I - Chapitre 11 : Cinq pas vers la vengeance
Bonjour à tous !
Je dois speeder pour aller en cours donc je vous livre le chapitre 10, bonne lecture à tous !
Chapitre 11 : Cinq pas vers la vengeance.
-Cédric, empêche-le !
Nous étions le lendemain matin, à la table du petit-déjeuner. La sentence de Simon tournait dans ma tête et avait même éclipsé le sinistre message que j'avais reçu. J'avais beau y avoir réfléchi toute la nuit, son plan était diaboliquement parfait. Je ne pouvais pas ne pas aller au bal : j'avais envoyé une lettre – sur un papier neutre – à mes parents annonçant que je ne serais pas présente à Noël, et je ne pouvais décemment pas abandonner Cédric – ni rater le moment où il ouvrirait le bal. Sans compter ce minuscule détail qu'était Emily et qui m'y emmènerait de force si cela devait s'avérer nécessaire. Et une fois au bal, je ne pourrais pas me défaire de Simon et de sa baguette avec laquelle il était si adroit : au moindre refus, au moindre échappatoire, il me le ferait payer et je détestais l'étincelle de malice qui brillait dans ses yeux quand j'évoquai cette possibilité. A la merci de sa baguette, je ne pouvais qu'accepter ses conditions sans broncher. Dans l'incapacité de trouver une solution à mon problème, je m'étais tournée vers le grand arbitre de mes confrontations avec Simon : Cédric. Lequel paraissait passablement agacé que je gâche ainsi son petit-déjeuner, et qui ne cessait de jeter des regards noirs à Simon assis à côté de lui.
-Ce que tu n'as pas été inventé là ...
-C'est brillant, avoue-le ?
-Cédric, je vais l'assassiner avant la fin de la soirée !
-Je ne quitterais pas ma baguette, Bennett, essaie un peu.
-Alors j'attendrais l'été pour accomplir ma vengeance ! Tu n'auras dix-sept qu'en août, Simon, tu sais ce que ça veut dire !
L'insupportable sourire qui flottait sur les lèvres de Simon s'estompa enfin et j'accueillis son grognement avec une satisfaction non-dissimulée. Premièrement il ne sera pas majeur et donc dans l'incapacité de pratiquer la magie, ce à quoi j'aurais le droit dès le 8 mai et mes dix-sept ans. Secondement, une fois que Simon était privé de baguette, le rapport de force s'inversait : j'étais une teigne qui ne lâchait rien quand il avait la combativité d'un bébé phoque. Réflexion faite, ces premières semaines de vacances seraient probablement les plus heureuses de ma vie, et je m'en serais réjouie si je n'avais ce problème plus urgent qu'était le bal de noël. Comprenant que je ne lâcherais pas ainsi le morceau, Cédric délaissa son assiette pour entrelacer ses doigts devant son visage et me jetai un regard intense.
-Bien. Simon t'oblige à aller au bal avec lui ?
-C'est ça.
-Sous peine de te faire subir encore pire devant tout Poudlard ?
-Et les délégations, parfaitement.
Cédric poussa un profond soupir et jeta un nouveau regard agacé à Simon. De l'autre côté, à la table des Gryffondors, certaines filles de cinquième année se retournèrent pour le contempler, et quand Simon, sentant leur regard, tourna la tête vers elle, elles se replièrent les unes sur les autres en gloussant.
-Incompréhensible, laissa échapper Simon, visiblement consterné.
-Ce qui est incompréhensible, c'est toi, répliqua Cédric en le toisant. Je veux bien que tu veuilles imposer ta présence à Vic', mais l'inverse est vrai aussi, qu'est-ce qui me fait dire que ce n'est pas toi qui vas l'assassiner à la fin de la soirée ?
-Parce que c'est moi qui exerce la pression, et que c'est elle qui subi. Non, crois-moi, je vais passer une bonne soirée.
Il me gratifia là-dessus d'un sourire moqueur et d'un salut militaire qui me donnèrent envie de me jeter sur lui toute griffe dehors. Malheureusement, nous étions à Poudlard, et il avait sa baguette. Cédric posa son menton sur ses doigts entrelacés, nous considérant chacun notre tour alternativement.
-Désolée, Vic', mais je ne pense pas pouvoir empêcher Simon d'aller au bal avec toi. On ne va pas se mentir, mais j'ai trop peur de ses maléfices.
-Sérieusement ? me récriai-je, incrédule, alors que Simon levait le poing en l'air en signe de triomphe. Le grand Cédric Diggory a peur de la crevette Simon Bones ?
-On sait tous que Simon est le meilleur baguette à la main, mais que je suis plus polyvalent que lui, rétorqua Cédric. Et toi, calme-toi, ajouta-t-il en s'adressant à ce dernier. J'émets une condition.
Le bras de Simon retomba le long de son corps et il fixa Cédric de ses yeux plissés. Le léger sourire qu'esquissa mon ami ne me disait rien qui vaille.
-Victoria avait l'air de penser que personne ne voudrait aller au bal avec elle, la dernière fois. Bien j'aimerais lui prouver qu'elle a tord. Si cinq personnes demandent à Victoria d'aller avec elle au bal – et si elle refuse – alors tu pourras accomplir ta vengeance.
-Cinq personnes ? s'indigna Simon, interdit. Mais où veux-tu trouver cinq personnes qui voudraient aller au bal avec elle ?
-Bones, le mois de juillet 1995 sera le pire mois de ta vie. Tu n'imagines même pas ce que je vais te faire subir. Ce qui s'est passé quand on était enfant n'était qu'une rigolade par rapport à ce à quoi je songe.
