Chapitre 38-1
Le regard de Nicolas se modifia en quelques secondes, irradiant d'un éclat lumineux. Je vis Cooper et Storm sursauter et reculer instinctivement devant cette évidente manifestation surnaturelle.
— Désolée Rose, nous n'avons pas le temps de trouver une autre solution, me dit-il d'une voix rauque et rocailleuse avant de planter son regard transformé dans le mien.
N'ayant aucune idée de ce qu'il avait en tête, la douleur qui me prit par surprise me nouant les tripes. Je me pliai en deux, la respiration coupée. La sensation était atroce et envahissante, comme si on me vidait comme une truite, me dépouillant de ma force et de mon essence. Je sentis ma louve se rebeller contre cette attaque injustifiée. Cette nouvelle force brute et sauvage se répandit en moi, tentant de contrer l'invasion sauvage de Nicolas. Ma vue s'affina encore, signe que mes pupilles devaient être en train de se métamorphoser, tandis qu'un grondement sourd essayait de franchir mes lèvres.
— Ne lutte pas ! m'ordonna Nicolas dans un murmure désolé. Je sais que ça fait mal, mais ne lutte pas.
Était-ce le ton de sa voix ? La sincérité que je pouvais lire dans ses yeux ? Où le mouvement de la main de l'inspecteur vers son arme qui me convainquit de baisser mes défenses ? Je ne le savais pas, mais dès l'instant où je cessai de résister la douleur s'amenuisa sensiblement, même si la sensation restait très désagréable.
Je m'apprêtais à tenter d'ouvrir la bouche pour prévenir Nicolas de l'intention de Storm, quand celui-ci tourna brièvement la tête vers l'inspecteur le crucifiant de son regard incandescent.
— À votre place, je ne ferais pas ça ! l'avertit-il alors qu'un dernier spasme me tordait le corps et que je m'écroulais au sol, vidée de toute mon énergie.
Puis, sans prononcer un seul mot, ni attendre une seule seconde, il poussa un grognement sourd tandis que ses mains se métamorphosaient devant nos yeux et qu'il se jetait sur le mur d'en face dans une explosion de puissance.
Sous nos regards hébétés, Nicolas traversa la surface de bêton comme s'il s'était agi de papier, ouvrant un trou béant vers l'extérieur.
— Vite, suivez-moi ! nous exhorta-t-il alors que les premiers coups de boutoirs résonnaient sur la porte derrière nous.
Galvanisée par la peur et l'espoir, je voulu me relever pour sortir de cet enfer de bêton mais mes muscles ressemblaient à du caramel fondu et refusèrent de répondre à mes sollicitations. Nicolas, voyant que j'étais en difficulté s'apprêtait à venir à mon aide quand Cooper, malgré la peur visible dans ses yeux, se précipita vers moi et d'une poigne tremblante mais solide malgré tout, me remis sur mes pieds et m'entraîna vers la nouvelle sortie fraichement creusée. Storm, placé derrière nous, couvrait nos arrières lorsque nos poursuivants vinrent à bout de la porte à l'instant où nous nous extrayions du mur fracassé.
Nicolas nous attendait, scrutant avec anxiété et attention la nuit pluvieuse. Il nous fit signe de courir vers la gauche et l'enchevêtrement de rues et de ruelles sombres où nous pourrions nous dissimuler momentanément, pendant qu'il restait en retrait pour assurer notre fuite.
Nous avions presque atteint la sécurité relative du premier mur lorsque les tirs commencèrent à retentir. Storm, riposta à plusieurs reprises avant d'abandonner et de saisir mon autre bras pour nous aider à accélérer et à passer le coin du mur.
— Attention ! nous hurla Nicolas au moment où nous nous jetions à l'abri d'un bâtiment, entendant le sinistre son des balles ricochant sur le bêton.
— Il faut continuer, nous ne sommes pas tirer d'affaire ! nous exhorta Storm d'une voix essoufflée en continuant à avancer, m'entraînant à sa suite.
Il avait raison et même si j'étais inquiète pour Nicolas qui ne nous avait pas encore rejoints, je puisai dans mes dernières forces pour suivre son rythme quand quelque chose me freina. Surprise je tournais la tête vers Cooper, juste à temps pour le voir s'effondrer lourdement sur le sol. Je parvins à me dégager avant qu'il ne m'entraîne dans sa chute et tentai de l'aider à se relever dans la foulée, mais sans succès. C'est à cet instant que Nicolas nous rejoignit enfin.
— Il faut partir d'ici, tout de suite !
— Il est blessé, on ne peut pas le laisser là ! lui dis-je alors que j'essayais toujours de le redresser.
Presque sans ralentir, il se baissa et hissa le corps inerte de Cooper sur son épaule avec une facilité seulement apparente. Car le rictus de douleur qui crispa momentanément son visage ne m'échappa pas.
Tenaillée par l'urgence et la peur, bien que les tirs aient cessé de résonner derrière nous je suivi tant que mal les grandes foulées rapides de Nicolas, qui nous entraînait de plus en plus avant dans les méandres des rues saturées d'entrepôts, de terrains vagues et de bâtiments déserts ou à l'abandon. Ce devait être le milieu de la nuit et le froid et l'humidité étaient vifs et piquants. Nicolas bifurqua enfin vers un bâtiment tentaculaire, ressemblant à une forteresse. Nous en longeâmes les murs aveugles pendant ce qu'il me parut une éternité, avant qu'il ne s'arrête enfin devant une porte en acier hermétiquement close.
