-toi, l'enjoins-je avec amusement.

Malgré tout, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver un pincement de vexation. C'était moi qui lui avait fait admettre que Cho lui plaisait, moi encore qui l'avait forcé à l'inviter au bal ... Alors pourquoi n'étais-je pas au courant que leur relation avait aboutie ?

-Quand Simon a commencé à sortir avec Octavia, il nous l'a dit, s'exaspéra Emily en agitant les mains. Quand j'ai embrassé Erwin en troisième année, je vous l'ai dit ...

-On se détestait en troisième année, rappelai-je, estomaquée. Tu as embrassé Erwin Summers ?

Le visage d'Emily s'empourpra, et se mit à regarder frénétiquement alentours. J'aurais pu être vexée de ne pas être au courant, mais l'image d'une belle Emily de treize ans posant ses lèvres sur le « vampire » Erwin Summers me fit glousser.

-Oh, ça va ! râla Emily en me donnant un coup de coude. J'étais jeune et impressionnable, et ce n'est pas aller plus loin ! Et puis ce n'est pas le sujet ! Pourquoi il ne nous dit rien ?

-Peut-être parce que c'est récent, et qu'il veut prendre le temps de profiter avant que la tornade « Emily » ne s'abatte sur lui ?

Elle ouvrit la bouche pour protester, avant de la refermer avec un grognement rageur. J'eus un sourire désabusé. Nous savions tous qu'Emily aimait vivre des histoires par procurations, et par conséquent pouvait être extrêmement gênante dans les affaires de couples. Et si j'en jugeais par sa mine frustrée, elle devoir avoir également conscience de cette partie là d'elle-même.

-Peut-être que je suis un peu ... intrusive, admit-t-elle du bout des lèvres. Ne souries pas comme ça ! ajouta-t-elle, ses yeux roulants dans ses orbites alors que je la gratifiais d'un immense sourire entendu. Au moins ça veut dire que je m'intéresse à vos vies, non ?

-Tu ne t'intéresses pas à nos vies, juste à nos histoires d'amour supposées et disons que ... ça peut être agaçant.

-Je sais bien cela, bougonna-t-elle du bout des lèvres. Et j'ignore si tu as remarqué, mais je sais m'arrêter quand il le faut. Je connais les limites, Vic'. Mais sans paraître intrusive... ça s'est bien passé le bal avec Miles ?

L'intérêt qui brillait dans ses yeux était sincère et bien moins obtus que coutume, alors je consentis à hocher la tête avec un sourire.

-Et toi avec Esteban ? Je ne t'ai quasiment pas revu de la soirée à partir du moment où il t'a emmené danser !

Et elle était remontée la dernière, également. Je l'avais entendu revenir derrière les rideaux de mon lit à baldaquin que j'avais tiré pour avoir la paix, et elle était partie se coucher sans un mot. Nous n'avions pas trop parlé du bal durant la dernière semaines des vacances : ça avait été une semaine assez solitaire pour moi, j'avais été profondément préoccupée par Miles et sa blessure, et donc assez coupée du reste de mon groupe d'ami. Sans doute Cédric l'avait-il perçu et avait-il décidé de me laisser en paix.

Les lèvres d'Emily furent déformées par une moue, et elle haussa les épaules.

-Ça va, ça a été. On s'est baladé un peu dans le parc après la fin, c'était tranquille ... Mais par Merlin, bon sang, pourquoi ils ne nous a rien dit ?! Viens, on va mettre la main au collet de Simon, peut-être qu'il sait quelque chose lui ...

