40- Révélations
César avait été amené dans le parc du château et reprenait doucement connaissance face à la scène qui se déroulait sous ses yeux.
Christian hurla:
- Non Amalia! Dîtes moi que j'hallucine s'il vous plaît... que fais ma femme ligotée au milieu de tous?
Elle tourna vers lui un visage plein de hargne. Il poursuivit:
- Non! Ma chérie, pourquoi?!
- Tais-toi! cracha-t-elle. Ne fais pas comme si tu éprouvais du chagrin pour moi! Tu ne m'aimes pas Christian, et jamais tu ne m'a aimé! Tu es juste trop centré sur toi même et tu ne réfléchis pas à la portée de tes actes. Regarde ce que tu as fait! Regarde où cela nous a conduit!
- Arrêtez! hurla le roi. Amalia taisez-vous pour l'instant! Vous seule êtes responsable de l'état de ces prisonniers. Ne mêlez pas votre mari à cela!
- Vous n'êtes qu'un abruti naïf qui ne croit qu'au bonheur Lionel! renchérit la captive. Que croyez vous? Que Siam vous aime? Votre femme n'a jamais cessé d'aimer Christian! Vous êtes une consolation pour elle, et juste un appui pour paraître digne aux yeux du monde. Elle ne vous regarde même pas et vous la suivez aveuglément comme un imbécile. Votre amour vous rend aveugle mais regardez-la en face...
- Stop! cria une voix, tellement forte qu'elle dominait toutes les autres. Taisez-vous Amalia! Je ne vous laisserai pas briser mon couple! J'ai aimé Christian dans ma jeunesse mais maintenant j'aime Lionel plus que tout au monde! Je porte même son enfant à cet instant même. Un cœur meurtrit est capable d'aimer et de faire confiance à nouveau. Votre mari était capable de vous aimer mais votre âme est souillée de votre jalousie mais vous ne mesurez pas la portée de vos propos. Taisez maintenant vos invectives et expliquez-vous, c'est la seule chose que nous attendons de vous!
- Siam, es-tu idiote au point de me donner une dernière satisfaction? Crois-tu que puisque c'est la seule chose que vous attendez de moi, je vais vous la livrer? Sur un plateau avec des croissants pourquoi pas! Non mais regardez-vous! Mon secret sera emporté avec moi!
Le roi l'interrompit.
- Mais vous avez oublié qu'en droguant vos prisonniers, et votre mari par la même occasion, vous en avez fait des êtres au pouvoir immense. Il a servit à vous démasquer, il servira une dernière fois, pour vous faire parler.
- Mais vous ne pouvez pas...
- Si nous le pouvons! cria Christian. Amalia je n'ai jamais autant été trahi de ma vie et crois moi, il est impossible de mettre des mots sur ce que je ressens à cet instant! Cet interrogatoire m'offre une chance de comprendre alors tu n'a pas le choix. Tu vas parler et nous allons t'écouter!
La détenue cria, hurla et tempêta mais trop tard. Les anciens captifs étaient déjà en place et comme on sort un sabre de son fourreau, ils avaient dégainé la puissante arme qu'était leur pouvoir bleu.
La princesse Merryl' s'approcha de la détenue:
- Je ne vous laisserai pas détruire la vie de ma maman et celle du père de mon frère. Il est trop tard pour reculer maintenant. Vous êtes tombée dans votre propre piège espèce de sorcière!
Elle retourna avec les autres et se nicha dans les bras de Tess, qui l'embrassa sur le haut du crâne.
- Tu es incroyable, lui chuchota-t-elle.
- Venons aux faits, annonça Lionel.
À nouveau, la prisonnière fut frappée d'un sort en plein cœur mais d'un sort de révélation cette fois. Ses yeux s'écarquillèrent puis s'affaissèrent et elle débuta son récit d'une voix neutre:
- Tout commence lors de mon enfance, il y a une trentaine d'année. J'étais belle, j'étais sage et j'étais brillante mais voyez-vous, il fallait toujours qu'on ne regarde que mon frère aîné. Je ne lui en voulais pas, je l'aimai tellement mais j'étais toujours en quête d'affection et j'en voulais à mes parents. Même leur mort, il y a onze ans n'a rien changé. Mon cœur a gardé une haine remplie de jalousie.
