Une Certaine Nuit
(média : Parce que voilà)
Silencieusement, je fixais l'heure sur mon réveil. Les chiffres lumineux indiquaient minute et quart. Je tendis l'oreille. Pas le moindre bruit. Ne rompent aucunement le silence nocturne, je me levais de mon lit et sortais de ma chambre pour atteindre la porte de la chambre de mes parents. Le ronflement paisible de mon père et l'absence de lumière provenant de n'importe quelle autre pièce me permirent de savoir qu'ils dormaient tous. Parfait.
J'avançais jusque dans l'entrée pour y prendre mes chaussures ainsi que mon manteau et retournais dans ma chambre, le plus discrètement possible. Je m'habillais en tentant de garder le volume sonore le plus bas possible, glissais la clef de la maison dans une de mes poches avec mon téléphone chargé à bloc, un portemonnaie contenant 10 euros et un couteau de poche, volé dans la cuisine. Il me semblait logique de garder de quoi me défendre lors d'une sortie nocturne. L'obscurité est propice aux pires folies, d'après les dires de mes congénères. Autant les écouter pour garantir le moins de risques possibles.
Ceci fait, j'ouvris la fenêtre de ma chambre et sortis, prenant soin de la laisser entrouverte pour pouvoir arriver à l'ouvrir quand je rentrerai. La clef ne servirait qu'en dernier recours, si jamais la fenêtre se révélait fermée à mon retour. De toutes manières, je ne serai partie que quelques heures.
Inspirant à fond l'air frais de la nuit, j'avançais d'un pas léger, presque sautillant. J'aurais dû faire ça plus tôt. C'est tellement agréable. Rien que la petite accélération du coeur due à braver une interdiction était magique. J'avais l'impression d'être dans un rêve. C'était génial. C'était les seuls moments où je me sentais libre. Seulement, ma liberté allait de paire avec mon bonheur. L'un était indissociable de l'autre. Je ne pouvais pas être heureuse sans être libre, et je ne pouvais pas être libre sans être heureuse.
Souriante, je continuais ma marche sautillante à travers la nuit, les pans de mon long manteau claquant de temps à autre contre mes bottes. Je contemplais les routes désertes et leurs abords sombres, que seuls les lampadaires éclairaient pour une seule personne. Je ne souhaitais pas m'épuiser à courir maintenant, bien que l'envie de vitesse commençait à se faire pressante. Je me contentais de sautiller en souriant, lâchant de temps à autre un éclat de rire.
C'était merveilleux. Cette sensation était merveilleuse. Même ces routes, qui me paraissaient monotones à chaque fois que je les traversais de jour me paraissaient désormais magique. À mes yeux, la nuit rendait chaque détail insignifiant infiniment plus beau. C'était peut-être dû au fait que le ciel nocturne cachaient ces détails. Ainsi, chaque chose redécouverte de nuit pouvait avoir été cachée, rendant sa vue plus magique.
Je suis décidément trop sensible. Quel dommage que le jour ne permette pas à cette sensibilité de s'échapper. Cependant la nuit avait ses dangers, d'après mes pairs. Alors autant les écouter. Après tout, c'est comme ça qu'ils souhaitent voir mon évolution.
Je fus arrêtée dans ma méditation nocturne par le son d'une voix me hélant. Je me retournais pour faire face à deux jeune gens. Tous deux vêtus de tenues de soirée adolescentes. Ce genre de vêtements totalement normaux qui trônent fièrement dans l'armoire comme étant la plus belle tenue décontractée. Enfin, c'est ce que j'ai constaté en fixant le jeune homme. Sa compagne portait plutôt une robe de soirée. La première robe de soirée d'une adolescente est souvent exhibée avec fierté, et ça n'a jamais autant été le cas pour cette personne.
-Qu'est-ce-que tu fais là espèce de... de... de..., grommela indistinctement le garçon avant de vomir par terre.
-De bouffonne, termina la fille d'une voix suraiguë en rigolant !!!
De toute évidence, ils étaient fins bourrés. Ça promettait d'être dangereux. Et il était hors de question qu'il m'arrive quoi que ce soit ce soir. Je leur servis mon grand sourire sans répondre et leur tournais le dos pour continuer ma route.
-Mais réponds-nous, ho, m'interpela le garçon !!
Je n'en ai pas envie, alors je crois que je vais m'en abstenir. Les entendant claudiquer derrière moi, je me mis à courir. Tant pis pour la réserve d'énergie que je comptais utiliser pour plus tard, j'allais devoir l'entamer maintenant. Ils ne m'en laissaient pas le choix. Je refuse d'avoir affaire à ce genre de personnes. Pas ce soir. Ce soir c'est mon moment. Et je veux en profiter, pas le subir. Alors je courais sous les nombreux yeux du ciel nocturne qui me fixait, la bouche grande ouverte. Du moins, c'était l'impression que donnait cette claire nuit de pleine lune.
Au bout d'une dizaine de minutes j'avais réussi à les semer. Je repris mon souffle et ma route plus calmement, m'enfonçant dans les bois adjacents à la ville. Au bout de quelques minutes, j'atteignis les ruines d'une vieille maison. J'entrouvris la porte défoncée et m'assis dans un coin de la pièce en silence. Au bout de quelques minutes, un murmure s'échappa de mes lèvres avec difficulté :
-Salut...
-Salut. Tu vas bien ?
-Plutôt oui. Je suppose que te poser la question est inutile.
-Maintenant que tu es là... Y a matière à ce que je m'ennuie moins...
Je souris. Et le monstre, de l'ombre, sortit. Bien qu'il puisse en effrayer plus d'un, pour moi il est parfait. Il est ce que la culture populaire pourrait appeler un loup-garou. Seulement, ce n'est que physiquement. De mon côté, je vois un jeune homme à tête de loup, au corps recouvert de fourrure noire et aux pattes arrières lupines. Et bien qu'il puisse paraitre bourru, il est tout ce qu'il y a de plus amical. À condition de le connaitre. Je lui souris et fixais ses yeux.
-C'est vraiment dommage que tu ne puisses pas venir plus souvent...
-Je n'ai pas toujours le temps ou les moyens de sortir. Sans compter qu'on me poserait des questions. Ça pourrait paraitre suspect. Et j'ai pas envie qu'ils te trouvent.
-C'est vrai que les réactions des humains sont souvent les mêmes face à l'inconnu... Et ce ne sont pas les meilleurs...
-On est d'accord. Néanmoins nous avons quelques petites heures devant nous. Autant en profiter n'est-ce-pas ?
-Effectivement.
Je trouve cocasse que, bien que je sois humaine, j'arrive à fuir le genre humain par mes fréquentations. Ça me plait. Mieux vaut être inhumain, libre et heureux qu'humain, malheureux et prisonnier de tout. Dommage que ce ne soit actuellement le cas de nombre de mes pairs...
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