Malgré ma fanfaronnade, la remarque de Simon me vexait autant que la proposition de Cédric m'embarrassait. Plus le défi prenait de l'ampleur, plus ma gêne grandissait. Bon sang, j'avais deviné que ce bal allait prendre des proportions absurdes. Ce que je n'avais pas deviné, c'était que j'en ferais l'objet. Cédric toisa froidement Simon.
-Bon sang, je fais ça pour lui rendre confiance en elle, ne gâche pas tout avec ce genre de remarque.
-Cédric, pour l'amour du ciel ..., soufflai-je en m'empourprant.
-Quand bien même cinq personnes lui demanderaient, elle n'aurait qu'à choisir l'une d'entre elle et paf ! Elle évite la vengeance.
-Je serais l'arbitre, promit Cédric avec un sourire rassurant. Si Vic' a vraiment envie d'y aller avec quelqu'un, elle ira. Simon, ce ne serait pas juste de la priver de ça. Tu auras d'autres occasions de te venger.
Simon me lança un regard ennuyé que je peinai à lui renvoyer. Chaque mot de cette conversation m'embarrassait un peu plus, et le fait qu'ils parlent de moi comme si mon avis ne comptait pas m'irritait prodigieusement.
-Sinon, vous savez que j'ai une volonté propre ?
-Attends, Victoria, m'interrompit Cédric en levant une main avant de se tourner vers Simon. Tu es d'accord ? Cinq demandes, je suis l'arbitre, tu ne triches en envoyant des garçons lui demander, et promis, elle ne prendra pas le premier venu.
-Je reste persuadé que je me fais arnaquer, marmonna Simon, l'air indécis. Mais j'avoue que ça peut rendre le tout intéressant. On va dire d'accord. Au pire, je réfléchis à un plan B.
-Exactement. Et pour te prouver ma bonne foi, voici la première demande (Il se tourna vers moi avec un grand sourire). Victoria ? Tu veux bien m'accompagner au bal ?
Simon et moi le fixâmes longuement, avec une incrédulité qui frisait le choc. Je lus dans le sourire confiant de Cédric et dans les éclairs de rage dans les yeux de Simon que c'était sa façon de me trouver un échappatoire : Cédric était mon ami, évidemment qu'en théorie, j'aurais envie d'aller au bal avec lui. Et lui étant le juge ... Simon avait perçu tout cela car il se mit à protester :
-Non mais tu es sérieux ? Tu triches, Cédric, c'est indigne de toi !
-Je fais ça dans les règles de l'art, avança le préfet avec un charmant sourire.
-Mais tu veux rire ? Elle va dire oui et après ...
-J'allais dire non, en fait.
-Quoi ?!
Leurs deux regards abasourdis se posèrent sur moi en parfaite synchronisation. Je me trémoussai sur mon banc, mal à l'aise, les doigts enserrant ma tasse de chocolat. Je me surprenais moi-même, mais durant mon maigre temps de réflexion, j'avais réussi à trouver trois raisons de refuser dont chacune pouvait se suffire à elle seule.
-Vic', je faisais ça pour t'aider, fit valoir Cédric, déboussolé.
-Non, tu fais ça parce que tu as absolument besoin d'une cavalière et que je représente la solution de facilité, répliquai-je doucement. On est très ami, en soit ce serait normal, mais ... Ce sera non.
-Mais pourquoi ? s'étonna Simon en fronçant les sourcils.
-Premièrement parce que je refuse d'être la cavalière d'un champion et donc d'ouvrir le bal. Je suis une horrible danseuse, Cédric, je refuse d'avoir les yeux de Poudlard rivé sur moi alors que je me ridiculiserais.
-Tu exagères ...
-Secondement, parce que je refuse justement d'avoir tous les yeux de Poudlard braqués sur moi, notamment ceux de la gente féminine qui t'admire et qui me détesteront mécaniquement. J'aime la discrétion et ... (je jetai un coup d'œil rapide à Simon), j'ai assez de Selwyn pour ennemi. Je préfère rester invisible au reste de Poudlard.
Simon hocha la tête avec sérieux, comprenant sans doute ce dernier argument. Mais Cédric continuait de me dévisager, les sourcils froncés. Alors j'assénai ma dernière raison avec plus de véhémence :
-Et enfin, c'est trop facile, Cédric ! Me demander à moi, ta meilleure amie, quelle idée ! On sait tous autour de cette table que ce n'est pas avec moi que tu veux aller à ce bal, mais avec une certaine attrapeuse qui se trouve deux tables plus loin.
Les deux garçons se retournèrent de façon si peu discrète que j'en soupirais. A la table des Serdaigles, Cho Chang riait avec ses amies en buvant son bol. Cédric comprit où j'en voulais en venir, et se reconcentra sur son assiette, les joues écarlates. Simon éclata de rire.
-Excellent, Bennett, bien vu !
-Vous êtes ... tu es ...
Mais visiblement, Cédric ne savait pas quel mot était assez fort pour me qualifier, car il se contenta de me fixer, hébété, avant d'enfourner une bouchée de lard fumé. Simon donna une grande tape dans le dos de Cédric, hilare.
-Parfait. Maintenant, tu n'as plus qu'à te lever et lui demander de t'accompagner au bal. Et n'essaie même pas de demander à Emily, elle voudra sans doute y aller avec son espagnol – ou Roger Davies, ça dépendra de son humeur.
-Exactement, enchéris-je avec un immense sourire. Donc bouge tes fesses, Diggory. « De l'audace face à l'inconnu ». Cédric, voilà l'énigme ! En réalité c'est ça la première tâche !
Le regard circonspect de Simon en disait long sur la faiblesse de ma vanne mais elle eut le mérite d'arracher un sourire à Cédric.
