Chapitre 22 - 2
Et alors ! fut la première chose qui traversa mon esprit embrumé par la fièvre. J'avais du mal à aligner deux pensées cohérentes et tout s'embrouillait. Loup-garou ? Devenir comme lui ? Mais ce n'était pas possible ! Il m'avait bien dit que ça ne se transmettait pas et puis les loups-garous ça n'existait pas vraiment ? Enfin peut-être, après tout ! Je n'arrivais plus à réfléchir, ni à me concentrer sur les traits tirés par l'inquiétude de Nicolas, qui se brouillaient de plus en plus devant mes yeux.
— Je crois que les explications peuvent attendre une petite heure, le temps que je fasse baisser sa fièvre, dit doucement Waahana à Nicolas en lui posant une main sur l'épaule.
Il réagit comme si elle venait de le brûler et se dégagea en se levant brusquement.
— Désolé, lui marmonna-t-il en avisant son expression surprise. Je n'aime pas que l'on me touche.
— Aucun problème. C'est de ma faute, je n'aurais pas dû vous surprendre.
Le sourire doux qu'elle fit à Nicolas en le contournant, se reporta sur moi lorsqu'elle s'approcha du lit, une petite seringue à la main.
— C'est pour faire baisser votre fièvre, ce sera plus rapide que des comprimés, m'expliqua-t-elle en injectant rapidement le produit dans mon épaule d'une main experte.
— Je croyais que vous ne pouviez plus rien faire pour elle !
— Pour enrayer l'infection, non en effet. En revanche ont peu la ralentir un peu et faire baisser sa fièvre.
— Et ça servira à quoi ? demandai-je dans un murmure essoufflé.
— À ce que vous ayez les idées plus claires pour prendre la bonne décision. Dormez un peu, le temps que le produit agisse. Vous vous sentirez un peu mieux à votre réveil.
Curieusement j'en doutais. Je me sentais tellement mal, que je n'aspirai qu'à une chose, le néant. Elle avait raison, je devais dormir. J'avais conscience que la mort n'était plus très loin, je sentais presque mes forces me quitter. Mais curieusement, je n'arrivais pas à m'en inquiéter. Ce qui n'était pas le cas de Nicolas.
— Ce n'est pas dangereux qu'elle s'endorme ?
— Non, pas à ce stade. Son corps lutte encore, c'est pour cela qu'elle se sent si mal. Les antibiotiques qu'on lui a administrés font leur travail et combattent l'infection, même s'ils ne gagneront pas la guerre. Vous devez la convaincre, et rapidement ! ajouta-t-elle d'un ton farouche, avant de me caresser doucement les cheveux et de quitter la pièce, nous laissant de nouveau seuls tous les deux.
— Je ne comprends pas, bredouillai-je maladroitement, alors qu'il s'asseyait de nouveau sur le bord du lit.
— C'est normal, me répondit-il avec un petit rire amère. Dors et je t'expliquerai tout à ton réveil.
— Tu restes...
— Bien sûr. Repose-toi, je reste là.
— Pourquoi...pourquoi tu veilles sur moi...comme ça ? lui demandai-je dans un balbutiement endormi alors que mes yeux se fermaient malgré eux.
— ça j'aimerai bien le savoir, crus-je l'entendre chuchoter.
Alors que je sombrais dans le sommeil, une caresse aussi légère et irréelle qu'un souffle de vent effleura mes lèvres et il me sembla entendre murmurer « Mais qui es-tu ? ».
***
Je me réveillai sans avoir conscience de m'être endormie. Ma tête et mon corps me semblaient anormalement lourd, mais je me sentais mieux. Plus alerte, plus...éveillée en quelque sorte, malgré la fatigue écrasante qui me plombait les membres. La main qui serra doucement la mienne, me fit ouvrir les yeux. Dès que mon regard croisa celui de Nicolas, tout ce qu'il m'avait révélé me revint d'un coup et c'est dans un mouvement réflexe involontaire que je retirai ma main. Il me laissa faire sans rien dire, un peu peiné mais visiblement pas surpris par ma réaction.
— Tu viens de réaliser, on dirait ! commenta-t-il d'une voix qu'il essayait de garder neutre.
— Que tu es un loup-garou ou que je vais mourir ? lui répondis-je avec un petit sourire triste.
— ça, on peut encore l'éviter.
— Comment ? Tu m'as dit qu'il fallait que je devienne comme toi, mais...je ne comprends pas.
— Je ne suis pas un métamorphe comme Aaron, Thomas ou Waahana. Les métamorphes n'acquièrent leur forme animale qu'à la puberté, ainsi que pour certain, un pouvoir spécifique qui leur est propre. Moi j'avais la possibilité de me transformer en loup dès la naissance.
— D'accord. Mais je ne vois pas en quoi cela est très différent des métamorphes ? Pourquoi les autres te traitaient-ils de monstre ? lui demandai-je soudain.
— Parce que contrairement aux métamorphes, notre morsure ou toutes blessures faites par un loup-garou est contaminante, m'avoua-t-il dans un grondement rauque.
— ça veut dire, que toutes les personnes que tu blesses se transforme en loup ! m'exclamai-je.
— Non, parce que je fais bien attention à ce que ça n'arrive pas ! De plus nous devons être sous notre forme de loup pour transmettre le virus, ce que je me refuse à faire.
