Chapitre 43

De retour à l'hôpital, quelques heures plus tard, Valentina voulut foncer dans la chambre de Nolan, mais Francky l'intercepta. Ses parents étaient avec lui et il était toujours inconscient. Le prêtre en profita pour poser de nouvelles questions à Valentina qui se prit à espérer que le tueur qu'était en réalité Francky allait refaire surface pour venger son petit ami. Cela ne dura pas longtemps. Juste assez pour qu'elle se rende compte qu'elle en appelait au meurtre et que c'était contraire à ses principes.

Se battre n'était pas un problème, mais projeter un meurtre, c'était une tout autre histoire.

De retour dans la chambre de Nolan, Valentina fit la connaissance de ses deux parents. Tous les trois restèrent, en silence le plus souvent, à attendre que le chirurgien se décident à tenter la deuxième intervention. Nolan avait toujours un éclat de métal coincé quelque part dans la colonne, Valentina n'avait pas très bien saisi où, mais cela n'importait pas tant à ses yeux. Ce qu'elle comprenait très bien, en revanche, était que Nolan risquait de ne pas se réveiller de cette nouvelle opération. Même s'il se réveillait, il était aussi possible qu'il ne puisse plus marcher. Ni elle ni les parents de Nolan n'abordèrent le sujet, mais tout le monde craignait les mêmes choses.

Franck s'évapora assez rapidement, mais Valentina comprenait qu'il avait des choses à faire à l'église. Il était toujours très affairé et il y avait des visites régulières, là-bas. Valentina envoya un message à Nelly pour lui expliquer pourquoi elle n'était pas encore là et pourquoi elle ne pensait pas être là le lendemain non plus.

« J'espère que ça ira mieux »

Valentina pouffa en lisant ce message. C'était à la fois gentil, stupide et attentionné. Tout le monde espérait que ça aille mieux. Malheureusement, dans ces conditions, l'espoir n'était pas souvent suffisant.

Lorsque, enfin, Nolan fut de nouveau conduit au bloc, ses parents rentrèrent chez eux pour quelques heures. Valentina préféra rester. Elle n'aurait pu supporter de rester seule avec sa mère dans un moment pareil. Elle s'installa dans un coin de la pièce, sur un fauteuil et échangea un peu avec Hervé par message. Il se montra aussi maladroit que Valentina l'avait anticipé, mais discuter avec lui lui fit du bien.

Sa mère passa la rejoindre, comme promis, en fin de journée. Elle lui envoya d'abord quelques messages pour prendre des nouvelles de la situation. Mathilde Carasco se montra très discrète et n'insista ni pour venir ni pour obtenir des détails. Valentina eut presque l'impression de découvrir une nouvelle personne. Lorsque sa mère passa la porte de la chambre, avec sa glacière dans les bras, Valentina se jeta dans ses bras. C'était la seconde fois en vingt-quatre heures, mais elle en avait besoin.

La mère et la fille partagèrent un repas rapide dans la chambre de Nolan, toujours au bloc. Pendant tout ce temps, Valentina n'eut aucune nouvelle. Les parents du blessé ayant finalement été contactés, ce n'était plus vers elle qu'on se tournait pour délivrer les dernières informations. Elle allait cependant consulter une infirmière à l'accueil de temps en temps, pour tenter d'en découvrir un peu sur l'avancée de la procédure. Elle ne put que confirmer qu'il était toujours en pleine chirurgie.

— C'est bon signe, pour le moment, insista l'infirmière, pleine de compassion. Personne n'a été appelé en renfort, il n'y a pas eu de mouvement de panique, donc son état n'as pas dû s'aggraver de façon significative.

Valentina aurait voulu la secouer, la forcer à courir au bloc pour demander de véritables informations, mais elle n'en fit rien. Cette infirmière faisait manifestement de son mieux pour la renseigner sans trahir le secret médical. C'était gentil de sa part. Malgré tout, cela ne changeait rien à l'inquiétude de Valentina. Si bien qu'elle cessa très vite de lui poser des questions.