-« Et dans l'assaut criez : Dieu pour Henry, Angleterre et Saint George », citai-je, le faisant à nouveau sourire. Allez, du nerf ! Elle est juste à côté, tu n'as qu'à traverser la pièce ...
-Et elle vient de se lever, observa précipitamment Simon en se dressant à son tour. Allez, Cédric, vas-y !
Mais notre ami secoua obstinément la tête. Je claquai la langue, exaspérée et me baissai pour passer sous la table, sous les yeux abasourdis de Cédric et Simon. Je débouchai de l'autre côté, enjambai le banc et m'époussetai les genoux. Puis je me plantai devant mon ami, les poings sur les hanches.
-Cédric Diggory, ne nous oblige pas à t'y amener comme un enfant ! J'ai grillé une cartouche pour toi ! De ta faute, je suis plus qu'à quatre pas d'aller au bal avec Simon Bones et je t'en veux beaucoup ! Tu as dit que tu as fait ça pour me laisser une chance d'y aller avec quelqu'un avec qui j'avais vraiment envie d'être ... Bon sang, Cédric, suis ton propre conseil !
-Elle est déjà à la porte, là, dit promptement Simon en tirant Cédric par le bras. Allons-y avant qu'elle ne disparaisse.
-Je vous déteste, haleta Cédric que nos efforts conjoints l'arrachaient au banc. Je vous jure ...
-Et bien tu nous détesteras au bras de l'une des plus jolies filles de Poudlard, rétorqua Simon en le trainant entre les tables de Poufsouffle et Gryffondor.
Je les suivis avec un éclat de rire, courant derrière eux sous le regard intrigué des autres élèves. Cédric avait l'air d'avoir avalé une couleuvre, mais nous n'eûmes aucune pitié et l'envoyâmes dans le Hall derechef. Cho s'apprêtait à descendre dans les cachots, sans doute pour son cours de Potion. L'apercevant, Cédric s'immobilisa net, si bien que je dus lui donner un coup de pied au derrière pour qu'il avance, et Simon mit ses mains en porte-voix :
-Salut, Cho ! s'exclama-t-il d'une voix joyeuse, en une imitation presque parfaite de Cédric.
Lequel le foudroya du regard, proprement consterné. Avant que Cho n'ait le temps de se retourner, j'agrippai le bras de Simon et le forçai à se retrancher à l'abri des regards, derrière les escaliers. Un fou rire nous secoua quand la voix de Cho retentit :
-Cédric ! Comment tu vas ?
Je risquai un coup d'œil dans le Hall. Cho nous tournait le dos, mais je voyais le visage de Cédric, d'apparence presque détendu, mais dont la crispation des épaules laissait percevoir une certaine tension. Il me vit, et son regard se fit incendiaire. Mais il embraya sur le Quidditch, et je fus fière de lui comme une mère de son fils.
-Est-ce que tu crois qu'on est des génies ? chuchotai-je à Simon en me repliant.
-Je suis un génie, toi tu es une peste, répliqua-t-il sans parvenir à effacer son sourire. Maintenant tais-toi, j'essaie d'entendre ! Et souviens-toi, Bennett ... plus que quatre.
***
Cho avait accepté. Cédric avait presque bafouillé comme un enfant en lui posant la question, les joues de la Serdaigle étaient devenues cramoisies, et ses amies l'avaient ensuite entourée en gloussant, mais elle avait accepté. Quand Cédric était revenu vers nous l'instant qui avait suivi, Simon et moi alternions entre l'exaltation et le fou rire. Mais notre ami avait été trop emporté par la réponse positive de Cho pour ne serait-ce que songer à nous en vouloir. Depuis, il était sur un petit nuage, considérablement détendu et riait avec beaucoup de spontanéité. Et passait également plus de temps avec Cho – et cette fois, j'étais presque certaine qu'ils ne faisaient pas que parler Sortilège.
-Vous pouvez être diaboliques quand vous vous y mettez, Simon et toi, marmonna Emily en resserrant sa cape autour d'elle. Et par Merlin, faire un tel coup sans moi ! Je vous en veux !
-Ça urgeait, répliquai-je en haussant les épaules. Et je t'aurais bien filmé ça, mais les caméscopes ne marchent pas à Poudlard ...
-Et c'est bien dommage, soupira Mathilda. C'est pas ici ?
Nous nous immobilisâmes devant une boutique à la devanture de bois verni et à la vitrine éclairant de belles robes de sorciers flottant à quelques centimètres du sol. Deux d'entre elles avaient entamé une danse, les soieries virevoltant à chaque mouvement. Je fronçai le nez.
-Dans le thème jusqu'au bout. Je n'entre pas là dedans.
-C'est la meilleure boutique de prêt-à-porter de Pré-au-Lard, rétorqua Emily en me prenant derechef le bras. Allez, viens, on va faire de toi une jolie fille.
Je me rembrunis en les suivant dans le magasin, mortifiée. Ma bourse s'amenuisait à mesure que mes études avançaient, si bien que je considérais que je n'avais pas quelques Gallions à mettre dans une jolie robe. C'était un argument que j'avais fait valoir auprès d'Emily pour éviter la séance « shopping », mais elle s'était trouvée prête à m'aider financièrement pour que j'aie une tenue correcte. Le regard qu'elle m'avait alors lancé m'avait signifié qu'aucun de mes arguments ne pourrait l'empêcher de m'emmener à Pré-au-Lard avec Mathilda et j'avais fini par capituler. Le professeur Chourave et les autres directeurs de Maison avait organisé une sortie exceptionnelle à Pré-au-Lard pour ceux qui n'auraient pas de tenue, et si les garçons avaient préféré se faire livrer, Emily m'obligeait à me trainer jusqu'au village pour être sûre que la tenue serait décente. La cloche teinta doucement quand je passai la porte et je rejoignis les filles devant le stand d'une vendeuse visiblement dépassée. Une plume était négligemment passée dans ses cheveux et elle ensorcelait un tas de robe pour qu'elles se remettent seules sur les cintres. Elle nous lança un regard ennuyé, nous considérant derrière ses lunettes rondes.
