Chapitre 42-1


— Il ne faut pas le tuer ! affirma Nicolas d'une voix calme, en me déposant doucement sur le sol à côté de lui avant de se lever pour rejoindre Akshay et Aaron.

— Tu lui poses tes questions et après je lui règle son compte, gronda Akshay d'une voix plus que menaçante, sa lame toujours appuyée contre la peau d'Ivory d'où quelques gouttes de sang perlèrent, lorsqu'il appliqua un peu plus fort l'acier contre son cou.

Nicolas ne dit rien, mais je compris à son visage fermé, qu'il n'était pas d'accord avec le métamorphe. Pourquoi ? Je ne le savais pas, mais j'en avais la certitude. Curieuse et surtout agacée que l'on me traite comme une petite chose fragile, je me levai, avec précaution tout de même, et d'une démarche un peu hésitante dû à la fatigue, rejoignis les trois hommes. Nicolas se retourna brièvement en m'entendant approcher mais hormis un simple petit geste discret de la main pour me signifier de ne pas trop m'approcher, il ne dit rien. Comme je subodorais que c'était par inquiétude pour moi, j'obéis sans rien dire et restai en retrait.

— Où se trouve le jeune homme qui était dans la voiture ?

— Un jeune homme ? Quel jeune homme ? lui répondit nonchalamment Ivory d'une voix moqueuse, visiblement aucunement effrayé par la menace de la lame sur son cou.

— Tu crois vraiment que l'on plaisante ? dit Akshay d'une voix tellement emplit de fureur qu'elle en était à peine audible.

— Oh toi, le grand méchant exécuteur, je sais que tu ne plaisantes pas. Mais lui, là, il a besoin de réponse, il a donc besoin de moi en vie ! répondit-il dans un rire froid, un sourire victorieux et vindicatif sur les lèvres.

Je vis la main d'Akshay trembler et ceindre encore plus fermement la poignée de son arme, résistant difficilement à l'envie d'éteindre le sourire d'Ivory de manière définitive. Nicolas, qui n'avait pas émis un son, fit soudain un pas en avant et à la surprise de tout le monde, se saisit de l'arme d'Akshay tout en le repoussant de l'autre main, avant d'enfoncer avec violence la lame dans la cuisse d'Ivory, qui hurla sous l'effet du choc et de la douleur.

Son action avait été tellement rapide, brutale et inattendue, que nous étions tous figés en attente de la suite des évènements. Mon attention était tellement centrée sur Ivory que la voix sourde et menaçante qui s'échappa de la gorge de Nicolas, me fit sursauter.

— En vie, en effet, mais pas obligatoirement en bon état !

D'un geste lent, sûr et implacable, il se mit à tourner lentement la lame dans la plaie.

— Tu te sens plus enclin à répondre à mes questions ou je continue ?

— Tu sais très bien que dès que tu auras retiré ta lame, je guérirai instantanément. On peut y passer des heures, le provoqua-t-il d'une voix tout de même altérée par la douleur.

— J'ai d'autres atouts dans ma manche, lui répondit Nicolas en sortant avec lenteur une nouvelle arme de derrière son dos. Tu l'as testé sur moi, laisse-moi donc te rendre ce plaisir.

Ivory pâlit à la vue du poignard à la lame étrange, que Nicolas avait apparemment récupéré sur le sol du labo avant que l'on ne s'enfuit.

— Tes hommes ne sont pas professionnels, ils ne m'ont pas fouillé comme il fallait. Oups ! Tu veux toujours que l'on y passe des heures ? le menaça-t-il en approchant la lame de son visage. Allons-y, perso, je suis partant pour prendre ma revanche...

— Je ne sais pas où se trouve le jeune homme dont tu parles, dit enfin Ivory d'une voix hargneuse et effrayé à la fois.

Entendre et voir la peur dans la voix et les yeux de ce monstre m'apporta une intense satisfaction que je n'aurais jamais cru pouvoir ressentir devant une scène de torture, ce qui me mit aussi légèrement mal à l'aise.

— Tu en es sûr et certain ? réitéra Nicolas en baissant subitement sa lame d'un geste vif avant d'entailler superficiellement l'épaule d'Ivory, qui se mit à glapir sans aucune dignité.

— Oui, j'en suis certain ! Je ne sais même pas de qui tu parles !

— Aaron, la forêt est sécurisée ? demanda soudain Nicolas en se tournant légèrement vers le métamorphe tigre.

