13. Déviation (2/3)
— Giles ? Tu dois prendre une décision. Ou Amnuay finira en pâtée pour chat, railla Varney.
Giles s'était une fois encore égaré dans ses visions. Il était évident que la magie étrange de Dawa impactait sa lucidité. Son esprit dérivait, peinant à se raccorder au présent. Ce n'était pas le moment de rêvasser. Varney risquait de tuer sa vieille amie à tout instant.
Bâillonnée, Amnuay ne pouvait qu'émettre des sons étouffés. Elle secouait vivement la tête en signe de négation. Ses yeux hurlaient « Ne dis rien. Ne dis surtout rien. » Giles avait toujours été maître dans l'art de garder son sang froid, mais il tremblait en cet instant décisif. Il fallait gagner du temps. Il ne pouvait sacrifier Amnuay, mais il était impensable de révéler le refuge. Suni courrait un péril mortel...
Calme-toi, Rupert, calme-toi.
Il pensa à Hannah, à son enfant à naître. Il allait être père. Il devait être responsable, garder en sécurité ses proches. Au lieu de rester planté là, sans agir. L'index crochu de Varney – celui qui lui restait – glissait dangereusement sur la peau d'Amnuay, qui semblait avoir accepté sa sentence. C'était tout elle. La peur lui était inconnue. Cette témérité à toute épreuve l'avait sans doute poussée à rentrer chez elle en dépit du danger. Elle ne supportait ni la contrainte, ni le manque de liberté. Et périr de la main d'un vampire constituait la fierté suprême ; celle d'un guerrier emporté bravement au combat. La chasse anti-vampire était l'œuvre de sa vie. Aujourd'hui, elle était prête à disparaître pour protéger son petit-fils, cet enfant qui incarnait pourtant tout ce qu'elle abhorrait en ce monde...
Giles s'apprêtait à différer le cours des évènements en formulant un mensonge, le temps de réfléchir à un plan solide. Il avait évidemment anticipé, dans le pire des scénarios, cette situation : Varney était bien trop imprévisible et dangereux. Giles avait embrassé l'inconscience avec tant de ferveur, mais derrière la porte du déni, sourdait la crainte de voir sa famille utilisée pour le faire chanter. Il allait indiquer un refuge inexistant dans une toute autre forêt – ce n'était pas ce qui manquait en Thaïlande – , voilà tout. La supercherie serait vite découverte, mais c'était toujours de l'espérance de vie rallongée pour Suni et les siens.
Il était résolu à les guider sur une fausse piste, quand Varney sortit son téléphone portable de sa poche.
— Oui, Hmapa ? Sois bref. OK. Hum. Bien... On arrive.
Quand Varney raccrocha, Giles sut que quelque chose n'allait pas. Il avait l'air trop satisfait.
— Bien. On y va.
À la vitesse de l'éclair, Varney attrapa Giles par le cou.
— Si tu essayes quoi que ce soit, je t'étrangle. Ça ne me prendra qu'une seconde. Alors sois sage.
Amnuay et lui furent contraints d'avancer sous la menace de leur ennemi. Devant la maison attendait un fourgon noir. Ça ne lui disait rien qui vaille. Si seulement il était rentré plus tôt. Si seulement Amnuay n'avait pas tenté le diable – littéralement –, si seulement il n'était pas parti. Si seulement cette prophétie n'existait pas.
Et si seulement le fils d'Amnuay n'était pas tombé amoureux...
Si seulement. Si Seulement.
— Rentrez là-dedans.
Ils furent violemment projetés à l'arrière du véhicule comme deux sacs encombrants. Le souffle de Giles se coupa. Il eut envie de hurler. Un bloc de granit chuta sur sa poitrine. Lamaï et Hannah, bouches et mains entravées, le fixaient de leurs yeux rouges et mouillés.
— Non, non, non. Vous n'avez pas le droit ! Vous n'avez pas le droit...