Comprenant que je n'arriverais pas à la faire dévier de son sujet, je la suivis jusque la Salle Commune où nous trouvâmes Simon, assis avec Susan et sa guitare à la main. Il la serra contre lui en un geste protecteur quand Emily arriva telle une furie sur lui, mais parut aussi surpris que nous quand nous lui apprîmes la relation que semblait entretenir Cho et Cédric. Nous nous installâmes alors sur le canapé avec la ferme intention d'y attendre notre ami de pied ferme. Emily lisait pour tromper la frustration, ses lunettes montées sur son nez fin, et Simon jouait distraitement des airs de guitare que je finis par fredonner avec lui, à moitié endormie sur le bras du canapé. Susan s'était éclipsée pour aller parler avec Sullivan Fawley quand Cédric parut enfin. Il avait aux lèvres un sourire indéniablement niais qui s'effaça quand il nous vit tout trois alignés, les yeux accusateurs rivés sur lui.

-Qu'est-ce qui se passe ? s'enquit-t-il, l'air sincèrement perplexe.

-Et en plus il fait l'innocent, persiffla Emily entre ses dents, si bien que seuls nous l'entendirent.

Simon lui jeta un regard d'avertissement tout en arrachant quelques notes épiques à sa guitare. Il sourit d'un air candide à Cédric, ses doigts jouant toujours sur son manche.

-Tu n'aurais pas quelques choses à nous dire ?

-A nous, tes amis ...

-Qui concernerait quelqu'un ...

-Une fille ?

-Qui t'a accompagné au bal ...

-Et que tu as embrassé dans le couloir de Métamorphose par Merlin Cédric Amos Diggory !

Cédric s'était empourpré au fil des mots, si bien que le résultat était si adorable que je n'osais faire autre chose que sourire. Il finit par s'asseoir sur la table basse devant nous, une moue contrite aux lèvres. Simon joua à nouveau une brève mélodie à accent de suspens, et je refermai mes doigts sur le manche de la guitare pour l'étouffer.

-Hey ! protesta-t-il en m'arrachant l'instrument. Attention, un peu !

-Cette guitare a appartenue à mon père, j'ai autant de droit dessus que toi. Arrête ton cirque. (Je me tournais alors vers Cédric avec un sourire moqueur). Et toi, qu'as-tu à dire pour ta défense ?

-La défense a intérêt à tenir la route, renchérit âprement Emily. Et attention, on a un futur homme de loi avec nous.

Là dessus, elle balança son pouce du côté de Simon qui poussa un profond soupir. Cédric nous observa tour à tous, ses yeux gris indécis plantés sur nous.

-C'est récent, admit-t-il finalement du bout des lèvres. Je voulais ... être sûr d'être à l'aise avant que tout le monde ne soit au courant.

-Parce qu'on est tout le monde ? répliqua Emily.

Mais son ton avait perdu son ton venimeux pour être simplement songeur. Les joues de Cédric rosirent.

-Emily, ne te vexe pas ...

-Je sais que je suis intrusive, le coupa-t-elle brusquement. Mais je sais faire la part des choses, Cédric. Je ne suis pas idiote, je sais quand je dois arrêter de faire la forceuse et d'être au courant de tout – je connais mes limites et les tiennes. Après toutes ses années tu ne l'as pas compris ?

-Emily, ce n'est pas ça, assura Cédric de façon plus ferme. Je te l'ai dit, je voulais attendre de voir comme je me sentais avec elle avant de ... Et puis par Merlin, pourquoi est-ce que je serais obligé de me justifier, au fait ? C'est ma vie, ma vie privée, Emily. Vous auriez fini par le savoir – et vous auriez été les premiers au courant, me concernant, mais ...

-C'est Cho qui ne voulait pas que tu nous le dises ?

-Mais non ! Bon sang, Em', j'ai dix-sept ans, j'ai affronté un dragon et un bal : je pense avoir le gagner le droit d'avoir mon jardin secret ! Et je pense que toi, plus que personne, peux comprendre ça ...

Les yeux d'Emily se plissèrent et elle repoussa ses lunettes sur sa tête en un geste nerveux. Nous en étions arrivés à un point où Simon et moi échangions des regards gênés sur le canapé, trop tétanisés pour oser intervenir.