-Encore pour le bal de noël, je suppose ? devina-t-elle avec un déplaisir évident. Dernière pièce sur la gauche.
-Charmante, chuchota Mathilda alors que nous nous dirigions vers la direction indiquée. Mais elle a dû voir passé tellement de fille aujourd'hui, la pauvre ...
-Et des hystériques, approuva Emily. Apparemment, Sophie Faucett a fait une crise de larme parce qu'elle ne savait pas choisir entre deux robes.
-Incroyable, bougonnai-je.
Nous arrivâmes à la fameuse pièce, et Mathilda ne put retenir un « waho » admiratif. De belles robes, aux couleurs chatoyantes et aux tissus plus luxueux les uns que les autres se tenaient sur deux rangées sur les quatre murs de la pièce, qui était elle-même sectionné par deux rayonnages également sur deux niveaux. Au fond de la salle, sur le seul mur qui n'avait pas de produit, d'épais rideaux de velours donnaient de l'intimité à celles qui essayaient les robes. De grands miroirs étaient disposés partout, si bien que l'on ne pouvait pas se déplacer sans croiser son reflet. Des élèves de Poudlard, mais également des délégations, circulaient entre les rayons, parfois en tenue qu'elles essayaient, ce qui donnait à mon sens à la pièce une ambiance légèrement flippante.
-D'accord, laissai-je échapper, prise de peur. Je veux rentrer.
-Quand on aura trouvé une robe, promis.
Même Mathilda ne semblait pas enthousiasme. Pourtant l'idée lui avait plu d'un prime abord, mais alors qu'elle se dévissait le cou pour contempler les robes du second niveau, son visage ne semblait plus si serein. Fort heureusement, Emily était là pour prendre les choses en main et nous pris chacune par le bras pour nous faire avancer.
-Du calme, mesdemoiselles. Il suffit juste de savoir quel genre de robe vous voulez, et le reste se fera seul. Quelque chose de simple, vous connaissant ?
Mathilda et moi hochâmes vivement la tête. Il apparut vite que ni l'une ni l'autre ne savions par quel bout prendre cette pièce et nous finîmes par laisser faire Emily, qui arpentait les rayonnages avec d'une façon si méthodique et avec une telle une détermination que je l'admirais presque. Nous trouvâmes un vaste canapé placé face aux cabines d'essayage sur lesquels s'installer en attendant Emily.
-Je ne pensais pas que ce serait si grand, me chuchota Mathilda d'un ton presque craintif. Et que je me sentirais si ... perdue.
J'opinai du chef. Perdue, c'était exactement ça. J'étais perdue dans un amoncellement de robe et de soieries, engloutie sur toute les informations que m'envoyait les tenues – couleurs, motifs, type de robe ... Je détestai être en terrain inconnu, et en soit, rien n'était plus inconnu pour moi que le terrain des filles. Enfin, ce que certain qualifiaient de « vraie fille ». J'avais été élevée par une femme forte qui dénigrait le maquillage et tout enjolivement qui selon elle, ne faisait que rabaisser la crédibilité de notre sexe, et surtout, j'avais grandi quelque peu comme un « garçon manqué », petite fille aux cheveux courts qui se battait avec ses voisins – Simon, pour ne citer que lui – et qui suivait l'exemple de son grand frère. Alors même si mon côté « garçon manqué » avait fini par s'atténuer au fil des ans, dès qu'il s'agissait de robe et d'apprêtement, il revenait au galop.
-Au fait, finit par dire Mathilda, sans doute pour tomber l'embarras. C'est vrai cette histoire ? Tu vas aller au bal avec Simon ?
-Oh Seigneur ...
Je passai une main agacée dans mes boucles. La rumeur avait fait le tour de la Salle Commune de Poufsouffle, quand Sullivan Fawley était venu, tout rouge et babillant, me demander d'aller au bal avec lui. Simon, qui était présent, avait éclaté d'un rire sonore alors que j'étais restée plantée devant Sullivan, sans réponse correcte à lui fournir. J'avais fini par lâcher un « non » désolé, et il était retourné mortifié dans le fond de la Salle Commune. Emily m'avait expliqué que son petit frère vivait mal d'aller seul au bal et s'était dit que la gentille meilleure amie de sa sœur ne refuserait pas. J'ignorai si je devais être vexée ou charmée par l'insinuation de Sullivan, mais ce que je savais tourner en boucle dans la tête depuis que Simon l'avait scandé dans la Salle Commune, accompagné de sa guitare : plus que trois demandes.
-C'est une sorte de pari débile, expliquai-je alors à Mathilda. Si cinq garçons me demandent à aller au bal avec eux, alors je devrais y aller avec Simon.
-Mais c'est absurde ...
-Je sais, Simon est un sombre crétin. De toute façon je n'aurais pas les cinq demandes et j'irais seule, ainsi que je l'ai toujours souhaité.
Mais en réalité, je n'étais pas si sereine. Les demandes successives de Cédric et Sullivan m'avaient prise de court, et si j'ajoutai à cela celle qui viendrait forcément de la part de Miles ... Je n'avais plus que deux cartouches. Et après la proposition de Sullivan Fawley, je m'attendais au pire.
