Chapitre 10-1
Je ne perdis connaissance que quelques minutes tout au plus et compris rapidement que mon corps était en pleine lutte de pouvoir contre les psychotropes que l'on venait de m'injecter. J'avais la tête cotonneuse et un goût de sciure dans la bouche. J'étais sur le point de replonger dans le néant lorsque je perçus des sons qui me maintinrent à la surface et m'obligèrent à lutter pour ne pas sombrer de nouveau.
Ils me parvenaient par intermittence, un peu comme s'ils provenaient d'une radio mal réglée. J'essayai de concentrer mon attention dessus et c'est alors que les souvenirs des évènements précédents me revinrent en bloc, tandis que mon corps, tout comme mon cerveau, flottaient quelque part hors de mon contrôle.
J'avais la tête comme prise dans un étau et un arrière-goût de médicaments et de bile sur la langue. Cela ajouté à mes tentatives peut fructueuses pour sortir de ma catatonie, me donnait la sensation perturbante de m'approcher de la surface sans jamais l'atteindre...j'étais au bord de la nausée. Un peu comme si j'avais le mal de mer. Le plus inquiétant étant, que je n'étais même pas sûre d'avoir assez de contrôle sur mon corps, pour pouvoir vomir sans m'étouffer ! Je luttai pour rester consciente, de plus en plus certaine que j'étais en train de perdre la partie contre les médicaments. J'essayai de m'accrocher aux voix que j'entendais, de comprendre ce qu'elles disaient, pour ne pas sombrer de nouveau dans le néant.
— Que fait-on d'elle ? demanda, d'un ton calme et neutre un homme que je ne connaissais pas.
— On la laisse ici, répondit un deuxième homme, dont le timbre sourd et rauque était à la limite du grognement.
— Es-tu sûr que ce soit prudent...
— Elle n'est pas des nôtres, l'interrompit l'homme à la voix rauque d'un ton sans appel.
— Peut-être, mais sans elle ta fille serait morte...ou pire...
Un rugissement épouvantable explosa dans la pièce, faisant trembler le sol et les murs. À moins que cela ne soit amplifié par l'effet du calmant qu'ils m'avaient injecté. Car du peu que j'avais pu comprendre de leur conversation, j'avais été mise K.O par la cavalerie venue à la rescousse. J'essayai de me redresser pour leur dire que j'étais de leur côté, que je ne comptais pas les dénoncer, mais c'était comme tenter de soulever une montagne. Mon cerveau fonctionnait, mais tout le reste était H.S.
— On ne peut pas s'en encombrer, répondit d'une voix hargneuse et autoritaire, celui qui devait être le père de Cat.
— Si nous la laissons seule ici, dans cet état...elle n'aura pas la moindre chance s'ils reviennent.
Un nouveau grondement furieux envahit la pièce, allant jusqu'à en faire vibrer le sol.
— Très bien, fais ce que tu veux, raakshas ! cracha le père de Cat d'un ton venimeux à l'autre homme. Mais toi seul en assumera la responsabilité, termina-t-il d'un ton lourd de sous-entendu et d'une voix tellement sourde, qu'elle était à la limite de l'audible. Nous ne devons pas traîner ici, finit-il par ajouter avant de s'éloigner d'un pas pesant et de de sortir en claquant violemment la porte.
L'autre homme s'approcha de moi doucement et je sentis la panique m'envahir, alors même que ma conscience commençait de nouveau à se dérober. Maintenant que mon cerveau n'avait plus rien à quoi se raccrocher, le néant menaçait de m'engloutir de nouveau, laissant mon champ de vision envahi de taches noires de plus en plus importantes. Je sentis des larmes couler sur mes joues, sans que je ne puisse rien faire pour les en empêcher. Je me sentais faible et sans défense, complètement à la merci de cet homme que je ne connaissais pas et j'étais terrifiée.
