Chapitre 5-2






Je la regardai un instant sans rien dire, plus agacée qu'impressionnée par sa phrase théâtrale. En temps normal cela m'aurait certainement inquiété, mais là...je devais avoir atteint ma saturation de trucs bizarres. Je sentis que l'accumulation de tout ce qu'il s'était passé ces dernières heures avait enfin raison de mon hébétude et de mon état dépressif latent et au lieu de tenter de comprendre sa réponse, je partis au quart de tour.

— La question de vie ou de mort, c'était avant ! Quand je vous ai retrouvé dans cette décharge et amené jusqu'ici au péril de ma vie ! lui balançai-je d'une voix coléreuse. Maintenant, si vous voulez partir, allez-y, je ne vous retiendrai pas. Mais ne me demandez pas de vous y aider, m'emportai-je en la foudroyant du regard. Je crois que de ce côté-là...j'ai déjà donné, ajoutai-je en lui montrant de la main ma gorge tuméfiée. Un petit merci ne serait peut-être pas de trop en revanche ?

Elle se figea un instant, surprise par ma tirade caustique et agressive. Elle commençait à ouvrir la bouche pour me répondre, mais n'ayant pas terminé mes récriminations, je ne la laissai pas faire.

— Vous avez été séquestrée et droguée ! La police doit faire son enquête et vous devriez au moins attendre les résultats de vos analyses de sang, pour savoir qu'elle sorte de cochonnerie vous avez dans les veines. Moi je voudrais savoir, terminai-je plus doucement. Vous verrez, l'inspecteur Storm a l'air très professionnel, il...

Ses yeux hagards et désespérés, s'écarquillèrent encore davantage, alors qu'un gémissement d'impuissance sortait de sa bouche et qu'elle se prenait la tête dans les mains, interrompant mon essaie de réconfort.

— Oh non, c'est encore pire que ce que je pensais, laissa-t-elle échapper d'entre ses doigts, d'une voix fluette et tremblante.

La voire aussi vulnérable et paniquée termina de faire retomber ma colère presqu'aussi rapidement qu'elle était apparue. À présent hésitante, je me levai et m'approchai d'elle pour essayer de la rassurer, elle avait l'air tellement perdue...

— Ne vous inquiétez pas, vous êtes certainement déstabilisée à cause des drogues. Une fois qu'elles seront éliminées de votre organisme, tout vous paraitra plus clair, c'est sûr, tentai-je gentiment.

Voyant qu'elle ne réagissait pas et qu'elle était toujours prostrée, je décidai d'essayer une autre approche.

— Comment vous appelez-vous ? lui demandai-je gentiment en avançant doucement ma main pour la lui poser sur l'épaule en signe de réconfort.

Je n'eus pas le temps de terminer mon mouvement qu'elle relevait brutalement la tête dans un mouvement ultra rapide se dérobant à mon contact, avant de planter un regard rempli de méfiance dans le mien.

Je ne pus empêcher mon mouvement de recul instinctif devant son regard sauvage. L'espace d'un instant, il m'avait semblé apercevoir un éclair orangé passer dans ses yeux. Non mais quelle gourde ! me réprimandai-je intérieurement. Sûrement un effet des néons. Néanmoins, à la seconde où elle avait perçu mon geste, elle avait détourné la tête et semblait à présent faire beaucoup d'effort pour éviter d'avoir à croiser mon regard de nouveau...étrange. Mais bon, tout dans cette histoire était bizarre depuis le début ! Ce devait-être le stress et la fatigue.

— Vous avez raison, me dit-elle enfin d'une voix moins geignarde. Je ne peux pas vous demander de me croire sur parole. Mais pourriez-vous me prêter votre portable ? Que je puisse appeler mon...ma famille. Ils doivent être morts d'inquiétude, me demanda-t-elle nerveusement et avec hésitation, comme si elle inventait ce qu'elle disait au fur et à mesure.

