7. Confrontation (1/2)
J'ai décidé de ne vous livrer que la moitié du chapitre aujourd'hui, car je n'ai pas énormément de temps pour écrire en ce moment, mais je tiens malgré tout à avancer dans mes publications. J'ai essayé de faire court mais ça fait quand même dix-sept minutes, je suis impossible >_<
Wattpad va-t-il me crucifier ?
⁉️ Une référence vampirique se cache dans ce chapitre, saurez-vous la trouver ?
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Bangkok, ancienne Thaïlande, quartier de Thonburi, 1852
Quand Chayan s'était réveillé dans sa seconde vie, Kao avait disparu. La dépouille de son père gisait dans une mare de sang, soigneusement déposée au creux de sa couche. Il n'oublierait jamais ce monstre hideux qui l'avait mordu jusqu'à l'agonie ; son visage de cendre, ses pupilles incendie, le dégoût et la terreur qu'il lui avait inspirés. Puis, le néant. Et, enfin, cette nouvelle naissance, telle une résurrection.
Une amère résurrection.
Il était différent. Étranger à lui-même. Sa force, décuplée, lui permettait de soulever des charges anormalement lourdes, de se mouvoir à une vitesse défiant les lois de la nature. Il se trouvait néanmoins affligé d'une étrange vulnérabilité qui le contraignait à garder la chambre tout le jour : sa peau se calcinait au soleil.
Ses besoins aussi avaient évolué, aussi indomptables que les volcans. Désormais, seul le sang pouvait rassasier sa faim ; une faim dévorante, vorace, qui lui rongeait les entrailles. Associées à cet appétit déviant, des canines inhabituelles s'étaient développées, aussi tranchantes que des sabres. Les premiers temps, Chayan se nourrissait exclusivement de viande crue. L'intendante devait se rendre tous les matins à la boucherie pour lui ramener des quantités folles de cadavres. Mais ce ne fut bientôt plus suffisant. Chayan éleva l'abjection d'un cran : il entreprit de chasser les animaux vivants. Le voilà qui s'était transformé en bête, un dangereux prédateur nocturne.
De nombreux mois passèrent dans cette douleur inhumaine, cette animalité terrifiante. Les champs de jasmins dépérissaient à vue d'œil, les ouvriers – privés de leur solde – avaient déserté la plantation. Quant aux domestiques, ils avaient fui, à l'exception d'Apsara, leur fidèle intendante.
La maison se mourait à petit feu.
Dans le village, il se murmurait que Boonsak avait succombé à une maladie fulgurante, et que son fils, à son tour, était atteint d'un mal étrange. Aucun médecin n'était parvenu à sonder l'origine de ce syndrome inconnu. Des légendes enfantées du moyen âge parlaient de monstres aux crocs aiguisés, de bêtes humaines cannibales, mais ces fables cauchemardesques servaient surtout à effrayer les enfants. Chayan aurait aimé ne jamais connaître l'odieuse vérité.
En ce mois de décembre 1852, la souffrance l'accablait tant qu'il était alité depuis des semaines, indigent et famélique. Apsara était venue lui déposer sa ration de viande crue au pied du lit, comme chaque soir. Mais cette fois-là, ce fut différent.
— Je suis désolé, Apsara... gémit Chayan.
— En quoi Monsieur est-il désolé ?
Fidèle au poste depuis des années, la vieille femme continuait à prendre soin du jeune maître qu'elle avait vu grandir, même après les terribles événements venus troubler la sérénité du domaine.
— Je suis tellement désolé... chère Apsara. Vous avez toujours été merveilleuse. Que je sois pardonné de mon infamie.
Un cri effroyable résonna dans la maison vide, alors que Chayan attirait l'intendante dans une étreinte funeste. Le sang coula dans sa gorge desséchée par les privations, l'abreuvant enfin du flot de vitalité tant espéré.
Il enterra dignement Apsara dans le champs de jasmins, près de la sépulture de son père. Il pleura à chaudes larmes. Après ça, il prit une décision. Si son frère bien aimé était encore en vie, quelque part, il allait le trouver.
