Chapitre 38
Daisy accourut vers Prune, la faisant sursauter un peu.
-Tu nous as manqué ce midi !
-Vous aussi...
-Ça ne va pas ?
-Conversation pas très constructive avec Justin, c'est tout.
-Je suis désolée.
-Je ne suis pas sure de vraiment le comprendre parfois...
-Tu sais Prune... je ne crois pas que... enfin, je pense que Joey n'arriverait pas à regarder Justin plus d'une minute dans les yeux. Je pense qu'il aurait envie de le cogner... on en a tous eu envie... je peux comprendre Martha.
-Je sais. Je ne la juge pas. J'ai été la première affectée par son changement de comportement.
-Et il ne t'a jamais dit pourquoi il nous avait tous rejeté ?
-Jamais. Impossible de le savoir.
-Enfin, bon... ne restons pas là-dessus...
Joey les rejoignit pile à ce moment-là. Prune s'efforça de sourire.
-C'est déjà le week-end ! Ça vous dit qu'on se voit à la boutique ?, proposa Daisy.
-Ça serait avec plaisir, acquiesça Prune.
-Pareil. C'était bien aujourd'hui ?
-Oui, oui, mentit la fille de Loulou. Je suis désolée, je dois essayer de retrouver Rey... ça serait bien que je rentre avec lui.
-C'est vrai que Doremi t'héberge.
-Attends, je crois l'apercevoir ! Vas-y avant de le rater !, s'écria la fille de Mindy en poussant son amie dans la direction où se trouvait le jeune homme.
Prune surprise fut emportée dans la foule, discernant l'expression déçu de Joey. Son regard était en train de lui dire: « j'aurai aimé que tu restes plus longtemps ». Finalement Joey se tourna et il partit en compagnie de sa sœur. Quand Prune regarda de nouveau devant elle, elle remarqua Rey.
-Rey !
-Prune ? C'est toi ?
-Oui ! T'as pas du me voir, tellement je suis petite !, ironisa-t-elle. On rentre ensemble, puisqu'on va au même endroit ?
-Si tu veux.
« Il m'est moins hostile que la dernière fois », pensa-t-elle. En réalité elle savait que sa réaction face à Flora était tout simplement normale. Mais depuis ça, il n'avait pas adressé à nouveau la parole à Prune.
-Attends, mais il y a pas trente secondes, il y avait une foule immense ici... où est-ce qu'ils sont tous passés ?
-C'est vrai, d'habitude personne n'est aussi rapide pour se rhabiller.
Ils sortirent rapidement du bâtiment, voyant toute la foule de tout à l'heure, regroupée à l'extérieur du lycée. Prune se fraya un chemin et fut choquée de ce qu'elle découvrit une fois au cœur de ce qui attirait l'attention de tous les étudiants. Martha était en train de se battre. Elle tenait fermement la fille en face d'elle, lui assénant des coups de poings et des coups de pieds, lui tirant parfois les cheveux et surtout l'insultant.
-C'est quoi l'histoire ?
-Apparemment ce sont deux élèves de la même classe. Celle avec les lunettes se serait pris la tête avec l'autre à cause d'une dispute avec un autre garçon de leur classe.
-Justin..., murmura Prune. Martha arrête !, hurla la lycéenne.
La fille d'Émilie releva la tête, cherchant qui lui parlait. À ce moment-là, ces lunettes volèrent jusqu'au sol. Martha se mit donc à mettre plus d'ardeur dans ses coups. Prune s'avança d'un pas assuré sous le regard des élèves. Elle tira le bras de Martha, se plaçant rapidement devant elle et prit le coup qui lui était destiné.
-T'es qui, toi ?
-Ne te mêle pas de ça. Ce n'est pas ton histoire, lâcha Martha.
-Arrête...
-Pousse-toi ! Cette histoire est entre elle et moi.
-Parce que tu crois que défendre Justin c'est la bonne chose ?
-Bien sur ! Tu n'avais pas à lui parler comme ça !
-Qu'est-ce que t'en sais ? Je vais te défoncer ! Ose encore me dire comment me comporter !
-Ferme-la !
-Ça suffit !, cria Prune.