— Vraiment désolée mais il est à court de batterie, depuis plusieurs heures déjà, lui dis-je de plus en plus méfiante face à son comportement étrange. Mais il y a un téléphone, là dans le couloir, lui indiquai-je d'un signe de tête.

Je vis de la résignation, puis un éclair de détermination passer dans ses yeux, avant qu'elle ne détourne de nouveau la tête, avant de se ré-adosser à ses oreillers.

— Je me repose encore quelques instants et j'irais téléphoner. Merci...

— Vous voulez que je demande qu'on vous en apporte un ?

— Non, non, ça va aller ! Merci beaucoup, s'empressa-t-elle de me répondre d'un ton sous-entendant que la discussion était close.

Encore un peu déroutée par cet étrange échange, je regagnai mon lit, subitement gagnée par la fatigue. Je m'y installai pour me reposer quelques instants, ne pouvant m'empêcher de lui jeter des coups d'œil intrigués. Son comportement était vraiment étrange. A moins que ce ne soit moi, qui vois des trucs bizarres partout depuis cette nuit. Ce qui serait plus que probable, me susurra une petite voix moqueuse dans ma tête.

J'essayai de m'installer le plus confortablement possible et fermai les yeux, aspirant à un peu de repos. Ce qui n'allait pas être simple, vu l'agitation et le brouhaha incessant et stressant, qui émanait des urgences tout autour de nous. Mais au final, ce qui m'empêcha de me détendre n'était pas le bruit, mais mes cellules grises qui s'activaient sans que je ne parvienne à les interrompre. J'avais beau essayer de faire le vide dans mon esprit, tout ce qu'il s'était produit ne cessait de tourner en boucle dans ma tête m'empêchant de décrocher.

Au bout d'un temps indéterminé mais qui me parut très long, ma main commença à se joindre à la fête, m'envoyant des élancements de plus en plus douloureux jusque dans le coude. Puis mon estomac, décida de ne pas demeurer en reste, me rappelant méchamment qu'il était temps que je le remplisse. Mais que faisaient-ils donc tous ? J'avais l'impression d'attendre depuis des heures.

J'attendis encore quelques minutes en cherchant désespérément une position confortable dans mon lit dur et trop étroit, avant d'abandonner tout idée de repos. Puis avec un soupir résigné, je me rassis sur le bord de mon lit, dans l'idée d'aller trouver une infirmière, quelqu'un, n'importe qui, du moment que cela fasse un peu bouger les choses. J'aurais pu appuyer sur le petit bouton rouge sensé servir à appeler le personnel soignant. Mais il était bien indiqué partout en grosses lettres rouge, qu'il était strictement réservé aux urgences.

Je jetai un coup d'œil à ma curieuse voisine. Comme elle me tournait le dos et semblait dormir je m'abstins de la déranger pour la prévenir. Je me levai, passai de l'autre côté du rideau...et faillis me faire rentrer dedans par un infirmier. Le pauvre était tellement chargé en fournitures médicales en tout genre, qu'il ne voyait même plus où il allait. Il me lança un regard agacé et sans prendre la peine de s'excuser, continua son chemin comme si je n'avais jamais été là. Charmant ! Décidément, cet hôpital était une véritable maison de fou.

Je pris quelques secondes pour me repérer, avant de me diriger vers la droite, là où je supposais que devait se trouver le bureau des infirmières. J'avais raison, mais malheureusement pour moi...il était vide. Je commençai vraiment à perdre patience et à me dire que je ferais tout aussi bien de rentrer chez moi pour revenir demain, lorsque le calme serait revenu. Quand l'inspecteur tourna le coin du couloir, un plateau entre les mains.

— Mais qu'est-ce que vous faites debout ? Vous étiez sensée vous reposer. Il ne manquerait plus que vous tombiez dans les pommes au beau milieu des urgences, bougonna-t-il en me fixant d'un air contrarié, à l'instant où il m'aperçut.