Ensemble, ils anéantiraient le monstre coupable de leur malheur.
***
De nos jours, manoir des frères Ahunai
Pourquoi Chayan était-il si troublé par ce garçon ? Il ne s'expliquait pas ce sentiment ambivalent. L'humain l'agaçait au plus haut point ; il était imprudent, naïf, insolent, exquis. Tout ce qu'il abhorrait, tout ce qu'il adorait. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait été subverti ainsi... Il préférait enfouir le terrible souvenir de son irréparable attachement à un être fragile.
Aux prémices de sa rencontre avec Suni, il s'était livré à quelques investigations. Chayan maîtrisait les rudiments d'internet et des réseaux sociaux, il n'avait par conséquent pas tardé à trouver les informations qu'il cherchait. En outre, il avait accès aux dossiers de son frère.
Cet élan qui le portait vers ce jeune danseur était pour le moins mystérieux, confinant à l'anomalie. Il s'était mis, contre sa volonté, à le suivre. Il désirait connaître ses passe-temps, ses passions, ses affections ; il désirait le connaître tout entier, respirer le même air que lui. Cette irrépressible attraction le remplissait de culpabilité. Grâce à elle, cependant, il avait sauvé Suni d'un péril certain au Hot Blood.
Les circonstances l'avaient aussi obligé à se nourrir de lui. Bon sang, son goût était si puissant. Cette saveur exquise lui restait sur la langue et lui retournait le cœur, cet organe irrévocablement flétri.
« Que ton cœur pourrisse comme une rose desséchée »
Contre toute logique, son intérêt n'avait cessé de croître, jusqu'à devenir obsession.
Suni s'invitait jusque dans ses songes. Son parfum, le goût de sa peau, son air de chaton grognon, le tourmentaient nuit et jour. Son livre de chevet prenait la poussière, le marque-page coincé au même chapitre depuis des semaines, tant il échouait à se concentrer. Chayan avait subi un bouleversement sans précédent. Qu'il soit transpercé de balles en argent plutôt que de l'avouer.
— Tu penses encore à ce gamin ? hasarda Kao, avisant l'air distrait de Chayan.
Ils étaient tous deux installés dans le salon, absorbés par leur lecture. La Toccata et Fugue en ré mineur de Bach flottait dans la pièce. Kao affectionnait les bandes originales de films de vampires, se rêvant en star du grand écran, en dandy aux cheveux gominés et aux tenues chics, craint et admiré de beaux jeunes gens terrassés par son charme sans égal.
— Pourquoi je penserais à lui ? nia Chayan, sans détourner les yeux de sa lecture.
Sur les pages joliment calligraphiées, pourtant, des yeux de biche le fixaient intensément.
— Bien sûr... Tu crois que je ne sais pas que tu le suis en douce ? Pourquoi étais-tu au Hot Blood la dernière fois ?
— Je te rappelle que je m'y rends de temps en temps, c'était une pure coïncidence.
— Je ne te crois pas.
Chayan soupira, exaspéré. Il reposa son ouvrage et se tourna vers son frère.
— Qu'est-ce que ça peut bien te faire, hein ?
— Alors ça ne te dérange pas si je décide de le poursuivre de mes assiduités ?
— Kao ! Cesse d'importuner ce garçon. Il ne veut pas de toi.
— Je sais... Quel dommage. Nous autres les vampires sommes pourtant diablement attirants ! Je ne comprends pas. Tout le monde se bouscule à ma porte pour une morsure de mon incroyable personne. Je suis un amant inoubliable.
Chayan leva les yeux au ciel à la tirade vaniteuse de son frère.
— Je te conseille d'abandonner. Contente-toi de tes petits danseurs dociles qui ne demandent que ça.
— Oui, mais les autres ne sentent pas aussi bons... se plaignit Kao d'un ton boudeur.
Le corps de Chayan se contracta d'une colère cryptique.
— Que veux-tu dire ?
Il ne laissa rien transparaître de son humeur, conservant un visage impassible, mais des sentiments dérangeants et puissants s'agitaient en souterrain, près de le déborder.