Elle tira de nouveau Martha pour l'empêcher de se battre à nouveau. Prune luttait pour la retenir quand elle vit d'autres mains venir l'aider.
-Daisy ! Joey !, s'écria la fille de Loulou.
-Martha, calme toi, chuchota Joey à l'oreille de la jeune fille.
-N'avance pas plus !, lâcha Daisy à l'encontre de l'autre fille. Tu n'asséneras pas un coup de plus à Martha !
-Touche à un seul de ses cheveux et tu auras affaire à nous !
-Rey ?, demanda Martha en tournant la tête.
Le fils de Doremi venait de se mettre devant le reste du groupe. Son corps se secouait au rythme de sa respiration saccadé. L'autre lycéenne le regarda avant de tourner les talons et de traverser la foule.
-Aller, rentrez chez vous !, proclama Daisy en lâchant Martha.
Prune et Joey aussi la lâchèrent. Martha ne bougeait plus, comme paralysée. Elle avait quelques ecchymoses sur le visage et des griffures sur les bras.
-Ça va ? Tu as besoin de quelque chose pour tes blessures ?
-Non, c'est bon. Merci. J'ai juste une question.
-Dis-nous.
-Pourquoi vous êtes intervenus ? Pourquoi vous m'avez empêché de me battre encore ? Jusqu'à présent tout ce que je faisais, vous n'en aviez rien à faire. Alors dites-moi, pourquoi maintenant ? Qu'est-ce que vous cherchez à prouver ? Surtout, toi hein, Rey.
-Ça fait plus d'une question, lâcha Daisy avec un sourire.
-Ça ne vous dérange pas si je réponds ?
Tous acquiescèrent tandis que Martha restait perplexe.
-Je sais qu'aucun de nous ne peut avoir prétendu être un ami exemplaire avec toi. Nous avons pleins de manqués. Tout ce qui s'est passé n'aurait jamais dû arriver. En fait, je suis profondément désolée si je t'ai blessé tout ce temps par mon attitude. Mais je crois qu'en réalité, nous souffrons tous... Nous souffrons tous parce que nous rêvons de retrouver ce que nous avions. Et nous n'y arrivons pas. Qu'est-ce que c'est pitoyable... Il faut que tu te battes pour que nous tombions tous d'accord, pour qu'on remarque que tu comptes encore tellement à nos yeux, pour qu'on se rende compte qu'on a tous le même but au fond de notre cœur. Est-ce que pourras me pardonner ?
Prune se pencha face à Martha. Cette dernière ne sût quelle réaction avoir. Quant à la fille de Loulou, elle eut un énorme sourire qui se dessina sur son visage en sentant deux mains se poser dans la sienne: celle de Joey et de Daisy. Tournant légèrement la tête, elle vit que Rey aussi s'était incliné, tenant la main de Daisy.
-Pardonne-nous !, crièrent les lycéens en chœur.
-Arrêtez ça !, rugit Martha.
Des larmes coulaient sur le sol. Elle était en train de craquer. Cette scène ne lui rappelait que trop bien l'examen où ils avaient tous supplié pour que Daisy et Rey aient une seconde chance. À l'époque, c'était Joey qui en avait été à l'origine, et ils s'étaient agenouillés. Aujourd'hui, c'était Prune qui voulait recoller les morceaux et ils courbaient tous le dos pour s'excuser. Ils avaient tous grandis, mais leur cœur était resté aussi pur. Elle sortie de ses pensées quand elle sentit des mains se poser sur son dos.
-S'il te plaît... pardonne-leur. Je ne te demande pas de me pardonner, tu as le droit de m'en vouloir. Je n'ai pas été un bon meilleur ami. Au premier problème, j'ai fui, au lieu d'arranger les choses... au lieu de te comprendre... en fait, je crois qu'on ne s'est pas compris.
-Non, tu as raison. On ne s'est pas compris. Ce n'était pas complètement de ta faute, ni totalement de la mienne. Nous avions tous les deux torts de réagir comme des enfants. On était immature et stupide.
-Est-ce qu'on l'est toujours ?
-Je crois que oui. En tout cas, je le suis. Et j'aime cette insouciance dans laquelle je vis. Je ne supporterai pas que tu me juges à nouveau.
-Je ne suis personne pour te juger. Je n'aurai jamais dû t'éviter.
