Chapitre 8

Émilie Fujiwara était une élève brillante. En s'inscrivant dans une école privée de musique pour filles, elle avait mis toutes les chances de son côté pour réaliser son rêve: devenir violoniste professionnelle. Bien sûr, cela impliquait de ne plus être dans le même établissement scolaire que sa meilleure amie: Doremi. Mais Émilie lui avait fait la promesse de rester son amie. Et elle n'était pas du genre à trahir sa promesse.
Émilie en profita aussi pour tenter de se rapprocher de son amour de toujours: Frédéric. Le garçon plutôt mystérieux avait lui aussi, toujours eut un faible pour la jeune fille. C'est l'été de leur quatorze ans qu'ils déclarèrent ouvertement leurs sentiments l'un pour l'autre. Bien qu'à chaque St-Valentin depuis quelques années, Frédéric acceptait les chocolats offerts par Émilie, en échange de quoi, elle recevait un gros bouquet de fleurs, ils ne s'étaient jamais vraiment dit ce qu'ils ressentaient au fond d'eux.
Ce jour-là, Émilie était de sortie avec ses amies du collège. Pour une fois, sa mère l'avait autorisée à aller à la plage avec elles. La jeune fille fut très agréablement surprise de découvrir que Frédéric avait eut les mêmes plans qu'elle. Quand leur regard se croisèrent, Frédéric lui adressa un petit clin d'œil très discret et Émilie rougit subitement. Elle se cacha en se mettant en position fœtal. Son cœur battait terriblement fort. Frédéric lui faisait souvent cet effet.

-Émilie ?!
-Euh... oui, qu'est-ce qu'il y a ?
-Tu viens te baigner ?, demanda une de ses amies avec un large sourire.
-J'arrive.

La collégienne se redressa et se mit en route jusqu'à la mer. Elle trempait à peine ses pieds quand elle sentit une présence à ses côtés. Elle tourna la tête. Frédéric regardait droit devant lui. Elle le détailla: un portait un short de bain orange et ses muscles ressortaient, preuve qu'il s'était mis au sport.

-Je ne savais pas que tu avais la permission de sortir...
-C'est exceptionnel, lâcha-t-elle sur un ton doux.
-On ne s'est pas vu depuis la dernière St-Valentin, ça m'avait manqué.

Le coeur d'Émilie manqua un battement. Ses joues étaient de plus en plus roses. Il lui avait manqué aussi.

-Tu ne portes pas tes lunettes ?
-Pas trop pratique pour se baigner...
-Tu es jolie sans, dit-il en rougissant un peu aussi. On voit encore mieux tes yeux.

Émilie n'arrivait même pas à le remercier. C'était la première fois que Frédéric la complimentait autant. Elle détourna les yeux de lui. Elle fixait ses amies qui riaient dans l'eau.

-Tu fais quelque chose, ce soir ?, demanda Frédéric en croisant ses bras derrière sa tête, comme il avait l'habitude de le faire.
-Je ne crois pas..., murmura Émilie gênée.
-Ça te dirait de venir te promener avec moi ?

« Juste tous les deux ? », se demanda Émilie, nerveuse.

-Je ne sais pas si j'ai la permission de sortir...
-D'accord..., répondit Frédéric visiblement déçu malgré son air détaché.

Émilie tourna les talons et retourna vers les serviettes. Elle sortit son téléphone portable de son sac et composa le numéro de sa mère. Après avoir argumenté un petit moment, sa mère lui permit de rester dormir chez une de ses copines du collège.
Quand Émilie retourna vers le bord de l'eau, Frédéric était déjà rentré à l'intérieur. Elle se dirigea d'abord vers sa copine et lui expliqua la situation. Ensuite, Émilie fit un petit sourire à Frédéric. Quand il sortit de l'eau, elle se précipita vers lui.

-C'est bon pour ce soir, lui chuchota-t-elle timidement.
-Rendez-vous sur le pont.

