Chapitre 29-2


Seul un silence assourdissant se fit entendre après la déclaration de Waahana. Dans ma tête des émotions et des questions sans fin dansaient une sarabande folle...tout se mélangeait. À tel point que je ne me rendis compte de la reprise des discussions que bien après qu'elle n'ait débuté et évidemment...ils parlaient tous de moi !

— Je vous signale, au cas où vous n'auriez pas remarqué, que l'intéressée est présente dans la pièce ! intervint soudain Lyn d'une voix moqueuse mais forte pour passer au-dessus du brouhaha ambiant.

— Elle a raison Khyn ! dit Thomas d'une voix lasse et excédée. Je crois que le mieux pour le moment, ce serait que nous allions tous nous reposer quelques heures. Nous sommes épuisés. Peter ! appela-t-il le jeune métamorphe qui attendait discrètement dans le couloir. Conduit Rose dans l'une des chambres de l'aile Nord...

— Je peux très bien l'y accompagner ! gronda Nicolas.

— Nous avons encore quelques petites choses à voir ensemble...

— Cela pourra très bien attendre quelques minutes que je revienne, leur balança-t-il avant de me saisir par la main et de m'entraîner vers le couloir. Montre-nous le chemin, ordonna-t-il à Peter qui ne parut pas apprécier son ton mais pour autant ne dit rien.

J'étais tellement perturbée par ce qu'il venait de se passer et surtout ce que je venais d'apprendre que je ne fis même pas attention au chemin que nous empruntions. Comment pouvais-je être une sorcière ? ça n'avait pas de sens et qu'est-ce que cela signifiait exactement ? Je m'apprêtais à poser la question à Nicolas, lorsque nous stoppâmes brusquement.

— Voilà, c'est ici, me dit-il avant que je n'aie le temps d'ouvrir la bouche. Installe-toi et...

— Attends ! Ne pars pas tout de suite, j'ai plein de question et... « on a pas besoin de lui ! », me susurra une petite voix intérieure tandis que je sentais ma louve tenter une nouvelle fois d'émerger et de s'affirmer.

— Je n'en ai pas pour longtemps, je reviens très vite, me dit-il en s'éloignant déjà.

J'avais envie de lui crier de revenir, que j'étais perdue, qu'il fallait qu'il m'aide maintenant et pas dans « pas longtemps » ! Mais mon amour propre, à moins que ce ne fut quelque chose de plus inquiétant, m'en empêcha. D'une démarche résignée, je pénétrai dans la chambre dont Peter me maintenait la porte ouverte. À peine en avais-je franchis le seuil, qu'il s'empressa de refermer le battant et de tourner la clef dans la serrure.

Je sentis un rugissement de rage enfler en moi à l'entente de ce son caractéristique et surtout la panique m'envahir de nouveau et me comprimer la poitrine. Je me retournais et me mis à tambouriner sur la porte, même si je savais pertinemment que cela ne servirait à rien. Ils avaient peur de nous, de moi, de ce que j'étais devenue ou en train de devenir ! réalisai-je dans un sanglot étranglé, en me laissant glisser le long du mur jusqu'au sol. En position assise je tentai de me calmer et d'apaiser ma respiration saccadée en focalisant le peu d'attention qu'il me restait sur l'endroit où je me trouvais.

C'était une pièce carrée en béton, relativement grande et malgré l'austérité de l'endroit on avait tenté d'y apporter une petite touche naturelle. Un grand lit en bois, à l'air confortable et recouvert de draps dans les tons vert sapin, trônait au centre du mur de droite, surmonté d'un grand tableau rectangulaire représentant une forêt verdoyante. Deux tables de chevet surmontées de deux lampes aux abat-jours en verre coloré étaient disposées de chaque côté. Mais le plus remarquable à mon sens était l'immense et épais tapis en grossière laine crème qui recouvrait presque intégralement le sol de la pièce.

Dans un geste timide je tendis le bras vers la surface douce et y plongeait ma main. Ce contact rassurant me fit tout de suite du bien et c'est moins oppressé que je me relevai. C'est alors que j'aperçus le rideau qui pendait au centre du mur en face de moi. Fébrile je m'en approchai et le tirait sur la gauche d'un geste sec, révélant ce que j'avais espéré...une fenêtre. Certes elle tenait plus de la meurtrière que des grandes baies ouvragées de la maison de Aaron, mais c'était malgré tout une vue sur l'extérieur et cela finit de me rendre mes esprits. Je n'apercevais toujours que des troncs, des fougères et de la mousse mais c'était suffisant pour m'apaiser, du moins, momentanément.