Je ne lui répondis pas, me contentant d'une petite grimace pour lui faire comprendre ce que je pensais de son ton paternaliste.

— Y-a-t-il un problème en particulier ? demanda-t-il soudain en reprenant son ton de flic. Ou bien avez-vous juste du mal à faire ce que l'on vous demande ?

Sur le moment je fus tentée de lui répondre oui à sa première question. Le comportement de cette fille était vraiment...étrange. Mais qu'aurais-je bien pu lui dire ? Qu'elle était parano et que j'avais cru voir ses yeux virer au rouge ! C'est sûr que vu comme ça, il valait mieux que je m'abstienne.

— J'en avais seulement marre de poireauter comme une idiote, en entendant tout le monde s'agiter autour de moi, répliquai-je rapidement pour ne pas qu'il se rende compte de mon hésitation. Sans compter que mon estomac vide ne m'aidait pas à me détendre. J'ai donc décidé d'aller voir ce qui leur prenait tant de temps...et je ne vois pas en quoi cela vous regarde, terminai-je en haussant la voix et en me retournant brusquement.

Trop brusquement à l'évidence, puisqu'un voile flou me passa soudain devant les yeux et que je me sentis devenir toute légère. Oh non...j'allais tomber dans les pommes comme venait de le prophétiser le gentil inspecteur ! Je réussis, je ne sais comment, à éviter la syncope en me raccrochant à la première chose qui se trouvait à proximité et qui se trouva être le coin du bureau d'accueil des infirmières. Heureusement mon instinct de conservation n'était pas tout à fait mort et c'était donc de la main gauche, que je m'étais machinalement rattrapée.

— ça va aller ? De toute évidence, je n'étais pas très loin de la vérité, dit l'inspecteur dans mon dos, un petit sourire dans la voix. Allez venez. Une fois que vous aurez mangé, cela ira déjà mieux d'après les médecins.

Puis il partit en direction de la salle des urgences, sans même essayer de m'aider, pensant très certainement que je ne l'aurais pas laissé faire. Curieusement, même si cela était vrai, ça me blessait quand même...allez comprendre. Je le suivis et le rattrapais assez facilement car il ne marchait pas vite, m'attendant de toute évidence. Une fois revenus devant le rideau numéro 5, il l'ouvrit complètement, pour que nous puissions passer tous les deux sans nous gêner. Machinalement nous regardâmes en même temps en direction du lit voisin et nous figeâmes dans un bel ensemble.

— Où est-elle passée ? Ils l'ont emmené passer des examens ? me demanda l'inspecteur d'un ton autoritaire, tout en posant le plateau sur le lit et en cherchant un soignant des yeux pour lui poser la question (mais ça c'est comme avec les vendeurs, ils vous tournent autour comme des vautours et au moment où l'on a besoin d'eux, impossible d'en trouver un !).

— Je ne sais pas. Quand je suis partie, elle avait l'air de s'être rendormie et...je n'ai pas voulu la réveiller...

— Comment ça rendormie ? Vous voulez dire qu'elle s'était réveillée ? Elle vous a parlé ? L'agent Jarvis a eu le temps de prendre sa déposition ? D'ailleurs où-est-il celui là ?! Il était censé attendre dans le couloir, ajouta-t-il avec un débit de mitraillette, trahissant son agacement et me donnant le tournis. Puis il jeta un coup d'œil dans le couloir, avant de reporter son attention sur moi, attendant visiblement que je réponde à ses questions.

Je restais un moment interdite, plantée là comme un piquet, à le regarder bêtement. À cet instant précis, je n'étais quasiment sûre que d'une chose, elle ne passait aucun examen...elle s'était enfuit. Non mais qu'est-ce que j'avais pu être bête ! Après son comportement étrange et ses paroles décousues, j'aurais dû m'en douter.

La question était, devais-je en parler à l'inspecteur, ou la couvrir ?

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