-Tu as de la chance de le prendre si bien, fit Mathilda, une moue déformant ses lèvres. Je ne sais pas, moi je ne peux pas m'empêcher de me dire que ... je raterais quelque chose en y allant seule, tu comprends ?
-Tu peux toujours demander à Simon, au moins il me foutra la paix ...
-Oh, tu connais Simon, il refuserait juste pour ça ... Non, ce n'est pas à Simon que je pensais.
Le visage de Mathilda avait soudainement pris quelques couleurs et je dressai un sourcil intrigué. Un sourire fleurit sur mes lèvres.
-Donc tu penses bien à quelqu'un ? Vraiment ?
-Non ... pas vraiment, maronna Mathilda en ramenant ses cheveux sur son visage pour en masquer la rougeur.
Je prolongeai mon regard, et elle finit par céder avec un soupir :
-D'accord. Je m'étais dit que ... ça aurait été sympa d'y aller avec Erwin. On s'entend bien, on est ami depuis la première année mais ... Il n'a d'yeux que pour la championne de Beauxbâtons ...
-Encore ? Mais que buffle ...
-Oh, je ne sais pas si c'est de sa faute. Il est souvent avec Cédric quand il la croise et ... Je n'en sais rien, et une fois j'étais avec eux ... Même moi je ne pouvais pas la lâcher du regard. Un sourire à en faire fondre la banquise.
-Elle en pince pour Cédric, compris-je. J'ai l'impression qu'elle use de son charme chaque fois qu'il est dans les barrages. De toute façon elle perd son temps ...
-Cédric a trouvé quelqu'un ?
Un sourire malicieux retroussa mes lèvres et Mathilda battit des mains ravies.
-Et pour Erwin, poursuivis-je en m'étirant. Tu n'es pas obligée d'attendre qu'il te demande, tu sais ? Tu peux y aller ...
-Je n'oserais jamais, assura Mathilda, ses joues prenant une vive couleur rose. Honnêtement ça me paralyserait ...
-Fais ça simplement, dis-lui que tu veux y aller en amie et ... ça devrait aller, non ?
L'arrivée d'Emily empêcha Mathilda de répondre. Je dévisageai mon amie, déboussolée. Elle avait trois tas de robe qu'elle portait à bout de bras, si bien qu'on ne distinguait plus son visage derrière l'amoncellement de tissu.
-Ça c'est pour toi, dit-t-elle à Mathilda en lui donna une série de trois robe, à bout de souffle. Pour toi (Je recueillis les tenues avec la même déférence que si c'était un nouveau né), et ces dernières pour moi ...
Elle eut un grand sourire et nous désigna les cabines d'essayages avec un regard entendu. J'entrai dans l'une d'entre elle, mortifiée. Les cintres allèrent d'accrocher d'eux même à la paroi, et je considérais les quatre robes devant moi, ne sachant par quoi commencer. Emily avait au moins respecté le simplicité : aucune n'avait de fanfreluche ou de dentelle à outrance qui m'auraient horripilé. J'éliminais mentalement la robe rouge, dont le décolleté trop plongeant dans le dos me dérangeait, et commençait avec un soupir par une tenue eux soieries d'un bleu si clair et si glacé que je ne peux m'empêcher de l'imaginer sur Sisko, l'élève raciste de Durmstrang. Ce fut sans doute pour cela qu'elle ne me plut pas quand je regardais dans le miroir de la cabine – à cause de cela, et de sa jupe fluide mais évasée qui me faisait beaucoup trop ressembler à Cendrillon dans le dessin animé. Par Merlin, j'avais toujours détesté les dessins animés de princesse.
-Tu t'en sors ? me demanda la voix de Mathilda, étouffée par épais les rideaux qui nous séparaient.
-C'est ridicule, marmonnai-je en passant une autre robe, d'un bleu nuit qui me plut un peu plus. Et nous, on n'a pas de Marraine la bonne fée pour nous aider ...
-Tu veux rire ? On a Emily, c'est plus efficace qu'une marraine la bonne fée !
-Je ne sais pas ce que vous appelez une « marraine la bonne fée » les filles, mais merci !
Un sourire effleura mes lèvres et je retirai la tenue. La dernière robe, d'un pourpre sombre, avait un décolleté en V qui laissait apercevoir la naissance de ma poitrine. Je ne pouvais pas me vanter d'avoir une forte poitrine, bien au contraire, mais je refusais de dévoiler ces parties là de mon corps. Mon côté garçon manqué les niait même, les cachant nous des couches de tissus. Alors j'essayais à nouveau la bleue nuit, mais la cabine était trop exigüe pour que je puisse me voir entièrement. J'écartai discrètement mon rideau pour vérifier que la voie était dégagée, et une fois avoir constaté que les seules présentes étaient un groupe de fille de Beauxbâtons, je mis un pied dehors et me dirigeai discrètement vers les grands miroirs qui ornait les murs. La robe était malheureusement mal taillée et la jupe couvrait mes pieds et le sol sur plusieurs centimètres, mais elle était celle qui me dérangeait le moins. Sa seule excentricité était que mes épaules étaient découvertes, mais ça ne me dérangeait pas : les manches amples et la jupe fluide n'entravait aucun de mes mouvements. Le fait qu'elle soit cintrée juste en dessous de la poitrine me faisait presque paraître plus grande. Malgré mon malaise, j'arrivais presque à m'imaginer au bal dans cette tenue.
-Un coup de ciseau et tu seras parfaite.
Je me tournai vivement pour voir Susan arriver dans la pièce, accompagnée de Hannah Abott. Je souris timidement à la jeune fille et réajustait les manches qui tombaient jusque mi avant-bras.
