Chapitre 25-2


 « Nicolas ! » entendis-je Akshay hurler d'une voix de stentor tandis qu'il s'accroupissait à mes côtés et saisissait fermement mes poignets dans ses mains.

— Ne lutte pas, gamine. Laisse ton corps te guider...

Gamine ? C'était quoi ça, une gamine ? Qui était cet énergumène puant pour me donner des ordres ! Un grondement étrange sortit de ma gorge tandis que j'essayai de me dégager de son emprise.

— Ne l'écoute pas Rose ! rugit soudain la voix de Nicolas qui sembla envahir tout le couloir. Toi, lâche-là ! ordonna-t-il à Akshay en le poussant sans ménagement pour prendre sa place. Nous ne sommes pas des métamorphes, gronda-t-il à son intention. Ne te mêle pas de choses qui te dépassent !

Le mâle des cavernes était de retour, pensai-je subrepticement avant que sa voix ne s'insinue plus profondément dans mon esprit, me rendant momentanément ma vraie personnalité. J'entendis vaguement le métamorphe protester et Waahana tenter de le raisonner, tandis qu'un nouveau spasme me terrassait, semblant me déchirer de part en part.

— Nich...qu'est-ce qui m'arrive ? arrivai-je à lui demander d'une voix geignarde entrecoupée de gémissements pathétiques.

— C'est ta louve qui est aux commandes. Tu dois reprendre le contrôle, sinon tu vas te transformer ici et maintenant et ce sera tout sauf agréable !

— Je ne sais pas comment faire ! répondis-je d'une voix paniquée, alors que mon dos s'arquait subitement de manière peu naturelle.

— Rose, écoute ma voix, m'ordonna-t-il alors qu'il me saisissait rudement les poignets à son tour pour m'empêcher de bouger et qu'il s'allongeait sur moi de tout son poids, me plaquant au sol, son regard rivé au mien. Je suis là pour t'aider. Tu sens ma respiration et mon cœur qui bat contre le tien ? Essaye de te détendre et de calquer ton rythme dessus, me dit-il calmement sans une seconde me quitter des yeux.

— Lâche-moi, articulai-je d'une voix menaçante, alors que les pensées outrées de la louve cherchaient à supplanter les miennes.

— Rose, tu me connais, tu sais que je ne te veux aucun mal. Tu es en sécurité ici...

— Non ! On est sous terre...elle a peur...on étouffe...je...

Je vis un éclair de compréhension traverser son regard, malgré mes propos décousus, désordonnés et anarchiques, tandis qu'il se relevait en un éclair.

— Maîtrise-là, m'ordonna-t-il alors qu'il me prenait dans ses bras et commençait à courir le long du couloir gris et sinueux.

Il n'alla pas loin et au bout d'à peine quelques mètres, ouvrit une porte à la volée avant de se précipiter dans la pièce. Trois hommes que je ne pus clairement voir se levèrent brusquement à notre entrée, mais je sentis Nicolas se raidir alors qu'il me conduisait à toute vitesse vers le mur opposé dans lequel se découpait une petite meurtrière oblongue.

— Regarde, tu vois la forêt, me dit-il en me soulevant pour que mon visage se trouve à hauteur de la vitre.

Avidement je collais ma joue sur la surface fraiche et lisse et scrutait l'extérieur, gênée par la poussière, la saleté et les feuilles mortes accumulées devant. Mais malgré cela, je parvins à distinguer la terre sombre et les troncs d'arbres, qui me rassurèrent instantanément. Enfin, qui rassurèrent cette nouvelle partie de moi que je n'arrivais pas encore à nommer.

— Merci, dis-je simplement à Nicolas, quand mon rythme cardiaque commença à baisser et que je me sentie redevenir pleinement maitresse de mon corps et de mon esprit.

Il me déposa délicatement dans un fauteuil moelleux situé juste en dessous du soupirail et s'écarta de quelques pas me fixant toujours d'un regard anxieux.

— Il vient de se passer quoi là ? gronda la voix d'Aaron qui entra brutalement dans mon champ de vision, me faisant sursauter.

— Une petite crise de claustrophobie, se contenta de lui répondre Nicolas. Je crois que, pour les jours à venir, il serait bon que Rose ait une chambre avec vue, ironisa-t-il en m'adressant un petit sourire.

— Vous ne croyez pas que nous avons des choses plus importantes à régler que l'intendance ! déclara un homme que je n'avais encore jamais vu.

