Chapitre 5: Will
Will, un jeune garçon du comté de Saïrens, était en train de rêvasser près de la caserne des guerriers. C'était son rêve, d'en devenir un. Et demain son vœu le plus cher aurait enfin une chance d'être réalisé.
Il avait l'habitude d'assister à chaque entraînement des guerriers de la section A, la seule qu'il avait le temps de voir. Il connaissait déjà la plupart de leurs séries d'enchaînements d'attaques.
"Taillade du dragon !", avait l'habitude de crier le maître des guerriers en premier lieu.
Les apprentis se plaçaient alors en une ligne serrée, empilant-d'abord avec maladresse puis avec le temps avec habileté- leur bouclier. Leur défense impressionnait Will, il avait beau réfléchir, il ne voyait aucun trou dans leur rang parfaitement formé.
Et sans prévenir, faisant à chaque fois sursauter les curieux venus assister à l'entraînement, un trou se formait et une lance enflammée en jaillisait sous les applaudissement des spectateurs.
Will les enviait. Enviait leur force, leur adresse, leur discipline, leurs relations entre apprentis. Il enviait le respect que tous éprouvaient pour eux, il enviait leur façon de marcher au pas.
Le lendemain, se présenterait son unique chance de grossir leur rang et de claquer à leur rythme ses bottes contre le sol.
À moins qu'il n'échouât. Dans ce cas il resterait garçon de ferme toute sa vie.
Son père lui tapa l'épaule, le tirant de ses pensées. Will se retourna, détournant avec regrets son regard de la cour où tailladaient en chœur les épées.
-Tu tenteras ta chance demain ? lui demanda le vieux Robert.
-Oui ! s'écria le garçon, les yeux pétillants.
-Will... je sais que tu rêves de devenir guerrier et je serais fier de toi si tu réussis. Mais ne te fais pas trop de faux espoirs gamin, l'avertit son père.
-Papa ! Tu ne crois pas en moi ? demanda le jeune homme d'un air dépité.
-Bien sûr que si, c'est juste que tu auras beaucoup d'adversaires alors je préfère que tu sois prévenu maintenant pour ne pas que tu pleures devant tout le monde demain si tu échoues, se justifia le fermier.
-Ne t'en fais point mon bon papa, je les écraserai tous, je m'entraîne à l'épée tous les jours avec Arutha.
-Tu t'entraîne avec le fils du duc ? Will je t'ai dit de ne pas traîner avec ces gens là ! Les riches, quand ils te rendent un service, pensent que tu leur es redevable toute ta vie. Je suis sûr qu'il te traite comme un moins que rien cet enfant pourri gâté.
-Arutha n'est pas comme ça ! Il veut rentrer à l'école des guerriers aussi. Alors on s'entraide mutuellement.
Le vieux Robert secoua la tête désespéré.
-Lui n'a pas besoin de ton aide.
Il souffla et reprit :
-Mais tu ne comprends pas que lui il n'a même pas besoin de passer les tests. Il sera sélectionné non pas pour son talent mais pour son statut ! Rentre à la ferme maintenant on a du travail. D'autant plus que si tu réussis je serais seul pour gérer les bêtes.
-Alors c'est ça ? Tu ne veux pas que je réussisse ? Tu veux que je reste avec toi à la ferme ?
Le père chercha à se soustraire au regard perçant de son fils. Il comprit qu'il l'avait déçu. Will voulait un papa qui le soutienne totalement.
-Essaie de te mettre à ma place Will...
Robert s'éloigna en direction de la ferme. Will jeta un dernier coup d'œil aux apprentis guerriers s'entraînant à l'épée sous l'œil attentif des maîtres guerriers.
Il fixa une dernière fois avec un air émerveillé les épées fendre l'air, s'abattre avec justesse contre les mannequins en bois. Il ne pouvait détacher son regard des gestes adroits et précis qu'effectuaient les apprentis, la danse presque, qu'ils réalisaient en frappant de gauche à droite, se mouvant avec agilité et élégance.
Il se voyait sans mal à leur place, apprenant par cœur cette nouvelle chorégraphie. En avant, taillade sauvage, retrait, à gauche, coupe genoux, désarmement et...
Et non, il fallait qu'il se résonne, qu'il écoute son père.
Il courut pour rattraper ce dernier mais il accéléra le pas. Quand, pour finir, Will rattrapa son père, il vit que celui-ci était en train d'essuyer des larmes. Choqué, Will prit alors conscience que son père serait tout seul s'il partait. Il n'avait plus de femme et Will était fils unique.
-Je suis désolé papa... commença le garçon mal à l'aise.
-Ce n'est pas grave Will. Je te comprends. Personne ne préférerait travailler dans une ferme plutôt que de découvrir des paysages nouveaux et de manier l'épée. Allez viens la mon fils, lui dit Robert en écartant ses bras.
Will se réfugia dans les bras de son père. Celui-ci se mit à pleurer à chaudes larmes. Certes il pleurait de devoir éventuellement laisser son fils partir. Mais il y avait autre chose. Will ne savait pas comment se déroulait l'Épreuve d'admission. Robert, lui, savait ce qu'il se passerait le lendemain. Il n'en avait que trop conscience...