Les parents de Nolan revinrent vers vingt-et-une heures. Le chirurgien les avait prévenus par téléphone que l'intervention était terminée. Cependant, comme ils le rappelèrent eux-mêmes en arrivant, cela ne signifiait pas que Nolan allait reprendre conscience, ni même qu'il allait regagner cette chambre. Ce n'était d'ailleurs qu'une simple salle de réveil. Il aurait une chambre une fois que le docteur aurait validé qu'il était en état de quitter le service de chirurgie.

Deux heures après l'arrivée des parents, monsieur Derigue décida de quitter l'hôpital et la mère de Valentina lui proposa d'en faire autant.

— Non, m'man, soupira Valentina. Je reste ici au moins jusqu'à ce qu'il se réveille.

— Mais il n'est même pas là, contra-t-elle.

— Donc je ne suis pas près de partir.

Le ton avait été calme, mais ferme et Mathilde Carasco ne répondit rien. Pas tout de suite en tout cas. Après quelques minutes de silence, elle précisa qu'elle allait rentrer dormir, mais que Valentina ne devait pas hésiter à l'appeler si elle avait besoin de quoi que ce soit.

Le téléphone de Valentina vibra à ce moment. Francky prenait des nouvelles du blessé. Elle lui expliqua en quelques mots que l'opération était terminée. Le chirurgien avait expliqué aux parents de Nolan que cela s'était bien passé, compte tenu des circonstances. Pour le moment pourtant, il était impossible de faire le moindre diagnostic, alors tout le monde attendait le retour de Nolan et son réveil.

Madame Carasco s'éclipsa, comme prévu quelques minutes plus tard. Un brancardier vint installer Nolan, toujours inconscient dans la petite pièce. Il le brancha à ses moniteurs, vérifia les perfusions, expliqua en quelques mots qu'il ne savait pas grand-chose au sujet du patient, si ce n'était que ses constantes étaient assez stables pour qu'il soit évacué vers la salle de réveil.

— Il va se réveiller maintenant ? demanda madame Derigue avec une voix à moitié éteinte par le sommeil et l'inquiétude.

— J'en doute, répondit le brancardier. Mais il n'y a pas vraiment de règles. Ça peut être dans vingt minutes ou dans quatre heures. Son corps a subi un gros traumatisme. Non seulement la blessure, bien sûr, mais deux opérations longues et complexes en peu de temps. Il va dormir encore un moment, vous devriez en faire autant.

Valentina remercia le brancardier sans grande conviction. Elle s'installa ensuite dans un coin de la pièce, par terre, pour se reposer quelques minutes seulement.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, Francky était là. Elle le salua, se leva et se rapprocha de lui pour échanger à voix basse.

— Tu devrais rentrer dormir, t'as une tête de déterrée.

— Je bouge pas d'ici tant qu'il ne s'est pas réveillé.

Francky la fixa un instant. Il devait se demander à quel point il pouvait la forcer, imagina Valentina.

Il n'insista pas et changea de sujet.

— Je voudrais tellement bousiller le mec qui lui a fait ça, reprit très vite Valentina.

— Ce n'est pas ton boulot.

— C'est le boulot de qui ? s'emporta-t-elle soudain. La police ne fera rien, tu l'as dit toi-même. Dieu n'en a rien à foutre de nous et...

— Attention à ce que tu dis, jeune fille ! coupa Francky le regard sombre. Dieu a beaucoup de travail, je te signale ! Bientôt neuf milliards d'habitants sur cette planète. Plus de la moitié a des pulsions meurtrières. Il a beau être Dieu, il ne peut pas être partout à la fois.

— Et toi ?

— Quoi ?

— Tu vas t'en charger ?

Cette fois, elle ne prenait pas de pincettes. Pas plus qu'elle ne faisait attention à qui pouvait l'entendre.

— Si c'est le gars qui a buté Max...