Je ne le connaissais pas, mais une demi-seconde me suffit pour m'en méfier et vu les regards que lui lançaient Thomas, je n'étais pas la seule à ne pas l'apprécier. C'était un homme d'une quarantaine d'années, enfin à première vue, car c'était certainement un métamorphe donc...Ses cheveux noirs presque rasés durcissait ses traits déjà anguleux rendant son visage qui aurait pu être agréable, dur et froid. Il me toisait d'un regard tout sauf sympathique qui me fit frissonner.

— À moins que vous ne vouliez avoir un...une jeune métamorphe paniquée sur les bras, je ne crois pas non ! lui rétorqua Nicolas se reprenant in-extrémis, tout humour ayant déserté ses yeux lorsqu'il les braqua dans ceux de l'homme.

Apparemment cet homme ne devait pas savoir que nous étions des loups-garous, me dis-je en avisant les postures raides et sur le qui-vive des trois autres hommes présents. Une tension palpable régnait dans la pièce, titillant quelque chose au fond de moi, qui ne demandait qu'à se réveiller.

— Elle n'est pas un peu vieille pour une première transformation ? demanda-t-il à Thomas d'un ton suspicieux.

— Rose a dix-huit ans, menti Thomas avec aplomb. C'est la limite supérieure mais ça n'a rien d'inhabituel.

— Ah, elle fait plus, commenta-t-il d'un ton désagréable en m'avisant des pieds à la tête comme une vache de concours. Je vous rappelle que je ne suis pas un jeune freluquet comme vous, Thomas, je n'ai pas besoin d'explications détaillées.

Je vis Thomas déglutir avec difficulté, les poings serrés le long de son corps, luttant de toute évidence pour ne pas dire quelque chose de fâcheux. J'avais beau avoir du mal à concentrer et organiser mes pensées, j'avais compris que les explications m'étaient destinées pour ne pas que je fasse de bourde devant l'inconnu.

— Vous êtes ici dans mon clan Ivory, je vous prierais donc de ne pas me manquer de respect, dit Thomas d'une voix basse et sourde, alors qu'une menace sourde planait entres les quatre protagonistes qui ne se quittaient pas des yeux.

Nous nous trouvions dans une sorte de salle de réunion. Mix improbable entre une cellule de prison et un bureau anglais. C'était assez déroutant, la déco ne cadrant pas du tout avec l'environnement. Mais le plus inquiétant c'était sa taille et le fait qu'elle n'avait qu'une seule issue. Si les choses dégénéraient...

— Ces petites séances d'intimidation stériles ne servent à rien avec moi, reprit-il en s'avançant vers le fameux Ivory en lui faisant signe de s'assoir. Nicolas, accompagne Rose dans un endroit plus calme et plus tranquille où elle pourra se reposer, lui ordonna Thomas sans se retourner.

Je vis Nicolas accuser le coup. A priori les dominants n'aimaient pas recevoir d'ordre ! Mais il prit sur lui et s'empressa de s'approcher de moi pour m'aider à me relever.

Une part de moi se révolta instantanément à cette idée ! Il n'allait jamais nous lâcher à la fin ! Tandis que ma raison et une autre partie de mon inconscient sentait que je ne devais pas faire de vagues, c'était tout sauf le bon moment. De plus, je sentais que j'avais besoin de lui et de sa présence rassurante, du moins pour le moment. Il tenait ma nouvelle personnalité sous contrôle. C'est donc sans rechigner que je saisis sa main tendue.

— Tu ne te charges pas de tes jeunes loups toi-même ? demanda Ivory avec un petit sourire retors.

— Pas quand ce n'est pas utile. Surtout qu'il me semblait vous avoir entendu dire que cette réunion était de la première importance...je me trompe ? Nicolas !

Ivory ne dit rien mais l'on sentait bien qu'il rongeait son frein. Aaron, qui se tenait en retrait semblait prêt à fondre sur lui à la moindre provocation supplémentaire, ce qui semblait le laisser parfaitement indifférent. Je ne savais pas ce qu'il se passait, mais la situation risquait de dégénérer très vite.

— Viens Rose, me murmura Nicolas en m'entrainant doucement vers la porte.

Je le suivi, chancelante, les douleurs résiduelles de mes muscles trop sollicités me faisant grimacer. C'est donc en ayant l'air d'une vieille mamie grabataire que je parcouru les quelques mètres qui nous séparaient du battant métallique.

— Et si nous cessions tous cette petite mascarade ? sortit soudain Ivory. Je sais très bienque vous n'êtes pas des métamorphes et que notre chèreRosaline ici présente, était humaine il y a encore quelques heures ! Lavraie question serait plutôt, qu'êtes-vousprêts à faire pour que votre petit secret, le reste ? Surtout en ces temps troublés.

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