Sa lamentation se brisa en de pathétiques sanglots.
Varney riait, jubilant de la situation. Comme un trou noir de cruauté, il se nourrissait du malheur d'autrui. Il s'installa à l'avant du véhicule, à côté de Hmapa qui conduisait. Giles remarqua alors un troisième individu gardant les deux prisonnières. Un jeune homme, tout ce qu'il y avait d'humain. Il plissa les yeux, tentant de remettre ce visage d'une banalité affligeante.
— Je suis Mean, se présenta-t-il. Un camarade de Suni.
Giles cligna des yeux, espérant que sa vision changeât. Un cauchemar grotesque l'avait avalé... Avant qu'il ne s'explique pourquoi l'intrus participait à cette chasse, ses poignets furent menottés par le dénommé Mean.
— Désolé, mon vieux. Mais c'est pour éviter toute tentative indésirable, expliqua-t-il.
Varney ricanait encore devant la sidération de Giles.
— Laisse-moi éclairer ta lanterne. Ce cher Mean m'a été très utile pour trouver où vivait Suni. Il est toujours bon d'avoir un humain de son côté. Sois proche de tes amis, mais encore plus de tes ennemis, n'est-ce pas ? Bref, Mean m'a mené à vous. Et Hmapa a découvert ton nid douillet... où se terraient ces charmantes dames. Maintenant, nous allons rendre visite à Suni tous ensemble, comme une gentille famille unie.
— Comment ça ? Vous ne savez pas où il est, se raidit Giles.
— Mean, enlève le bâillon de la pondeuse.
Giles s'étrangla de colère à l'insulte proférée contre sa femme.
— Explique-lui, ordonna Varney à une Hannah terrifiée.
— Ma chérie, est-ce qu'ils t'ont blessée ? s'inquiéta Giles.
Hannah se mit à pleurer. Des larmes striaient ses joues.
— Rupert, je suis désolée... Tellement désolée... sanglotait-elle.
Un mauvais pressentiment naquit dans les entrailles de l'historien. Il avait deviné, sans qu'elle ait besoin d'en dire plus. Mais Varney insistait, sadique, pour qu'Hannah explicite la situation.
— Allez ma jolie, dis à ton amoureux ce que tu as fait.
— J'espère que tu pourras me pardonner. Je n'avais pas le choix. Il menaçait de te tuer, de tuer Amnuay, de nous tuer tous... D'ouvrir mon ventre pour sortir notre bébé, oh Rupert, je regrette tellement...
Giles ferma les yeux une seconde pour trouver un semblant de calme au fond de lui, faire refluer l'angoisse, une tentative de méditation aussi vaine que pathétique. Les sanglots déchirants de sa compagne ne faisaient que lui rappeler le caractère inéluctable des événements. Ils étaient condamnés. Et il n'avait aucun moyen de prévenir Suni.
— Calme-toi, ma chérie. Tu as fait ce qu'il fallait, feignit-il de la rassurer. Qu'aurais-tu pu faire d'autre ? Tu as voulu nous protéger, c'est naturel. Ne t'en fais pas.
— Comme c'est touchant, ironisa Varney. C'est assez. Mean, remets-lui son bâillon. Et maintenant, prêts pour une virée en forêt ?
***
Suni repensait aux révélations de Chayan.
Les braises le réchauffaient, alors qu'ils étaient tous quatre installés autour d'un feu de camp. Depuis leur arrivée, c'était devenu un rituel. Une certaine routine s'était instaurée, entre baignades dans le lac, journées de langueur confinées entre les quatre murs du refuge et discussions au coin du feu. Suni laissait son regard se perdre dans l'ondulation des flammes. Les joutes verbales de ses comparses ponctuaient l'hymne paisible de la nature. Kao et Frankie ne semblaient jamais fatigués de se disputer.
Chayan restait silencieux la plupart du temps, ne parlant que par nécessité ou pour rappeler à l'ordre ses agaçants congénères.
