Chapitre 21-2
À l'amorce de la chute, mon cœur me remonta dans la gorge et je fermai les yeux en enfouissant ma tête dans le cou de Nicolas. Nous touchâmes le sol à peine quelques secondes plus tard dans un impact brutal. Sans moi je pense qu'il n'aurait eu aucun mal à se réceptionner mais là, déséquilibré par mon poids, il tomba sur le côté et dû faire une sorte de roulade acrobatique qui lui arracha un petit gémissement de douleur. Il termina sa manœuvre sur le dos, ses bras puissants serrés autour de moi presque à m'étouffer. Il relâcha son étreinte dès qu'il me sentit remuer entre ses bras.
— ça va ? Tu n'as rien ? me demanda-t-il alors que j'essayai de me dégager sans lui faire mal.
— Non, juste un peu secouée, lui répondis-je d'une voix tremblante, à l'instar de mes membres raides et tremblotants d'avoir trop serrés Nicolas.
Je me poussai sur le côté et m'empressai de me relever pour ne pas tremper mes vêtements déjà mal en point sur l'humus humide du bois. Une fois libéré de mon poids, Nicolas fit de même, bien que plus lentement, quelque chose semblant gêner ses mouvements.
— Tu as rouvert ta blessure ?
— Ne t'inquiètes pas pour ça, me répondit-il en regardant tout autour de lui d'un air concentré et inquiet. Viens, il ne faut pas s'éterniser ici, nous ne sommes plus protégés.
— Comment ça, protégés ? lui demandai-je en commençant à le suivre.
— Les lieux où résident des clans, ou des communautés métamorphes, sont en général protégés par des sorts d'illusions qui empêche les personnes extérieures de les voir ou de les trouver et de voir et comprendre ce qu'il s'y passe.
— Heu...sort comme dans...sorcière ? Tu plaisantes là ? lui dis-je en m'arrêtant après avoir trébuché pour la troisième fois sur une branche morte que je n'avais pas vue.
— Non ! me répondit-il d'une voix légèrement impatiente. Ça ne t'étonne pas de voir des gens se transformer en tigre devant toi, mais ça te parait impensable qu'il y en ait d'autres qui soient capable de jeter des sorts ?
C'était sûr que dit comme ça, je me sentais un peu idiote. Mais tout de même c'était dingue !
— Écoute, si tu as d'autres questions je t'expliquerai plus tard, mais il faut qu'on avance ! reprit-il en s'enfonçant de nouveau dans les ombres.
— Parce que tu sais où tu vas ? bougonnai-je en essayant de le suivre.
— Bien sûr, me dit-il en rebroussant légèrement chemin pour revenir à ma hauteur. C'est vrai que tu n'y vois pas grand-chose, désolé. Je vais te guider, ajouta-t-il en me prenant la main et en repartant d'une démarche un peu plus lente.
Je ne dis plus rien et me contentai de le suivre en ruminant tout ce que je venais de vivre depuis quarante-huit heures. Retrouverai-je jamais une vie normale ? C'était de plus en plus improbable. Quoique, s'ils finissaient pas se révéler au monde, je n'aurais plus besoin de me cacher et pourrais reprendre ma petite vie tranquille et ennuyeuse, mais en avais-je vraiment envie ?
Le changement soudain de sol me sorti de mon introspection, alors que mon pied se posait sur l'asphalte d'une route de campagne. Nous marchâmes encore sur une certaine distance, sans que je n'ose l'interroger, ni lui demander de s'arrêter, malgré mon souffle court et ma tête qui recommençait à tourner. Il bifurqua sur un petit chemin de terre à peine visible qui nous conduisit, quelques mètres plus loin, à une ferme en ruine.
Le visuel était sinistre, surtout qu'une chouette s'envola en chuintant à notre approche, ajoutant une touche flippante à la scène. Mais le plus incongru était le SUV noir, flambant neuf, garé devant la barrière miteuse délimitant le terrain. Nicolas s'en approcha sans aucune hésitation et alla ouvrir le coffre qui n'était pas verrouillé.
— Tu savais que cette voiture serait là ? lui demandai-je inutilement tandis qu'il farfouillait dans le coffre.
— C'est un véhicule de secours pour le clan. Il y en a plusieurs disséminés aux alentours de la propriété et nous savons tous où ils se trouvent, m'expliqua-t-il en récupérant la clé, dissimulée sous le plancher de coffre.
— Mais vous n'avez pas peur qu'on vous les vole ?
— C'est toujours un risque. Minime cependant, car les endroits où nous les cachons sont...
— Protégés par un...sort, je suppose ?
— Exactement, me dit-il avec un demi-sourire en me tendant quelque chose.
— Et pourquoi, ces...sorts, ne fonctionnent pas sur moi ? lui demandai-je vraiment intéressée par la réponse.