— Chaque fois qu'il est dans les parages, une divine odeur de pain de miel caresse mes narines. Tu sais, comme ces douceurs de notre enfance, expliqua Kao, songeur.
Chayan retint les mots qui lui brûlaient les lèvres. Il préférait ne pas discuter des particularités de Suni avec son frère, il ne plaçait en lui aucune confiance. Il devait pourtant admettre que cette information était déroutante, cruciale. Son esprit fourmillait de questions.
Qui es-tu, Suni ?
— Au fait, reprit Kao, mettant fin prématurément à ses réflexions, Hmapa est venu me trouver. Il pense que tu as balancé Varney.
— Inepties.
— Il soutient que si tu t'en es sorti, c'est que tu as livré des informations à la milice.
— Je t'ai déjà expliqué. Nos ravisseurs se sont fait attaquer, ce qui nous a offert une fenêtre de tir. Point.
— Étrange coïncidence.
— Tu sais bien que ce genre d'assauts est monnaie courante. Varney n'a qu'à visiter leur planque.
— T'es sûr que tu as tenu ta langue ? Peut-être que tu voulais sauver ton petit chaton ?
— Ne l'appelle pas comme ça.
— Avoue qu'il a l'air d'un adorable chaton, surtout quand il fait mine de se mettre en colère ? le provoqua Kao.
Chayan se raidit davantage, sa patience mise à rude épreuve par les allusions incessantes de ce crétin.
— Je te défends de...
— Quoi ? On est jaloux ?
— Ferme-la ! s'emporta Chayan, qui commençait sérieusement à perdre son sang froid. Et estime-toi heureux que je ne t'ai pas étripé vu la merde noire dans laquelle tu m'as mis. Arrête de rendre des services à ce Varney, il n'en ressortira rien de bon.
— Rien de bon ? Tu plaisantes ! Je dispose d'un buffet humain gratuit et à volonté, je n'ai qu'à me servir.
— Tu ne t'es jamais demandé comment Varney t'avait placé à la tête du conservatoire ?
Kao haussa les épaules, aussi insouciant qu'un jeune écervelé.
— Je m'en fiche pas mal. Tant que ça me profite.
— Méfie-toi.
— Toi, méfie-toi. Varney t'a dans le collimateur !
— Je ne le crains pas. Prends garde aux milices humaines, en revanche. Ils te cherchent, Varney et toi.
— Qu'ils viennent, je n'en ai cure.
Les frères retournèrent à leur lecture. La mélodie du tourne-disque et le crépitement de la cheminée adoucissaient le silence épineux. Pour Kao, Suni sentait le pain de miel. Pour lui, le jasmin. Chayan ne parvenait à détourner ses pensées de cette fascinante singularité. L'humain constituait une énigme à lui seul.
Que faisait Suni, ce soir ? Rêvait-il de lui ?
— Viens à la dernière de l'année. Tu le verras danser, tu ne seras pas déçu, susurra Kao d'un ton mielleux.
— Ça ne m'intéresse pas, mentit Chayan.
***
Il rentrait tout juste de la représentation, si distrait qu'il ne fut même pas incommodé par le caquetage des danseurs qui folâtraient avec son cadet, entremêlés dans une orgie à même le tapis du salon. Il se dirigea vers le jardin pour s'en remettre au ciel étoilé.
Sur scène, quelques heures plus tôt, il avait admiré une autre étoile... Suni était merveilleux. La grâce d'un cygne, la précision d'une biche, la puissance d'un majestueux félin. Le danseur était habité d'une passion touchant au sublime.
Chayan ne sentait plus son cœur battre, glacé une première fois par sa transformation, puis, symboliquement, lors de la malédiction d'Ursula. Ce soir, le spectacle mirifique du danseur aux ailes d'oiseau avait ranimé son âme fanée. Au delà de la grâce de l'instant, il repensait à l'érotisme flamboyant de sa tenue : Suni en collants offrait une vision des plus troublantes. Ses longues jambes fuselées apparaissaient dans toute leur splendeur, et ses fesses... Mieux valait chasser cette tentation de sa tête.