-Parfaite, je ne sais pas, mais c'est le moins pire que j'ai pu trouver ... Si je n'avais pas peur de me prendre les pieds dedans ...
Je tirais un coup sur la jupe pour découvrir mes chaussettes et Susan esquissa un sourire amusé. Hannah jeta un regard à la ronde.
-Je suis sûre qu'une vendeuse pourra te la raccourcir ...
-Mais il va sûrement falloir que tu portes un petit talon ...
Mon visage décomposé fit rire les quatrièmes années. J'avais déjà du mal à ne pas provoquer de catastrophe avec mes chaussures plates ...
-Ne t'en fais pas, on trouvera des petites chaussures qui ne te feront pas trébucher, plaisanta Emily en sortant de sa cabine. Salut, Susie ! Besoin de « Marraine la bonne fée » ?
-Très drôle, Em', maugréai-je en contemplant mon amie.
Elle était magnifique, évidemment, dans une sublime robe d'un rouge sombre qui ressortait de sa peau pâle. De la fine dentelle couvrait ses épaules et ses bras, ainsi que le buste de sa robe pour ensuite se perdre dans le tissu. Le travail était si beau que les broderies semblaient s'animer.
-Waho, lâcha Susan avec un léger sourire. Je ne sais pas qui tu vas au bal mais ... Il est chanceux.
Le joli visage d'Emily se crispa quelque peu et elle haussa les épaules. Malgré de nombreuses interrogation de la part de l'ensemble des Poufsouffle, et quatre demandes de différents garçons, Emily restait pour l'instant sans cavalier. Mais ça ne paraissait pas l'affoler : elle s'examinait dans le miroir d'un œil critique, avant de ramener ses longs cheveux blonds sur son épaule.
-J'avais un doute sur la couleur mais ... ça a l'air d'aller. (Elle me jeta un coup d'œil et sourit d'un air appréciateur). J'étais presque persuadée que tu choisirais celle-là. Il faut juste la faire raccourcir un peu ...
-Beaucoup, tu veux dire, marmonnai-je en me baissant pour évaluer la coupe. Je déteste être petite ...
-Oh, tu ne sais pas tout les problèmes qu'ont les grandes ... Alors Susie ? Besoin d'aide ?
-Merci mais j'ai déjà ma robe, répondit-t-elle avec un charmant sourire qui creusait ses fossettes. Je viens juste aider Hannah ...
-Et un cavalier, d'après ce que je sais ? me moquai-je gentiment avec un coup de coude.
Les joues de Susan prirent une teinte rose. Sullivan Fawley lui avait demandé d'aller au bal avec elle, juste après que j'aie refusé. Hannah et elle s'éloignèrent dans les rayonnages.
-Et toi viens avec moi, me dit Emily d'un ton impérieux en me prenant la main. On va voir si personne ne peut t'ajuster cette robe.
Je me laissai entrainer dans les rayonnage, en prenant soin de ne pas marcher sur les pans de tissu qui trainait à terre. Nous finîmes par trouver une vendeuse de libre, qui m'installa debout sur un étroit tabouret, et examinait le bas de ma robe, sa baguette entre les dents et son ruban à mesurer dans les mains. Je me trémoussai, mal à l'aise, et récoltant ainsi son regard noir.
-Restez tranquille, ça ne durera qu'une seconde ...
-Oui Bennett, reste tranquille. Sinon on risquerait de te couper et tu souillerais cette jolie robe de son sale sang ...
La voix dégoulinante de moquerie émanait de Gloria Flint, et son amie de Serpentard agrémenta sa pique d'un rire sardonique. J'étais bien trop blasée pour ne serais-ce qu'accorder de l'attention à Gloria, mais je paraissais être la seule. Emily leur jeta un regard méprisant, mais la vendeuse la prit de vitesse. Elle se leva d'un bond, baguette à la main et s'exclama d'une voix visiblement indignée :
-Je ne veux pas de ça dans ma boutique ! Sortez d'ici !
-Mais on a déjà choisi nos robes ..., protesta la camarade de Gloria, désemparée.
Elle portait effectivement leurs tenues sous le bras, mais la vendeuse n'en démordit a pas et pointa une baguette menaçante sur les Serpentards :
-Je m'en contre-fiche ! Mes ventes sont faites : vous, vous irez chercher vos tenues de l'autre côté de la place ! Wizly, sors-les d'ici !
Un elfe de maison se matérialisa entre Gloria et son amie, faisant sursauter cette dernière. Quant à Gloria, elle toisa la vendeuse d'un air glacial, avant de laisser tomber sa robe en un geste méprisant et de prendre son amie par le bras.
-Pas la peine de nous mettre dehors, l'elfe, je sors seule, répliqua-t-elle à l'adresse de Wizly, qui partait pour les accompagner. Il est hors de question que j'achète ma robe à un endroit fréquenté par les Sang-de-Bourbes.
-Non mais ..., s'indigna la vendeuse.
Cette fois, Emily avait sorti sa baguette, mais je me précipitai sur elle et refermai brusquement ma main sur son poignet pour baisser son bras.
-Ça va, Em', l'apaisai-je d'une voix douce. Ça va, elle est partie.
-Quelle sale garce ...
J'acquiesçai sombrement, alors que la vendeuse fulminante me forçait à retourner sur le tabouret. Alors qu'elle effectuait les retouches en jurant à voix basse, je fixai l'endroit où Gloria avait disparu. L'elfe de Maison avait claqué des doigts, et la robe qu'avait laissée tomber Gloria était partie se ranger seule, volant à travers les rayonnages. Je m'étais un instant demandé si elle pouvait être au courant des manigances de Selwyn. Du cinq novembre ... et des deux mots qui m'avaient été envoyés depuis le début de l'année. Simon avait recommencé à me surveiller discrètement, faisant subtilement en sorte que je ne sois jamais seule. Une fois que la vendeuse eût fini, Emily et moi retrouvâmes Mathilda, qui s'était changée et nous attendait patiemment près des cabines d'essayage. Nous allâmes payer nos robes, et je faillis m'étouffer en voyant le montant de cinq gallions et sept mornilles s'afficher. Mais Emily me gratifia d'un léger coup de coude pour me faire taire et je sortis docilement l'argent, la mort dans l'âme.