-Je n'aurai jamais dû te traiter comme ça. Tu étais la personne la plus importante pour moi. Et je t'ai traité comme tous les autres.
-Est-ce que tu pourras aller de l'avant ?
-Et toi ?
-Je ne sais pas, pour être sincère. Mais eux, ils sont prêts à le faire.
Martha jeta un coup d'œil à Joey, Prune et Daisy qui s'étaient redressés en attendant de voir ce qu'il allait se passer.
-Je ne sais pas trop quoi vous dire...
-Tu n'as rien besoin de dire. Ne t'en fais pas.
-Pourquoi tu es comme ça avec moi, Prune ?
-On est amie, non ?
Le coeur de Martha se serra dans sa poitrine. Les larmes lui remontèrent aux yeux. Elle lâcha Rey d'un coup et les trois autres se ruèrent sur elle.
-On t'acceptera comme tu es.
-Reviens parmi nous, comme avant !
-On t'aime, Martha.
-Oui... c'est un peu précipité... mais c'est d'accord... Je le fais, non pas pour vous faire plaisir, mais parce que j'en ai envie. J'ai envie de renouer avec vous. Je me fiche des conséquences de tous vos actes, comme je me fiche des miens. Tant que vous serez là pour moi, je le serai pour vous. C'est comme ça que ça marche...
-Je ne voudrais pas casser l'ambiance... mais je dois vous parler de quelque chose...
-De Flora ?, questionna Prune.
-Flora ? Comment ça, Flora ? Elle est revenue ?
-Oui.
-Quoi ? Je veux la voir ! Emmenez-moi, tout de suite !
-Martha ?, demandèrent tous les autres choqués ?
-Quoi encore ? On était ses apprentis, non ? On a toujours pas eu nos examens ! Je n'ai pas renoncé à être une sorcière, moi ! Si elle est là, faut vite qu'on passe nos examens !
-Tu t'en fiche qu'elle nous a laissé ?
-Si, elle l'a fait, c'est vraisemblablement pour une bonne raison. Je ne suis pas stupide. Bien sûr que ça m'a fait mal, mais je suis passée au dessus. Bien sûr que j'ai voulu tirer un trait sur ce passé. Et c'est bien pour ça que j'ai arrêté de vous parler. Mais depuis que j'ai fait la rencontre de Flora, ce que j'ai toujours voulu c'est devenir une sorcière. Elle me donnera ses explications quand j'irai la voir. J'ai été frustrée que tout prenne fin. Et je suis en colère parce que tout ça est arrivé du jour au lendemain. Mais j'ai décidé de ne pas laisser parler ma haine pour cette fois. Je suis plus intelligente que ça. Je n'aurai pas la réaction que tout le monde pense que j'aurai: puis quoi encore ! Et ouais, je me suis battue toute à l'heure, mais c'est une autre histoire. Jamais je ne lèverai la main sur la reine des sorcières.
-Et toi, Rey ?, demanda Prune soudainement
-Tu ne veux pas y aller ?, reprit Martha. T'as peur de quoi ? Te confronter au passé ? Moi aussi, j'ai essayé de l'oublier, mais je pense qu'il faut arrêter de fuir maintenant. C'est ridicule. Je ne te dis pas de lui pardonner, tu fais ce que tu veux Rey. Mais réfléchis, est-ce que lutter contre ton envie irrépressible de faire confiance à Flora a un sens ? Laisse moi te répondre: non. Tu n'iras jamais nulle part si tu n'acceptes pas d'avancer.
-Je me sens pris au siège. J'ai envie d'oublier mais en même temps je ne cesse de regarder derrière...
-C'est simple, arrête de vouloir oublier ce qui est arrivé. En fait, arrête de te prendre la tête. Fais ce que tu as envie de faire. Prends la décision qui te fera plaisir, pas celle que tu t'imposes parce que tu crois que c'est la plus correcte. Ne te mens pas à toi-même, si tu veux un conseil.
-Elle n'a pas sa langue dans sa poche..., fit remarquer Daisy à Joey.
-Elle a bien changé par rapport à la petite fille un peu timide qu'elle était, c'est sur..., chuchota Joey.
-Mais ça lui va bien comme ça, admis la rousse.