Et il avait peur d'assister à la mise à mort de son fils.
Quand Will se dégagea de l'étreinte de son père, ce dernier le regarda. Il était très petit pour un garçon de presque quinze ans. Il n'avait pas la carrure d'un soldat. Seule son agilité pourrait peut-être lui laisser une chance.
Robert imagina son fils dans l'arène. Ses yeux noisettes n'étaient emplis que de joie et de sincérité, jamais il n'oserait abattre son épée sur un garçon de son âge et de son comté. Ils brillaient d'innocence et de rêves, d'espoirs et de la naïveté enfantine dont le garçon faisait encore preuve.
Son nez, très fin et doté d'une certaine grâce, serait très vite fracturé. Robert voyait mal son os tordu et l'air bagarreur et grossier qui allait avec.
Son sourire qui restait presque constamment figé sur son visage ne verrait sûrement plus beaucoup le jour dans une école pleine de brutes maniant l'épée et se moquant des plus faibles.
Et puis Robert n'imaginait pas son fils avec des cheveux longs. Pour le moment il avait des cheveux bruns plutôt courts : ils s'arrêtaient avant le début de sa nuque, et devant n'arrivaient pas jusqu'à ses yeux. Or c'était une manie chez les soldats d'avoir des longs cheveux et de se faire une queue dans la nuque.
Robert détacha son regard de son fils et lui fit signe de rentrer. Ils marchèrent côte à côte jusqu'à la ferme.
Leurs pieds s'enfonçaient dans la boue, avec un bruit de suscion qu'ils avaient appris à côtoyer, la crasse recouvrait ensuite leurs chaussures. Leurs bottes étaient la seule chose que le père et le fils avaient de précieux. Elles étaient résistantes au mauvais temps régnant constamment en maître sur le pays.
Contrairement à leur manteau, parsemé de trous, accueillant le vent et la pluie, offrant un passage jusqu'à leur peau gelée. Will frissonna et continua sa marche obstiné, ne se concentrant que sur une seule chose : avancer.
La ferme se dressa enfin devant eux: un vieux bâtiment en ruine, entouré d'herbes folles secouées au gré du vent. Le bois craquait et pliait sous la force de la tempête se levant.
Sans s'adresser un mot, les deux fermiers rentrèrent chez eux. Robert fila vers les deux chevaux qu'il élevait pour les rentrer au sec, Will s'en alla vers l'enclos des cochons.
Il leur donna à manger et les brossa sans faire attention à ce qu'il faisait. Il agissait par habitude. Ses mains agissaient, son esprit vagabondait. Il réfléchissait.
Son père avait raison, il avait de très minces chances d'être pris. De surcroît, il ne voulait pas l'abandonner. Mais l'envie de quitter son comté et de devenir guerrier était grande. Il s'imaginait déjà non seulement pris mais ensuite sélectionné pour l'école qui se trouvait dans la capitale : Eurlana.
Will savait que trois fois par an étaient organisées les sélections d'entrées à chaque école de guerriers d'Okitio. Il y avait six écoles ; une par comté et deux à Eurlana. Une des deux écoles de la capitale ne suivait pas la tournante des trois choix par année. Elle ne sélectionnait que des apprentis parmi les meilleurs de chaque école une fois par an. Et comme c'était déjà la troisième sélections de l'année dans son comté et que la prestigieuse école d'Eurlana n'était toujours pas venue choisir d'apprentis, Will pensait peut-être pouvoir rejoindre la capitale.
Rejoindre la capitale. Eurlana, la ville de soie. La capitale, où toutes les folies étaient permise. La capitale, où siégeait le roi, où les plus beaux spectacles avaient lieux, où les nobles étaient omniprésents. La capitale, que jamais Will n'avait vue, mais dont il avait tant entendu parler, qu'il pouvait presque se la représenter dans la tête.
Oui, la capitale l'attirait, incontestablement.
Quand il eut fini d'aider son père à la ferme et qu'il eut mangé son repas du soir- une tranche de pain agrémentée d'un morceau de maïs récolté le jour même- il se mit au lit en songeant avec appréhension à l'épreuve de sélection du lendemain.
Il se sentait prêt à la passer avec succès. Il ne se croyait pas spécialement plus fort que d'autres, mais il était certainement plus rusé.
Il avait déjà appris la plupart des enchaînements par cœur, il pourrait impressionner ses instructeurs de la sorte. Il avait un don pour analyser les situations délicates et s'en sortir avec le moins de problèmes possibles.
Oui, Will croyait bel et bien en sa chance.
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EleonoreMCL ce chapitre est pour toi, c'est le retour de Will!!!!! 😘
Je n'ai pas réussi à te le dédier, mais j'ai pensé à toi :p
(même si en fait c'est pratiquement le même qu'avant avec juste une ou deux descriptions supplémentaires et des tournures légèrement changées)
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