— Tu n'es pas obligé de te transformer à la pleine lune ? lui demandai-je avec un petit sourire, essayant de dédramatiser une conversation que je sentais très éprouvante pour lui.
— Non et c'est bien le seul pouvoir qu'il me reste, me répondit-il d'un ton amer. Seuls les jeunes loups et les loups très soumis ne peuvent résister à l'appel de la pleine lune. Les dominants comme moi peuvent s'y soustraire, même si c'est difficile. De toute façon, la question ne se pose plus...je suis le dernier.
— Le dernier...loup-garou ? Tu veux dire qu'il n'y en a plus ! Pourquoi ?
— Les métamorphes nous ont tous éliminé...et je ne peux pas leur en vouloir. Les meutes se multipliaient de manières anarchiques, poussées par des Alphas ambitieux et sans scrupules et les nouveaux loups faisaient des ravages autours d'eux. Les métamorphes ont tenter de raisonner les quatre grands chefs de meute de l'époque mais ils ne voulurent rien entendre. Pour eux, les garous devaient devenir l'espèce dominante. Alors pour préserver le secret et ne pas risquer une guerre avec les humains, les métamorphes prirent la décision, difficile mais sans doute nécessaire, de tous les éliminer. Tous sauf mes parents, qui réussirent à s'enfuir et firent profil bas. Nous vivions non loin du domaine d'Aaron, qui comprit très vite que mes parents n'aspiraient qu'à vivre en paix avec leurs deux enfants et accepta donc leur présence même s'il n'en parla pas à son clan.
Il s'interrompit soudain, une terrible douleur voilant momentanément ses yeux. Tout ce qu'il me racontait était incroyable et des tonnes de questions fusaient malgré ma fatigue. Mais je sentais que je ne devais pas l'interrompre.
— Que s'est-il passé ? lui demandai-je finalement voyant qu'il ne reprenait pas son récit et semblait perdu dans ses souvenirs douloureux.
— Ils ont été tué, bêtement, par des chasseurs ! C'était l'hiver, ces hommes les ont simplement pris pour de vrais loups et les ont abattus. Ils auraient pu se défendre...mais l'interdiction de blesser des humains été tellement ancré en eux, qu'ils ne le firent pas. Ils nous protégèrent moi et mon frère le plus longtemps possible pour nous donner une chance de nous enfuir...je suis le seul à y être parvenu, dit-il dans un souffle. C'est Aaron qui m'a trouvé quelques jours plus tard, prostré dans la neige. Il m'a recueilli et élevé comme son fils malgré tous les problèmes que cela a pu lui causer.
— Si c'est interdit, pourquoi Thomas et Waahana te demandent-ils de me...transformer ? Et pourquoi ils n'ont pas peur de toi ?
— Pour Thomas, parce qu'il est jeune. Waahana, elle, je ne sais pas. Peut-être parce que c'est une louve. Rose, il faut que tu comprennes que ce que je viens de te raconter s'est passé il y a très longtemps.
— Qu'est-ce que tu entends par très longtemps ? lui demandai-je.
Il ne me répondit pas, certainement pour ne pas m'effrayer, mais son silence était encore plus perturbant qu'une éventuelle réponse.
— Tu as quel âge ? le questionnai-je dans un souffle.
— Je ne suis pas si vieux que ça, me répondit-il dans un sourire. Même si je suis bien conservé pour mon âge. Rose, reprit-il d'un ton grave en reprenant ma main dans la sienne, si tu deviens une louve-garou, tu ne mourras pas...jamais...à moins que l'on ne te tue. C'est aussi l'une des raisons de notre extermination. Contrairement aux métamorphes qui finissent par mourir de vieillesse, nous sommes...immortels d'une certaine façon.
— Tu...tu plaisantes, là ?
— Non, pas du tout, me répondit-il dans un soupir. À moins de se prendre une balle en pleine tête ou d'être mortellement blessé par une arme en argent ou un autre loup-garou...rien de ne peut nous arriver.
J'avais du mal à assimiler tout ce que je venais d'entendre et tout ce que cela impliquait pour moi. Avais-je envie de me transformer en un monstre de film d'horreur, non pas vraiment. Mais étais-je prête à mourir ?
— Il y a une chose que je ne comprends pas. Tu avais l'air farouchement opposer à l'idée de me transformer, moi ou n'importe qui d'autre. Alors pourquoi me le proposer malgré tout ?
— Parce que cela fait plusieurs années qu'Aaron me pousse à fonder ma propre meute. Il affirme que les temps ont changé et que je serais assez fort et dominant pour tenir mes loups. Qu'il est temps que la cohabitation et l'entente reprennent entre les garous et les métamorphes.
— Mais tu ne l'as jamais fait. Pourquoi ?
— Parce que cela implique de changer la vie de quelqu'un pour toujours. D'un humain, un inconnu qui n'a rien demandé et ça, je m'y refusais...jusqu'à toi.
— Pourquoi moi ?
— Je ne sais pas, m'avoua-t-il dans un soupir frustré. Tu as quelque chose de différent qui a attisé ma curiosité dès le début...je ne sais pas l'expliquer. Je te connais à peine et pourtant je ressens un besoin incompréhensible de te protéger.
— Tu n'avais pas l'air très enthousiaste pourtant, tout à l'heure !
— J'étais contre car il y a un risque, un risque important que tu n'y survives pas. Même si je ne me l'explique pas, tu es importante pour moi et...je ne veux pas devenir ton meurtrier.
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