Suni, lui, cogitait. Il savait depuis longtemps, avec une sombre certitude, que Chayan n'était pas d'une moralité immaculée. Pour porter une telle culpabilité et s'imposer tant d'entraves, il avait forcément commis une faute lourde, irréparable. Et Suni était prêt à l'en défaire, à l'absoudre. Cela n'avait aucun sens. Il n'était ni un messager de Dieu, ni la victime de ce crime odieux. Il n'était qu'un humain égaré sur le chemin d'un immortel. Une poussière dans le cyclone du temps. Mais des voix anciennes lui murmuraient qu'il avait sa place dans ce courant insensé des éléments.
Une distorsion s'était opérée en lui. Sa chrysalide s'ouvrait... Et il était prêt à accompagner Chayan dans le chaos. Cette volonté était inscrite sous sa peau en lettres de sang.
— Je persiste à penser que ce feu est une bien mauvaise idée, déclara Frankie.
— Pour une fois, je suis d'accord avec elle, appuya Kao. Ce n'est pas discret.
— Si Varney était dans les parages, il n'aurait pas besoin d'un foutu feu pour retrouver notre trace. Ça ne change rien, argumenta Chayan, inflexible.
Un sourire goguenard fleurit sur les lèvres de Frankie.
— Tu m'en diras tant... Tu as surtout peur que ton mignon protégé attrape froid, non ?
Chayan resta de marbre, ou presque. Un léger rictus d'embarras trahit ses intentions.
— Ce n'est pas mon mignon protégé, se défendit-il. Et Suni est un humain. Je vous rappelle qu'il ne résiste pas au froid de la même manière que nous autres.
— La couverture me suffit, Chayan. Ça ira. On peut éteindre le feu si vous pensez que c'est imprudent, proposa le jeune homme. Je peux aussi rentrer.
Le refuge était si exigu qu'ils ne pouvaient qu'y dormir. Les journées étaient longues et leur seul plaisir, en dehors de la chasse nocturne pour les vampires, consistait à se retrouver à la belle étoile.
Chayan se rapprocha de Suni, subtilement. Son épaule toucha la sienne. Un fil d'électricité se tissa entre eux. Depuis leur dernière étreinte, la timidité s'était imposée telle une invitée indésirable. La réalité les avait rattrapés, aussi glacée que la mort. Alors que Suni ne brûlait que d'une chose, être seul avec Chayan, pouvoir lui parler, le toucher. Mais l'occasion ne se présentait pas souvent, et ni Kao ni Frankie ne daignaient leur laisser un semblant d'intimité...
— Tut tut tut, tu restes avec nous. Tu ne dois pas vagabonder seul. Ni te retrouver seul avec Chayan, d'ailleurs, avertit Kao.
— Et pourquoi ça ?
— Tu dois rester en vie, au moins jusqu'à ce que Giles revienne. Et Chayan est abstinent depuis longtemps, tu sais... piqua Kao d'un ton amusé.
Suni s'empourpra en comprenant l'allusion. Frankie s'esclaffa grassement et Chayan se crispa, peu enclin à approuver ce type d'humour. Il le fit d'ailleurs comprendre en se redressant, l'air mauvais. Une sorte de grondement menaçant s'échappa de sa gorge ; une démonstration de force toute animale, coutumière envers son impertinent cadet.
— Dégage.
— Quoi ?
— Dégagez, tous les deux. Je n'ai plus la patience de vous supporter. Allez chasser votre petit gibier et laissez-moi seul. Laissez-nous seuls.
— Oh, c'est bon. Suffisait de le demander gentiment... Viens, Frankie. Mon cher frère a quelques frustrations à décharger, manifestement.
Les deux inopportuns n'insistèrent pas et fuirent les lieux sous le regard sombre de leur compagnon, qui ne goûtait plus ces remarques salaces. Une fois qu'ils eurent disparu entre les arbres, Chayan se réinstalla près de Suni.