— Hé, vous allez bien ?
Sa rêverie fut dissipée par une invitée, de toute évidence ivre de plusieurs substances.
— Vous êtes le frère chiant, hein ? gloussa-t-elle en titubant vers lui.
Chayan arqua un sourcil.
— Pardon ?
— Il paraît que vous buvez jamais d'sang et qu'vous baisez pas, développa la jeune fille en ricanant.
— Pourquoi vous mettre dans de tels états, mademoiselle ? Pourquoi céder ainsi à Kao, pour une illusoire promesse de succès ?
La jeune fille l'observa avec des yeux vides, comme si Chayan venait de prononcer une énormité. Elle s'approcha, puis trébucha dans ses bras.
— Pour me sentir vivante... souffla-t-elle, me sentir vivante.
Chayan décela une profonde détresse logée au fond de ces prunelles troubles. Elle lui rappelait son passé humain, lorsque l'ennui et la vacuité de son quotidien l'incitaient à courir le danger.
— Vous devriez prendre soin de vous. Rentrez en lieu sûr, s'il vous plaît.
Une vague de compassion l'assaillit pour la première fois depuis une vie entière. La fille se cramponnait à ses bras. Elle avait l'air très jeune, vulnérable. Elle se mit à sangloter.
— Personne ne m'attend nulle part.
— Il y a sûrement un autre horizon que le vice et la désolation de ce monde hideux, où mon frère se prétend roi. Vous méritez mieux.
Ses mots semblaient avoir atteint l'inconnue, cette fois.
— Vous pensez ?
Elle redressa la tête, son expression reflétait un espoir fugace, infime.
— Vous êtes maîtresse de votre destin, mademoiselle. Vous et personne d'autre.
Pourquoi Chayan ressentait-il le besoin de la sauver d'elle-même ? L'empathie était un obscur souvenir, comme l'amour.
— Hé ! Si je te laisse le gamin, ce n'est pas pour que tu me piques les autres ! s'exclama Kao qui venait d'apparaître dans le jardin, à demi dévêtu.
— Il ne s'agit pas de ta propriété, c'est une jeune fille, pleine de rêves et d'espoirs. Comme nous, lorsque nous étions humains.
— Arrête de jouer au vampire torturé et moralisateur, ça ne te sied guère, grand frère. Tu es ridicule.
— C'est toi qui es ridicule, avec toutes ces extravagances. C'est répugnant.
— Ce n'est pas ce que tu disais, il fut un temps... rappelle-toi.
— Je ne veux pas ME RAPPELER ! rugit Chayan.
Il repoussa la jeune femme et quitta le jardin à grandes enjambées. Une fois dans sa chambre, il s'allongea, les nerfs à vif.
Depuis qu'il avait bu le sang de Suni, ses sens étaient exacerbés, à fleur de peau. Un feu crépitait dans ses veines. Il avait chaud. Il avait froid. Une fièvre le fit sombrer dans les profondeurs ; des images du passé dansèrent sous ses paupières closes.
Une fleur de jasmin. Son père, l'air chagrin, des pétales nacrés au creux de la paume. Le visage sauvageon de son jeune frère. Des poussières de leurs aventures partagées. Les carillons de leurs rires. Son père, figé dans le repos éternel, baignant dans son sang. Des frissons dévalèrent sa peau. Une plage, où on l'avait laissé pour mort alors qu'il n'était qu'un enfant... D'où provenait ce souvenir inconnu ? Qu'était-il arrivé ? Les visions le poursuivaient, plus rapides, plus prégnantes, plus denses.
Puis, un cri.
Qui dispersa la brume de ses réminiscences.
Le cri de Suni.
***
Kao profitait allègrement de sa nuit. Des danseurs nus s'éparpillaient autour de lui ; nuée de corps alanguis sur le tapis persan, gorges et hanches offertes. La définition même d'une soirée réussie, se félicitait-il, se gorgeant du bouquet de leur entêtant parfum. La sève des humains, dans l'écrin de leur fragile écorce, possédait une odeur unique. Pas autant que celle de Suni, certes, mais il saurait s'en contenter. Il avait promis de se tenir loin de lui. Et quand son frère ordonnait, il abdiquait.