-Un prix que ne paieront pas Flint et Harper, se réjouit Emily avec un sourire féroce, alors que nous sortions enfin de la boutique. J'ai oublié d'aller embrasser la vendeuse ! La tête de Flint quand elle les a mis dehors !
-Emily, souffla Mathilda en la prenant par le bras. Bel espagnol à trois heures ...
Je jeta un coup d'œil discret par dessus mon épaule, et vit effectivement un groupe d'élève de Beauxbâtons, parmi lesquels Esteban. Il nous remarqua à son tour et fit un signe de main agrémentant d'un charmant sourire à l'adresse d'Emily. Celle-ci lui répondit timidement, avant de rabattre le capuchon de sa cape sur son visage. Elle se mordit la lèvre inférieur, jeta un nouveau regard au groupe de garçon, et je vis à l'éclat déterminé dans ses yeux qu'elle avait pris une décision.
-Je reviens, les filles, partez sans moi, nous lança-t-elle avant de s'éloigner vers Esteban.
La voyant arriver, il s'était détaché du groupe, et l'accueillit en l'embrassant sur les deux joues comme pouvaient le faire les français. Mathilda et moi échangeâmes un regard ravi.
***
-Je comprends rien, il n'y avait pas quelque chose avec Roger Davis ?
-Oh Simon, remets-toi ...
-Mais explique-moi !
Emily pinça des lèvres en toisant Simon. Nous nous dirigions avec Cédric vers la Salle de Sortilège, deux jours après la sortie de Pré-au-Lard. La rumeur selon laquelle Emily allait au bal avec un élève de Beauxbâtons avait vite fait le tour de notre année, en stupéfiant certains.
-Il y aurait pu avoir quelque chose entre moi et Roger, admit-t-elle alors du bout des lèvres. Mais c'était l'année dernière et il m'a clairement signifié que ... j'étais juste une excellente amie pour lui.
-Oh, compatis-je en fronçant du nez. La délicatesse même.
-Bon bah Esteban alors ..., éluda Cédric par souci de ménager la susceptibilité d'Emily. Vous ferez un beau couple.
-Pas aussi beau que toi et Cho, plaisantai-je en le prenant par le bras. Alors, tu as ton costume ? Cravate ou nœud papillon ?
-Vous aurez la réponse dans quelques jours, Bennett, dit Flitwick de sa voix fluette.
Il était si petit que je ne l'avais pas remarqué nous attendant devant sa salle. Il nous adressa un sourire aimable et retint un instant Emily pour la féliciter de son excellent devoir. Avec un soupir désabusé, je m'installai à ma table en l'attendant, mais avant qu'elle n'ait pu avoir le temps d'atteindre notre table, un sac se posa brusquement à côté de moi.
-Désolé, Fawley, s'excusa Miles en la gratifiant d'un sourire. Je te la rends à la fin du cours ?
-Pas question ! réagis-je, soudainement prise de panique. Retourne à ta place !
Je levai des yeux suppliant sur mon amie. Emily le jaugea d'un air ahuri, avant de me jeter un bref regard. Je la vis hésiter, mais Simon la prit vivement par le bras pour la forcer à avancer.
-Non, ça ne la dérange pas ! assura-t-il avec un sourire qui me semblait destiné. A plus !
-Simon !
Mais les protestations d'Emily ne changèrent rien et Simon l'emmena vers Cédric. Mais il prit le temps de lever trois doigts derrière son dos et je jetai un regard furieux à sa nuque. Miles s'assit sur la chaise d'à côté avec un sourire suffisant qui me donna l'envie de le gifler, et je rongeai mon frein en sortant mes affaires. Depuis qu'il m'avait embrassé, j'avouais l'éviter, et c'était presque devenu obsessionnel depuis l'annonce du bal de noël.
-Quel forceur, marmonnai-je alors que les bavardages commençaient à s'élever dans la Salle. Non mais je n'y crois pas ...
-Et quoi ? Tu aurais préféré que je mette avec Selwyn ? Je pensais que ça te ferait plaisir de constater que je préfère ta compagnie à la sienne.
Mes yeux se portèrent sur les premiers rangs, où Ulysse Selwyn était assis aux côtés de Gloria Flint. Celle-ci me souffla un baiser moqueur avant de reporter son attention sur son camarade de classe.
-Ils vont ensemble au bal, m'apprit alors Miles d'un ton badin. Et j'ai même vaguement entendu parler de fiançailles ...
De fiançailles. Bon sang, les grandes familles de Sang-Pur venaient vraiment d'un autre âge ... Ils n'étaient même pas majeurs. Je traçai de vagues dessins de ma plume sèche sur mon parchemin. A l'approche des vacances et dans l'esprit de noël qui s'annonçait, Flitwick ne prenait même plus la peine de maintenir une quelconque autorité dans sa classe et les conversations allaient bon train.
-Tant mieux pour eux, marmonnai-je, la joue écrasée contre mon poing.
-Oh, Vic' ... Tu ne peux pas m'en vouloir, tu m'évites depuis quelques temps ...
-Et tu sais très bien pourquoi.
-Oui. Parce que tu ne sais pas me résister.