Francky resta silencieux. L'assassin japonais qu'il était avait été clair : il gardait sa dernière case pour l'assassin de Maxim. Nolan était arrivé après et le type qui avait tué Max était toujours dans la nature. La priorité de Francky n'était donc pas de venger Nolan, mais Maxim. Sauf que Maxim était mort et Nolan encore en vie. Pour le moment...

— Laisse tomber, va, conclut-elle en prenant la fuite dans le couloir de l'hôpital.

Elle ignorait où aller. L'hôpital était grand. Très. Cependant, même si elle voulait mettre de la distance entre Francky et elle, elle ne voulait pas s'éloigner de son petit ami. C'était pour lui qu'elle était là, après tout !

Elle entra dans les toilettes. Après une seconde à observer ses mains tremblantes, Valentina décida de se passer un bon coup d'eau froide sur le visage. La fatigue et le stress la rendait plus agressive qu'elle ne le voulait. Francky n'était pour rien dans toute cette histoire. Elle devrait s'excuser auprès de lui.

Elle s'aspergea une nouvelle fois, puis pris le chemin de retour vers la salle de réveil.

— Où est Tina ? entendit-elle soudain. Où elle est ?

Son cœur gonfla dans sa poitrine jusqu'à lui faire mal et des larmes montèrent dans ses yeux. Elle se précipita vers la pseudo chambre.

— Je suis là ! dit-elle en passant le seuil.

— Tina ?

Nolan était toujours sanglé à son lit. Même sa tête était attachée, aussi ne put-il la voir et elle se pencha au-dessus de lui pour se montrer.

— Je suis là, Nolan, souffla-t-elle. Je vais bien. Je t'assure.

Le dernier souvenir de son petit ami devait être la bagarre. Il avait perdu connaissance avant que leurs agresseurs ne déguerpissent. Il ignorait tout ce qu'il s'était passé et devait s'être imaginé des horreurs la concernant. Valentina le comprenait seulement maintenant que Nolan semblait si soulagé de la voir bien portante. Après tout, l'un des types faisaient partie de ceux qui avaient tenté d'agresser Léa. Qu'auraient-ils fait d'elle s'ils n'avaient pas pris la fuite.

Valentina refusa d'y penser. Nolan avait repris conscience. Elle devait se concentrer sur ça !

— Tu m'as fait la peur de ma vie. Ne t'avise pas de recommencer ça !

Le chirurgien fit son apparition assez rapidement après le réveil de Nolan. Il lui posa différentes questions de routine avant de lui faire un compte rendu de l'opération en quelques mots. On lui avait ôté la rate et opéré pendant de très nombreuses heures. S'il était attaché de la sorte, c'était parce que sa colonne avait été touchée et qu'un morceau de la pointe du couteau s'était cassé contre l'os. La seconde opération avait visé à retirer le débris métallique. Cela n'avait pas été facile, mais à présent, tout était rentré dans l'ordre. Ou presque.

Lorsqu'il fit des tests de sensibilité au niveau des deux pieds de Nolan, Valentina crut qu'elle allait s'évanouir : Nolan ne sentait rien. Ni les caresses, ni les petites tapes. Valentina recula pour que son petit ami ne la voit pas fondre en larmes. Il allait finir en fauteuil roulant. Lui qui était si doué à la Capoeira et qui avait fait de si bon progrès en Parkour.

La pièce tourna de plus en plus vite autour d'elle et elle sentit qu'elle avait du mal à respirer. Les sons autour d'elle se firent moins précis, comme s'il elle s'était bouché les oreilles.

— Aïe ! s'écria soudain Nolan. Vous m'avez piqué le pouce du pied gauche ! Ça fait mal !

Soudain la pièce se stabilisa et une sorte rire nerveux s'échappa de la gorge de Valentina. Le soulagement restait mêlé à une sorte de reste d'inquiétude. Les larmes continuaient de couler et pourtant elle souriait et Valentina se demanda si elle venait de perdre les pédales.