Il se repaissait d'une gorge tendre lorsque des coups insistants furent frappés à la porte du manoir. Il fit la sourde oreille, préférant se vautrer dans la luxure, une activité sacrée que nul n'avait le droit de troubler. Ses doigts effleuraient le mamelon sensible d'une jolie blonde, dont les gémissements le ravissaient.
Tout à cet abandon charnel, il prit conscience trop tard d'une présence malvenue. Sans s'embarrasser de salutations, un individu fit irruption dans le salon, le pas lourd.
— Je peux me joindre à vous ?
Ses amants sursautèrent à la vision de cet intrus d'apparence monstrueuse, tâchant de dissimuler leur nudité.
— Hmapa, que me vaut le plaisir ? Je suis un peu occupé, comme tu vois...
— Où est ton frère ?
Kao adressa un signe de main paresseux à ses invités, les priant de les laisser seuls.
— Nous reprendrons ça plus tard, mes chéris. Attendez-moi dans la chambre.
Il claqua une paire de fesses pour appuyer sa promesse, puis s'installa dans le canapé en se couvrant d'une robe de chambre. Hmapa observait patiemment ce numéro, habitué aux excentricités de ce vampire de téléfilm.
— Ne t'ai-je pas déjà dit qu'il était réglo ?
— C'est à nous de le déterminer. Chayan n'a plus bonne réputation. Il aime un peu trop cet humain, ce petit danseur, tu sais... Ton frère pue la traîtrise.
— La milice a été décimée par un autre gang. Vérifiez par vous-mêmes.
— Aucun gang n'a les couilles de nous doubler dans le secteur. Ahunai sait quelque chose. Et Varney a hâte de l'entendre.
— Il peut attendre encore longtemps, répliqua Kao, indifférent.
— Je ne crois pas, non, prédit Hmapa avec une satisfaction visqueuse.
Un sourire carnassier barrait son visage rocailleux. Kao, qui regardait distraitement ses ongles avec ennui, montra enfin un embryon d'intérêt pour la conversation.
— Développe ?
— Nous détenons quelque chose qui pourrait l'intéresser, révéla le Loup d'un air supérieur.
Kao se refroidit, malgré la chaleur humaine qui régnait encore dans la pièce. Le Loup jubilait beaucoup trop pour ne pas se targuer d'un coup de maître à leur encontre. À ce moment précis, Chayan surgit, comme s'il avait volé depuis sa chambre. Il se planta devant Hmapa, furibond.
— Où est-il ?
— Tiens donc, lirais-tu dans les esprits, Ahunai ? s'amusa Hmapa. Bonsoir à toi aussi.
— Ils détiennent Suni, expliqua brièvement Chayan.
— Comment tu sais ça ? interrogea Kao, les sourcils froncés d'incompréhension.
— Je le sais, c'est tout. Où est-il, bon sang ?
Chayan attrapa la veste de l'indésirable, expression menaçante, verbe haut. Son immuable impassibilité s'effritait dangereusement. Sous le calme apparent de sa nature, nichait un potentiel de fureur auquel personne ne souhaitait assister. En être la cible, encore moins.
— Tout doux, le chevalier servant. Alors tu l'aimes vraiment bien, hein... On a visé juste, on dirait.
— Pourquoi vous en prendre à lui ? Il n'a rien à voir avec vos guéguerres grotesques, plaida Chayan.
Il n'ignorait pas l'inanité de cet argument désespéré. Varney n'agissait jamais avec raison. Ses actes étaient dictés par la vengeance, le vice et le profit personnel. Il se flagella ; jamais il n'aurait dû approcher Suni.
— Nous avons noté ton obsession pour lui. Tu croyais qu'on allait te laisser t'en tirer, alors que tu nous l'as mis à l'envers ?
— Je. n'ai. pas. parlé. Combien de fois dois-je le répéter ?
