Chapitre 7-2







— Qui est là ?

Ma voix, que j'avais espéré ferme et décidée, me parut tremblante et apeurée alors que je m'avançai doucement, histoire de me placer entre la porte du cagibi et la sortie. Au cas où ce serait le croque mitaine qui sortirait du placard...je préférais être prudente et me rapprocher d'une issue. 

— Je sais qu'il y a quelqu'un...j'ai vu la porte bouger, essayai-je à nouveau.

Évidemment pas de réponse ! Mais à vrai dire je m'y attendais un peu.

— Si tu es la...

Je m'interrompis, constatant que je ne connaissais toujours pas son prénom. Qu'est-ce que s'était agaçant, râlai-je pour moi même.

— Si tu es la jeune fille que j'ai sauvé tout à l'heure...

— Je m'appelle Catherine, me coupa un chuchotement tremblant venant du réduit obscur, alors que la porte s'ouvrait. Mais tout le monde m'appelle Cat, finit-elle avec un petit sourire timide comme si elle réagissait à une bonne blague connue d'elle seule.

Elle était assise par terre au milieu des sauts, des balais et des serpillières, le dos appuyé contre le mur. Elle avait une jambe repliée contre elle et l'autre étendue. Son bras gauche reposait mollement à son côté comme si elle n'avait pas la force de le relever et dans sa main droite, elle tenait le téléphone qu'elle avait volé un peu plus tôt. Elle était réveillée mais paraissait toujours un peu absente, l'air pas vraiment pas dans son assiette.

— Écoute, tu n'aurais pas dû te sauver. Si tu es une...

Je fus interrompue par un bip sonore et strident venant du téléphone. Elle appuya sur une touche et fixa le petit appareil durant quelques secondes, comme si elle ne le voyait pas. Puis avec un effort visible, ses yeux semblèrent faire le point et je vis une lueur d'espoir les traverser un instant.

— On...on vient me chercher. Il faut...que je sorte d'ici, dit-elle dans un souffle tandis qu'elle se relevait en prenant appui sur le mur d'une main tremblante. Je dois rejoindre le parking, continua-t-elle d'une voix de plus en plus essoufflée en faisant quelques pas titubants dans ma direction.

Elle s'agrippa au chambranle, le souffle court et me lança un regard d'avertissement, me défiant de l'en empêcher. Mais je n'en avais pas l'intention et pour le lui prouver, me décalai légèrement sur le côté pour lui laisser le champ libre. Une légère surprise traversa ses prunelles, avant qu'elle ne prenne une inspiration tremblante et s'avance vers la porte d'un pas lourd et de plus en plus hésitant. Son pied sans force glissa et machinalement je tendis le bras pour la retenir.

— Attendez, je vais vous aider, lui-dis-je sans réfléchir.

Elle eut un mouvement de recul mais finalement se laissa faire, avant de tourner ses yeux flous et surpris vers moi.

— C'est vrai ?

Sa voix fluette et mouvante était étonnée mais surtout emplie d'espoir et je compris qu'elle s'était méprise sur le sens exact de mes paroles. Pendant un court instant je ne dis rien, pesant le pour et le contre. Allais-je aider une potentielle clandestine à fuir ?

Soyons honnête, me dis-je, si je n'avais pas quitté cet hôpital au moment où j'avais reconnu ces affreux types, c'était bien pour l'aider. Certes je comptais le faire de manière officielle en prévenant l'inspecteur et non en tombant sur elle, à moitié évanouie dans les toilettes, mais...après tout ce qu'elle avait traversé, je n'allais pas la laisser tomber maintenant.

Et puis, j'avais fait mon maximum pour prévenir Storm, non ? essayai-je de me convaincre une dernière fois, en me rendant compte que ma décision était déjà prise. J'allais l'aider à rejoindre les siens, et une fois qu'elle serait à l'abri et en sécurité, j'irais tout raconter à la police.

— Oui, lui répondis-je enfin d'une voix douce mais ferme. Ce parking où vous devez les rejoindre, c'est lequel ? lui demandai-je en l'entraînant vers la cabine la plus proche, avant de la faire assoir sur l'abattant fermé des toilettes.

Elle se laissa faire, visiblement un peu hébétée, avant d'essayer de se relever presque aussitôt.

— Non, qu'est-ce que vous faites ! Je...je dois partir tout de suite. Vous voulez encore prévenir la police c'est ça ? Mais vous ne comprenez pas, il faut...