Je le toisai, agacée. Il n'était pourtant ni sarcastique, ni moqueur. Son visage était sérieux, et ses lèvres légèrement étiré par un doux sourire.
-Ça fonctionne comme ça depuis un an, Vic'. Je te demande de sortir avec moi – ou pire, je t'embrasse – tu râles, je m'excuse, tu me pardonnes sur le coup ... Puis tu me fuis jusqu'à que je retrouve et on passe un super moment jusqu'à que je gâche tout en te demandant et ...
-Tu n'es pas fatigué, Miles ? De me courir après ?
La tête de Miles oscilla doucement, et ses yeux se perdirent un instant sur la classe.
-Moi en tout cas, je le suis, poursuivis-je sans attendre sa réponse. Je suis fatiguée de toujours te fuir, de toujours devoir marcher sur des œufs avec toi ... Oui, ça me fatigue.
Je trempai ma plume dans l'encre et j'esquissai des spirales sur le parchemin. La conversation me gênait autant qu'elle m'agaçait. Miles avait franchi une ligne en m'embrassant. Et si j'avouai lui avoir pardonné sur le coup, trop abasourdie pour exiger qu'il ne s'éloigne, le baiser avait pesé lourd dans mon esprit dans les semaines qui avaient suivies, m'embarrassant chaque jour un peu plus. Parce qu'il m'avait été imposé. Parce que j'avais apprécié. Je n'étais pas certaine de savoir quelle émotion primait lorsque je me rappelais ce moment, alors je préférais l'oublier. Non, décidemment, c'était une ligne de franchie. Et bien que Miles avait raison – c'était un garçon dont j'appréciais la compagnie, et malgré ses sentiments pour moi, j'avais du mal à m'en décrocher – c'était trop pour moi.
-Je ne veux pas prendre le risque que tu m'embrasses à nouveau, avouai-je alors dans un filet de voix, mordant le bout de la plume pour faire passer l'anxiété. Tu vas peut-être me trouver idiote mais ... Ce n'est pas anodin, Miles. Tu n'as pas à m'imposer ce genre de moments. Je ne le souhaite pas et ... Je ne suis pas ta chose, Miles. Tu ne peux pas faire tout ce que tu veux avec moi, sous prétexte que je t'apprécie un temps soit peu, et que je t'ai toujours pardonné. Je ne te le pardonnerais pas cette fois.
Mon regard coula jusque Miles, qui n'avait pas quitté les spirales que je dessinais toujours. Sa bouche s'était tordue pendant mon exposé, et il ramena ses mains au niveau de son visage pour entrelacer ses doigts devant son nez et y appuyer son front. Il resta silencieux de longues minutes au cours desquelles je finis par colorier les spirales avant de lâcher :
-OK. D'accord, je comprends.
J'arquai un sourcil en le dévisageant.
-Vraiment ?
-Vraiment, assura-t-il avec une douceur surprenante. J'avais déjà compris que t'embrasser sans que tu ne le veuilles, c'était un faux-pas et encore une fois je m'en excuse. Et pour répondre à ta question ... moi aussi je suis fatigué, Victoria.
Il décroisa ses doigts et se laissa aller contre sa chaise avec un soupir.
-Ça fait un an que je te cours après et on ne va pas se mentir, c'est épuisant. Tu es rapide et agile, alors difficile à attraper. Et plus j'essaie, plus tu t'éloignes alors ... peut-être qu'il est temps ... d'arrêter d'essayer.
Je le lorgnai d'un air circonspect, mais les traits de Miles demeurèrent sérieux, et son regard réfléchi.
-J'y pense depuis que je t'ai embrassé, admit-t-il en passant une main dans ses cheveux. Après tout, on est deux personnes qui s'apprécient alors ... il faudrait peut-être que j'arrête de tout gâcher en te demander de sortir avec moi à chaque fois, non ?
-Ce n'est pas ce que je n'arrête pas de te répéter depuis un an ?
Cela arracha un sourire à Miles, tenu mais amusé. Pour autant, j'appréciai la résolution dans les yeux du Serpentard, ainsi que son discourt. J'ignorai si je devais y croire mais ... j'étais une fille qui avait foi en les gens. Alors ...
-Je suis intelligent, mais un peu long à la détente. Je préfère t'avoir en amie que ne pas t'avoir du tout. D'accord, d'accord ! ajouta-t-il quand je lui jetai un regard noir. Oublie le verbe « avoir », évidemment que je ne te possède pas ! Bon sang, Vic', tu vois ce que je veux dire ?
Le rouge lui était monté aux joues et cela fit naître un sourire sur mes lèvres. Je mordillai un instant la pointe de ma plume, indécise. Miles avait raison : il avait gâché beaucoup de moments avec ses demandes, mais j'avais envenimé les choses en le laissant faire et acceptant chaque fois ses retours, pour mieux replonger. Peut-être qu'effectivement, je n'avais pas su lui résister. Et peut-être était-ce également pour cela que je l'avais fuis. Au final, comme chaque fois, la faiblesse prima et j'acquiesçai du chef.
-D'accord.
-D'accord ?
Un sourire incertain s'était étiré sur les lèvres de Miles, mais je pointai une plume menaçante sur lui.
-C'est ta dernière chance, Bletchley. Je ne veux plus de demandes impromptues, et pas de baisers volés !
-Promis ! s'enthousiasma Miles avec un immense sourire. Mais ...
Le coin de ses lèvre s'affaissa légèrement et il passa une nouvelle fois sa main dans ses cheveux. Une lueur presque timide brilla dans ces yeux.
-Mais ... de ce fait ... ça ne te dérangerait pas de commencer cette nouvelle relation en allant au bal avec moi ?
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