— Ta loyauté est discutable depuis longtemps. Si tu veux revoir ton petit humain de pacotille vivant, t'as intérêt à te montrer coopératif.
— Dis-moi où il est, gronda Chayan.
— Tu le sauras bien assez tôt. Je suis venu te délivrer ce message : si Varney met en doute ta version, il tuera le gosse de ses propres mains, et lui fera peut-être d'autres choses, selon son bon plaisir. Compris ?
Une sueur aussi glacée que la mort elle-même s'infiltra entre les reins de Chayan. Sa vision se brouilla, l'espace d'une minuscule seconde. Mais cela lui suffit pour comprendre ; son intérêt pour Suni transgressait toutes les lois naturelles.
— Putain de connard. Sale chien.
Hmapa expulsa un rire sinistre, trop heureux d'émouvoir enfin le vampire maudit de Bangkok.
— En voilà un vampire transi pour son humain insignifiant. Tu sauras où nous trouver, ne t'inquiète pas. On va bien prendre soin du petit en t'attendant.
Chayan grogna comme un animal blessé, toutes dents dehors, prêt à égorger le Loup. Kao dut intervenir pour l'empêcher d'empirer la situation en massacrant le second de Varney.
— Il viendra, garantit-il, maitrisant Chayan d'une main ferme.
— Bien. Je suis ravi de m'être fait comprendre.
Le parasite se sauva, un sourire suffisant ornait ses lèvres cruelles. Chayan fulminait.
— Il a intérêt à réparer notre porte, commenta Kao après son départ.
Chayan le fusilla du regard.
— Sérieusement ? C'est le problème qui t'occupe en cet instant ?
— Honnêtement ? Oui. J'en ai rien à faire de Suni. Pourquoi tu t'intéresses tant à lui ? Ce n'est pas normal, Chayan. Je comprends les soupçons de Varney quant à ta loyauté envers notre espèce.
Chayan repoussa son jeune frère avec colère, épuisé par ce déferlement d'émotions nouvelles.
— Tu as choisi le camp de ces salauds plutôt que celui de ton propre frère, cracha-t-il.
— Tu te trompes ! rétorqua Kao, indigné. Je ferai tout pour te protéger. Tu es la seule personne qui vaille la peine sur cette terre infâme. Par contre, toi... Tu t'es entiché d'un humain, encore ? Je ne comprends pas. Parle-moi.
La tension reflua ; les mots de Kao atteignirent Chayan et le ramenèrent lentement vers les rives d'une trêve. Il se laissa tomber dans le canapé, assommé par cette tempête intérieure, vouté sous le poids de son désarroi.
— Je ne me suis pas entiché. Je... Je ne sais pas. C'est étrange. Depuis que j'ai bu son sang, une chose s'est produite. Une chose vraiment étrange.
Kao se mit à genoux devant lui.
— Quoi donc ? l'encouragea-t-il.
— Je me sens comme... lié à lui.
Son frère écarquilla de grands yeux, surpris par cette confession si intime, qui dépassait l'entendement.
— C'est proprement impossible. Ursula, elle...
— Je sais ! le coupa Chayan, excédé. Je ne peux l'expliquer. C'est son sang... son odeur... Il possède une particularité troublante. Il éveille en moi des sensations oubliées. J'aimerais découvrir qui il est, tu comprends ?
Kao plissa les yeux, en proie à une intense réflexion. Il soupira, semblant céder après un rude débat intérieur.
— Okay, allons sauver ton petit humain de mes deux.
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En préambule de ce chapitre, et de ceux à venir, j'ai décidé de vous dévoiler le passé de Chayan et Kao, morceau par morceau... L'idée vous plaît-elle ?
Frustré.e.s car pas de Chayan / Suni dans cette partie ? Vous les retrouverez dans la deuxième pour le fameux sauvetage... d'ici quelques jours si tout va bien ! En tous cas, promis, cette fois je ne vous ferai pas attendre trois semaines.
Ce chapitre vous a plu, interpellé ? Un petit vote, un petit commentaire, c'est toujours encourageant. 😊
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