Je le sentis, plus que je ne le vis, s'accroupir près de moi et ma panique atteint des sommets. J'avais tellement peur que je commençai à avoir du mal à respirer. Il dût s'en rendre compte, car il se pencha en avant et deux yeux marron à l'air surpris, surmontés d'une crinière de cheveux châtains, entrèrent dans mon champs de vision qui se réduisait de plus en plus.
— Vous êtes encore consciente ! Vous devez avoir une sacrée volonté, ou une résistance naturelle aux tranquillisants.
Pour toute réponse je ne pus que lui lancer un regard paniqué.
— Chuuut, ne luttez pas, reprit-il doucement tout en essuyant une de mes larmes de son doigt en un geste très doux. Je ne vous ferais aucun mal. Le somnifère était juste une précaution, pour nous, comme pour vous. Laissez-vous glisser dans le sommeil et je vous promets que vous vous réveillerez en sécurité, me dit-il d'une voix qui me paraissait de plus en plus hypnotique.
Malgré moi je sentis mon cœur ralentir et mes paupières se fermer. Je luttai encore un peu mais compris, que quoi que je fasse, j'étais en train de perdre la bataille et que je crus cet homme ou non, je n'eus d'autre choix que de me laisser aller et sombrer enfin dans l'oubli.
***
Lorsque je m'éveillai, la première chose qui me vint à l'esprit fut que l'étranger ne m'avait pas menti. J'ouvris prudemment les yeux, m'attendant à un formidable mal de tête et...je ne fus pas déçue ! Il fut même tellement violent qu'à l'instant où je relevai les paupières, j'eus la très douloureuse sensation que la lumière pénétrait directement dans mon cerveau en passant par mes rétines, comme une lame chauffée à blanc. Je n'eus que le temps de basculer sur le côté, prise de violents hauts le cœur. Heureusement pour moi mon estomac étant vide, cela se borna à des spasmes douloureux et m'évita ainsi l'humiliation de vomir sur le couvre-lit blanc au-dessus duquel j'étais allongée et qui ne s'en serait sans doute pas remis.
Au bout de quelques minutes, je tentais de redresser tout doucement la tête. Voyant que cela n'aggravait pas ma migraine, j'entrepris de me mettre doucement en position assise, dos à la tête de lit et ouvris lentement les yeux. Je savais déjà que je ne me trouvais plus dans ma chambre, car madame Perkins affectionnait les plaids pelucheux à fleurs tous plus roses les uns que les autres.
Penser à elle me fit monter les larmes aux yeux. Elle avait beau avoir eu des goûts plus que discutables en matière de décoration d'intérieur, personne ne méritait de finir jeté dans un escalier. Mon dieu, je ne pouvais pas la laisser comme ça, il fallait appeler la police. Il fallait que je...je repris subitement mes esprits. Mes divagations m'avaient un instant fait oublier que je n'avais la moindre idée de l'endroit où je me trouvais. La bonne nouvelle était que je m'étais réveillée et que j'étais à priori libre de mes mouvements, mais jusqu'à quel point, cela restait encore à déterminer. Fébrile, j'entrepris d'analyser mon environnement en attendant d'être en état de me lever.
La chambre où je me trouvais était très lumineuse, la lumière de fin d'après-midi entrait à flots par les trois fenêtres en arc de cercle, percées dans le mur se trouvant en face du lit et donnant sur un jardin entretenu. La pièce était décorée avec goût dans les tons blanc et ivoire. La seule touche de couleur émanait des rideaux vert anis et des coussins de la même teinte posés artistiquement sur le canapé deux places situé dans un renfoncement du côté droit de la pièce. Tout dans cette chambre sentait le fric et la décoration d'intérieur, c'était beau mais impersonnel et froid. Où avais-je donc atterri ?
Avisant que mes yeux supportaient de mieux en mieux la luminosité ambiante, je décidai de me lever et basculai mes jambes sur le bord du lit, tout en prenant appui sur mes mains. Une multitude de points jaunes constellèrent mon champ de vision et je fermai les yeux quelques secondes, attendant que cela passe. Rien de dramatique et qui ne m'était pas déjà arrivé des dizaines de fois, mon mouvement avait été trop brusque voilà tout.
