Chapitre 2-1
C'est alors je regardais enfin autour de moi, que je réalisai enfin...j'étais perdue ! Où que se pose mon regard, je ne reconnaissais rien. Où avais-je atterri ? mon flash-back involontaire avait été tellement puissant, que j'avais certainement dû continuer à avancer telle une somnambule en pleine crise, pour me retrouver dans le quartier mal famé qui jouxtait le mien, plus récent et mieux fréquenté. Combien de temps m'étais-je perdue dans cet étrange retour en arrière ? me demandai-je tandis que je cherchais désespérément des repères visuels familiers qui m'aideraient à me repérer. Car, mis à part le quartier, je n'avais pas la moindre idée de l'endroit exact où je me trouvais.
Un nouveau coup d'œil à mon environnement immédiat ne me rassura pas. La rue était petite, sale et mal éclairée. Deux des trois lampadaires sensés fournir un peu de lumière aux imprudents osant s'aventurer là à la nuit tombée, étaient cassés. Le peu de clarté qui parvenait jusqu'à moi par cette nuit sans lune provenait du dernier lampadaire rescapé à quelques mètres de là, dont la pauvre ampoule fatiguée avait bien du mal à repousser les ténèbres. Mais le peu que je voyais suffisait à me donner la chair de poule.
N'importe où que se porte mon regard, je ne voyais que des façades aveugles et des murs délabrés. La rue, pas très longue, n'était bordée que d'entrepôts et de bâtiments désaffectés, pour se terminer en cul de sac devant un terrain vague envahi par les mauvaises herbes. Brrr...C'était un endroit idéal pour une nuit d'Halloween, me dis-je en frissonnant. Non mais qu'est-ce que je faisais là ?
Mon pouls se mit à accélérer vivement sous le brusque afflux d'adrénaline. Je regardai une dernière fois autour de moi, mais toujours aucun signe de vie aux alentours. Je me demandai, l'espace d'une seconde, si ce n'était pas une blague élaborée fomentée par quelques ingénieux farceurs, afin de donner une trouille bleue au gens ayant la malchance de croiser leurs chemins. Non c'était du délire ! Je ne connaissais pratiquement personne dans cette ville et rien ne pouvait expliquer ma crise de somnambulisme...stop ! Il fallait que j'arrête de cogiter et que je quitte cet endroit sinistre sur le champ, plutôt que de rester plantée là comme une idiote.
Je commençai donc à rebrousser chemin vers la rue perpendiculaire par laquelle j'étais certainement arrivée et dont l'embranchement se situait non loin du terrain abandonné. Mes pas résonnaient sur le béton humide, tandis que j'accélérais l'allure, pressée de quitter cet endroit désert et effrayant. Tout en marchant je ne pouvais m'empêcher de me retourner et de jeter des regards angoissés autour de moi comme une folle en pleine crise de parano.
Je parvins enfin à l'embranchement menant à une rue mieux éclairée et allais m'y engouffrer avec bonheur, quand un bruit étrange me retint. Une sorte de son inarticulé, à mi-chemin entre le gémissement et le cri, qui paraissait venir de l'espace en friche. Je stoppai net et me figeai, le cœur au bord des lèvres, avant d'écouter intensément, tous mes sens en alerte. Qu'est-ce que cela pouvait bien être ?
Le fruit de mon imagination, me dis-je avec soulagement au bout d'une poignée de secondes en reprenant mon chemin. Mais je n'avais pas fait trois pas qu'il recommença, plus fort et plus proche, me faisant violement sursauter. Le souffle court, je cherchai frénétiquement des yeux, ce qui pourrait en être à l'origine de ce gémissement. À moins que ce ne soit un cri de détresse ? Ou mon cerveau en ébullition qui me jouait des tours, vu la nuit et le décor sordide c'était sûrement ça !
La partie logique et consciente de mon cerveau m'affirmait que je devais partir d'ici au plus vite et sans réfléchir, mais au lieu de ça je m'attardai malgré tout. C'était idiot, une très mauvaise idée même, mais j'éprouvais enfin quelque chose après tous ces mois de désert émotionnel. Et même si cette émotion était la peur...ça avait quelque chose de grisant. Je me sentais de nouveau en vie et...ça me faisait un bien fou. À tel point que, idiot ou non, je n'avais pas envie que ça s'arrête.
