Chapitre 28-1


Interloquée par son comportement, je mis quelques secondes à réagir et c'est avec un léger retard que je m'agenouillai à ses côtés.

— Désolée pour quoi ? lui demandai-je, craignant...je ne savais pas quoi au juste.

— De t'avoir blessé, de...c'est à cause de moi si Nicolas a dû...bredouilla-t-elle, son regard fixé sur le carrelage.

— Quoi ? Mais non tu n'y es pour rien, m'empressai-je de la rassurer. C'est ma coupure à la main qui s'est infectée, tu n'es pas en cause...

— Bien sûr que si. Si tu ne m'avais pas cherché dans ce terrain vague, tu ne serais pas tomber et tu ne te serais pas blessée et...

— ...avec des « et » on referait le monde ! la coupai-je, peut-être un peu sèchement, mais sa crise de culpabilité me faisait prendre conscience qu'elle n'avait pas tout à fait tort.

Même si je ne lui en voulais pas spécialement, je n'avais pas non plus trop envie de me remémorer les évènements qui m'avaient amené à cette situation. Situation que je n'appréhendais pas encore réellement et surtout que je n'avais pas vraiment envie d'approfondir.

— Cat, je ne t'en te veux pas, lui dis-je finalement. Si je ne t'avais pas emmené à l'hôpital comme tu me l'avais demandé, peut-être que l'on en serait pas là...ou peut-être que si ! On ne peut pas savoir, alors ça ne sert à rien de se prendre la tête, tu ne crois pas ? ajoutai-je en lui tendant la main pour l'inciter à se relever.

— Quand je pense que j'aurais pu te tuer, murmura-t-elle d'une voix horrifiée tandis que nous nous relevions.

— Comme tu vois, je suis toujours là.

— Oui mais...plus tout à fait toi, me répondit-elle d'une petite voix.

— Et toi, ça va mieux ? lui demandai-je précipitamment, désireuse de changer de sujet.

— Les effets de la drogue ont totalement disparu, heureusement. Maintenant il faudrait que nous réussissions à déterminer sa composition exacte pour essayer de créer un antidote.

— Et tu crois que c'est possible avec...avec tout ce qu'il se passe ? Tu...vous croyez vraiment qu'ils vont l'utiliser ?

— Ils l'ont...

— Catherine, tu es là ! On te cherchait partout, appela Akshay d'un ton chagriné depuis la porte.

— Rrrr...qu'est-ce qu'ils m'agacent mon père et lui, me murmura-t-elle dans un soupir excédé. Ils me surveillent comme le lait sur le feu, depuis cette histoire. En même temps, je ne peux pas leur en vouloir après la pagaille que j'ai semé.

— Mais ce n'était pas de ta faute, lui répondis-je sincère. Ils ne peuvent pas comprendre ça ?

— Si bien sûr, mais ils s'inquiètent pour moi et ils ont surtout peur que...je rechute. C'est pour ça qu'ils ne voulaient pas que je vienne te voir. Mais j'avais besoin de te parler, d'être certaine que tu allais bien, de te remercier. Cette situation est impossible ! je suis surveillée vingt-quatre heures sur vingt-quatre et je ne me suis jamais sentie aussi seule, me dit-elle ses yeux brillants de larmes contenus. Mais ils ont peut-être raison...et si je t'agressais à nouveau...

— Catherine, sort de cette salle d'eau où je viens te chercher !

Je sentis une vague de chaleur et d'émotion bruts enfler en moi, tandis que Cat serrait les poings en marmonnant « je m'appelle Cat ». Je lui lâchai brusquement la main que j'avais saisi en signe de réconfort et d'un pas déterminé, fonçai sur la porte que je claquai au nez d'Akshay avant que celui-ci ne comprenne ce que je faisais.

— L'intimité vous connaissez ? lui balançai-je à travers le battant, encore surprise de mon audace.

— Arrêtez vos enfantillages ! rugit-il alors que le rire de mademoiselle hyène se mettait à raisonner avec force dans le couloir.

Je vis la poignée s'abaisser et par réflexe, m'appuyai de tous mon poids dos au battant pour l'empêcher de s'ouvrir, bien consciente que vu ma corpulence et la force d'Akshay, ça ne servirait à rien. Pourtant, bien que je ressente la pression et la force qu'il mettait à tenter d'ouvrir la porte, cette dernière ne bougeait pas. Sans faire le moindre effort j'étais plus forte qu'un métamorphe...incroyable !

— Rose, Cat, c'est dangereux ! Rappelez votre louve et cessez vos gamineries où je défonce cette putain de porte à coup de griffe !

