Simple Vie

Le froid de la nuit n’avait pas encore pu être estompé par le soleil à peine naissant dans le bleuté encore sombre du ciel. L’étonnante brise matinale, qui se faufilait sur son doux visage toujours endormie, finit par laisser la belle se réveillait avec surprise. Les lueurs éclatantes du matin l’empêchaient d’ouvrir un œil entièrement, bien trop fatigué pour affronter cette splendeur. Recroquevillée dans ses draps pour garder le peu de chaleur que son corps généré, l’exclamation fut telle quand elle aperçut la fenêtre encore ouverte de la veille. La dernière cancéreuse, fumée à la fenêtre en inspectant les moindres détails de la galaxie d’étoiles, était sans doute bien trop tardive pour qu’elle oublie de refermer. Ce n’était pas déplaisant pourtant, pour la jeune demoiselle s’étirant doucement sur son lit de fortune à même le sol. Ça non plus, ce n’était finalement pas si désagréable. Se frottant le visage avec énergie pour réchauffer ses joues, la levée du corps fut pénible mais nécessaire. Une minute restée au lit était une minute de perdue pour la journée. Ça allait peut-être être extraordinaire, ou ordinaire, mais ce qui lui plaisait le plus, c’était cette liberté de vivre au jour le jour. D’entamer la journée sans savoir ce qui pourrait bien se passer. Le café brûlant servie, la destination était comme chaque matin la fameuse fenêtre de la pièce, la seule dans le logement, qui laissait à désirer. L’endroit où elle aimait passer du temps, de jour comme de nuit. Là où son esprit pouvait s’évader à sa guise. Un manque d’inspiration, ou une simple envie de prendre une bouffée d’air, il était rare les heures sans qu’on puisse la voir de tout en bas, en regardant en l’air, la jeune fille tout en haut, surplombant le quartier quand même sympathique. Les immeubles étaient anciens mais authentiques, surélevés par les petits commerçants qui tenaient grâce à leurs habitués. C’était vivant, sur le bitume, en bas. Ce matin-là, il était encore trop tôt pour que la mamie du 6ème discute avec la concierge au pied du bâtiment, ou que le boulanger courtise encore la pâtissière pendant leur pause cigarette. Elle adorait décrypter ces petites habitudes, ces gens qui ne se doutent pas que chaque jour, quelqu’un les observe avec un sourire sincère en découvrant une partie d’eux à chaque minute qu’ils passent dans cette rue. C’est comme si elle les connaissait bien, comme si une histoire se déroulait à l’infini devant ses yeux pétillants d’enthousiasme. Le vacarme habituel de la rue s’éveillait doucement, les premiers travailleurs déjà pressés par le temps, l’éboueur toujours fidèle au poste malgré le boulot incongru, les oisillons qui chantaient leur première note du jour, accompagné par les cris bizarres du voisin un peu fou. Moins agréable, celui-là. Tout en regardant d’un œil la rue s’animait au fur et à mesure que la nuit disparaissait, elle réfléchissait à cette journée encore exceptionnelle. Car tous les jours le sont, selon elle. Il n’y a rien à perdre, c’est ce qu’elle se répétait les rares fois où elle pouvait douter. Car elle a cette âme un peu folle, la jolie rousse, que tout n’est finalement qu’une leçon à prendre positivement. Puis, elle n’était pas vraiment difficile comme fille. Elle vagabondait simplement, sans superflue, sans jeu d’argent, à dévoiler au monde entier de part ses fringues achetés chez le magasin le plus côté de la ville, ou le dernier portable à la mode pour faire jalouser le reste de la populass. Non, elle ne souhaitait aucunement ça, de cette vie finalement empoisonnée. Dans ce monde où on accepte tout le monde, mais où il faut a contrario être obligatoirement dans la norme. Là où les sacrifices, les choix, se font plus pour les autres que pour soi. Par intérêt du monde. Pas pour sa propre satisfaction. Le refus de se retrouver