Je me concentrai pour tenter de l'entendre de nouveau, avant de me donner une claque mentale. Mais qu'est-ce que j'étais en train de faire bon sang ? Aussi bon que cela soit de me sentir de nouveau "vivante", le tout était de le rester et s'éterniser dans cette rue sordide, à cette heure de la soirée, c'était seulement dangereux et stupide. Surtout que ce bruit provenait certainement d'un quelconque objet abandonné à rouiller dans le terrain vague et que le vent faisait bouger. Sauf qu'il n'y avait pas de vent et que le bruit, le son, ou quoi que cela puisse être, m'avait paru changer d'intensité et être de plus en plus faible.
Je m'interrogeai pendant de longue seconde, avant de finalement me résigner dans un soupir. Si je n'allais pas voir, je passerais la nuit à me torturer l'esprit au lieu de dormir. De plus, même si j'étais effrayée, mon côté "bon samaritain crédule" était revenu en force en même temps que le reste de ma personnalité oubliée et je ne pouvais pas consciemment laisser derrière moi une personne qui avait peut-être besoin d'aide. Malgré la certitude de plus en plus imposante que c'était une idée particulièrement stupide, je m'approchai avec une lenteur prudente, du terrain vague peu engageant.
C'était une parcelle rectangulaire en friche, uniquement séparé de la rue par un grillage tordu, dont presque la moitié gisait inutile sur le sol. Je n'en étais plus qu'à quelques pas, lorsque je l'entendis de nouveau. À présent que j'étais plus près, cela ressemblait plus à une sorte de plainte, un peu comme un râle. Après un court instant d'hésitation, j'enjambai prudemment le grillage avachi et commençai à m'avancer doucement au milieu des herbes folles et des différents objets et détritus en tout genre, éparpillés là.
Par chance, le seul éclairage encore en état de marche se trouvait du bon côté de la rue, ce qui me permettait de voir à peu près où je mettais les pieds et m'éviter une chute malencontreuse. Qui risquait au final de se produire, si mes recherches m'entrainaient plus loin à l'intérieur du terrain. Ce que je me promis, instantanément, de ne surtout pas faire. J'avais peut-être l'âme d'un Saint Bernard mais je n'étais pas idiote pour autant et il était hors de question que je m'aventure en terrain inconnu et dans le noir. Si mes recherches restaient infructueuses dans les premiers mètres de terrain, je rebrousserais chemin illico et pourrais rentrer chez moi l'esprit tranquille.
Je continuai donc à avancer, parallèlement à la rue, m'autorisant même à appeler tout bas dans l'espoir que la personne en difficultés me réponde.
— Hé ho ! Il y a quelqu'un ? Vous avez besoin d'aide ?
Mon chuchotement pathétique m'irrita presque autant que la bêtise de ma démarche. Je savais bien qu'en parlant aussi peu fort il y avait peu de chance que qui que ce soit m'entende. Mais quelque chose m'empêchait de hausser la voix. Une peur, une appréhension que je ne m'expliquais pas. Je continuai néanmoins et fut rapidement stoppée par un arbre relativement grand, qui avait élu domicile à l'une des extrémités de la parcelle. Je m'arrêtai quelques secondes, hésitant une nouvelle fois à m'avancer plus avant à l'intérieur de la friche.
À l'instant où je me décidais enfin à abandonner et à rebrousser chemin, des branches craquèrent au-dessus de ma tête, vite suivit par un bruissement sonore de feuillages maltraités. Je me figeai, momentanément paralysée par la peur et une panique sourde. Le bruit se reproduisit et je n'eus que le temps de lever les bras pour me protéger le visage, alors qu'une masse noire et indistincte me tombait dessus brutalement en poussant des cris furieux. J'hurlai instinctivement en agitant les bras pour me protéger et faire fuir la chose qui s'accrochait à mes cheveux et qui s'avéra être...un chat ! Un chat noir particulièrement gros et mal luné !