Enfin seuls, les souvenirs en profitèrent pour s'insinuer et tourmenter Suni agréablement, une fois de plus.
Je risque d'en vouloir toujours plus, tu le sais. Tu prends un grand risque à rester près de moi, à me tenter ainsi. Avec tes lèvres douces, ton regard brûlant, ton goût. Putain, tu ne sais pas ce que tu me fais...
Pour l'heure, Chayan était tendu et irritable. Suni pouvait voir le lourd nuage noir de son humeur contrariée flotter au-dessus de sa tête, prêt à crever.
— Qu'est-ce qui ne va pas ? se risqua-t-il, la gorge asséchée.
— Désolé, ce n'est rien. Simplement Kao qui me tape sur le système, et des mauvais rêves... Je devrais être capable d'enfouir mes sentiments. Je ne suis pas humain, après tout... Je devrais être plus fort, se désola Chayan.
— Tu es fort. J'aimerais, moi, l'être plus...
Chayan se tourna vers lui et prit ses mains entre les siennes. Elles étaient glacées, pourtant elles réchauffaient Suni de l'intérieur.
— Tu l'es. De supporter toute cette folie.
Suni frissonna.
— Tu as froid ? s'inquiéta Chayan.
Il remonta la couverture sur ses épaules. Mais Suni tremblait toujours. Alors il l'enserra dans ses bras, adouci. L'humain craquelait le lac gelé de son cœur, peu à peu, telle une bougie léchant du givre.
— Mon mignon protégé... souffla-t-il alors, soudain joueur.
Suni le regarda avec ses grands yeux de biche, à la fois surpris et gêné.
— Qui êtes-vous et qu'avez vous fait de Chayan Suppasit, mon vampire froid et solitaire ?
— Ton vampire ? s'amusa Chayan.
Suni détourna le regard, foncièrement embarrassé par ce qu'il venait de laisser échapper.
— Ma langue a fourché, bredouilla-t-il. Et puis, je ne suis pas un mignon protégé. C'est dégradant.
— Je sais, Suni. Je ne voulais pas le dire comme ça... Tu possèdes en toi un pouvoir insoupçonné. Une lumière unique. Sinon je ne serais pas ici...
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Tu n'es pas ordinaire, Suni Kanawut. Je l'ai perçu en toi à la première seconde...
Leurs regards s'accrochèrent, fiévreux, peuplés d'envie. Seule leur respiration fébrile enrobait le silence de la nuit.
— Touche-moi.
Chayan se figea. La forêt se figea. L'air lui-même cessa de souffler. Suni entendit son propre cœur battre en échos lancinants dans sa tête.
— Non, je...
Suni prit d'autorité la main de Chayan et la posa sur sa poitrine.
— Touche-moi, Chayan. J'ai froid... implora-t-il.
Le vampire ne se fit plus prier. Sa résistance fondit comme neige au soleil... De ses mains autrefois meurtrières, il caressa la gorge de l'humain, puis ses clavicules sous son pull. Suni était hypnotisé par son visage baigné par la lumière cendrée du soir. Il ne ressemblait à personne, et en même temps, il lui rappelait quelqu'un qu'il avait toujours connu. Sa peau était d'ivoire. Sa bouche, une rose ensanglantée. Suni se pencha pour dérober ses lèvres... Le vampire accueillit cette étreinte comme un condamné s'abreuve à son dernier souffle de vie.
Ils s'embrassèrent. Et ce fut une tempête sous leur peau. La nuit était calme, pourtant les éléments se déchaînaient en dedans.
Ils abandonnèrent toute pudeur et s'embrassèrent avidement ; cantique de doux bruits humides. Chayan ravageait les lèvres soyeuses de Suni, affamé, se retenant de planter ses dents dans la chair pleine. Il profana l'intimité de sa bouche sans plus de retenue. Cette bouche qui avait la saveur obsédante du péché.
