Chapitre 11-1
L'obscurité me désorienta et je dus attendre de longues secondes que ma vue s'adapte. Le couloir sans fenêtre était plongé dans la pénombre et paraissait s'étendre à l'infini de part et d'autre de la porte.
J'hésitai un instant, puis m'orientai vers la droite, direction qu'il me semblait les avoir vu prendre. C'était un risque supplémentaire de retomber sur eux mais j'espérais surtout que cela me rapprocherait de la sortie. Il ne me restait plus qu'à rester discrète et à ne pas me faire prendre, me dis-je fébrilement en avançant à pas prudent afin de faire le moins de bruit possible. Ce qui ne s'avéra pas très difficile compte tenu de mes pieds nus, conjugué à l'épais tapis écru qui étouffait le bruit de mes pas. Mais mon cœur qui battait la chamade et menaçait presque de m'étouffer à chaque fois que je passais devant une porte fermée, supplantait tous les autres sons et me rendait paranoïaque.
Je commençais à croire que ce couloir n'en finirait jamais quand j'atteignis un petit escalier en bois qui descendait en tournant vers l'étage inférieur. J'hésitai un instant à m'y engager. Si quelqu'un montait pendant que je descendais...j'étais faite comme un rat. De toute manière je n'avais pas vraiment d'autre choix, constatai-je après avoir jeté un regard circulaire autour de moi.
C'est donc avec un soupir résigné que je commençai la descente. Le stress d'être découverte à tout instant me faisait trembler et une sueur froide me coulait dans le dos, tandis que je dévalai les marches dans un quasi silence. Je fus en bas plus vite que je ne l'aurais cru et arrivai sur un palier éclairé par le soleil couchant. Un nouveau couloir, beaucoup plus spacieux et clair que le précédent, desservait une autre rangé de portes fermées. Mais où étais-je tombée ? Dans le palais des 1001 portes où quoi ? Cette baraque semblait ne pas avoir de fin. Je m'approchai prudemment d'une des grandes fenêtres à carreaux donnant sur l'extérieur, pour essayer de me repérer.
D'après ce que je pouvais encore en voir, avec la lumière de plus en plus déclinante, je me trouvais dans la partie centrale de la maison, au premier étage. La sortie la plus proche se trouvait à priori pile sous mes pieds, ne restait plus qu'à trouver l'escalier qui y menait et prier pour qu'il soit vide...tout un programme ! Je continuai donc à avancer, de plus en plus certaine de me faire surprendre d'un instant à l'autre. Je commençai même à trouver ça suspect de ne croiser personnes dans les couloirs...et si c'était un test ou un petit jeu sadique ? Après tout, c'était vraiment de plus en plus étrange. Si ces gens étaient vraiment des réfugiés, que faisaient-ils dans ce palace ? Ça n'avait pas de sens.
À vrai dire, plus rien n'avait vraiment de sens au niveau de stress que j'avais atteint. J'avançais comme un robot sans vraiment prêter attention à ce qui m'entourait. Je ne voulais qu'une chose, partir d'ici et retrouver ma petite vie routinière et triste mais...normale. Un escalier qui menait à l'étage inférieur sembla se matérialiser devant moi tellement j'étais en panique et je l'empruntai fébrilement, presque sans réfléchir, pour me retrouver dans un vestibule. Ou plutôt un hall d'entrée, vu sa taille ! Je ne pris pas le temps d'admirer la déco et me précipitai vers la porte massive munie de deux vantaux en bois ouvragés dont la partie supérieure était ornée de vitraux.
Je saisis les deux poignées en laiton et tirai de toute mes forces. Pour le résultat que j'obtins, j'aurais sans doute mieux fait de m'abstenir, car les battants ne bougèrent pas d'un millimètre. Dans un dernier espoir je tentai de pousser au lieu de tirer, mais le résultat fut le même. Je ne pus empêcher des larmes de frustration de couler le long de mes joues tandis que je demeurai prostrée, à regarder la liberté à la fois si près et inaccessible, visible à travers les vitraux colorés de la porte d'entrée.
C'est alors que des cris et des exclamations paniqués se firent entendre. Je me retournai machinalement, prête à m'enfuir à la moindre alerte, mais j'étais toujours seule. Les sons devaient provenir de quelque part sous mes pieds car ils étaient comme...étouffés. J'envisageai un instant de retourner dans la chambre, comme si je n'en étais jamais partie et d'attendre de voir ce qu'il se passerait ensuite, plutôt que de chercher encore une issue au risque de me faire prendre la main dans le sac. Je secouai la tête et me secouai tout court. Non ! Je n'allais certainement pas jouer les petites filles dociles en attendant qu'il me poignarde gentiment dans le dos. J'allais plutôt trouver une fenêtre ouverte et me barrer d'ici au plus vite.
Je me dirigeai vers la première porte située à gauche du vestibule, quand une autre porte se trouvant au fond de la pièce, s'ouvrit à la volée. Tellement fort que le battant alla se fracasser sur le mur dans un bruit assourdissant me faisant sursauter et frôler la crise cardiaque ! Alors que je jetais frénétiquement des regards partout, cherchant une cachette potentielle des yeux, quelque chose traversa la pièce à une telle vitesse que je ne vis qu'une ombre floue avant d'aller s'écraser violemment contre la porte d'entrée. Sous l'effet du choc, les vitraux volèrent en mille éclats, qui tombèrent en une pluie colorée et scintillante sur la forme recroquevillée sur le sol dans un bruit cristallin.