Non...en fait c'était plus que ça, me dis-je tandis que je tentais de reprendre mon souffle et le contrôle de mes membres tremblants, accroupie derrière une sorte d'arbuste épineux. Cet animal avait vraiment un comportement curieux. Au lieu de s'enfuir sans demander son reste, comme il aurait dû le faire instinctivement, il restait devant moi, légèrement sur la droite, l'échine hérissée et les oreilles en arrières. Il feulait d'un air agressif en direction des ténèbres recouvrant le reste du terrain vague. Laissant même parfois échapper des sortes de miaulements rauques et plaintifs qui ressemblaient beaucoup au son qui m'avait attiré ici. En fait...il avait peur, réalisai-je pas du tout rassurée par son comportement singulier. Qu'est-ce qui pouvait bien l'effrayer ainsi ?
Décidant qu'il valait sans doute mieux pour moi que je n'attende pas pour le savoir, je commençai à me relever le plus discrètement possible. C'est ce moment que choisit le chat pour se mettre à feuler et à miauler de plus belle. Puis, semblant se décider enfin, il détala vers l'autre extrémité du terrain, cherchant frénétiquement un passage dans le grillage encore haut à cet endroit.
Il avait à peine débuté sa course, qu'une sorte de son étouffé retentit non loin, suivi d'un bruit sec et métallique, alors que quelques étincelles éclairaient le grillage, à l'endroit où l'objet venait de le percuter. Mon dieu, c'était une balle ! réalisai-je avec horreur. Quelqu'un venait de tirer sur le chat, qui fort heureusement pour lui, avait réussi à s'enfuir dans la rue juste à temps.
— Arrête crétin, ce n'est qu'un abruti de chat ! Ne gaspille pas les munitions. On en aura besoin pour terminer le travail et en finir définitivement avec cette pétasse quand on l'aura retrouvée.
La voix qui s'éleva des ténèbres n'était qu'un chuchotement rauque mais néanmoins terrifiant, venant d'un homme à la voix basse et grave et qui de toute évidence, n'avait pas de bonnes intentions.
Je me recroquevillai, sonnée et tremblante, tâchant de me faire le plus discrète possible dans ma cachette végétale, puis fit une brève prière silencieuse pour que qui que soient ces hommes, ils ne me trouvent pas.
— Je suis sûr d'avoir vu une ombre et d'avoir entendu une voix par ici, répondit l'autre homme d'un ton agressif, bien que toujours à voix basse. Je vais vérifier. Il ne manquerait plus qu'elle ait réussi à trouver de l'aide ! Tout ce qui nous manquerait pour ajouter à ce fiasco, ce serait un témoin supplémentaire à devoir éliminer, tu ne crois pas ?
Merde ! S'ils se mettaient à chercher un peu mieux ils n'allaient pas tarder à me trouver, me dis-je sentant la panique me gagner. Que devais-je faire ? Rester cachée et prier pour qu'ils passent sans me voir, ou tenter de m'enfuir discrètement ? C'est à ce moment, alors que les deux hommes commençaient à fouiller les buissons alentours, que des bruits se firent entendre de la rue, précédés par le faisceau d'une lampe torche particulièrement puissante. La personne s'arrêta et promena sa lampe de gauche à droite, évitant ma cachette de justesse et obligeant les deux hommes à se cacher précipitamment.
— Viens, barrons-nous. De toute façon elle n'a pas pu aller si loin dans l'état où elle était. D'ailleurs, avec un peu de chance, elle est déjà tombée raide morte dans un coin et personne ne la retrouvera jamais. Pour ce qu'on nous paye, ça ne vaut pas le coup de risquer de se faire prendre ! chuchota le premier homme d'une voix glaciale.
— Et si tu te trompes ? lui répondit son comparse d'une voix à la fois hostile et angoissée.
— Je n'ai rien à faire de leurs magouilles. Nous, nous étions justes là pour la sécurité extérieure. C'est eux qui ont merdé. La seule chose que je vois, c'est qu'elle ne peut pas nous identifier même si quelqu'un la retrouve. Ce qui comme, je l'ai déjà dit, m'étonnerait fort. Maintenant on dégage ! finit-il par ordonner d'une voix sans réplique.
Le deuxième homme ne répondit pas et ils commencèrent à rebrousser chemin dans un silence quasi complet, me poussant à me demander de qui ils pouvaient bien parler et si ce n'était pas cette pauvre fille plutôt que le chat que j'avais entendue tout à l'heure. Le rai de lumière fit encore un ou deux aller-et-retours avant de commencer à s'éloigner et j'hésitai...Devais-je me signaler ? Ou était-il plus prudent d'attendre que l'inconnu à la torche s'en aille ?
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