Émilie n'avait pas besoin de lui demander de quel pont, il s'agissait. Elle le connaissait par coeur, et pour cause, elle s'y était promenée des milliers de fois avec lui. Elle hocha la tête pour signifier qu'elle était d'accord. Son ventre bouillonnait. Elle avait un rencard avec le garçon qu'elle aimait depuis toujours.
Quand Émilie arriva chez sa copine, elle lui demanda si elle pouvait emprunter sa salle de bain. Elle se lava puis se prépara pour son rendez-vous. Elle enfila une longue robe verte pomme, à fines bretelles et des sandales argentées. Elle maquilla à peine ses yeux et plaça ses lunettes sur son nez. Elle finit par quitter la maison de sa copine, qui d'ailleurs, lui souhaita bonne chance.
Émilie déambulait dans les petites rues de Misora. Elle passa même devant l'endroit où s'était tenue la boutique magique. Elle s'appuya à la rambarde. Dans le petit jardin, en contre-bas, elle se revoyait rentrer dans la boutique pour la première fois. Elle était accompagnée de Doremi et Sophie, ses meilleures amies. Elle revoyait Maggie Grigri en compagnie de Lala, sa fée, lui donnant sa console magique. Elle entendait le rire de ses amies s'envoler dans les airs. Elle vit aussi l'époque à laquelle, Loulou avait rejoint leur groupe. Elle voyait aussi Flora assise sur les genoux de Doremi et Bibi qui était penchée sur le bébé. Un peu plus loin dans le jardin, Mindy venait d'arriver avec une fournée de gâteau. Quand elle détailla un peu plus le jardin, elle vit comme dans un rêve, Sophie, Loulou, Mindy, Flora et Doremi qui lui souriaient de toutes leurs dents. Quand Émilie secoua la tête pour retrouver ses esprits, l'image de ses meilleures amies avait disparue. Elle soupira en réalisant que la boutique était fermée et qu'elle avait l'air lugubre. Elle qui avait souhaité devenir une apprentie sorcière pour pouvoir exprimer ses sentiments à sa mère, elle regrettait presque d'avoir renoncé à l'être. Arriverait-elle à déclarer ses sentiments à Frédéric, un jour ? Elle détourna le regard de la boutique et continua son chemin. Elle ne voulait plus penser à tous ses souvenirs qui lui faisait mal à la poitrine.
Elle arriva finalement au pont où Frédéric l'attendait déjà. Le garçon était en train de jouer un air de trompette, quand il la vit arriver. Il baissa son instrument et ses bras se placèrent le long de son corps. Il s'approcha d'elle, d'un pas assuré. Il lui tendit sa main libre et elle la saisit aussitôt.

-Émilie, j'avais besoin que tu m'accordes quelques minutes, souffla le jeune homme en face d'elle.
-Je t'écoute.

Il souffla un grand coup et Émilie sentit que la main de Frédéric serrait un peu plus la sienne.

-Je suis... je... je t'aime...

Émilie était muette. Elle baissa la tête, sentant que son visage devait être rouge de gêne. Il souleva son visage, pour qu'elle le regarde dans les yeux.

-Je ne te l'avais jamais dis, parce que je ne savais pas comment faire mais... j'aimerai que tu sois ma petite amie.

Malgré son air plutôt sûr de lui, Émilie ressentait qu'il avait peur qu'elle le rejette.

-Je... je ne sais pas quoi dire...
-Dis-moi juste si c'est réciproque.
-Ça l'est, se contenta de répondre Émilie.

Toute sa vie, elle avait rêvé de ce moment. Il se pencha lentement vers elle et l'embrassa.
C'est cette nuit-là que Frédéric et Émilie ne formèrent plus qu'un et ça ne cessa jamais d'être le cas.

                                        ***
-Quoi ? Un petit ami ?, demanda la mère d'Émilie visiblement choquée.
-Oui, maman...
-Mais, à ton âge, tu n'as pas le temps de te consacrer à une amourette !
-Ce n'est pas une amourette ! Frédéric et moi, on s'aime depuis la maternelle !
-C'est mignon..., chuchota la nounou d'Émilie.
-Frédéric ? Mais ce garçon est un voyou... je sais que tu l'aimes bien et que c'est ton ami mais, Émilie, est-ce vraiment raisonnable ? Je ne me suis jamais opposée à votre amitié mais...
-Maman, j'aime Frédéric et ça, tu ne pourras pas l'empêcher !, s'emporta Émilie les yeux pleins de larmes. Tu peux me punir de tout, tu peux me priver de voir mes copines, de mon téléphone mais ça ne changera rien à mes sentiments !
-Émilie, ma chérie... les études, c'est extrêmement important, avoir un petit ami pourrait te faire dévier de ton objectif.
-Si je peux me permettre, mademoiselle Émilie a toujours été très sérieuse, bien qu'elle semble aimer ce garçon depuis un certain moment. Pourquoi ne pas attribuer votre confiance à ces jeunes gens ?
-Tu aurais voulu que ta mère fasse pareil !, lâcha Émilie.

