La Corneille et le Corbeau
Quand Crow frappa à la porte de la maison d'Hélène, Night fut surprise de le voir. Il avait l'air tendu. La démone comprit alors rapidement la raison de sa venue, et revint un peu plus tard avec un Raven évanoui dans les bras. Elle le lui confia en lui disant :
-On ne s'est jamais vu. Et t'as intérêt à prendre soin de lui.
Sur ce, elle ferma la porte, laissant la divinité corbeau partir avec sa chère corneille...
Quelques heures plus tard, Raven se réveilla enfin. Et il fut surpris de constater qu'il n'était pas dans son lit, ni même dans une pièce qu'il connaissait. Il tournait la tête tout doucement, jusqu'à ce que son regard heurte d'étranges yeux vairons, l'un gris, l'autre marron. Le jeune homme à qui ils appartenaient, remarquant qu'il était réveillé, se leva sans dire un mot et quitta la pièce.
L'Oiseau se remémorait rapidement les instants précédant son évanouissement : le dialogue à la fin des cours, l'attaque de Colombe, Ophélie qui a pris sa défense en la mettant en fuite et son rapatriement chez la mère de Luna. La logique voudrait donc qu'il se retrouve dans le salon d'Hélène, là où il avait fini par s'endormir alors que Night faisait l'inventaire de ses blessures. Seulement son instinct lui disait que ce n'était pas le cas.
Et à partir du moment où il vit Crow entrer avec une tasse et un verre, il soupira, dégouté que son intuition se fut avérée vraie. Le dieu corbeau avait retiré la veste et la cravate de son costume habituel, ayant même légèrement déboutonné sa chemise. Il déposa la tasse sur sa table de nuit, juste à côté du blessé et se releva pour se tenir debout au pieds du lit, un air renfrogné sur le visage.
"S'il se pensait sexy, c'est raté, pensa Raven en rougissant."
-Qu'est-ce-que je fais ici ?
-Bonjour Raven, bien dormi ?
Crow semblait ignorer délibérément la question et avala une gorgée de son verre. L'Oiseau se redressa de son mieux et finit assit sur le lit, le fixant dans les yeux.
-Réponds à ma question s'il te plait.
-Et si j'en ai pas envie tu fais comment ?
-Pourquoi est-ce-que je suis chez toi ?
Le dieu corbeau poussa un soupir, légèrement excédé :
-Parce que je suis allé te chercher, grand malin !
-Pourquoi t'es allé me chercher ? Ça aurait dû être à Wolf de faire ça. Je suis sûr qu'il n'est même pas au courant, il va finit par s'inquiéter et te tomber dessus, tu sais, tenta de le raisonner son interlocuteur.
-J'm'en fous. Mais complètement, répliqua-t-il en avalant une nouvelle gorgée.
Raven le détailla du regard. Il était rarement d'une humeur aussi massacrante envers lui, et pour un peu ça l'inquiéterait.
-C'est bon, j'ai compris, quel est le problème ?
Crow éclata d'un rire sans joie et répondit après avoir vidé son verre :
-Le problème ?! Non mais tu te fous de moi j'espère ?! Ta tentative de suicide ratée, c'est pas un problème peut-être !?
-Mais de quoi tu parles ?
-Rappelle-moi un truc, j'ai la mémoire courte : lequel d'entre nous a passé son temps à répéter à l'autre de NE PAS combattre Colombe à moins d'avoir des pulsions suicidaires ?!
-Comment tu sais ça toi ? Tu m'as suivi c'est ça !!
Malgré le ton accusateur de l'Oiseau, Crow ne cilla pas et lui lança d'un ton acerbe :
-Qu'est-ce-que ça peut de te faire ? Tu t'en fous de toutes façons !
Il soupira dans une légère tentative de se calmer et lui dit d'un ton plus doux, mais qui paraissait tenter de maitriser une certaine colère :
-Boit un peu de café, ça ne te fera pas de mal.
Son interlocuteur hésita quelques secondes avant d'obtempérer et d'avaler une gorgée pour lui faire plaisir. Il fut surpris de constater qu'il était suffisamment sucré à son goût, ce qui n'avait jamais été le cas lorsqu'ils étaient ensemble. Il en but une nouvelle gorgée et reposa la tasse sur la table de nuit. Il hésita quelques secondes avant de commencer à poser une nouvelle question :
-Tu m'as vraiment suivi, n'est-ce-pas ?
-Je radote sans doutes comme le vieux crouton que je suis, mais qu'est-ce-que ça peut te faire ?
-J'ai le droit de savoir si tu m'espionnes ou pas.
-Oh, pauvre petit chou !
