Chapitre 22-1


Je bougeais. La sensation du vent sur mon visage et de bras sous mon corps était confuse mais réelle. Je ressentais les secousses de la course de la personne qui me portait. Qui était-ce ? Nicolas ? Certainement. Mais pourquoi étais-je dans ses bras tandis qu'il courrait sur le sol inégal et traitre de la forêt ?

— Tiens bon Rose, on va trouver de l'aide, me murmura-t-il d'une voix inquiète et hachée par l'effort de sa course.

Je voulus lui répondre que ça allait, qu'il n'avait aucune raison de s'inquiéter comme ça, que tout allait bien. J'avais juste un peu de mal à sortir du sommeil, c'était tout. Mais aucun son ne franchit mes lèvres. J'avais une irrésistible envie de lui répondre mais plus aucune énergie pour le faire, même pas pour ouvrir les yeux. Pourtant je ne ressentais aucune douleur. Au contraire je me sentais bien, légère et détachée, avec l'étrange sensation de flotter, ma tête et mon corps comme...déconnectés. Comme lorsque l'on se réveille le dimanche matin et que l'on sait que l'on peut rester au lit. On est éveillé sans vraiment l'être.

— Que venez-vous faire ici ? Vous n'êtes pas les bienvenues.

La voix méfiante et agressive qui résonna soudain, fit stopper net Nicolas, qui resserra son étreinte autour de moi, sur le qui-vive.

— Mon amie ne va pas bien, j'aurais besoin de votre aide, répondit Nicolas d'une voix humble et mesurée ou pointait malgré tout une trace d'urgence.

— Comment êtes-vous parvenu jusqu'ici ? demanda la voix qui me semblait plus proche. Comment connaissez-vous l'existence de notre meute ?

— Aaron m'a parlé de votre nouvel alpha. Je suis un des membres de son clan.

— Impossible ! répliqua la voix. Tu n'es pas un tigre !

— Je n'ai jamais prétendu en être un. Écoutez, je ne comptais pas venir vous trouver malgré les conseils d'Aaron, mais je n'ai pas eu le choix...laissez- moi parler à votre Alpha.

— Qui te dit que tu ne lui parle pas déjà ?

— Je le sentirais, ton aura n'est pas caractéristique d'un chef de clan.

Je le sentis prendre une grande inspiration tremblante en réaction à quelque chose que je ne percevais pas. C'était déroutant d'assister à toute cette conversation comme si je n'étais pas vraiment là. Dans un effort qui me sembla surhumain, j'entrouvris les paupières. Juste à temps pour voir un jeune homme s'avancer devant nous.

— Tu dois être Thomas, l'interpella Nicolas.

— En effet, répondit-il d'une voix posée qui ne cadrait pas vraiment avec son physique. Comment cet Aaron, que je ne connais pas, sait-il que je suis devenu l'alpha de ma propre meute ? demanda-t-il d'une voix grondante et méfiante en fixant Nicolas d'un regard perçant et étrange.

— Il ne le savait pas. J'ai juste entendu parler de vous et de votre nouvelle meute dans une conversation. J'avais besoin d'aide et j'ai sentis votre présence dès que j'ai pénétré dans ces bois.

— Je sais ce que tu es ! affirma Thomas en s'approchant de quelques pas. Je le sens sur toi. Pourquoi gâcher tant de puissance ?

— Si vous savez ce que je suis, vous savez pourquoi, lui répondit Nicolas claierement sur la défensive.

— Pourquoi alors, devrais-je t'accueillir dans ma meute ?

— Je ne suis pas là pour vous créer des ennuis. Mon amie va mal. J'ai besoin d'un endroit sûr pour comprendre ce qui ne va pas. Ensuite on s'en ira.

— Je sais, je voulais juste te tester. Tant que tu respecteras nos règles et les membres de cette meute, tu seras le bienvenu. Suis-moi.

Nicolas ne prononça pas un mot et s'empressa de suivre les pas rapides et agiles du jeunes hommes qui semblait connaître ce coin de forêt comme sa poche. Ne réussissant pas à maintenir mes yeux ouverts plus longtemps, je les refermais et me laissai aller.

***

Je revins brutalement à moi dans un lit chaud et moelleux. Envolé le bien-être et la tiédeur de ma somnolence précédente. Se furent de violents frissons, des maux de tête et une douleur sourde et diffuse qui m'assaillit immédiatement. Que se passait-il ?

— On a dû vous réveiller de force pour vous empêcher de sombrer dans le coma, me dit une voix douce et bienveillante venant de ma droite.

Avec beaucoup d'effort, je tournai la tête dans cette direction et vis une femme d'une cinquantaine d'années, aux cheveux noirs parsemés de fils d'argents, assise sur une chaise à mon chevet.