La mère d'Émilie se mit à pleurer. Elle acquiesça d'un signe de tête et Émilie accourut vers sa mère pour la serrer fort contre elle.

-Merci, maman, merci...

                                        ***
Après avoir reçut leurs diplômes respectifs, Émilie et Frédéric emménagèrent ensemble, puis se marièrent.

-Alors, ça y est ? C'est le grand départ ?, demanda Doremi larmoyante.
-Eh oui..., souffla Émilie en fermant un dernier carton.

Les deux jeunes femmes étaient dans la chambre d'enfant d'Émilie. Doremi était assise sur son lit. Elles avaient passé tellement de temps ensemble et aujourd'hui, Émilie partait faire sa vie ailleurs.

-Pourquoi tu prends des affaires ici ? Tu ne vis pas avec Frédéric, déjà ?
-Si... mais il me restait quelques effets personnels ici. Comme je ne sais pas quand je serai de retour, je préfère prendre un maximum de choses pour Tokyo.
-Tokyo..., répéta Doremi.
-Ce n'est pas l'autre bout du monde, répondit Émilie avec un grand sourire. En train, c'est à environ une heure d'ici. Tu pourras passer me voir quand tu veux.

Doremi se mit à pleurer ouvertement. Émilie se jeta sur elle. Elles se serrèrent longuement dans leurs bras. Émilie laisse tomber ses lunettes sur son lit. Elle pleurait aussi à chaudes larmes.

-Tu te souviens de la remise des diplômes...
-Comment oublier ?, demanda Émilie qui reniflait.
-J'ai pas envie que tu partes. Tu es la seule de mes meilleures amies qui es restée à mes côtés. Et puis, tu es ma plus vieille amie...
-J'ai pas envie de te laisser, aussi. Comme je n'avais pas envie de recevoir mon diplôme, si tu n'étais pas là...

Les deux jeunes filles n'arrivaient pas à s'arrêter de pleurer. Finalement c'est Doremi qui se calma en première, comme la dernière fois où c'était arrivé.

-Non, Émilie, tu dois partir à Tokyo.
-Je ne veux pas te laisser..., répondit Émilie en secouant frénétiquement la tête de gauche à droite.
-Mais tu le dois, si tu dois réaliser ton rêve...

Doremi recula Émilie d'elle, pour pouvoir voir son visage. Elle essuya ses yeux et ceux de son amie.

-Je t'attendrai bien sagement ici. De toute façon, on sera toujours amie.

Émilie avait sourit à travers ses larmes. Elle reconnaissait bien là sa meilleure amie. Doremi était toujours prête à sacrifier ses propres envies pour le bonheur de ses amies. Émilie serra de nouveau Doremi contre elle.

-Tu vas me manquer. Je te promets de rester ta meilleure amie.
-Moi aussi.

Le lendemain, le couple déménageaient à Tokyo. Émilie intégra rapidement l'orchestre symphonique de Tokyo. Frédéric trouva un petit travail dans une agence immobilière de la capitale. Souvent, Émilie partait en déplacement dans tout le Japon et parfois même, dans d'autres parties du monde pour jouer du violon. À la maison, Frédéric et elle, jouaient parfois des airs de musiques ensemble: Émilie au violon et Frédéric à la trompette. C'est aussi à partir du moment où elle habita avec Frédéric, qu'elle se mit à porter des lentilles de contact.

-Frédéric ? Tu es rentré ?
-Depuis une trentaine de minutes, lança l'intéressé à travers l'immense appartement.

Émilie se précipita vers le salon où se trouvait son mari. Elle lui sauta dessus.