Je restai pétrifiée l'espace d'une seconde, le regard rivé à la forme immobile se tenant debout à l'autre bout de la pièce devant la porte ouverte. Son ombre se découpait à contre-jour m'empêchant de distinguer ses traits. Je me demandai si ma vision ne me jouait pas des tours, car c'était bien un homme, de corpulence moyenne qui plus est, qui venait de projeter un autre homme à travers la pièce comme s'il ne pesait rien ! Le tout sans même avoir l'air essoufflé...mais furieux ça, c'était une certitude ! Il commença à avancer d'un air menaçant dans ma direction, mais comme s'il ne me voyait pas, son regard totalement fixé sur sa proie désormais à terre.
Je demeurai sans bouger, espérant que si je ne faisais pas le moindre mouvement, il ne me verrait pas. Tu n'es pas dans « Jurassik Park » pauvre gourde ! m'envoya mon cerveau paniqué, alors que l'ombre menaçante s'approchait de plus en plus. Puis je me rendis compte que, de l'endroit où il se trouvait, il ne pouvait pas me voir ! Quatre piliers étaient disposés artistiquement en carré au centre de la pièce et je me trouvais cachée par l'un deux. Je me décalai le plus discrètement possible au fur et à mesure de ses déplacements, afin d'être toujours hors de son champ de vision, et lorsqu'il s'arrêta à quelques pas de sa pauvre victime, je stoppai également de peur qu'il ne m'entende.
— Tu préfères protéger une humaine ? Comment as-tu osé l'amener ici ! rugit-il d'une voix grave et sourde, qui ressemblait plus à un grognement qu'a une voix humaine. Une voix particulière qui me disait quelque chose.
— C'est toi même qui l'a mise sous ma protection, lui répondit l'autre homme d'une voix où transparaissait sa souffrance, alors qu'il tentait péniblement de se redresser en prenant appui de ses mains sur le sol couvert d'éclat de verre.
Son mouvement provoqua une nouvelle pluie de fragments colorés, tombant de ses cheveux et de ses épaules, alors qu'il relevait la tête pour affronter le regard de son tortionnaire. Des yeux couleur chocolat se levèrent pour aller se river à ceux de l'homme menaçant qui le surplombait sans jamais une fois se fixer sur moi...là où je me trouvais, j'étais invisible. Moi en revanche, je ne pouvais pas cesser de le fixer, car j'aurais reconnu ces yeux n'importe où malgré le sang qui lui dégoulinait sur la figure et m'avait empêché de le reconnaître tout de suite...c'était Nicolas.
— Parce que tu refusais de l'abandonner à son sort, comme je te l'avais ordonné ! gronda-t-il, ayant visiblement de plus en plus de mal à se contenir. Comme elle avait aidé une des nôtres, j'ai décidé de laissé passer cet affront sans te punir. Mais toi, tu l'as amené chez moi ! Cet endroit est un refuge pour nous. Tu as compromis notre sécurité à tous et malgré cela tu t'opposes de nouveau à moi une seconde fois...
— Je n'avais pas le choix. Il faut que tu m'écoutes...commença Nicolas, avant de s'interrompre le souffle court.
Il était toujours à quatre pattes et peinait à respirer convenablement. Malgré cela, il soutenait son regard avec détermination. Un peu comme si baisser les yeux, équivaudrait à une reddition de sa part.
— Tu n'avais pas à l'amener ici, répéta-t-il pour la troisième fois. Et en le faisant, tu avais parfaitement conscience de ce que cela signifiait et des risques que tu encourais !
— Nous ne pouvions pas la laisser là-bas. Ils allaient revenir pour l'achever et tu le sais très bien !
— C'est une inconnue, elle ne fait pas partie du clan. Pourquoi te soucier de son sort ?
— Parce qu'elle s'est souciée de celui de Cat et que cela devrait faire une différence, dit-il d'une voix grave, tout en se mettant à genoux.
Il n'avait toujours pas baissé le regard, mais quelque chose dans sa posture et dans la tension de son visage, me disait que cela lui demandait beaucoup plus d'efforts que cela n'aurait dus. Je cherchai un moyen de capter son attention. De lui montrer que j'étais là, mais sans savoir comment faire pour que son adversaire ne me voit pas.
Mon instinct me disait de partir de là au plus vite mais j'avais peur qu'il ne me repère. De plus, même si je ne comprenais pas un traitre mot de leur conversation, ils parlaient de moi et Nicolas (même si je ne comprenais vraiment pas pourquoi), tentait visiblement de me protéger contre ce fou furieux, qui devait être le père de Cat.
— Reste à terre ! menaça-t-il Nicolas, d'une voix tellement grave qu'elle frôlait les limites du supportable. Tu sais que si tu te relèves, se sera le signe que tu me défies ouvertement. Je ne pourrais alors plus me contenter d'une petite raclée pour l'exemple, continua-t-il sur un ton d'avertissement. Un peu comme s'il le suppliait de ne pas faire une grosse bêtise.
— Si tu laisses l'humaine tranquille...je reste au sol. Sinon, je tente ma chance.
— Tu sais bien que tu n'en as aucune. Tu n'es pas de taille contre moi.
— Tu as peut-être raison...mais je ne te laisserais pas lui faire de mal, par simple mesure de précaution. Elle n'a rien découvert et sait même des choses qui pourraient nous aider à comprendre ce dont souffre Cat. Réfléchi Aaron...tu vaux mieux que ça, le supplia-t-il, tout en continuant à se redresser péniblement.
— Tu ne me laisses donc pas le choix, dit le fameux Aaron d'une voix malheureuse, mais néanmoins déterminée, avant de s'élancer vers Nicolas.
Ce dernier n'eut même pas le temps de réagir, qu'il était déjà sur lui. Bien que plus petit que sa victime, il l'attrapa par le cou et le souleva du sol, d'une seule main. Puis il le plaqua violemment contre ce qu'il restait de la porte et le maintenant toujours de sa main gauche, arma son bras droit pour frapper.
— Je te laisse une dernière chance...
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