-Et je peux savoir ce que ça veut dire, ça ?

-Ça veut dire, Emily Fawley, que tu as beau être la plus bavarde d'entre nous, tu es également la plus secrète. Pour parler de nous, tu insistes, mais dès qu'il s'agit de parler de toi – de ta famille, de tes amours – tu nous adresses un sourire et un « ça va » sans rien dire d'autre. Regarde, on a appris des semaines plus tard qu'il y aurait pu se passer quelque chose entre Roger Davies et toi ! Et toi tu viens me parler d'amitié et me faire une scène parce que je ne t'ai rien dis sur ma nouvelle relation avec Cho ?

Il y avait du vrai dans ce que disait Cédric, et ce fut sans doute pour cela qu'Emily parut passer de l'agacement à la colère. Je serrais un moelleux oreiller moutarde sur mon ventre, m'y accrochant en attendant que l'orage ne passe.

-Donc, entonna Emily d'une voix froide. Tu me trouves hypocrite.

La tête de Cédric oscilla et je lui fis discrètement le signe de répondre « non ». Simon m'approuva d'un vigoureux hochement de tête avant qu'Emily ne nous jette un regard oblique.

-Ce n'est pas ce que j'ai dit, déclara alors Cédric. Simplement on te laisse avoir ton jardin secret alors ... tu n'as rien à dire sur le mien.

Pendant un instant, Emily resta silencieuse à toiser Cédric de ses yeux inquisiteurs. Puis elle ferma sèchement son livre, annonça qu'elle allait à la bibliothèque et s'en fut sans un mot. Je savais bien qu'il était inutile de la suivre : elle avait l'air d'humeur si exécrable qu'elle ne serait pas ouverte à la discussion. Alors je restai clouée sur le canapé, le coussin serré contre moi et le regard éperdu sur Cédric. Il me gratifia d'un sourire penaud.

-Désolé. Il semblerait que je l'ai énervé.

-Oh en réalité tu nous as tous énervé, répliqua Simon. Cédric, c'est la première fois que tu sors avec une fille. Ça aurait dû être un petit événement qui aurait nécessité bièraubeurres et chanson moldues sur la table, et tu nous en fais un drame.

-Je voulais voir si ...

-On comprend, l'interrompis-je avec douceur. Mais ... je la comprends aussi.

Cédric me scruta, intrigué. Il était rare que je prenne la défense d'Emily : malgré notre rapprochement, nos anciens griefs pouvaient refaire surface et j'avais toujours détesté cette part fougueuse d'elle. Je resserrai le coussin sur moi.

-Tu nous mets à l'écart de ton épreuve. Et maintenant, de ta nouvelle relation. Alors que depuis le début de l'année, elle fait tout pour t'aider : séances intensives de Métamorphoses, recherches à la bibliothèque ; elle t'aide à faire tes devoirs, te donne des conseils pour Cho ... Et l'unique chose qu'elle a l'impression de recevoir, c'est une mise à l'écart. Alors oui, je la comprends un peu.

-Et on ne va pas se mentir, ce n'est pas valable que pour Emily, enchérit prudemment Simon. Après tout, c'est grâce à Vic' et moi que tu as été au bal avec Cho, non ?

-Une preuve que vous pouvez faire des choses extraordinaire, comme vous êtes alliés, se moqua Cédric avec l'ombre d'un sourire.

Mais son regard s'était fait songeur pendant mon exposé et il nous observa longuement en silence.

-Après, peut-être est-ce ... le but souhaité, compris-je en remarquant la lueur indécise dans les yeux de Cédric. Peut-être qu'on est tous beaucoup trop sur ton dos à cause de tout ce qui se passe et que tu en as assez.

-Et je sais que je peux paraître terriblement ingrat, admit Cédric, confirmant mon intuition. Je vous remercie pour tout ce que vous faites, et je comprends votre inquiétude mais ...

-C'est ta quête. On ne doit pas mettre notre nez dedans et à t'étouffer.