Je finis par me lever précautionneusement et c'est au moment où mes pieds touchèrent le sol que je me rendis compte que je n'avais plus de chaussures. J'avais beau me creuser la tête, je n'arrivais plus à me souvenir si j'avais quelque chose dans les pieds au moment de l'attaque, ou si on me les avait enlevés depuis que j'étais ici. Je secouai la tête avec un petit sourire, c'était vraiment le cadet de mes soucis, je ne savais même pas pourquoi je me prenais la tête avec ça !
À pas lents je m'approchais des fenêtres et constatai que je devais au moins me trouver au deuxième étage d'une grosse demeure bourgeoise située en pleine campagne. Ce qui me faisait dire ça...aucun immeuble à l'horizon. Passé le jardin à la française superbement entretenu, on ne voyait que de la verdure à perte de vue. J'avais de plus en plus le sentiment de me trouver dans une prison, dorée certes, mais une prison quand même. Ce qui serait vite confirmé au moment où j'essaierais d'ouvrir la porte, ce que j'avais bien l'intention de faire et très vite même ! si elle était fermée à clé...
Je m'approchai donc de cette dernière, mon cœur battant de plus en plus vite au fur et à mesure que je me rapprochais du battant. Je posai la main sur la poignée et l'actionnai...rien. La panique me submergea en une fraction de seconde et je me mis à la secouer, à pousser et à tirer sur cette fichue porte comme si cela allait changer quelque chose. Bien évidemment non et ma migraine en profita pour revenir à l'assaut me laissant tremblante et sans force, à la limite de l'évanouissement. Je me laissai glisser jusqu'au sol le long du mur et restai là, les bras autour des genoux, la tête appuyée sur le mur derrière moi, les yeux fermés attendant que le malaise se dissipe. Ça m'apprendra à céder à la panique, me sermonnai-je bien inutilement. J'étais bien avancée maintenant, assise par terre comme une pauvre petite chose sans défense. Obligée d'attendre bêtement de pouvoir à nouveau rouvrir les yeux sans risquer de vomir partout et de pouvoir réfléchir de façon cohérente ! Pff...lamentable, gémis-je pour moi-même.
Le bruit d'une clé que l'on tournait dans la serrure me ramena à la réalité bien plus efficacement qu'une gifle. Instinctivement j'essayai de m'éloigner de la porte le plus vite possible, étant toujours assise par terre je me mis donc à pédaler frénétiquement pour reculer jusqu'à ce que le bord du lit interrompe ma retraite maladroite. Ensuite je restai là, assise bêtement en attendant de voir quel monstre m'attendait derrière la porte.
Celle-ci s'ouvrit comme au ralenti et un homme grand et baraqué entra à reculons dans la pièce, avant de la refermer d'un coup de pied. J'eu à peine le temps de me demander pourquoi, qu'il pivotait ma permettant de voir le plateau qu'il tenait maladroitement entre ses mains. De toute évidence il n'était pas habitué à jouer les fées du logis...et pour cause ! Il devait mesurer au moins un mètre quatre-vingt-dix et avait l'air aussi à l'aise dans cette pièce, qu'un chat sur une patinoire, c'est dire !
Il posa maladroitement son fardeau sur une commode qui se trouvait près de la porte en me tournant toujours le dos. La porte, qu'il n'avait pas verrouillé de nouveau derrière lui, semblait m'appeler et je dû résister à l'envie irrépressible de me ruer vers le battant pendant qu'il ne faisait pas attention à moi. Comme cela ne servirait probablement qu'à l'énerver et pour l'instant il n'avait pas l'air agressif, je décidai d'attendre de voir ce qu'il en était avant de me risquer à un acte désespéré.
Il se retourna enfin pour me faire face, très lentement avec des mouvements précautionneux, comme s'il avait peur de m'effrayer. Ses cheveux bruns, trop longs, lui retombaient devant le visage, m'empêchant de distinguer correctement ses traits. Pourtant, du peu que j'avais entraperçu, il m'avait paru comme...familier. D'où pouvais-je bien le connaître ?
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