Crow poussa un grand rire et tomba en avant, sur le bas du lit, sous le regard neutre de Raven, avant de reprendre la parole, s'exprimant d'un ton presque frénétique :
-Oui, je t'espionne ! J'en ai pas honte, et tu sais pourquoi ?! Parce que t'es beaucoup trop naïf, tu pourrais tomber dans n'importe quel piège suffisamment bien ficelé !
-Mais qu'est-ce-que ça a à voir là-dedans ?!
-T'es vraiment trop con... Je m'inquiète pour toi putain ! Parce que t'es complètement dans la logique : "fait ce que je dis, pas ce que je fais !" !! Que tu t'attaques à des gros morceaux alors que tu me défends toujours de le faire !! Ta paternité t'as rendu con ou comment ça se passe ?!
Raven soupira. Il savait que tôt ou tard ils auraient à s'expliquer à ce sujet. Il se doutait que Crow supportait moyennement le fait qu'ils n'aient pas eu d'enfants à eux. Mais ce qu'il avait l'air d'oublier, c'est qu'ils n'étaient plus ensemble et qu'il n'avait pas de comptes à lui rendre.
-Tu ne comprends pas... Tu ne sais pas ce que c'est que d'avoir des enfants, toi... C'est pas de tout repos, surtout vu comme elle est importante, je ne peux pas me permettre de la savoir menacée ! Je... Je l'aime trop pour accepter qu'elle vive dans le même monde que des êtres comme Colombe ou Swan...
-Te fous pas de moi !! Je SAIS ce que c'est que d'être père !!
-Ah ouais ?! Prouve-le !!
Crow se leva du bord du lit, récupéra son portefeuille qui trainait par terre et en sortit une photo qu'il jeta à Raven. Il parvint à distinguer les traits d'une préadolescente aux longs cheveux noirs vêtue d'une robe tout aussi sombre sur un vieux cliché en noir et blanc. Elle ne souriait pas, et avait l'air vraiment haineuse.
-J'te présente Émilie Wilcox. Elle avait 6 ans quand je l'ai connue, elle venait de pousser son petit frère du haut des escaliers de sa maison de bourgeois anglais. Le soir même, j'ai commencé à engager une conversation avec elle. En moins de 3 mois, j'étais devenu son père de substitution. Elle est morte la vieille de ses 15 ans après une vie de massacres. Imagine un peu ce que j'ai ressenti le jour où j'ai vu le cadavre de ma gamine baignant dans une mare de sang !
L'Oiseau avait ouvert de grands yeux ronds, ne sachant que penser. Il ne savait rien de cela, et pourtant... Crow récupéra la photo et la rangea à sa place avant de s'asseoir non loin de Raven, au bord du lit, en concluant sa tirade :
-Alors ne me dit plus jamais que j'ignore ce qu'est la paternité !! Tu en fais trop simplement parce que tu es trop naïf pour croire aux prophéties !
-Tu sais aussi bien que moi que ce n'est pas du mensonge !
-Raven bordel de merde arrête de te comporter comme un idiot !! Tu croies vraiment qu'un connard quelconque a décrété de ce que tu ferais, ce que ta gamine ferait jusqu'à vos repas ou le moment où vous allez aux chiottes ?! Tu me déçois putain !! Je te croyais plus intelligent que ça !!
-C'est pas une question d'intelligence, il suffit d'être pragmatique pour voir ça !! Nombre de prédictions m'ayant été faites se sont révélées vraies, pourquoi pas celle concernant Atropos ?!
-Arrête. Arrête d'être comme tous ces gens qui sont persuadés que tout est lié. Tu sais quoi ?! Rien que pour te prouver que t'as tort, j'aurais pu la tuer ta gamine !!
-Si tu fais ça je te jure que-!
-Sauf que je ne le ferai pas, coupa Crow !! Tu sais pourquoi je le ferai pas ?! Pour deux raisons toutes connes : la première c'est que je refuse de te faire du mal. La deuxième, c'est parce que je l'aime bien cette gamine.
-Crow, est-ce-que je peux te demander d'arrêter de faire comme si nous étions ensemble alors que ce n'est pas le cas ?!
Ce dernier ricana, serra ses mains dans les siennes et l'embrassa avec une fougue qui surprit Raven, ce dernier restant tendu.
Crow cessa le baiser, le serra très fort contre lui en cachant sa tête dans son cou. Et la Corneille le laissa faire au moment où il sentit les larmes sur son épaule, tentant de le calmer de son mieux, tout en l'entendant murmurer :
-Si tu savais comme tu m'as inquiété... Si tu savais comme j'ai peur pour toi... Si tu savais comme je t'aime...
"Et si tu savais comme t'es insupportable, mon sale gosse, pensa Raven..."
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