Chapitre 5-1







Un peu abasourdie par son comportement et son absence de réponse à mes explications, j'hésitai quelques secondes avant de me décider à le suivre. J'actionnai machinalement la poignée de la portière et...rien...elle était verrouillée ! Il m'avait enfermé, j'étais prise au piège commençais-je à penser, sentant la panique faire son grand retour tandis que je tirais frénétiquement sur cette fichue poignée, sans succès. Puis, du coin de l'œil, je l'aperçu sur le trottoir, l'oreille rivée à son téléphone, parlant avec animation d'un air préoccupé.

Il n'était pas parti, me raisonnai-je, il était juste au téléphone. Je me trouvais dans une voiture de flic, les portières devaient se verrouiller automatiquement, je m'attendais à quoi franchement ? J'avais beau comprendre, ce n'était pas pour ça que ça devait me plaire, me dis-je en commençant à chercher un moyen de sortir du véhicule. Après tout c'était moi la victime ici ! Je m'apprêtais à passer sur le siège conducteur pour tenter ma chance de ce côté, quand ma portière s'ouvrit sur sa main tendue. Je ne fis aucun commentaire et ignorant son aide, m'évertuai à sortir seule. C'était peut-être une réaction idiote, mais j'étais vexée qu'il me considère plus comme une suspecte que comme une victime.

— Désolée pour la portière, rompit-il le silence d'un ton bourru. L'habitude, j'ai agi par réflexe...ne m'en voulez pas, ajouta-t-il en reculant d'un pas, contrant mon air renfrogné par un petit sourire.

Mais que je veuille de son aide ou non n'entrait apparemment pas en ligne de compte, car mon corps me trahit une fois de plus et je faillis m'étaler de tout mon long sur le trottoir gelé. Heureusement, l'inspecteur avait de bons réflexes.

— Eh là...ça va ? Vous êtes sûre que vous m'avez tout dit, me demanda-t-il d'un ton soupçonneux en me fixant d'un air inquiet.

— Hum...lui répondis-je en faisant machinalement un signe de tête ? Ça doit être juste la fatigue, cumulée au stress qui retombe, continuai-je en me dégageant de sa prise pour marcher à ses côtés jusqu'à l'entrée brillamment éclairée des urgences.

La porte s'ouvrit devant nous avec un doux chuintement et nous pénétrâmes à l'intérieur...avant de stopper net. Hormis la chaleur lourde et étouffante qui nous surprit après l'air froid de la rue, le plus déroutant et impressionnant était la foule qui se pressait à l'intérieur. Il y avait tellement de monde qui attendait que la salle d'attente n'était plus assez grande pour tous les contenir, déversant les patients en attente dans les couloirs. Où que se pose le regard, il y en avait partout, assis, debout, appuyés contre les murs. Nous en vîmes même un qui ronflait doucement dans un coin, couché à même le sol.

Son instant de surprise passé, l'inspecteur nous fraya tant bien que mal un chemin au milieu de cette marée humaine et nous conduisit jusqu'à un bureau d'accueil, où se tenaient deux infirmières à l'air harassé. L'une d'elle leva la tête vers nous d'un air résigné en nous entendant approcher, s'apprêtant visiblement à nous dire d'aller rejoindre la foule en attente. Mais son expression changea du tout au tout lorsqu'elle reconnut l'inspecteur.

— Inspecteur Storm, s'écria-t-elle d'une voix forte et enjouée, manifestement ravie de le voir. Vous êtes là pour la jeune fille inconsciente arrivée il y a dix minutes ?

— Exactement Lily. D'ailleurs, j'ai avec moi la deuxième jeune fille impliquée, lui répondit-il d'un ton professionnel malgré son demi-sourire. Elle a besoin qu'un médecin l'examine, rapidement. Vous pouvez me dire où nous devons nous rendre ?