Bientôt, Suni s'allongea sur l'herbe rase, entraînant Chayan sur lui.
Il lui tendit sa gorge, inconsciemment. Chayan continuait de dévorer sa bouche, sa main caressait son cou, ses épaules, voyageait plus bas... Enfin, elle rencontra la peau douce et tiède de son ventre. Suni gémit à ce contact inédit. Ils se figèrent tous deux, intimidés par leur soudaine proximité.
— Tu aimes que je te touche ? murmura Chayan tout contre ses lèvres.
— Oui...
Ses baisers colonisèrent sa gorge découverte, au parfum capiteux, puis une épaule dorée... Chayan leva la tête. Au fond de ses yeux de velours noir flamboyait une tempête d'ambre. Entre ses lèvres, ses crocs affûtés comme des aiguilles reflétaient l'éclat de la lune. Suni déglutit, partagé entre excitation et appréhension... Il sentait déjà son sexe enfler dans son pantalon, imitant le tempo de son cœur. L'aura de Chayan semblait le commander directement depuis son âme, jusque dans ses organes. Il savait que ce n'était pas ordinaire. C'était surnaturel, inhumain, et ça aurait dû l'effrayer. Mais cette crainte tutoyait l'intime plaisir de la soumission à un empire de ténèbres...
Il n'avait pas réalisé que Chayan s'était aventuré plus au sud, gratifiant maintenant son abdomen de baisers entêtants. Le regard brûlant, il souleva le pull du garçon puis le replia sur son visage. Torse nu, yeux bandés, Suni s'abandonna aux sensations. La langue chaude et douce s'enroula autour de son téton. Il s'arqua sous le plaisir piquant. La fraîcheur de la nuit mordit sa chair humide, mais c'est à une toute autre morsure qu'il rêvait...
Chayan continuait de taquiner son bourgeon sensible, sans se presser, bien que Suni soit bien en peine d'ignorer la solidité de son membre cogner contre sa hanche. À l'idée de ce sexe puissant conquérant ses chairs, un gémissement licencieux lui échappa. Désir insoupçonné que celui d'être à la merci de cette créature, de s'ouvrir à elle, d'être vulnérable.
Suni frissonnait de toute part, l'air du soir inscrivait sa fraîcheur dans chaque parcelle d'épiderme que Chayan avait honorée. Semblant se délecter du satin de sa peau, celui-ci l'effleurait du bout des dents, sans jamais transgresser les limites de la morale qu'il s'imposait encore...
Il débarrassa entièrement Suni de son pull. Son visage de nacre réapparut dans le champ de vision du garçon. Son monde s'accorda aux yeux du vampire ; deux étoiles étincelantes dans le néant. Leurs souffles s'unirent.
Chayan posa son front contre le sien.
— Suni... Tout va bien ?
Suni ne put qu'acquiescer, au bord du vertige. Il n'avait plus froid, à présent... Ils s'embrassèrent encore, avec une langueur renouvelée, mais très vite la chaleur s'infiltra, cuisant leur chair. Chayan effleura le creux de son aine, s'approcha dangereusement de l'épicentre de son désir ; un volcan en éveil. Suni avait besoin de sa grande main sur lui, à cet endroit.
Le souffle du vampire caressait son cou, ses crocs survolaient sa peau fine...
— Chayan... supplia-t-il, sans savoir ce qu'il désirait le plus : la morsure de ses dents dans sa gorge ou la pression de sa paume sur sa hampe douloureuse.
Enfin, la main de Chayan broya en douceur son sexe à travers son pantalon, et Suni exulta. Il était si excité qu'il aurait pu jouir à la seconde, comme une vierge sensible. Abreuvé d'émotions, il suffoquait.
— Je suis là... Je te tiens... le calma Chayan.