— Je m'appelle Waahana, se présenta-telle. Je suis une métamorphe et j'ai aussi un don de guérisseuse. Je suis là pour prendre soin de vous.

— Qu'est-ce...qui se passe ? demandai-je d'une voix hachée, apathique et sans force.

Elle recouvrit doucement ma main de la sienne et s'apprêtait à me répondre quand les voix de deux personnes en colères nous parvinrent distinctement depuis la porte restée entrouverte.

— Nicolas, c'est sa dernière chance ! gronda la voix de Thomas.

— Comment pouvez-vous suggérer une chose pareille ! rugit à son tour Nicolas, d'une voix outrée et...presque paniquée.

— Je le suggère car c'est mon devoir de t'ouvrir les yeux, lui répondit Thomas d'une voix plus mesurée en se mettant à le tutoyer.

— C'est une humaine, une infection ça se soigne.

— Si elle avait rejoint un hôpital à temps, peut-être, mais là...

Un silence pesant tomba soudain sur la pièce tandis que Waahana se levait pour se diriger vers la porte d'une démarche énervée. Alors c'était ça, j'étais malade ? Après tout ce qu'il venait de m'arriver comme choses perturbantes, ahurissantes et...improbables, j'allais mourir à cause d'un simple virus !

— Et votre guérisseuse, elle ne peut rien pour elle ? reprit Nicolas, d'une voix à la limite du désespoir.

— Je suis guérisseuse, pas magicienne ! intervint Waahana d'un ton agacé. Je vous signale au passage que la pauvre petite entend tout ce que vous dites ! Ce n'est peut-être pas le meilleur moyen de lui annoncer la nouvelle.

— Vous ne pouvez vraiment rien faire, rien tenter ?

— Le fait qu'elle soit humaine m'en empêche, lui répondit-elle en entrainant les deux hommes avec elle dans la pièce. Sa seule chance à présent, c'est vous, lui dit-elle en le fixant d'un regard étrange avant de venir me rejoindre et de s'assoir sur le bord de mon lit.

— C'est grave à ce point-là ? demandai-je doucement, mon regard passant de Waahana à Nicolas qui s'était rapproché et fixait sur moi un regard rempli de doutes, de peur et de culpabilité.

— Votre blessure s'est infectée et vous êtes en train de faire une septicémie. Elle est malheureusement trop avancée pour que les antibiotiques puissent en venir à bout.

— Vous n'êtes pas médecin, vous n'avez pas fait d'analyses, comment pouvez-vous le savoir ?

— Je le sens. Je ne peux pas mieux vous l'expliquer, mais...je suis sûre de moi et j'en suis désolée.

— Mais comment ça a pu s'infecter si vite, ça ne fait que quelques heures ? demandai-je inutilement sentant la panique et le désespoir m'envahir.

— C'est ta blessure à la main, qui s'est infectée intervint Nicolas. Les blessures de métamorphes ne provoquent pas de telles complications.

— Alors je vais mourir aussi bêtement que ça ? demandai-je à Nicolas des larmes plein les yeux.

— Pas s'il décide de vous aider, intervint Thomas en lançant un regard noir à Nicolas.

— Je ne peux pas...

— Tu ne peux pas quoi ? lui demandai-je ne comprenant pas du tout ce qu'il se passait.

— Ce ne sera même plus un choix, dit-il d'une voix rageuse à Thomas en s'éloignant de mon lit de quelques pas.

— Nicolas, c'est à elle de décider. Mais elle ne pourra le faire que si tu lui dis tout.

— Me dire quoi, bon sang ! m'énervai-je avec le peu de force qu'il me restait.

Nicolas ne me répondit pas, en proie à d'évidents tourments intérieurs. Je vis Waahana et Thomas échanger des regards interrogatifs, puis commencer à quitter discrètement la pièce dont ils refermèrent la porte derrière eux.

Sentant qu'il ne fallait pas que j'intervienne, j'attendis que Nicolas se décide à parler de lui-même. Il hésita, ouvrant la bouche plusieurs fois avant de la refermer et de me fixer d'un regard malheureux. Mes paupières étaient lourdes et je devais lutter pour rester éveillée. Il dut finir par s'en rendre compte, car il vint s'assoir près de moi.

— Rose, je...

— Tu pourrais vraiment me sauver ? lui demandai-je dans un souffle.

— Pour ça...il faudrait que tu deviennes comme moi, me répondit-il en me caressant doucement la joue du dos de la main.

— Je croyais que c'était héréditaire, que ça ne se transmettait pas...

— Je ne suis pas un métamorphe Rose, m'avoua-t-il en me braquant de son regard farouche. Je suis un loup-garou. 

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