— Bien sûr. La première jeune fille a été emmenée un peu plus loin, en zone d'observation, lit numéro 6, lui dit-elle avec un grand sourire qui lui enlevait facilement dix ans de rides, tout en lui tendant un formulaire assorti d'un crayon. N'oubliez pas la paperasse et n'oubliez pas non plus de me la ramener...remplie, le gronda-t-elle gentiment.

Il la remercia d'un simple signe de tête et commença à se diriger dans la direction qu'elle lui avait indiqué, en m'entraînant doucement avec lui. Mais avant de tourner au coin du couloir, il se retourna un instant vers l'infirmière qui ne le quittait pas des yeux.

— C'est quoi tout ce cirque ce soir ? Même pour une nuit de Halloween, c'est du jamais vu !

— M'en parlez pas ! Les urgences de l'hôpital général sont fermées suite à un dégât des eaux. Tous les cas sont détournés chez nous ! Et en plus d'halloween, ce soir, c'est la pleine lune ! fini-elle en levant les yeux au ciel. Je n'ai jamais autant souhaité voir le soleil se lever qu'aujourd'hui, je crois, termina-t-elle avec un sourire las.

L'inspecteur lui répondit par un petit rire solidaire et nous continuâmes notre chemin jusqu'à une salle immense, découpée en box individuels par des rideaux bleus layette du plus mauvais effet. Ils étaient tous occupés, sauf un, celui adjacent au numéro 6. Dans ce dernier, se trouvait la jeune fille étendue sur un lit et à première vue, toujours inconsciente. Elle était veillée par un policier en uniforme et un médecin, le nez plongé dans un dossier.

— Comment va-t-elle ? demandai-je sans réfléchir, tandis que l'inspecteur m'entraînait vers le lit voisin, où il me fit signe de m'asseoir. Ce que je ne fis pas.

— Je n'ai pas encore les résultats de ses analyses. Mais je dirais que mis à part les substances qu'on lui a injectées...elle a l'air en bonne santé, me répondit-il sans même lever le nez de ses notes. Nous lui donnons ce qu'il faut pour aider son corps à les éliminer plus rapidement. Ensuite, tout devrait rentrer très vite dans l'ordre...mais qui êtes-vous ? s'interrompit-il soudain en constatant à qui il s'adressait.

— Je suis...

— C'est la jeune femme qui a sauvé votre patiente, me coupa l'inspecteur Storm. Et je pense que ce serait bien que vous l'examiniez.

— Et vous, vous êtes ? lui demanda le médecin d'un ton dédaigneux, en lui jetant un coup d'œil soupçonneux.

— L'inspecteur chargé de l'enquête et je suis en train de faire mon travail. Si vous faisiez le vôtre ?

Le ton incisif que venait d'employer l'inspecteur, n'eut pas l'air de plaire au praticien qui lui envoya un regard noir, avant d'enfin s'intéresser à moi.

— Effectivement, vous n'avez pas l'air très en forme jeune fille, me dit-il enfin en m'examinant d'un œil clinique et en m'invitant d'un signe de tête très professionnel à m'installer sur le lit inoccupé.

Il invita ensuite l'inspecteur à attendre plus loin et tira les rideaux pour préserver l'intimité de la consultation, qui fut à la fois expéditive et...interminable ! Car à peine avait-il commencé à m'examiner qu'un bip strident avait retentit. Il avait jeté un coup d'œil rapide à sa ceinture, s'était excusé en me disant qu'il revenait le plus vite possible et était parti en courant...vraisemblablement pour une urgence plus vitale que la mienne ! Ce que je comprenais parfaitement. Mais au bout de la troisième fois de ce manège j'avoue que j'avais commencé à perde patience et je n'étais, à priori, pas la seule. Car quand le médecin débordé, revint vers moi après sa troisième fuite précipitée, l'inspecteur l'intercepta avant qu'il ait eu le temps de refermer le rideau derrière lui d'un geste machinal.