Pour accompagner ses mots de réconfort, il baigna son visage de baisers tendres, tout en malaxant son sexe à travers le tissu. Suni avait oublié de respirer. Sa verge brûlait, répandant déjà sa sève intime. Il avait perdu sa voix. Empêché d'en réclamer davantage, il ne pouvait que gémir et tenter de faire entrer l'air dans ses poumons. Quand la main de Chayan se faufila dans son pantalon, il crut qu'il allait décoller et s'envoler dans les hauteurs de la forêt. Mais il était retenu fermement au sol, sous un corps solide et puissant.
Et, enfin, la paume de Chayan entra en contact avec sa colonne de chair nue, palpitante.
— Chayan... couina-t-il, au bord des sanglots.
Chayan avala sa supplique, tout en cajolant son membre. De son pouce, il taquina son gland humide, puis fit coulisser son poing autour de sa longueur. Suni s'oublia dans le plaisir. Il ne remarqua même pas que Chayan avait quitté son visage pour semer une myriade de baisers sur son ventre, puis plus bas, toujours plus bas... Il le débarrassa de son pantalon en le faisant glisser sur ses jambes fuselées. Suni entendit à peine les louanges que Chayan formulait en observant son intimité dévoilée.
— Tu es si beau... admirait-il.
Suni frissonnait d'être nu, sans armure, lui qui était d'ordinaire si pudique.
Jamais Chayan n'accéléra la cadence de son geste, au contraire, il lui infligea l'exquise torture d'un rythme lent. Interpellé, Suni se redressa pour découvrir Chayan qui léchait son index. Son cœur manqua un battement quand il comprit ses intentions. Loin d'être réticent à l'idée, il se rallongea et écarta les jambes pour accueillir cette délicieuse intrusion.
— Détends-toi... murmura Chayan d'une voix douce et grave, aux accents de sortilège.
De son index enduit de salive, il caressa l'orifice velouté de Suni, qui céda dès sa première phalange. Chayan ne cessait d'embrasser ses flancs, ses hanches, son pubis, puis il engloutit son membre dans le cocon soyeux de sa bouche.
Suni n'était plus qu'une créature frémissante livrée aux promesses de la nuit. Il laissa son sexe s'enfouir dans la bouche du vampire, tandis qu'il s'ouvrait pour son doigt curieux. La sensation était nouvelle et grisante. Il baignait dans une transe surnaturelle, étrange, où le plaisir primitif était roi. Chayan délaissa son sexe pour imprimer des baisers sur son aine, l'intérieur de sa cuisse. Suni aimait la caresse timide de ses crocs. D'un filet de voix, il lui donna son autorisation.
— Vas-y... Nourris-toi.
Il sentait le souffle chaud de Chayan sur sa peau, mais rien ne se produisit, alors il chercha son regard, lui exprimant pleinement son consentement muet.
Sans le quitter des yeux, Chayan planta enfin ses crocs dans l'intérieur tendre de sa cuisse, tout en grognant de plaisir. La piqûre était aiguë, le sang afflua dans ses veines et palpitait sous la morsure. Une morsure aussi douce qu'un baiser. Il se rongea les lèvres à cette vision d'un érotisme aussi immoral qu'étourdissant. Il avait l'impression de lentement sombrer dans l'inconscience, de vaciller à la lisière du néant. Plus Chayan se nourrissait, plus son sexe durcissait, tout près d'atteindre la délivrance. La brûlure d'un long doigt en lui ne le laissait pas non plus indifférent ; une caresse divine, éveillant des zones inconnues de son anatomie.
Chayan domptait si bien son corps, comme si c'était le sien. Suni s'illuminait sous ses doigts de magicien, sa bouche de sorcier. Il ferma de nouveau les yeux, à l'écoute de ses sens, glissant vers les rives d'un délice cosmique, hors du temps.
Après un long moment, Chayan cessa de s'abreuver. Sa bouche sanguine était obscène. De sa main libre, il enveloppa le sexe délaissé de Suni et le masturba à un rythme obsédant, son doigt toujours logé entre ses chairs moites.