J'avais dit cela d'un ton neutre et Cédric me jeta un regard où luisait une lueur presque torturée. Simon laissa échapper quelques notes de sa guitare, presque machinalement, fixant son ami, impassible.

-Tu as vraiment l'impression qu'on t'étouffe ? s'assura Simon avec lenteur.

-Pas sciemment mais ..., entonna doucement Cédric. Mais c'est un peu ce que je ressens. Et pour ce qui se passe avec Cho ... Je ne sais pas, je voulais que pour que quelques jours ... ce ne soit rien qu'à moi, vous comprenez ? Juste ... profiter sans prise de tête et oublier un peu le reste.

Elle était pénible cette sensation : lorsqu'on comprenait ce que notre interlocuteur nous disait, mais que malgré toute la compréhension du monde ça nous blessait tout de même. Je réprimai ce pincement de cœur et me forçai à sourire.

-Je suppose qu'on a plus qu'à faire attention, alors.

-On voulait juste t'aider, mais si tu le vis mal ...

La tension dans la voix de Simon attestait bien qu'il avait la même sensation que moi. Cédric posa une main rassurante sur mon genou.

-Ne vous méprenez pas, vous êtes géniaux. Et je vous adore pour tout ce que vous avez fait mais ... Je sais ce que je fais avec le Tournoi et si j'ai besoin de vous, vous pouvez être sûr que je vous le dirais. Quant à Cho ...

-C'est ton histoire, Cédric, fais ce que tu veux.

J'appuyai Simon d'un hochement de tête et les épaules de Cédric se détendirent. Il nous gratifia d'un sourire reconnaissant et s'en fut dans son dortoir pour prendre une douche. Simon gratta quelques cordes et les notes tombèrent fatalement sur la situation présente.

-Il n'y a plus qu'un convaincre Emily. Pierre-Feuille-Ciseau ?

***

-Je vais arrêter.

-Tu es idiot.

-Mais Vic', c'est ...

-Et alors ?

Miles soupira profondément, agitant un exemplaire de La Gazette du Sorcierdevant mon nez. Je lorgnai sinistrement le journal, que j'avais également vu ce matin être lu par les yeux choqués de Simon et Emily. Je l'avais ensuite parcouru, et étais à présent prise de l'irrépressible envie de faire manger sa plume à papote à Rita Skeeter.

-Tu as vu qui a écrit l'article ?

-Oui j'ai vu. C'est certes une plume à scandale, mais elle n'écrit rien sans sources valables ... Un demi-géant par Merlin !

Je le fusillai du regard mais cela n'endigua pas le trouble de Miles. Il continuait de s'agiter, les yeux nerveux rivés sur la petite cahute en contrebas. Nous étions assis sur un banc dans le parc, entre le Saule Cogneur et le Lac Noir. Le soleil brillait froidement sur Poudlard, mais nous profitions de ces rares éclats pour sortir. L'article qui était paru ce matin avait été fracassant et tout Poudlard ne parlait plus que cela : le garde-chasse de l'école, l'ombre bienveillante qui planait sur nous depuis notre première année, le nouveau professeur excentrique de Soins aux Créatures Magiques ... était le fils d'une géante. Chacun avait été abasourdi par l'information, mais moi c'était l'article même qui m'avait révolté. Je l'arrachai des mains de Miles pour le retrouver et citai les passages dérangeants :

-« La silhouette massive et peu rassurante, le regard cruel » ... « campagne d'intimidation » ... « a hérité du caractère violent de sa mère » ... « soient avertis des dangers de la fréquentation des demi-géants » ... Des dangers ? Mais quels dangers il y a à fréquenter Hagrid ?

-Victoria, m'interrompit fermement Miles. Tu as grandi dans le monde moldu, tu ne sais pas ce qu'est un géant.