entourée de ses chaînes critiques et malheureuses la poussait à agir comme elle le désirait, au gré de ses envies qui divaguaient bien souvent. Un jour blanc, l’autre noir, elle s’en fichait. Elle n’avait d’ailleurs pas de but si concret. L’inspiration, l’imagination, le rêve, la vie, la joie. Ce qui la faisait vivre. Ce qu’elle arrivait à écrire sur son vieil ordinateur portable qui tenait encore à peu près la route. Quand elle déversait tout ce qu’elle pouvait penser, combiner avec une nouvelle histoire. Elle écrivait sans limite, sans restrictions. Juste par plaisir, juste pour s’exprimer à sa manière sans penser aux restrictions des éditions de livre ou aux satisfactions des lecteurs. Peut-être que ce projet, le seul qu’elle arrivait à tenir, ne verrait pas le jour. Mais elle s’en fichait, mademoiselle. Parce que c’est pour elle qu’elle le faisait, pas pour le reste du monde. Sa rêverie terminée sur comment refaire le monde avec juste quelques mots, les minutes, voire les heures avaient sûrement défilées à vive allure sans qu’elle ne s’en rende compte, enchaînant les cafés tièdes et les blondes allumées sans être totalement finies. Elle allait s’éloigner de la fenêtre fétiche quand elle fut surprise de voir à nouveau ce jeune homme sur le trottoir d’en face. Cela faisait plusieurs fois qu’il arpentait la rue, à rendre visite de plus en plus souvent à la fleuriste, mais bien trop récemment pour que cela attise sa curiosité. Comme pour mieux voir, elle se pencha encore un peu plus, le café au bord des lèvres, attendant la nouvelle histoire dont ce nouvel individu pourrait inspirer. Ou cette nouvelle idylle, à en croire le rapprochement des deux jeunes tourtereaux. Un large sourire aux lèvres, elle observa encore quelques minutes la scène, n’échappant aucun moment de cette rencontre fabuleuse, oubliant le reste du monde qui continuait de tourner sans eux, sans elle. C’était ça qu’elle aimait la jeune écrivaine. Voir les gens vivre, voir les gens s’aimer, sans porter aucune attention aux autres. En laissant le cœur parler avec sincérité. C’était ça la beauté du monde, cet enchantement grâce aux sentiments, cette bienfaisance que pouvait provoquer notre âme. Elle finit par décamper de la fenêtre, gardant une dernière image de ce fabuleux tableau pour ne rien perdre de son inspiration divine. Puis elle se mit à écrire, encore et encore, délaissant le monde extérieur, le temps qu’elle ne souhaitait plus regarder. Cette sensation de liberté, de pouvoir jouer avec les mots, les sentiments, les personnages, les synopsis, à sa propre manière. Le dernier point final affiché sur l’écran, elle retomba dans les bras de la liberté, accoudée sur le bois de l’embrasure de son chez soi. La réalité qu’elle pouvait voir d’en haut, qu’elle pouvait déchiffrer sans retenue. Elle allait sûrement y descendre, pour vivre, elle aussi. Elle allait sûrement se mêler à ces personnes croisées quotidiennement ou ces inconnus dont on pourrait pourtant beaucoup apprendre, sans qu’eux ne la reconnaissent pourtant. Les découvrir, les apprécier pour ce qu’ils sont. Si seulement tout le monde pouvait avoir son regard, ses pensées qui prônent la paix. Si seulement tout le monde pouvait vivre avec un peu plus de répit, avec un peu plus de tolérance et d’amour. Elle ne perdait pas espoir, lorsqu’elle descendait dans la rue de manière aussi simple qu’elle est, que quelqu’un, quelque part là-haut, lui aussi, observait une autre scène de vie, une autre rue dont il connait les moindres recoins, les moindres habitués. Qui l’observait même elle, qui sait. Et que lui aussi, il aimait voir les gens vivre. Et qu’il y en aura de plus en plus, de ces gens qui se libéreront pour vivre simplement, comme si tous les jours étaient une nouvelle aventure.

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