Je m'apprêtai à lui demander comment il comptait pénétrer à l'intérieur de ce bunker, quand, d'un simple coup d'épaule appuyée, il força la serrure sans effort. Le plus beau était que, vue de l'extérieur, personne ne pourrait se douter qu'elle venait d'être forcée. Nous pénétrâmes rapidement à l'intérieur, où Nicolas s'empressa de condamner le battant avant de s'avancer de quelques pas et de déposer avec douceur Cooper sur le sol. Il était en train de l'examiner brièvement alors que je me laissai glisser au sol, à bout de force, lorsqu'il se tourna brusquement vers l'inspecteur.
— Qu'est-ce que vous faites ? lui demanda-t-il d'une voix fatiguée mais tout de même menaçante qui fit sursauter l'inspecteur.
— J'appelle les secours, lui répondit-il
— Ne faites pas ça, les sirènes nous trahiraient et puis...c'est trop tard pour lui, ajouta-t-il d'une voix pleine de tristesse.
— Il est mort ? demandai-je inutilement, incapable d'y croire vraiment.
— Non, pas encore, me répondit-il doucement. Mais ses blessures sont trop grave pour que les secours arrivent à temps, je suis désolé.
— Alors vous allez rester là à le regarder mourir ! l'accusa Worth, visiblement pas très fan de Nicolas.
— Vous croyez que ça m'amuse ! Je sais juste qu'appeler les secours où le conduire dans un hôpital ne le sauvera pas ! Il s'est pris une balle en pleine poitrine, les dégâts sont irréversibles, même lui vous le dirait s'il pouvait encore parler. Je ne peux plus rien pour lui, mais je peux encore vous éviter de faire une bêtise et de tous nous faire tuer.
L'inspecteur ne dit rien durant de longues secondes, son regard insondable rivé dans celui de Nicolas, sa main non loin de son arme.
— Je ne vous suis qu'à une seule condition...faites quelque chose pour lui.
Son ordre sec se répercuta dans le silence glacial de l'endroit, nous prenant tous les deux par surprise. Qu'entendait-il par la ? Comment pouvait-il savoir ? Le regard que me lança Nicolas était dangereux et emplit de doutes et d'interrogations. S'il le décidait, il pourrait tuer l'inspecteur en quelques secondes et une lueur sauvage dans ses yeux m'apprit qu'il y avait pensé une brève seconde.
— Je ne vois pas ce que vous entendez par là, je ne suis pas médecin, lui répondit-il néanmoins pour temporiser et surtout évaluer ce qu'il savait, ou croyait savoir, exactement.
— Ne jouez pas les idiots avec moi ! Transformez-le ! Ce petit ne mérite pas de mourir pour vous avoir sauvé la vie.
— ça ne se transmet pas, c'est génétique, tenta-t-il une dernière fois, la main qu'il tenait derrière son dos commençant à se transformer lentement sous mes yeux.
— Pour les métamorphes peut-être, mais vous, vous êtes autre chose, affirma l'inspecteur en braquant lentement son arme sur la poitrine de Nicolas.
— Vous savez, alors, que votre joujou ne vous servira à rien !
— Si je vise le cœur, cela vous ralentira peut-être suffisamment pour nous laisser une chance de nous enfuir.
— Parce que vous croyez qu'elle partirait avec vous ?
— Non, je veux juste l'empêcher de se faire blesser en s'interposant entre nous.
— Comment vous savez ? demandai-je à l'inspecteur en finissant de me relever, prête à l'action s'il le fallait.
— Qu'il n'est pas un métamorphe ? Simplement à cause de vous, Rose. Lorsque je vous ai rencontré il y a quelques jours vous étiez humaine et à présent...vous ne l'êtes plus. C'est donc que quelqu'un vous a transformé.
— Vous avez vu mon regard changer, d'accord, mais comment pouvez-vous savoir que c'est Nicolas qui m'a transformé ? Cela pourrait être n'importe qui ?
— Vous dégagez les mêmes vibrations étranges tous les deux. Ne me demandez pas comment je peux le sentir, je le peux c'est comme ça et jusqu'à il y a quelque jours, je n'avais aucune idée de ce que c'était.
— Vous ressentez notre aura ! s'exclama Nicolas en tournant soudain la tête vers Cooper qui venait d'émettre un gémissement alarmant.
—Pourquoi ne tentez-vous rien pour le sauver ?
— Parce que je ne veux imposer cela à personne ! lui répondit-il d'une voix vibrante et frustrée. Si tant est qu'il survive à la transformation, ce qui est loin d'être garantie, qui vous dit qu'il acceptera ce qu'il est devenu ? Rose est la première et la seule humaine que j'ai accepté de transformer. Je l'ai fait pour lui sauver la vie et je ne le regrette pas, même si j'ai longtemps hésité, mais elle a eu le choix. Cooper, lui, ne l'a pas et je ne veux pas le lui imposer.
De la tristesse teintée de respect traversa le regard de l'inspecteur alors qu'il baissait lentement son arme d'un geste résigné.
— Tu devrais le faire, dis-je à Nicolas d'une voix assurée malgré mes doutes.
Ce dernier sursauta, tournant son regard surpris vers moi.
— Tu es certaine de vouloir prendre la décision pour lui, Rose ? Tu ne m'en aurais pas voulu si je l'avais fait pour toi ?
Je pris le temps d'une légère réflexion factice avant de parler, pour bien qu'il comprenne que je ne lui répondais pas à la légère.
— Fais-le ! lui dis-je simplement, me demandant avec une profonde anxiété si je ne faisais pas une énorme erreur.
Car la vérité était que ma réponse à sa question était...oui, je lui en aurais beaucoup voulu ! Je n'avais plus qu'à espérer que Cooper serait plus compréhensif et moins rancunier que moi.
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