— Pour autant que l'on sache, oui, répondit ce dernier prudemment.

— Pourrais-tu te rendre jusqu'à notre voiture, environ deux kilomètres au sud-ouest d'ici. J'espère que tu y trouveras un jeune homme profondément endormi sur la banquette arrière. Pourrais-tu le ramener ici ?

— Il y a d'autres choses que je devrais savoir ?

— Il risque d'être désorienté, perdu et agressif...

— C'est l'un des tiens ?

— Il m'a sauvé. La moindre des choses était que je lui rende la pareille lorsqu'il en a eu besoin, répondit-il sur la défensive.

— Je ne te juge pas, répondit calmement Aaron. Mais vu la situation, il vaut mieux que j'y aille moi-même.

— Un puissant chef de clan métamorphe, qui accepte d'obéir sans broncher à un loup garou sans meute ! Je vois que tout n'est peut-être pas perdu.

Un éclat de colère brute traversa le regard d'Aaron, alors que tous les métamorphes présents dans la pièce manifestaient leur rage selon des degrés divers et variés.

— Je sais très bien ce que vous cherchez à faire, espèce de vieux cabot dégénéré. Répandre votre venin pour nous diviser ne fonctionnera pas. Je vais faire ce que Nicolas me demande par respect pour lui, comme il l'aurait fait sans hésiter pour moi. C'est de la confiance et de l'entraide, ajouta-t-il à l'intention des siens. Ceux qui veulent m'accompagner sont bien sûr les bienvenus.

— Il est mignon ? chuchota soudain Linda dans mon dos, me prenant par surprise.

— Quoi ? lui demandai-je bêtement, encore sous le choc de ce que je venais de voir et d'entendre.

— Le nouveau loup garou tout neuf, il est mignon ?

— Franchement Linda, est-ce que c'est important ?

— Hum...franchement...oui ! me répondit-elle avec un grand sourire. Moi je veux bien t'accompagner ! dit-elle à Aaron en me faisant un clin d'œil.

Cette fille était vraiment...à part, me dis-je en réprimant un sourire à la vue de la tête d'Aaron, contraint de partir en mission de sauvetage avec Linda pour seule compagnie. Finalement, deux autres métamorphes se joignirent à eux et ils ne s'attardèrent pas.

— Tu as d'autres questions ? demanda sèchement Akshay à Nicolas, à peine Aaron eût-il passé la porte. Bien que j'apprécie beaucoup la créativité de ton interrogatoire, je ne voudrais pas rester ici plus longtemps que nécessaire. Cet endroit est compromis et dangereux.

— Pourquoi Storm a-t-il réagit aussi vite à ta morsure ?

— Tu voudrais bien le savoir, espèce de...

Un hurlement inarticulé franchit ses lèvres lorsque Nicolas, sans attendre, infligea une nouvelle coupure sur le bras d'Ivory. Cette dernière était légère, mais le métal particulier de la lame paraissait le bruler comme de l'acide.

— D'accord ! coassa Ivory dont le visage commençait à prendre une teinte blanchâtre. Je suis un alpha primordial. Tous ceux que je mords ou blesse sous ma forme animal ou semi-animal, se transforme instantanément.

— Impossible ! murmura Nicolas visiblement choqué par cette révélation. Les Alphas primordiaux sont tous morts depuis des centaines d'années.

— Que tu crois, louveteau !

— Si ce que tu affirmes est vrai, pourquoi est-il inconscient depuis presque une heure ? demanda Akshay.

— Parce que rare sont ceux qui survivent à la transformation par un Alpha primordial. C'est notre force et notre faiblesse à la fois. Votre ami ne se réveillera jamais et s'il le fait...vous serez contraint de le tuer, car personne à part moi ne pourra le contrôler, affirma-t-il crânement en se mettant à rire.

— C'est bon, tu as tout ce qu'il te faut cette fois-ci ? Que je puisse achever cette crevure.

— Oui mais...on ne va pas le tuer.

— Quoi ? Qu'est-ce que tu viens de dire ? rugit Akshay, visiblement plus que contrarié.

— J'ai une bien meilleure idée, pour utiliser ce salaud à notre avantage, dit Nicolas d'une voix froide et calculatrice alors qu'un sourire satisfait étiraient ses lèvres, son regard implacable rivé à celui d'Ivory. 

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