Le chirurgien expliqua en quelques mots que, pour l'instant, il était trop top pour tirer la moindre conclusion sur l'état de son patient.

— Je vais remarcher ? demanda tout de même Nolan.

— Dans deux jours, lorsque les drogues auront été métabolisées, nous effectuerons une nouvelle série de diagnostics plus poussés qui nous permettront d'en savoir un peu plus.

Il ne se mouilla pas à donner plus d'informations, mais Valentina décida que c'était une bonne nouvelle. Elle se pencha vers Nolan pour l'embrassa avec beaucoup de douceur.

— Je suis contente de te voir et de pouvoir te parler en étant sûre que tu m'entendes, souffla-t-elle.

— Je suis rassuré, moi, répondit Nolan avec une vague grimace.

Valentina réalisa qu'elle caressait la main de son petit ami et se demanda depuis quand. Francky approcha et échangea avec Nolan à son tour. Valentina recula d'un pas pour qu'ils puissent discuter. Elle capta quelques bribes de discussion avant de rejoindre madame Derigue et se blottir dans ses bras. La mère de Nolan était soulagée, tout comme Valentina, pourtant, il lui restait aussi une pointe d'inquiétude. Est-ce que son fils remarcherait un jour ?

Lorsqu'elle se séparèrent, ce fut Francky qui l'entraîna à quelques pas et la prit à son tour dans ses bras.

— Il va s'en sortir, chuchota-t-il. Ça va être long, mais il ira mieux. Il aura besoin de toi.

Valentina recula d'un pas et le regarda de travers.

— De toi aussi ! contra-t-elle.

— Je te signale qu'il n'a pas demandé après moi.

— C'est pas grave, ça ! sourit-elle.

— Je dois y aller, là, reprit Francky. Les prochaines semaines vont être dures, mais si tu tiens à lui, aide-le du mieux que tu pourras, OK ?

Valentina se sentit rougir. Ils n'avaient jamais parlé de sa relation avec le dessinateur, mais il était évident que Francky avait deviné.

Soudain, Franck se pencha et déposa un baiser sur son front. Il la regarda avec une intensité rare pendant quelques secondes. C'était presque comme dans les films, lorsque le héros s'apprête à se sacrifier pour sauver ceux auxquels il tient. Cependant Nolan était déjà sauf. Il n'y avait plus rien à faire.

Lorsque Francky la serra de nouveau dans ses bras, elle resta interdite. Qu'avait-il l'intention de faire ? S'il voulait s'en prendre au sale type qui avait planté Nolan, il ne devait sans doute pas être en danger de mort. Cela n'avait pas de sens.

Valentina avait encore la tête pleine de questions lorsque Francky la lâcha et adressa quelques mots à la mère de Nolan. Il y avait quelque chose d'anormal ! Elle en était sûr et ne parvenait pourtant pas à comprendre quoi.

Valentina reprit un semblant de conscience de la réalité et constata que Francky était parti. Elle se précipita dans le couloir et le chercha du regard. Il était loin déjà.

— Francky ! hurla-t-elle sans se soucier des regards interloqués dans sa direction.

Le faux prêtre se tourna vers elle et elle sentit les larmes sur ses joues. Pourtant, elle tenta de lui sourire. Que se passait-il ?

Francky lui rendit son sourire et articula en silence : « Je t'aime, Tina ». Ce fut du moins ce dont elle fut persuadée. Son cœur, déjà soumis à rude épreuve ces derniers jours, se mit à fondre dans sa poitrine et elle dut poser une main sur le mur pour ne pas tomber à genoux.

— Ça va, mademoiselle ? demanda une dame en blouse jaune. Vous vous sentez bien ?

— Je suis fatiguée, répondit-elle sans grande conviction.

L'infirmière la conduisit vers une chaise, mais Valentina expliqua que son petit ami était dans la direction opposé et qu'elle devait le rejoindre.

Il lui serait impossible de rattraper Francky dans son état, de toute façon. Elle lui enverrait un message dès qu'elle aurait repris ses esprits...

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