— Non, pas du tout ! tentai-je de la rassurer. Je réfléchis juste au meilleur moyen de sortir d'ici sans nous faire repérer et...vous êtes brûlante, ajoutai-je sentant la chaleur irradier à travers sa chemise d'hôpital.

— Vous...vous allez vraiment m'aider...sans prévenir police ? me demanda-t-elle, n'ayant visiblement retenue que ça de ma réponse.

— Oui, mais restez tranquille quelques minutes...que je réfléchisse, lui dis-je en allant tirer une serviette en papier au distributeur, avant de la passer rapidement sous l'eau froide.

Dans l'état précaire et chancelant dans lequel elle se trouvait, ce serait un miracle si nous parvenions à traverser l'hôpital sans nous faire repérer par un policier, ou pire. Il fallait que je trouve une idée de génie et vite, me dis-je tandis que je revenais vers elle, ma compresse de fortune à la main.

— Vous avez de la fièvre, c'est pour vous rafraîchir, lui expliquai-je suite au violent mouvement de recul qu'elle avait eu en me voyant approcher la main de son front.

— Non, ça va aller. C'est...c'est normal, il faut vraiment que je parte d'ici, tout de suite, dit-elle d'une voix pâteuse mais déterminée alors qu'elle se levait en s'appuyant sur les parois.

Ne cherchant plus à comprendre son comportement erratique, je reculai pour lui laisser de la place et ne pas qu'elle se sente prise au piège. Elle fit quelques pas hésitants, semblant prendre des forces à chaque nouvelle enjambée. Une fois hors de la cabine, elle me fixa, comme pour graver mes traits dans sa mémoire, avant que son regard ne dérive vers mon cou.

— Je suis vraiment désolée, me dit-elle d'une petite voix contrite, ses yeux peinés toujours braqués sur mon cou tuméfié. 

— Il ne faut pas, lui répondis-je aussitôt en tournant la tête. C'est impressionnant, mais ce n'est rien, la rassurai-je, en effleurant du bout des doigts l'hématome noirâtre qui commençait à fleurir sur ma peau blafarde.

— Ce doit être douloureux ? Je suis vraiment navrée, je ne voulais pas vous...

— ...et si on se tutoyait ? lui demandai-je gentiment pour couper court à ses excuses maladroites et gênantes, avant d'avancer d'un pas, la main tendue, pour l'inciter à s'appuyer sur moi.

Mais au lieu de la prendre, elle recula maladroitement, manifestement paniquée à l'idée que je puisse la toucher.

— ça va aller, je peux marcher toute seule, me dit-elle précipitamment. Puis, prenant un appui incertain sur le mur lisse, elle fit lentement un pas en direction de la porte. 

Elle tremblait de tous ses membres et paraissait sur le point de s'écrouler à tout moment, mais je ne l'aidais pas. J'avais bien compris qu'elle ne voulait pas que je la touche. Alors, raison rationnelle ou non, je n'allais pas insister. En revanche, je ne pouvais pas la laisser se promener, toute flageolante, dans les couloirs. Nous serions repérées en moins de deux.

— Tu n'es pas assez solide pour te promener ainsi dans l'hôpital, tentai-je à nouveau de la raisonner. La police et la moitié des urgences sont à ta recherche...

Je m'arrêtai subitement, hésitant à lui parler des deux hommes. Elle avait l'air encore extrêmement fragile, voir limite instable. Ce qui n'avait rien de particulièrement étonnant après ce qu'elle venait de subir, et que je ne pouvais qu'imaginer. Mais j'avais peur qu'elle panique. Tout à son effort, qui consistait à mettre un pied devant l'autre, elle ne releva pas mon hésitation et c'est à bout de souffle, qu'elle s'arrêta devant la porte.

— Ils n'ont aucune raison de me retenir...je n'ai rien fait de mal, me dit-elle d'un ton qu'elle voulait assuré, mais où perçait malgré tout un doute, que ni sa voix tremblante, ni son regard troublé, ne pouvaient cacher.

— Ils ne veulent pas te retenir, l'inspecteur a juste besoin de ta déposit...Attend !