-Mais peu importe ! Ce n'est pas parce que ça mère était ... (je fouillais l'article des yeux pour trouver les mots exacts : ) « brutale et assoiffée de sang » qu'Hagrid l'est aussi ! Bon sang, tu as fait Soin au Créature Magique avec lui pendant un an, et tu as continué aux ASPICs, ça montre bien que tu ne t'es jamais senti en danger avec Hagrid !

-Tu veux dire, à part quand il nous a présenté les Scroutts à Pétard en début d'année ? Un croisement entre crabes de feu et manticores ... Par Merlin, on aurait dû se douter que ces choses étaient illégales et contre-nature.

-Miles, qu'est-ce que tu es de mauvaise foi ... Tu as été le premier défenseur de Hagrid.

L'an dernier, Hagrid avait eu un incident, une histoire d'élève étourdi et d'un hippogriffe trop fier. Et Miles avait été le premier à défendre le nouveau professeur, s'insurgeant contre la décision du Ministère d'exécuter l'hippogriffe alors que selon lui, l'élève était coupable. Je soupçonnais Miles d'avoir une certaine tendresse pour les bêtes malgré son ambition de vouloir entrer au Ministère et j'en connaissais l'origine : son grand-père avait été un éleveur de chouette et d'autres créatures magiques. Je supposais que ça coulait dans ses veines, malgré ses ambitions ministérielles.

Les joues de Miles rougirent.

-C'est vrai, admit-t-il, embarrassé. En même temps pour le coup, Malefoy ...

-Oh, c'était Malefoy ? Mais pourquoi l'hippogriffe n'a-t-il paralysé son bras, pour rendre service au Quidditch ?

Un sourire s'étira sur les lèvres de Miles. Malefoy ne devait sa place dans l'équipe de Quidditch de Serpentard qu'à la position qu'occupait son père dans la société – et au don généreux d'un lot de Nimbus 2001 à l'ensemble de l'équipe – ce qui avait permis à Miles d'avoir un balai de course malgré ses maigres moyens. Et on ne pouvait pas dire que l'attrapeur était à la hauteur des moyens mis en œuvre.

-Je comprends d'ailleurs toujours pas comment tu as pu accepté le balai, marmonnai-je sourdement.

-Hey ! C'est la plus belle chose que je n'ai jamais possédée, un peu de respect. On ne se contente pas tous d'une vieille Comète ...

-N'insulte pas mon balai, Bletchley. Sérieusement, tu comptes arrêter les soins aux Créatures Magiques ?

Miles se dandina d'un pied à l'autre, gêné.

-Non, avoua-t-il finalement du bout des lèvres. Non, parce que mon grand-père serait outrageusement déçu, et que c'est sans doute l'unique avis qui compte pour moi dans sa famille. Et que ce cours est un peu mon bol d'air ... Mais le fait que Hagrid soit un demi-Géant ... Bon sang, Vic', tu ne peux pas comprendre à quel point c'est perturbant.

-Je peux le concevoir ... Mais je n'en sais rien. J'ai toujours tendance à croire qu'il y a des choses qui ne sont pas génétiques et le comportement l'est. Hagrid est peut-être le fils d'une Géante cruelle mais ... Ça ne correspond pas avec l'image que j'ai de Hagrid.

-Parfois je t'envie, marmonna Miles, me jetant un bref regard. Tu dois peut-être tout apprendre sur le monde des sorciers mais ... Qu'est-ce que ça doit être reposant d'être libre de tout préjugé. D'idolâtrer un professeur loup-garou, de se méfier d'un grand Auror, d'avoir confiance en un demi-Géant ... C'est au dessus des forces de la plupart des sorciers.

-Et c'est aussi de tes forces ?

J'avais rougi face à l'exposé, à la fois de plaisir et de gêne. Oui, j'avais tout à apprendre, mais j'étais heureuse de pouvoir juger les gens sur la nature profonde, et non à cause du sang qui coulait dans leurs veines. Miles haussa les épaules.