— Tu es si doux, si chaud, si serré, expira-t-il, durement excité.
Suni sentit son sexe tressaillir et son gland perler de désir brut, un fleuve qu'il contenait en lui depuis trop longtemps.
Il était proche, perdu dans l'extase vibrant de cet instant irréel.
— Suni... Ouvre-les yeux. Regarde-moi, ordonna Chayan.
Guidé par cette voix grave, seul son qui parvenait à percer le brouillard de son esprit, Suni obéit, plus docile que jamais. Il lui semblait qu'il avait quitté son corps, que sa conscience s'était évanouie dans les profondeurs de la volupté.
Les crocs de Chayan pénétrèrent brutalement sa chair, tout près de son aine ; Suni devint alors poussière, son être se dispersa.
— C'est ça, jouis pour moi, adorable créature...
Ce mot doux acheva de l'engloutir dans l'abîme de l'orgasme.
Son essence jaillissait et ruisselait sur son gland, dans la paume de Chayan mais aussi sur les lèvres du vampire qui recueillaient les dernières perles de sa jouissance.
Il s'était évanoui, la tête lui tournait. Ses paupières papillonnèrent. Au-dessus de lui, la voûte étoilée scintillait entre ses larmes. Chayan s'allongea près de lui dans l'herbe fraîche, couverte de la rosée du matin. Sa bouche incarnate et laiteuse révérait l'impureté.
Suni tentait de reprendre sa respiration, sa conscience de réintégrer l'enveloppe de son corps.
— Et maintenant, toujours froid ?
Perché dans les hauteurs de son orgasme, il entendit à peine la remarque facétieuse de son nouvel amant...
Il sentait sa respiration lourde chatouiller son oreille, son écrasante proximité, sa hampe de pierre dressée contre sa cuisse. Il pivota vers lui, dirigeant sa main vers le renflement tant convoité. Le gabarit imposant entraperçu dans le lac se rappela à sa mémoire. Il avait besoin d'y enrouler la paume, d'éprouver sa texture, sa douceur, sa rigidité... Son goût sur ses lèvres.
Son poignet fut retenu sévèrement alors qu'il l'effleurait.
— Non, pas encore.
Suni hésitait entre la déception de ne pouvoir le toucher, et l'excitation de cette promesse à venir, bien trop séduisante.
— Pourquoi ? souffla-t-il, impatient.
— Chaque chose en son temps... Tu n'es pas prêt pour ça.
Suni fronça les sourcils, vexé d'être sous-estimé de la sorte.
— Je t'assure... Il vaut mieux pour toi... insista Chayan, les yeux brillants de désir contenu.
Mais cette mise en garde ne fit qu'incendier les sens de Suni au lieu de les refroidir.
En dépit de cet avertissement, il glissa une main audacieuse sous son pull, à la recherche des vallons de ses abdominaux – une agréable mais trop faible compensation. Chayan caressait son poignet avec tendresse, guidant sa main sur sa peau tout en tentant de refréner ses ardeurs, trop violentes pour être libérées si tôt...
Un bruit feutré troubla alors la musique de leur souffle.
— Les deux parasites sont de retour, pesta Chayan. Il faut te rhabiller.
Suni ne se fit pas prier, peu désireux de se faire surprendre dans son plus simple appareil. La honte cuisait déjà ses joues. Il venait à peine de refermer le bouton de son pantalon, que les intrus s'annoncèrent.
Les membres de Suni s'engourdirent, son sang se pétrifia.
Il aurait tant préféré que ce soient Kao ou Frankie...
~~
Un long chapitre... En raison d'une scène sensuelle. La toute première ! 🤭
Ceux qui ont l'habitude de lire ce registre de scènes chez moi, vous avez dû constater que mon style s'est enrichi en poésie. C'est le choix que j'ai fait sur cette histoire.
Et pour ceux qui découvrent ma plume érotique, j'espère que ce n'était pas "trop."
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