À l'instant où le mot « inspecteur » fut sorti de ma bouche, je compris que j'avais fait une bêtise, et sa réaction me le confirma presque instantanément. Un éclair de panique passa dans ses yeux et elle s'acharna sur la poignée pour tenter d'ouvrir la porte. Tant pis, je n'avais plus le choix, j'allais devoir le lui dire. De toute façon, vu le niveau de stress qu'elle venait d'atteindre, cela ne changerait plus grand-chose à présent.

— Attend ! répétai-je un peu plus fort pour essayer de capter à nouveau son attention. Écoute-moi ! Les hommes qui étaient à ta poursuite dans le terrain vague cette nuit, ils sont là, dans l'hôpital. Ils te cherchent, en prétendant que tu es leur fille. Je les aie vus, terminai-je d'une voix douce mais ferme, en la regardant dans les yeux.

Un instant elle sembla littéralement se décomposer devant moi et je la vis commencer à s'écrouler doucement. Instinctivement je me projetai en avant pour la rattraper avant qu'elle ne tombe, mais elle se cramponna à la poignée de la porte et réussit à rester debout, flageolante  et jetant autour d'elle des regards paniqués comme si ils se trouvaient déjà dans la pièce avec nous. Puis je vis à son expression qu'elle essayait de se ressaisir (bon point pour elle) mais sans trop de résultat apparemment. Son corps semblait refuser de lui obéir dans l'immédiat, paralysé par la peur.

— Il...il ne faut pas qu'ils me retrouvent. Ils...

— Chuuuut...ça va aller, lui dis-je bêtement pour essayer de la rassurer. Ils ne te retrouveront pas. Mais comme tu ne veux pas que je prévienne la police...nous ne devons pas traîner ici. À moins que tu ne rappelles la personne qui doit venir te chercher pour lui demander de venir directement ici ?

Pour toute réponse, j'eu droit à un mouvement de tête latéral très explicite et ne pouvant pas prêter à confusion. Son comportement paranoïaque commençait vraiment à me taper sur les nerfs. Surtout maintenant qu'elles savaient pour les deux hommes, son refus de rester ici à l'abri, n'avait pas de sens. À moins que le docteur n'ait raison et que ce soit une clandestine, ayant peur de causer des ennuis aux siens.

Je captai son regard et la fixai intensément pendant quelques secondes, pesant le pour et le contre d'un questionnement direct. Après tout, qu'avais-je à perdre à tenter le coup ? Elle n'irait pas bien loin sans moi de toute manière et même si l'idée de la laisser tomber me répugnait, j'avais besoin de savoir dans quoi je m'embarquais exactement.

—Tu ne crois pas qu'il serait temps que tu me dises la vérité, Cat ? attaquai-je. J'ai risqué ma vie pour te sauver, je t'ai couverte auprès des flics et tout ça sans savoir pourquoi ! La moindre des choses serait de me fournir au moins une petite explication, tu ne crois pas ? Tu es une clandestine ? Ces hommes, ce sont des passeurs ? C'est ça ? insistai-je, voyant qu'elle ne me répondait toujours pas.

—Heu...oui. Je crois que l'on peut dire que je suis une clandestine, avoua-t-elle enfin d'une toute petite voix, en baissant les yeux.

Sa formulation était étrange, mais je m'en contentai. J'avais enfin une réponse rationnelle à cette histoire de dingue et cela convenait parfaitement à mon cerveau fatigué. Elle releva vers moi un regard désespéré, mais pas encore résigné, me suppliant sans un mot de l'aider à sortir de là.

— Bon, je t'aide une dernière fois. Mais si tu veux réussir à atteindre ce parking avant Noël, il va falloir que tu me fasses confiance, lui dis-je de mon ton le plus autoritaire. Retourne te cacher dans le placard, pendant que je vais chercher un fauteuil roulant. Ce sera plus rapide, moins fatiguant pour toi et nous passerons beaucoup plus facilement inaperçues.

           

Je la vis hésiter, visiblement réticente à retourner se terrer dans ce réduit. Mais finalement, elle me fit un petit signe d'assentiment de la tête et entra dans le placard. Je n'avais pas encore eu le temps de refermer la porte, que celle donnant sur le couloir s'ouvrit à la volée et vint cogner et se bloquer dans le battant resté ouvert, me remontant le cœur dans la gorge.

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Désolée pour le retard, mais enfants à la maison ne rime pas vraiment avec concentration !!^o^!! J'espère qu'il vous aura plu ?!

Bisous, bisous *-*

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