-Je n'en sais rien. C'est vrai que j'ai flippé l'an dernier quand on a su que Lupin était un loup-garou, et je reste admiratif de tout ce qu'a fait Maugrey – malgré le fait qu'il a l'air singulièrement psychopathe sur les bords. Donc ça montre bien que je suis victime de mes préjugés et de l'éducation que j'ai reçue – les loup-garou sont dangereux, les Géants aussi ... Après ... J'ai conscience que mon cerveau fait un faux raisonnement, basé sur des croyances et non sur des faits. Alors je sais que ce n'est pas la bonne réaction, malgré tout. Tu dois un peu déteindre sur moi.

-Amen. Tu vas finir par devenir quelqu'un de bien.

Il me donna un vague coup de coude qui m'arracha un sourire. J'avais en ligne de mire le Lac Noir. La glace avait commencé à se fendiller autour du vaisseau de Durmstrang et les élèves en profitaient pour passer le maillot de bain et sauter dans l'eau glacée depuis le pont. Un frisson me parcourut quand l'un d'entre eux fendit les flots.

-Ils sont complétement fous.

-Tu viens seulement de le remarquer ? Au fait, elle est gentille la polonaise qui a été au bal avec Bones ...

-Kamila ?

Gentille, j'ignorais si c'était le mot. Tout dans le maintien de la jeune fille et dans l'éclat de ses yeux montraient qu'elle était aux aguets, prête à brandir sa baguette au moindre souffle de travers. Mais elle était assurément intelligente, juste et volontaire, et ça me plaisait bien.

-C'est vraiment fascinant de découvrir des élèves étrangers, dis-je néanmoins alors qu'un nouvel élève de Durmstrang sautait du pont du vaisseau. Je n'ai jamais voyagé dans ma vie, les seules cultures je connais c'est l'Angleterre parce que j'y ai vécu, la Pologne parce que mes grands-parents viennent de là-bas et l'Ecosse parce Poudlard y est.

-Jamais ?

Je secouai la tête en baissant le nez dans mon écharpe. Mon père était Pasteur du comté : il ne pouvait pas se permettre de priver ses ouailles de lui ne serait-ce qu'un dimanche. Alors nous avions parfois été quelques jours sur la côte Sud, et même un séjour d'une semaine en Irlande avant que je n'entre à Poudlard – mais toujours en faisant en sorte d'être rentrés pour le dimanche matin. Je n'étais jamais sortie de Grande-Bretagne, alors découvrir des cultures et des langues différentes ça me fascinait.

-C'est triste, lâcha Miles d'un ton compatissant. Nous on n'avait pas beaucoup de moyen, mais avec la poudre de cheminette et les portoloins on peut aller partout. Il y a deux ans on a été en Italie, en Sicile c'était incroyable.

-A la fin de ma scolarité j'aurais dix-huit ans. Je serais majeure chez les sorciers et chez les moldus. Et là ...

Mon air rêveur arracha un sourire désabusé à Miles.

-Il faudra penser à ton avenir, avant de penser à voyager, tu ne crois pas ?

-Je préfère penser à voyager, ça me met de meilleure humeur.

Et l'avenir, ça m'angoissait : je n'avais aucune idée de ce à quoi m'attendre en quittant les sols de Poudlard. Le jour où, l'an dernier lors des réunions pour l'orientation, le professeur Chourave m'avait demandé ce que je songeais à faire une fois mes études achevées, j'avais répondu que au fond de moi, j'aurais aimé partir quelques mois découvrir le monde – et plus particulièrement les mondes sorciers inconnus que je ne connaissais que par les livres. Le Moyen-Orient était assez méconnu – et l'inconnu en ce sens là, cela pouvait réellement me captiver. Miles resserra sa cape autour de lui, et replia patiemment sa Gazette.