— Parce que tu es avec moi.
— Et ça suffit ! m'étonnai-je en m'approchant enfin de lui pour saisir le paquet qu'il tenait à bout de bras.
— Oui, se contenta-t-il de me dire avec un petit sourire.
Je sentais bien qu'il ne m'expliquait pas tout, mais je n'insistai pas. Quand soudain, l'une des nombreuses choses qu'il avait dites me revint en mémoire.
— Tu dis que vous savez tous où se trouve ces véhicules, donc Juan et Eva aussi ! Qu'est-ce qui les empêche de venir ici pour nous attendre et nous attaquer ?
— Bien que cela me semble improbable, après la raclée que leur a mis Aaron, j'y ai pensé aussi. C'est pour cela que nous avons marché autant, pour brouiller les pistes.
Légèrement rassurée je m'intéressai enfin à la chose informe qu'il m'avait donné et que je n'avais toujours pas identifié.
— Qu'est-ce que c'est ? lui demandai-je finalement, n'y voyant toujours pas grand-chose dans cette obscurité.
— Des vêtements de rechange. Enfin...si tu veux, ce n'est pas une obligation...
— Oh si, c'est parfait, m'empressai-je de le rassurer plus que pressée de pouvoir enlever les loques que j'avais sur le dos.
— Tu peux te changer dans la voiture. Promis, je ne regarderai pas, me dit-il en se retournant.
Entre nous, qu'il regarde ou pas, je m'en fichai un peu. Pas que je sois exhibitionniste, loin de là, mais je me sentais tellement sale et mal dans mes fringues que j'aurais même pu me déshabiller devant lui sans trop de problème...enfin peut-être pas quand même, me dis-je en souriant à mes pensées idiotes et légères tandis que j'ouvrais la portière arrière.
La lumière d'ambiance qui s'alluma automatiquement, m'explosa les rétines et faillit me coller une crise cardiaque. Quelle nouille, j'aurais dû m'y attendre, me tançai-je en pénétrant dans l'habitacle avant de claquer la porte. La lumière s'éteignit instantanément soulageant mes yeux douloureux et c'est donc à tâtons que je retirai mes guenilles et enfilait mes nouveaux vêtements. Ils étaient confortables, chauds et sentaient bon l'assouplissant à la lavande, me faisant me sentir instantanément mieux. Je fourrai mes vieilles nippes dans le sac en plastique et ressortie du véhicule pour rejoindre Nicolas...que je trouvai torse-nu, en train d'enfiler un sweat à la place de son tee-shirt.
— Tu te sens mieux ? me demanda-t-il en tendant la main vers moi.
— Des vêtements propres, c'est formidable, lui répondis-je avec sincérité en lui donnant le sac.
Il le balança dans le coffre avant d'en attraper un autre et de me dire de monter dans la voiture. Un étourdissement plus fort que les précédents me saisit soudain et je dus m'accrocher à la portière pour ne pas tomber. Nicolas, qui était en train de s'installer, ne remarqua rien et je m'empressai donc de me glisser sur mon siège. Alors que je m'enfonçai avec délice dans le cuir moelleux, des frissons me parcoururent tout le corps. J'étais vraiment épuisée.
— Où allons-nous ? lui demandai-je, tandis qu'il terminait les derniers réglages et me posais un nouveau sac sur les genoux.
— Tiens, mange, ça te fera du bien, me dit-il. Tu es toute pâle.
Vu comment je me sentais, je ne devais pas avoir très bonne mine en effet. Mais lui, n'avait pas grand-chose à m'envier à la lueur peu flatteuse des veilleuses de l'habitacle. Il dû en arriver au même constat que moi, car il s'empressa de fermer la portière, nous plongeant de nouveau dans une semi-obscurité. Au touché, le sac contenait un paquet de gâteaux, une bouteille d'eau et deux pommes. Je me désaltérai avant de tendre la bouteille à Nicolas, qui la refusa d'un petit signe de tête, son attention fixée sur la route. Je la remis dans le sac avant de m'attaquer aux sablés que contenait le paquet.
— Tu ne m'as pas répondu, lui dis-je entre deux bouchées. Tu nous emmènes où ?
— Dans un endroit sûr, se contenta-t-il de me dire, me laissant sur ma faim.
Je finis d'engloutir avidement mon troisième biscuit, qui avait un goût de carton, avant de m'installer le plus confortablement dans mon siège. Mon dieu que je me sentais mal ! J'avais mal partout, des frissons, des vertiges et toujours ce mauvais gout dans la bouche.
— Rose, ça va ? me demanda soudain Nicolas.
— Oui...ça va, juste...fatiguée, lui répondis-je d'une voix étrange. Je vais dormir un peu et...ça ira mieux, arrivai-je à annoner difficilement, avant de sombrer dans le sommeil.
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