Le sentiment de satisfaction et la vague de puissance qui m'envahit me fit un bien fou et je sentis un sourire victorieux s'épanouir sur mes lèvres.

— Rose, arrête, laisse-le entrer ce n'est pas grave, je vais...

— Ce ne sont pas des gamineries, répliquai-je à Akshay en coupant la parole à Cat. Elle a juste besoin d'un petit moment tranquille et je crois que l'on peut affirmer que, si elle devait de nouveau perdre le contrôle, je serais en mesure de me défendre.

— Ce n'est pas un jeu, gamine ! me rétorqua-t-il dans un grondement sourd.

— Juste cinq minutes. Elle veut juste souffler cinq minutes et on sort, tentai-je de l'apaiser, un peu refroidie par l'inquiétude que je sentais vibrer dans sa voix.

Il ne répondit pas, mais la pression sur le battant cessa d'un seul coup.

— Merci Rose, mais tu n'aurais pas dû faire ça, me dit Cat d'une voix nerveuse.

— Faire quoi ? J'ai beau avoir dormis trois jours entiers, à moi aussi il me tape sur les nerfs.

Elle s'apprêtait à me dire quelque chose mais se ravisa et se contenta de me faire un petit sourire qui illumina ses yeux et me fit prendre conscience que c'était la première fois que je la voyais dans son état normal, non effrayée et couverte de sang et de bleus.

La ressemblance avec son père était évidente, elle avait le même regard pénétrant bien que le sien soit plus doux et moins farouche que celui de son géniteur. Ses longs cheveux châtains, désormais démêlés, lui tombait en une vague soyeuse jusqu'au milieu de dos, elle était ravissante.

— Pourquoi tu me regardes comme ça ? me demanda-t-elle enfin alors que ses yeux étaient rivés aux miens.

— Tu es différente, lui dis-je simplement avec un gentil sourire. Mais je pourrais te poser la même question.

— Tes yeux...ils ont changés de couleur me dit-elle sans prendre de gants.

— Quoi ! m'exclamai-je en me précipitant devant le seul miroir de la pièce, où des iris envahis de mouchetures jaunes me renvoyèrent mon regard. Ils n'étaient pas comme ça tout à l'heure, murmurai-je perturbée en me scrutant avec une intensité douloureuse.

— C'est sûrement passager, tenta de me rassurer Cat.

— Cela veut surtout dire qu'elle ne contrôle pas sa louve ! rugit Akshay, qui nous avait entendu, en pénétrant dans la pièce. Maintenant, sortez de là et tout de suite ! nous ordonna-t-il d'une voix qui ne plaisantait pas.

Alors que je me demandai encore si de devais lui obéir, ou lui sauter dessus, je sentis la main de Cat se poser sur mon bras. Je me dégageai brusquement et me retrouvai face à Akshay, qui me dévisageai d'un regard furibond.

— Quand je parlais de danger, je ne parlai pas seulement de Cat, me dit-il en m'attrapant violement par le bras. Essaye de te dégager et je ne prendrai pas de gants cette fois, me menaça-t-il d'une voix implacable qui fit courir des frissons glacés sur ma peau et calma instantanément mon nouveau côté agressif.

— Akshay arrête ! Elle ne sait pas encore ce qu'elle fait, s'écria Cat en se précipitant vers nous.

— Et c'est bien ça le problème ! On n'est pas cent pour cent certain que les effets du sérum soient totalement dissipés et c'est tout sauf le bon moment pour tenter le diable. Maintenant dehors !

Je vis Cat me lancer un regard d'excuse, mâtiné de frayeur, tandis que je me laissai entraîner dans le couloir. Il me serrait tellement fort le bras que j'aurais certainement une marque à l'endroit où ses doigts meurtrissaient ma chair. J'avais envie de me rebeller, de l'envoyer valser à travers la pièce, mais mon côté rationnel m'en empêcha. Une fois la porte franchit, il me lâcha et fit signe à Cat, d'un brusque mouvement de tête, de le rejoindre.

— Suivez-moi ! nous ordonna-t-il de nouveau en partant d'un pas nerveux et chargé de colère vers la gauche.

Sans réfléchir je lui emboîtai le pas, pourtant très tentée de partir dans la direction opposée rien que pour l'énerver. Cette réaction ne me ressemblait tellement pas, que je combattis cette pulsion idiote avec énergie, tout en suivant ses enjambées démesurées, vite rejointe par mademoiselle hyène, dont je ne connaissais toujours pas le prénom.

— J'ai adoré te voir remettre Tigrou à sa place ! me murmura-t-elle à l'oreille. Je sens qu'on va bien s'entendre finalement. 

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