-Tu as l'air bien enthousiaste ! Tu as été conviée à une tournée ?
-Mieux que ça !, s'écria la jeune femme à califourchon sur lui.
-Ça existe ?, demanda Frédéric en riant.
-Je suis enceinte...
-Pardon ?

Il coupa la télévision. Émilie prit les mains de Frédéric et les serra fort dans la sienne. Les yeux de la jeune femme était tout brillants. Il lui lâcha les mains pour la serrer contre lui. Des larmes de joie coulaient de ses yeux.

-Tu vas être papa, murmura-t-elle l'oreille de son bien-aimé.
-C'est formidable, souffla-t-il en continuant de pleurer.

Elle se recula pour lui faire face. En la regardant bien, il vit un peu de la tristesse dans les yeux de sa femme.

-Qu'est-ce qu'il y a ?, s'inquiéta-t-il.
-Je vais devoir renoncer à ma carrière de violoniste professionnelle.
-Pourquoi ?

Il semblait surpris de la voir dire qu'elle allait renoncer à son rêve. Émilie était extrêmement douée, ce n'était pas pour rien qu'elle avait réussi à intégrer l'orchestre symphonique de la capitale.

-Entre les voyages incessants et l'emploi du temps chargé, sans compter sur l'atmosphère de la grande ville, je n'aurai jamais le temps de m'occuper de notre enfant.
-Mais c'est ton rêve de jouer du violon...
-C'est aussi mon rêve de fonder une famille avec toi...
-Tu vas renoncer, comme ça ?
-Je deviendrai professeur de violon, à la place. J'aurai le temps de m'occuper de notre enfant...
-Mais...
-Frédéric, c'est ce que je veux, ajouta Émilie d'un ton doux mais ferme. Et c'est ce qu'il y a de mieux à faire pour notre bébé.

Elle toucha son ventre qui n'était pas encore gonflé. Elle souriait. Frédéric lui rendit son sourire et la serra de nouveau contre lui.
Quelques semaines plus tard, Émilie quittait l'orchestre symphonique de Tokyo. Frédéric se mit à chercher un travail à Misora, puisque le couple souhaitait retourner vivre dans leur ville natale, à environ une heure de la capitale. C'est après la naissance de la petite Martha que Frédéric trouva un poste dans une petite agence immobilière de Misora. Après avoir été sûr d'être engagé, la famille déménagea vers la petite ville. Rapidement, Émilie renoua avec Doremi. Les deux meilleures amies ne s'étaient plus vues depuis la fin du lycée. Elle fut ravie d'apprendre que son amie de toujours avait eut un petit garçon et que les deux enfants n'avaient que deux semaines d'écarts.
Après des années, Émilie avait fini par oublier la boutique magique, ou du moins, à ne plus y penser autant qu'avant. C'est un jour, alors qu'elle se baladait avec Martha, qui avait à l'époque à peine cinq ans, qu'Émilie retomba sur la boutique. Elle n'avait pas changé depuis la dernière fois où elle y était passée. Elle s'y arrêta un moment.

-Maman, qu'est-ce que c'est que cet endroit ?, demanda alors Martha en remettant ses lunettes sur son nez.
-Rien, rien..., lâcha Émilie en continuant de marcher.

Elle reprit la main de sa fille. Émilie fit semblant que ce n'était rien devant sa fille, mais elle était troublée. Elle repensa au monde des sorcières et se demanda si Flora, Maggie Grigri, Lala et sa fée Mimi, allaient bien. Elle tourna légèrement la tête vers sa petite fille.

-Martha, ma chérie, commença-t-elle d'un air solennel, je vais te révéler un secret. Tu veux le connaître ?
-Oui !, s'écria la petite fille toute excitée.
-Il existe un monde magique remplit de mystères, où des individus comme toi et moi, vivent. Un jour, peut-être, ils vivront avec nous...

Martha fronça les sourcils. Émilie lui lança un sourire franc. Elle sentait qu'elle avait le devoir de se racheter pour avoir oublié une partie de son enfance. Et pour ça, elle convaincrait sa fille que la magie est bien réelle et qu'elle est partout autour d'elle.

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