Epilogue
Valentina aimait cet appartement. Nolan avait voulu investir dans une maison avec un jardin, mais malgré la grosse somme d'argent qu'il avait touché pour sa première exposition, acheter un pavillon avec jardin dans cette ville leur avait été impossible. Qu'à cela ne tienne, il y avait de beaux appartements tant dans le village que du côté du jardin botanique.
Ils avaient opté pour le village, pour le plus grand bonheur de Léa qui pouvait venir rendre visite à son amie bien plus souvent. Nolan avait trouvé un grand trois pièces au dernier étage d'un immeuble de la rue Roucher, tout près de celle du Marais. Il avait une pièce pour dessiner et leur grand salon leur permettait de recevoir des amis sans avoir à se serrer.
Lorsqu'elle rentra de cette nouvelle journée de shooting, Valentina savait qu'elle allait apprécier le weekend. Il n'y avait rien de prévu. Pas d'exposition, de lancement de collection, de test de dernière minute sur une nouvelle tenue, rien. Nolan préparait sa prochaine exposition, trois mois plus tard et, de son côté, les modèles étaient déjà en fabrication ou en retouche.
— Je suis rentrée ! s'écria-t-elle en fermant la porte derrière elle.
Nolan apparut, trois secondes plus tard à peine, de son atelier. Comme chaque soir et ce, quelle que soit l'heure à laquelle elle rentrait, il la prit dans ses bras et l'embrassa. Il ne boitait presque plus. En réalité, à moins de savoir qu'il avait bien failli être paralysé, deux ans plus tôt, il était impossible de s'en rendre compte.
Comme le lui avait appris le chirurgien presque dès son réveil après l'agression, il ne ferait plus jamais de Capoeira à haut niveau, pas plus qu'il ne pourrait envisager l'haltérophilie. Cependant, il avait pu reprendre une existence presque normale. Il courait tous les deux jours et s'était mis à la boxe pour garder la forme. Il était bien entendu hors de question de se lancer dans la compétition. Valentina, de son côté, n'avait pas encore trouvé le temps de reprendre le Wushu, alors elle courait avec son amoureux, lorsqu'elle pouvait se le permettre. Au moins une fois par semaine.
— Alors, cette journée ? demanda Nolan.
— Fatigante, mais au moins on a des photos pour toute la série. Adrien était content, précisa-t-elle. Rebelotte la semaine prochaine avec la deuxième série dès que les modèles seront livrés.
— OK !
Valentina tiqua. Ce « OK » n'avait rien de normal dans la bouche de Nolan.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-elle, soudain inquiète.
Il lui prit la main avec solennité et la conduisit jusqu'au grand canapé sur lequel il l'invita à s'asseoir.
— On a reçu une lettre, reprit-il sans s'installer.
Valentina sourit. Qu'y avait-il de si extraordinaire à recevoir une lettre ? Certes, ils recevaient plus de factures et, surtout, de publicité que de courrier personnel, mais ça ne pouvait pas être si grave. À moins que ce ne soit un avis de décès. Pour autant, si c'était une personne qui revêtait la moindre importance pour eux, ils ne l'auraient pas appris par une lettre. On se serait donné la peine de les prévenir par téléphone ou en face à face.
— Tu veux bien arrêter tous tes mystères, s'il te plaît ?
Elle tentait de sourire, mais son inquiétude avait pris le dessus, malgré elle.
Nolan fit quelques pas pour rejoindre la table et y ramasser une enveloppe qu'il lui tendit avec un air triste. Valentina remarqua tout de suite que l'enveloppe était toujours cachetée : il ne l'avait pas ouverte. Le pli était à son nom à elle et il répugnait toujours à ouvrir son courrier sans son approbation préalable. Pourtant, elle se souvenait qu'il avait dit « On a reçu du courrier ». Selon lui, la lettre lui était destinée, tout autant qu'à elle.
Après un rapide examen, Valentina ne trouva aucune trace de l'expéditeur. L'enveloppe était abîmée, en revanche. Ce fut en examinant le timbre qu'elle comprit et soudain son cœur s'arrêta. Elle leva un regard incrédule vers Nolan, les mains tremblantes et incapable de respirer correctement.
Était-il possible que ce soit ce qu'elle croit ?
— Je pense que c'est lui, oui, déclara doucement Nolan en s'asseyant tout près d'elle, comme s'il avait deviné ses pensées.
— Ouvre-la, toi ! ordonna-t-elle en lui fourrant l'enveloppe dans les mains. Je peux pas.
De fait, ses mains tremblaient plus encore que sa voix et elle sentait déjà sa vision se brouiller. Si elle avait pu reconnaître des caractères de style japonais sur le timbre, elle ne voyait désormais plus qu'une vague tache coloré.
Elle entendit Nolan déchirer le pli, puis déplier la feuille à l'intérieur. Il y eut un silence insupportable et Valentina se pencha pour lire par-dessus l'épaule de Nolan, sans parvenir à comprendre quoi que ce fut. Elle pleurait trop pour ça.
— C'est bien le Père Franck, confirma Nolan et Valentina se jeta contre lui, le serrant de toutes ses forces.
Francky leur avait écrit ! Sa joie était bien trop intense pour la formuler avec des mots. Elle ne pouvait déjà qu'à peine respirer correctement. Il était vivant !
Ces deux dernières années, depuis son départ, cela avait été sa principale inquiétude. Elle pouvait accepter qu'il se cache quelque part et comprenait pourquoi il le faisait. En revanche, elle ne pouvait que s'inquiéter d'avoir la confirmation qu'il était vivant.
— Je te la lis ? demanda Nolan.
Toujours incapable d'articuler quoi que ce soit, Valentina hocha la tête avec vigueur.
Nolan s'éclaircit la gorge et commença à lire.
