Chapitre 37
Volant en direction de la boutique magique sur le balais de sa sœur, Joey avait les yeux rivés sur Prune. Ses cheveux flottaient dans le vent et c'était comme si le temps s'était soudain arrêté pour Joey. « Arrête de la regarder comme ça », pensait-il en essayant en vain de détourner ses yeux. Le lycéen ne remarqua même pas qu'il avait atterri dans le jardin de la boutique, jusqu'à ce que Daisy agite ses doigts devant son nez. Il avait rougit, un peu gêné. Ils rentrèrent tous les trois dans la boutique tandis que Flora les y attendait avec un immense sourire placardé sur le visage.
-Joey ! Tu es tellement grand !
Elle s'élança sur lui et le serra dans ses bras. Il se laissa faire sans riposter. Il se sentait bien contre Flora. Elle lui avait vraiment manqué.
-On fait la paix. Mais j'ai une faveur à te demander.
-Attends, c'est tout ?, s'enquerra Daisy sans comprendre ce qui arrivait à son grand frère.
Prune plaça sa main sur l'épaule de son amie, l'intimant à écouter son frère aîné. Daisy opina du chef, comprenant tout à fait le message.
-Je t'écoute.
-Je veux que maman revienne travailler à la boutique.
-Elle est la bienvenue si elle le souhaite.
-Alors je suis prêt à t'aider.
-Tu es sur que tu veux redevenir apprenti magicien ?
-Quelque chose m'en empêche ?
-Je pensais juste que ça serait plus compliqué pour toi... que tu m'en voudrais...
-Bien sûr que je t'en veux. Bien sûr que j'ai énormément souffert quand tout à prit fin. Tous nos liens se sont brisés les uns après les autres, et mon coeur avec. Bien sûr que j'ai du mal à accepter la décision de Prune et de Daisy. Mais, comme ma mère me l'a dit, il ne faut pas retourner sur ses paroles. Jusqu'à ton départ, j'étais prêt à apprendre à contrôler la magie pour relier nos deux mondes. Aujourd'hui, je suis de nouveau prêt à le faire. Et je compte aussi aider les filles. À trois, nous aurons plus de possibilités de t'aider, non ?
-Le petit garçon que j'ai connu est maintenant un jeune homme..., lâcha la reine des sorcières très émue.
Daisy était très étonnée de la réaction de son grand frère. Quant à Prune, elle était très fière du pas en avant que venait de faire un de ses meilleurs amis. Flora, elle, était nostalgique de l'époque où elle avait rencontré ces trois enfants.
-Bon, maintenant qu'est-ce qu'on doit faire ? On va travailler de nouveau à la boutique ?
-Il y a d'autres tâches à accomplir avant...
-Comme quoi ?
-Joey, est-ce que tu veux bien nous aider à convaincre Rey, Martha et Justin de revenir à nos côtés ?
-Je croyais que j'avais dit que je ne retournais pas sur ma parole.
Il passa un bras assuré autour de sa petite sœur et de son amie. Ils se regardèrent tous les trois avec un immense sourire. « Qui aurait cru que ce trio infernal verrait le jour ? », pensèrent Toto et le comte Philippe. La reine des sorcières n'avait pas oublié les débuts difficiles qu'avaient connu ses trois-là. Et elle n'avait pas non plus oublier qu'ils avaient été les derniers à découvrir le véritable visage de la magie. « La roue tourne comme on dit. Les premiers seront les derniers, les derniers seront les premiers », se dit Flora tandis qu'elle partageait le sourire de ses apprentis.
***
Martha sortait de son entraînement de piscine quand elle remarqua une voiture qu'elle ne connaissait que trop bien qui l'attendait. Elle s'approcha de la vitre qui se baissa aussitôt.
-Je te dépose ?
-T'as appris mes horaires par coeur ?
-Ça te dérange ? Fallait pas me les dire, alors. Tu montes ?
-Évidement.
Elle s'installa sur le siège passager avant d'attacher sa ceinture autour d'elle.
-Tu démarres pas ?
-T'oublies pas quelque chose ?
-Quand on sera arrivé parce que là je viens à peine de m'attacher.
Hugo soupira tandis que Martha lâcha un rire moqueur. Il plaça ses mains sur le volant et commença à rouler. Il la questionna sur sa journée au lycée et elle fit de même avec lui. Ils arrivèrent rapidement devant chez la jeune fille.
-Merci de m'avoir ramenée.
-Tu deviens polie ?, se moqua Hugo.
-La ferme !
-Bon et maintenant...
Elle se détacha, se pencha rapidement sur le jeune homme et l'embrassa. Son cœur battait plus vite que d'habitude, encore plus vite que pendant ses entraînements. La lycéenne releva la tête, un peu gênée, mais trop fière pour le montrer. Martha récupéra à la hâte toutes ses affaires et sortie de la voiture. Hugo démarra aussitôt. Quand la jeune fille ouvrit la porte d'entrée, elle entendit un air de violon qu'elle connaissait parfaitement.
-Concerto in B minor, Allegro non molto, Vivaldi..., murmura Martha.
Ça faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas entendu sa mère au violon. Elle fut surprise en sentant une main sur son épaule.
-Tu es déjà rentrée ? Comment c'était la piscine ?, questionna le père de la lycéenne.
-Normal.
-Et le lycée ? Rien de neuf ?
-Non.