— Bon, je vois bien que vous êtes débordés et que c'est une soirée de dingue. Mais vous n'êtes pas le seul à bosser ce soir. Mes collègues aussi sont débordés et auraient bien besoin de mon aide, que je ne peux pas leur apporter puisque je suis coincé ici. Alors, s'il vous plait, finissez de l'examiner que je puisse remplir mon foutu rapport et aller me rendre utile ailleurs ! lui dit-il sans hausser la voix, mais d'un ton ferme que l'on n'avait pas envie de contredire.

L'urgentiste ne prit même pas la peine de répondre et se contenta de le foudroyer une nouvelle fois du regard tout en tirant rageusement le rideau derrière lui. Apparemment, la nuit était longue et stressante pour tout le monde.

Il était en train de finir de son examen quand l'inspecteur passa la tête derrière le rideau pour venir aux nouvelles. Il lui fit signe d'entrer d'un signe de tête raide, montrant bien qu'il n'avait pas encore digéré le coup d'éclat de tout à l'heure, tout en retirant ses gants dans un claquement sec.

— Alors, mis à part le magnifique hématome qu'elle va arborer pendant au moins deux semaines, elle n'a ni lésions, ni dommages permanents à la gorge. Elle est surtout épuisée, stressée, déshydratée et souffre d'une légère hypothermie. Rien qui ne rentrera dans l'ordre après un bon repas et une bonne nuit de sommeil. En revanche sa blessure à la main, bien qu'elle ne soit pas grave, va nécessiter quelques points de suture et un rappel anti-tétanos. Je vous envoie quelqu'un pour s'en occuper et ensuite elle pourra rentrer chez elle, termina-t-il avec un air hostile et un débit de mitraillette.

Puis il ouvrit le rideau qui séparait mon lit de celui de ma voisine, vérifia quelque chose, et partit sans un mot supplémentaire.

— Je crois que vous l'avez vexé, dis-je à l'inspecteur qui eut un petit rire accompagné d'un petit sourire las. Allez-y, pas besoin d'attendre. Je n'ai rien et l'on ne sait pas combien de temps ils vont mettre à venir s'occuper de moi. Je me débrouillerais pour rentrer, terminai-je en soupirant et en reposant ma tête sur l'oreiller.

— Je ne peux pas. Je dois attendre qu'elle se réveille et prendre votre déposition. J'ai un peu exagéré avec le médecin, j'étais juste agacé et énervé de le voir jouer les girouettes. Je vais aller m'excuser et vous trouver un truc à manger, vous avez l'air d'en avoir besoin. Reposez-vous en attendant, me dit-il gentiment.

Je le remerciai d'un petit sourire, et fermai les yeux en soupirant de plaisir. Enfin un peu de chaleur et de calme...le bonheur.

— Où...où sommes-nous ?

Je sursautai violemment à l'entente de cette voix voilée mais néanmoins paniquée, qui venait du lit voisin et m'assis comme un ressort dans le mien. Mon mouvement instinctif avait été beaucoup trop rapide et mon champ de vision s'emplit d'une multitude de petits points jaunes en quelques secondes. Je fermai les yeux et luttai contre le vertige, avant de m'assoir sur le bord du matelas.

— Vous m'avez emmené à l'hôpital ! Je vous avais dit de ne pas le faire, gémit-elle d'un ton accusateur et paniqué, tout en se prenant la tête entre les mains. Puis elle entreprit d'enlever sa perfusion et de s'assoir dans son lit d'un air agité.

— Je pense que vous ne devriez pas faire...

— Il faut que vous me sortiez d'ici...tout de suite ! m'interrompit-elle brusquement.

— Quoi ? Non mais calmez-vous. Vous ne comprenez pas, vous êtes en sécurité...vous ne risquez plus rien ici...

— Si justement ! C'est vous qui ne comprenez rien ! Il faut que je quitte cet hôpital. C'est une question de vie ou de mort...

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