« Salut les amoureux !
Je m'excuse de la façon dont on a dû se séparer, la dernière fois, mais vous comprenez, je l'espère, que je n'avais pas le choix. De la même manière, j'ai dû attendre avant de vous faire signe, pour le cas où ils vous auraient surveillés. »
— Qui nous aurait surveillés ? intervint Valentina qui retrouvait ses capacités à mesure que son cœur se calmait dans sa poitrine.
— Les flics, j'imagine.
Nolan continua.
« Je voulais juste que vous sachiez que je vais bien. Vous n'avez pas besoin de vous inquiéter. Surtout toi, ma Tina. Ne t'en fais pour moi. Je suis à l'abri et je suis sage, autant que possible. Continue dans la voie sur laquelle tu t'engages, tu feras de belles et grandes choses. J'ai confiance en toi, en tes capacités et je suis fière de toi.
Nos chemins ont dû se séparer, mais tu restes toujours avec moi. Je doute qu'on se revoit un jour et même si je ne te l'ai jamais dit de vive voix, je sais que tu sais que je t'aime, Tina. Tu es une belle personne et j'espère que Nolan est conscient de la chance qu'il a de t'avoir.
Prenez soin de vous, tous les deux.
Mes amitiés à Léo et Hervé. »
— Quoi, c'est tout ? s'emporta Valentina en arrachant le feuillet des mains de Nolan.
Elle relut la lettre à toute vitesse, les larmes recommençant à couler doucement. Il n'y avait rien de plus. Pas d'adresse, de message secret, de code énigmatique pour pouvoir le retrouver.
Valentina grogna de frustration. Elle avait attendu deux ans pour une lettre de quelques lignes et aucun indice sur l'endroit où il se trouvait !
— C'est nul ! bouda-t-elle en se levant et commençant à faire les cent pas. Il ne nous a rien donné comme informations ! Comment on fait pour le contacter ?
Elle s'arrêta soudain, consciente du ridicule de son comportement.
— Pardon, chuchota-t-elle. C'est que je voulais pas juste une lettre, tu comprends.
Nolan lui sourit.
— Je sais, soupira-t-il. Mais en vérité, il ne nous a pas rien laissé, si tu réfléchis bien.
Elle détestait ce genre de phrase qui la faisait passer pour la dernière des abruties.
— Quoi donc ?
— Eh bien déjà, on sait qu'il est au Japon, répondit-il en haussant les épaules. C'est un peu là qu'on avait pensé qu'il pourrait aller s'il partait à l'étranger. Après tout, de ce qu'il nous a dit, il est là-bas un peu comme chez lui.
— Je te signale que c'est grand le Japon, coco !
— Oui, admit-il. Et c'est là qu'intervient le second indice, mais surtout le plus important.
En disant cela, il avait levé un index devant lui. Valentina soupira.
— Vas-y ! Balance la sauce, Sherlock !
— Il nous a écrit ici, annonça-t-il triomphant.
— Oui, c'est là qu'on habite.
— Et comment tu crois qu'il peut le savoir, justement ?
Valentina allait répondre, lorsqu'elle se souvint qu'ils n'habitaient là que depuis quelques mois. Il n'y avait rien de normal à ce qu'il connaisse leur adresse.
— Quelle est donc ta conclusion, du coup ? demanda-t-elle, sarcastique, mais tout de même intéressée.
— Je pense qu'il nous surveille d'une manière ou d'une autre, répondit Nolan. Il te dit de continuer sur la voie dans laquelle tu t'engages, c'est qu'il sait ce que tu fais. Je suis certain qu'il a un genre d'indic qui lui envoie des infos sur nous. Peut-être pas tous les jours, mais quand même.
— Et tu veux retrouver cet agent double ?
— Non, je ne suis pas inspecteur de police ni agent secret. Par contre, si on allait faire un voyage au Japon, quelque chose me dit qu'il nous attendrait là-bas.
Valentina réfléchit une seconde à la proposition. Même si elle avait du mal à croire à cette histoire d'espion, la perspective de revoir Francky lui plaisait. Si jamais il ne les retrouvait pas au Japon, ça leur ferait de toute façon un beau séjour sur les traces du faux prêtre.
— Tu crois ?
— Ça vaut la peine d'essayer, non ?
Nolan avait un sourire victorieux sur le visage.
— Je peux même demander à Khadija de m'organiser une expo là-bas, si ça se trouve.
Cette fois, Valentina se laissa aller à sourire, elle aussi. Khadija était l'agent de Nolan et tentait depuis quelques mois déjà de le faire s'exporter. Selon elle, il était bien plus facile d'exporter des dessins que des chansons ou des romans et il serait dommage de ne pas en profiter. Nolan savait qu'avec un simple mot de sa part, elle mettrait tout en œuvre pour organiser quelque chose à Tokyo ou une autre grande ville japonaise.
Valentina se prit soudain à rêver. Était-il vraiment possible d'aller rencontrer Francky là-bas, dans le pays qui avait fait de lui un assassin. Serait-il content de les revoir ?
Il avait écrit qu'il l'aimait et Valentina en était ravie, mais elle voulait l'entendre le dire. Pas le lire sur une feuille ou sur ses lèvres. Elle voulait qu'il le lui dise.
— OK ! On part au Japon, alors !
Nolan lui sourit, puis l'embrassa longuement. Lorsqu'ils se séparèrent, ils avaient tous les deux le sourire.
— On va retrouver Francky, souffla Valentina.
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Voilà qui met fin à la "saga" Justices.
Il y avait longtemps que je voulais mettre en scène la version de Valentina et à présent, c'est chose faite. J'espère que cela vous aura plu.
Merci d'avoir lu jusqu'au bout et à bientôt pour une autre histoire :)
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