Pourtant au bout de dix minutes, j'étais déjà sur les nerfs. Il n'y avait rien à faire dans cette chambre ! La seule autre porte donnait sur une petite salle de bain minimaliste et j'avais eu beau chercher, je n'avais même pas déniché un livre pour passer le temps. Je m'apprêtais une fois de plus à aller tambouriner à la porte quand j'entendis frapper doucement au battant tandis que l'on déverrouillait la porte.

— L'enfermer était peut-être un petit peu superflu, entendis-je Waahana sermonner Peter tandis qu'elle pénétrait dans la pièce un plateau entre les mains, qu'elle alla déposer sur le lit avant de se tourner vers moi.

— Vraiment désolée pour tout ça, me dit-elle avec un gentil sourire désolé. Laisse-les juste s'habituer à l'idée. La situation est difficile et tendue pour nous en ce moment, ils sont sur les nerfs, il ne faut pas trop leur en vouloir.

— Les sorcières existent, alors ? lui demandai-je, n'ayant pas trop envie de m'appesantir sur leur rejet massif pour le moment.

— Oui, mais sans chapeau pointu et baguette magique, me répondit-elle en rigolant doucement.

— Oh, dommage je m'imaginai déjà avec un chat noir, ironisai-je avant de m'appuyer au mur non loin de la fenêtre dans un soupir à peine discret. Plus sérieusement, qu'est-ce que cela implique concrètement pour moi et pourquoi ont-ils subitement tous peur de moi ?

— Ce qu'il faut déjà que vous sachiez Rose, commença Waahana en s'asseyant sur le lit, c'est qu'il y a différents types et niveau de puissance chez les sorciers. Cela va de ceux ayant une perception extrasensorielle hyper développée à ceux capables de créer des sorts de protections et de camouflage très efficaces. C'est d'ailleurs grâce à eux que nous avons pu rester cacher des humains aussi longtemps.

— Moi je suis quoi ? Vous pouvez le savoir ? Vous êtes une sorcière vous aussi ?

— Oui et non. Mon cas est particulier. Je suis avant tout une métamorphe et j'ai eu la chance de développer un don particulier assez rapidement après ma première métamorphose.

— Ce n'est pas le cas de tous les métamorphes ?

— Non, me répondit-elle en souriant. Bien qu'il y en ait de plus en plus qui en développe dans les nouvelles générations, comme ton amie Linda.

— Ce n'est pas mon amie, lui répondis-je machinalement. Je la connais à peine.

— Vous savez, elle ne pensait pas à mal en révélant votre vraie nature et elle s'en veut beaucoup. Elle a un caractère impulsif et...bref, c'est Linda ! Elle est unique en son genre.

— Oui, je crois que l'on peut dire ça, répondis-je en esquissant un petit sourire à mon tour.

— Lorsque je me suis transformé en loup la première fois, cela a été un choc pour tout notre clan.

— Pourquoi ? ne pus-je m'empêcher de l'interrompre.

— Car ma famille est moi faisions partie d'un clan exclusif et il est assez rare que les enfants élevés au sein de ce type de clan acquièrent un autre animal totem.

— Que se passe-t-il dans ces cas-là ?

— L'adolescent est souvent confié à une autre communauté plus en adéquation avec son nouveau totem, mais ça n'a pas été mon cas, car mon don s'est déclaré rapidement. Ceux qui voulaient me jeter dehors ce sont vite dit que mon don de guérison valait bien l'effort de s'adapter à ma présence. Mais un loup au milieu d'un groupe de chats, tu peux imaginer sans peine le résultat ! Au final, j'ai quand même dû partir.

— Il existe des métamorphes chat ? lui demandai-je précipitamment, l'image du matou grognon et étrange du terrain vague me revenant soudain en mémoire.

— Oui et ils sont relativement nombreux.

— Je crois que j'en ai rencontré un quand j'ai secouru Cat, lui expliquai-je pensive.

— Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

— Je ne sais pas. Il avait un comportement étrange pour un chat...mais peu importe, en quoi votre don serait différent ?

— C'est une capacité que j'ai obtenue car je suis une métamorphe. On ne l'explique pas. En revanche je serais incapable d'apprendre à jeter le moindre sort. Alors que toi tu as du sang de sorcière dans les veines. Je ne sais pas pourquoi tes capacités ne sont pas apparues plus tôt...où alors tu ne t'en es pas rendu compte.

— Et vous avez une idée de ce que je pourrais être exactement.

— Je ne suis pas certaine à cent pour cent, mais je pense que tu es une médium et puissante en plus. 

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