Elle s'arrêta un instant puis poursuivit:
- Lorsque j'ai rencontré Christian, j'ai cru enfin que cette haine cesserait. Nous nous sommes mariés, j'étais la première femme dans sa vie et rien ne pouvais me rendre plus heureuse. Pourtant, l'euphorie fut de courte durée. Christian ne m'aimait pas, et ne souriait jamais en ma présence. Bien sûr, il tentait de faire tout comme mais ses traits mielleux ne laissaient transparaître que de la tristesse. Il m'avait avoué ce qui s'était passé avec la reine et qu'il qualifiait d'une erreur de jeunesse. Il m'avait dit n'avoir eu aucune information sur le bébé ce qui était mieux pour lui. Il m'a ensuite confié que c'était une histoire passée et qu'il avait depuis longtemps tourné la page. Lorsque nous nous sommes rendus compte que j'étais stérile, ça a été la goutte d'eau en trop. Vous ne pouvez même pas imaginer comment je me sentais impuissante face à ça. Nous sommes allés consulter de nombreux médecins et ils nous ont redirigé vers un grand scientifique du nom de Dravil Etna.
Tous les regards se tournèrent vers le vieil homme qui hôcha la tête:
- Je n'oublie jamais un visage.
Amalia reprit:
- Mon cas était désespéré. Je présentais une anomalie génétique encore jamais vue auparavant. Monsieur Etna a essayé de nombreuses combinaisons, notamment avec une substance qu'on nomme "lodgir", ou bien "poussière de lune" puisque c'est un composant de notre astre nocturne. À cet instant, celle-ci brillait dans le ciel, elle était à l'apogée de son cycle. Au contact de cette substance, Dravil et Christian se sont mis à avoir un comportement étrange. Leurs deux traits de magie ont furtivement changé de teinte et j'étais la seule qui n'était pas affectée. Ils n'ont pas paru se rendre compte de grand-chose, et je n'y ai pas non plus prêté grande attention. Les résultats sont arrivés, ma cause était perdue, il n'y avait rien que l'on puisse faire.
Des larmes de désespoir et de rage coulaient à présent sur le visage de la détenue et elle peinait à rependre son souffle. Tout le monde se taisait, captivé par ses paroles.
- Nous sommes rentrés à la maison la mort dans l'âme, continua-t-elle. J'étais en cruel manque d'affection mais plus mon mari essayait de feindre qu'il m'aimait, plus je lui en voulais. Les soirs où tu n'étais pas là Christian, je me déchaînai à essayer d'exprimer toute ma rage contenue. C'était pour nous tous des vrais moments de désastres. Tu avais aussi l'air bouleversé et j'avais l'impression que tu ressassais sans cesse tes regrets. Je ne comprenais pas pourquoi, jusqu'au jour de la fête nationale. Comme chaque année, nous sommes allés au palais royal. La reine a annoncé sa grossesse de la future princesse Merryl' a tout le monde et toi, tu l'a contemplée émerveillé. Lorsque j'ai compris, mon cœur à faillit cessé de battre. C'est elle que tu aimais encore, elle, la fabuleuse jeune reine blonde à la longue chevelure de qui tu avais eu un fils.
Elle se tourna vers Christian et s'adressa a lui en le regardant dans les yeux.
- J'ai cherché un moyen de me venger. Tout l'amour que je portais pour toi était parti à jamais. Plus rien d'autre ne comptait que ce désir de vengeance... te nuir à toi et nuir à la précieuse Siam. J'ai d'abord pensé à mettre fin à la vie de l'enfant qu'elle portait en son ventre pourtant, tu n'étais pas assez concerné par cela. J'ai ensuite songé à l'enfant que vous aviez eu plus jeune. Je voulais le capturer, vous l'ammener et le torturer devant vos yeux. J'avais enfin trouvé le moyen de te faire souffrir, je tenais ma vengeance! Pourtant, j'ai cherché pendant des mois mais je n'ai jamais réussi à mettre la main sur cet enfant. Je connaissais sa localisation géographique mais je ne connaissais même pas son prénom! J'ai cru que mon plan était perdu puis je me suis souvenu de votre réaction, au scientifique et à toi au contact de la poudre de lodgir. Alors, j'ai étudié, cherché et poussé les limites de la connaissance là où personne n'était allé. J'étais très brillante, je vous l'ai dit et pendant ce temps là Christian, tu ne te doutais absolument de rien, stupide que tu es. Pendant des années, mes recherches ont avancé progressivement jusqu'à la révélation. J'ai comparé vos dates à tous les deux et j'ai vu que vous étiez nés à l'instant même de l'éclipse. Mes récentes recherches sur la planète Lodge avaient démontré qu'à cet instant même, la lune larguait des cristaux de Lodgir sur le monde. Certains textes anciens disent que c'est pour bénir un enfant, né à cet instant précis et faire de ce bébé un être d'exception au pouvoir immense!