-Alors on attend quoi ?, demanda Martha. Rey, quoi qu'il en soit, on y va. Soit avec toi, soit sans toi.
-Je vous suis.
-Parfait.
-J'aimerai juste ajouter une petite nuance... est-ce que vous pouvez passer chez vous avant...
-Pourquoi ?
-Il faudrait que vous récupériez vos consoles magiques. Ça ne sera pas trop dur à retrouver ?
-Tu parles, il me faudra des plombes !, mentit Martha. Je ne sais plus où je l'ai foutu !
-On t'attendra alors. Pas de soucis.
-Tu veux de l'aide pour la retrouver ?, proposa Daisy.
-Non, c'est bon. Je peux me débrouiller.
Les lycéens se dispersèrent alors. Avant de partir, Prune adressa un dernier mot à Daisy et Joey qui acquiescèrent de la tête. La fille de Loulou rejoignit Rey et ils partirent vers la maison du jeune homme. Quand ils arrivèrent Doremi accapara Prune, ce qui permit à Rey d'aller tranquillement chercher sa console magique. Il ne lui fallut pas longtemps avant de mettre la main dessus. Il la mit dans une de ses poches, ne voulant pas trop s'attarder à la regarder pour ne pas renoncer au choix qu'il avait fait. Il descendit aussitôt et fit un signe de tête à Prune, lui signalant qu'il était prêt.
-Qu'est-ce que ça aurait été si on avait eu une fille !, s'exclama François un peu gêné pour Prune.
-Il n'y a pas de mal ! Je me sens bien avec vous...
-Tant mieux, tu es ici chez toi !
-Maman, on sort ce soir avec Prune. Ne nous attendez pas pour dîner.
-Oh... je vois...
-Amusez-vous bien les enfants, soyez sage surtout !, lâcha François avec un clin d'œil.
Prune sortit du salon et jeta un dernier regard à Rey pour voir s'il était hésitant. Au contraire, il semblait assez confiant, ce qui étonna beaucoup la jeune femme.
***
La journée de Martha avait été tellement mouvementée qu'elle n'arrivait plus à penser. Hugo avait tenté de l'appeler au moins quinze fois, mais elle avait été incapable de décrocher. Elle lui envoya un message d'excuses, lui expliquant qu'elle lui raconterait sa journée la plus dingue depuis un moment. Sans saluer qui que ce soit, elle avait foncé dans sa chambre avant de verrouiller la porte à clé. La lycéenne avait balancé brutalement son sac de cours et s'était dirigée vers la salle de bain. Elle avait une mine horrible: quoi de plus normal après s'être battue. Elle se refit une beauté, pas question que si ses parents la croisent, ils découvrent les débordements qu'elle avait eu. Ensuite, elle se dirigea vers son dressing, se mit sur la pointe des pieds et envoya son bras en éclaireur afin de trouver la console magique. Au moment où elle récupéra la petite boîte qui contenait l'objet qu'elle souhaitait obtenir, elle faillit tomber. Elle se rattrapa de justesse, ouvrit la boîte et reprit sa console. Quand elle la tint dans ses mains, un drôle de sentiment la parcourut. Elle se dirigea vers son miroir et se regarda attentivement. Martha portait son uniforme scolaire: les manches de la chemise retroussée, déboutonnée de trois boutons laissant entre-voir son soutien-gorge rouge en dentelle, déjà assez visible sous le blanc du chemisier, le noeud totalement défait accroché à sa veste d'uniforme, elle-même accrochée à sa taille, la jupe remontée le plus haut possible, des collants à résilles bien sur interdit par le lycée; seules les chaussures étaient correctes. Elle fit une petite queue-de-cheval et replaça correctement ses lunettes. « Je ne suis plus du tout une enfant », pensa-t-elle à moitié heureuse et à moitié triste. Soudain, elle découvrit avec stupeur Prune, Daisy, Joey et Rey, attendant à sa fenêtre en tenue d'apprentis et sur leurs balais. Ils lui pointèrent tous sa console et Martha l'activa. La jeune femme fut métamorphosée en apprentie sorcière et un immense sourire se dessina sur son visage. Elle était redevenue une apprentie sorcière et ça la rendait plus qu'heureuse.
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