-Bon. Pour revenir au sujet initial, Hagrid n'assure plus ses cours en ce moment. J'ai entendu Malefoy dire que son père allait essayer d'obtenir son renvoi, et Gloria Flint ne veut même plus l'approcher – déjà qu'il n'était pas particulièrement aimé à Serpentard.

-Dumbledore ne laissera pas un climat pareil s'installer. Il a gardé Hagrid quand il s'est fait renvoyé, il l'a soutenu quand on l'a accusé d'être à l'origine de la Chambre des Secrets, avec cette histoire d'hippogriffe ... Non, Dumbledore ne lâchera jamais Hagrid. Demi-Géant ou non.

-Et les parents d'élèves ne laisseront pas un demi-Géant exercé. Lupin avait compris ça et il a démissionné.

Je poussai un soupir résigné. Je n'avais pas pris l'option de Soin aux Créatures Magiques, mais j'espérais que Hagrid réapparaitrait vite. Il n'était pas question que ce soit des hommes de la trempe du père Malefoy qui gagnent dans cette affaire.

-Maudite Rita. Son premier article sur le Tournoi avait déjà été une bombe et maintenant celui-là ... comme si on avait besoin de ce genre de scandale. On a déjà assez de problème comme ça.

Là dessus, je lui jetai un regard torve qui le fit s'éloigner. Son visage s'était renfermé.

-On va vraiment reparler de ça ?

-Jusqu'à que tu me dises la vérité.

-Je te l'ai dit, la vérité. Et ça fait dix jours que noël est passé, et je suis encore vivant. Alors est-ce qu'on peut arrêter de s'attarder là dessus, et profiter des premiers rayons de soleil ? Regarde, ça ne te donne pas envie de te baigner, toi ?

Je le contemplai, tentant de deviner la vérité sur les traits de Miles. Mais je ne vis rien d'autre qu'un sourire rassurant, affreusement convainquant. Je poussai un profond soupir pour river à nouveau mon regard sur le vaisseau de Durmstrang.

-Non, le Lac, ça ne me dit pas trop. Par contre on pourrait essayer d'aller toquer chez Hagrid ? Oh Seigneur remets-toi, ajoutai-je d'un ton impatient quand je le vis blêmir. Tu es ridicule.

Je me levai d'un bond, presque agacé par sa réaction, et fis quelques pas dans la neige. Le tapis était si dense qu'il m'arrivait à mi mollet, et je rejoins rapidement le chemin déblayé par Hagrid qui menait jusqu'au Lac, et sa cahute – près de laquelle s'était installé le carrosse de Beauxbâtons. Je faillis trébucher en arrivant sur le sol caillouteux et humide, mais Miles me rattrapa vivement par le bras. Je lui lançai un regard ennuyé, avant de me relever et de m'épousseter.

-Merci.

-Un plaisir.

Il s'immobilisa devant moi, emmitouflé dans sa cape, son regard brun vagabondant vers la cabane de Hagrid en contrebas. Un regard presque déchiré. Comprenant son trouble – raison contre éducation – je pris doucement son bras pour entonner :

-Ça lui fera plaisir. Tu as continué son cours, Miles, c'est parce qu'au fond tu le respectes.

-Il me rappelle mon grand-père, avoua-t-il du bout des lèvres. Il a le même éclat quand il parle des bêtes ... Mais un demi-géant, c'est dur à encaisser, Vic'. Je sais que ça ne devrait pas mais ... ça l'est.

Je me mordillai la lèvre inférieure, et ma main longea son bras pour agripper doucement ses doigts. Je le tirais doucement vers le chemin.

-Je viens avec toi. Et contre une naine comme moi, un demi-géant n'a aucune chance.

La faiblesse de ma vanne ne parut pas embarrasser Miles car un sourire se dessina sur ses lèvres. Lentement, ses doigts se décrispèrent sur les miens et il me laissa l'entrainer sur le chemin, bordé de deux épais tapis de neige. Nous parcourûmes le sentier en silence, nos mains soudées sous le soleil froid d'Ecosse. 

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