Elle remarqua une pause puis poursuivit sur le même ton de voix:
- J'ai donc entrepris la suite de mes expériences et de mes recherches, et là j'ai comme reçu une autre bombe, une bombe qui m'a donné l'illusion d'être à nouveau toute puissante... la princesse Merryl faisait partie des élus! La progéniture de la femme que je haïssais plus que tout au monde faisait aussi partie du lot! J'ai cru que c'était un message envoyé par les dieux. Eux aussi en avaient peut-être marre de cette royauté et ils souhaitaient peut-être un contrôle différent de monde! J'ai donc dérobé de la poudre de Lodgir et commencé mes expériences sur mon mari. Je me suis rendue compte qu'il ny avait qu'a la pleine lune que je pouvais exercer cette manipulation. Peut-être le lodgir ne réagit-il que lorsque sa mère est entière? J'ai donc attendu tous les cycles de Lodge, qui étaient assez rapprochés. Comme je m'y attendais, son pouvoir était immense et extrêmement manipulable. Ainsi, il ne se souvenait même pas de nos séances et je camouflais les marques des piqûres avec mon pouvoir à moi. Je tenais enfin ma revanche! Avec tous les élus, je pouvais constituer une armée capable de dévaster le royaume de Talor. C'est alors qu'un de mes espions envoyé dans les marches de glace m'a dit qu'il avait une piste... un jeune homme qui avait été adopté par un couple de Diamentoriens. Ce n'était encore qu'une piste mais j'ai appris que ce jeune homme enquêtait pour les services secrets de Talor. Pour moi, c'était une preuve de son origine mais j'étais trop impliquée dans mon plan et il n'en était plus l'un des pions majeurs. J'ai donc dressé une liste de tous les élus qui étaient au nombre de neuf et je les ai tous capturés un par un avec des groupes de mercenaires volontaires, appatés par l'argent. Mais en réalité, les élus ont eux-même contribué à leur propre enlèvement! Mon mari était le plus facilement manipulable puisque je le connaissais bien. Il a enlevé sous mes ordres Cierra et Jadina, et c'est Robin lui-même qui a enlevé Merryl'. Vous vous rendez compte? Vous voyez maintenant qui sont les blamâbles. Le sérum que j'ai créé à partir de Lodgir a été baptisé "Ombre bleue" en référence à la couleur du pouvoir. J'ai choisi de nous cacher dans l'île de Cerylis, car des écharpes de brumes flottent continuellement sur cette île et pouvaient dissimuler aux yeux du monde nos exercices d'entraînement. Je prévoyais d'attaquer le palais royal d'ici moins d'un mois et de prendre le contrôle du royaume, puis de la planète si mon plan marchait bien. Seulement, j'ai aperçu qu'on avait envoyé une jeune espionne venir nous chercher. C'est le pouvoir de sa jeune sœur qui l'a manipulée et envoyé aux marches de glace. Je savais qu'elle avait environ le même âge que le fils de Christian et j'espérais qu'ils fassent connaissance. Là-bas, j'ai payé anonymement un groupe d'hommes pour colporter de fausses rumeurs. La pseudo-base au pic du faucon était en réalité un leurre. J'avais donné une consigne précise à mes hommes: capturer tous les individus mâles de cette expédition. J'avais l'infime espoir de mettre la main sur César de cette manière. J'ai frôlé ma chance de près mais ces idiots ont juste eu le temps de capturer la fille, parce qu'ils ont sûrement jugé que c'était la plus jolie. Je n'ai pas pu leur donner mes consignes à adopter à cause du code blanc jeté sur toute la ville, et une fois qu'il a été levé, il était déjà trop tard... la petite s'était échappée. Suite à ça, j'ai définitivement annulé mon contrat avec eux. Concernant Chiara, mon plan sur elle avait quand même marché jusqu'à ce qu'elle trouve où nous étions vraiment. Je ne pouvais plus la contrôler à distance car mes prisonniers vivaient à présent tous ensemble et leurs pouvoirs se protégeaient les uns les autres. Ils étaient conscients de tous leurs actes. Pourtant je ne perdais pas espoir. Je revenais discrètement de temps en temps sur Talor pour jouer l'épouse épleurée qui ne se remettait pas de la perte de son mari. Cette idiote de Noémie me consolait à chaque fois pour mes peines. Aaah, si elle avait su que je manipulais et torturais sa fille, jamais elle n'aurait agi de la sorte mais que voulez-vous. Le monde se croît bon mais la bonté ne conduit à rien.
Amalia inspira et se délecta des visages dévastés qui se tenaient devant elle:
- J'avais autrefois une part de lumière, mais ma part d'ombre à pris le dessus. C'est cette part d'ombre qui m'a poussé à prendre le pouvoir et regardez où cela m'a conduit! J'ai réalisé l'irréalisable. Maintenant et j'en suis fière, ma part de lumière est partie à jamais...
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