Elle commençait à monter l'escalier vers sa chambre quand son père lui posa une dernière question.
-C'était quoi cette voiture devant la maison ?
Martha s'arrêta net. Il l'avait vu. Il avait vu Hugo la déposer.
-Aucun de tes amis du lycée n'a une voiture. Alors, j'imagine que ça doit être une des personnes que tu fréquentes quand tu fais le mur. Je ne suis pas bête, je sais que tu ne vas pas à des fêtes de lycéens. Si Misora était réputée pour ses fêtes, ça se saurait.
-Ce n'est pas quelqu'un d'ici.
-Un étudiant, n'est-ce pas ?
Elle se retourna pour faire face à son interlocuteur. Il avait l'air détendu ce qui parut étrange à Martha. Ses parents étaient stricts, ce n'était un secret pour personne. Et là, son père lui parlait de ses soirées comme si ce n'était qu'un fait banal.
-Va te changer, tu es encore toute trempée de l'entraînement.
Il quitta l'entrée comme si de rien n'était et la lycéenne monta dans sa chambre. Un autre air de violon venait de débuter.
-Concerto in D minor, Andante, Vivaldi encore. Maman ne se renouvellera jamais.
Cependant, elle sifflota l'air presque instinctivement. C'était des airs de musique qu'elle connaissait par coeur. D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, Émilie lui avait toujours joué du violon. Et depuis qu'elle était capable de tenir l'archet d'une main et le violon de l'autre, Martha avait appris à en jouer. Mais pas seulement: elle avait appris l'histoire des mélodies, celles auteurs, leurs noms. Le violon lui avait toujours plu, tout autant que la trompette. La musique en général la faisait vibrer. Elle fit couler des litres d'eaux chaudes avant de s'y plonger pour au moins trois quart d'heure. Quand elle eut fini, elle se mit en pyjama et s'allongea sur son lit. Elle avait reçu quelques invitations pour une soirée, mais n'avait ouvert aucun message.
-Entrez.
-C'est encore moi.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Tu ne m'as pas répondu tout à l'heure, lâcha Frédéric en refermant la porte derrière lui.
-Oui.
-Oui, quoi ?
-C'est un étudiant.
-Ah... Je vois...
-Tu ne me dis rien ? Tu ne me fais pas la morale ?
-Non, qu'est-ce que j'aurai à dire ?
Martha était bouche-bée, elle s'attendait à tout mais pas à ça. Frédéric poursuivit.
-Ça fait longtemps que l'ont a pas parlé... Tu sais, moi aussi quand j'étais jeune, j'étais un peu rebelle.
-Tu parles...
-C'est vrai. Je n'étais qu'un gosse quand j'ai connu ta mère, mais j'étais loin de lui ressembler. J'aurai peut-être dû te prévenir avant, ou la prévenir que c'est sûrement comme ça que tu serais aussi, avec l'âge.
-Mais, quand tu étais avec maman, tu étais sage, non ?
-Eh bien... Ça a été dur de me canaliser..., lâcha-t-il en se grattant un peu la nuque. C'est difficile de s'améliorer. Mais Émilie était toujours là. Elle ne m'a jamais lâché.
-T'as de la chance.
-Je ne sais pas si on peut parler de chance, ou de destin. Ce que je sais, c'est que j'aurai pu prédire que tu risquais d'être comme moi. Tu n'as pas pris mes meilleurs côtés, je suis navré.
-C'est pas si grave.
-Et ce garçon ? C'est qui exactement ? J'ai le droit de savoir ? Ou c'est trop confidentiel ? Je ne veux pas empiéter dans un endroit où je ne suis pas invité. Mais je m'inquiète pour toi, aussi. Quand tu étais petite, tu étais tellement... facile... enfin bon...
-Je l'ai rencontré à des soirées, il a le permis, alors c'était plus simple pour que ce soit notre chauffeur.
-Et c'est devenu ton chauffeur particulier ?
-C'est devenu...
Martha réfléchit; elle n'avait jamais abordé avec Hugo quel type de relation ils entretenaient. Mais ce qui était sur c'est qu'avec lui, elle se sentait bien.
-Je n'en parlerai pas à ta mère, si c'est ça qui te gêne. Je comprends que tu sois en conflit avec elle, c'est l'âge qui veut ça. Même si je pense que tu devrais en discuter avec elle. Tout ce qu'elle veut, c'est ton bonheur. Tu lui en parleras quand tu te sentiras prête...
-C'est pas ça.
-Alors c'est quoi ?
-C'est que... c'est compliqué...
-Tu sais, si ce garçon te plaît, enfin... si c'est ton... euh... petit-ami... tu peux me le dire... je ne vais pas m'énerver...
-Tu l'as dit comment que tu aimais maman ?
-Comment ça ?
-Bah... tu lui as dis direct que tu l'aimais ? T'étais un ado, non ?
-Ta mère, je pense qu'elle a toujours su que je l'aimais. Mais... bah... oui, je lui ai dis que je l'aimais.
-Moi, je ne l'ai pas encore fait.
Frédéric se retint de demander de qui elle parlait exactement, comprenant qu'il s'agissait sûrement du fameux chauffeur. Il eut un drôle de sentiment au fond de lui. À ce moment-là, Émilie les appela pour venir manger. Tous deux quittèrent la chambre sì dire un mot de plus.
***
Justin se réveilla en sursaut. Il venait de faire un cauchemar. Il regarda l'heure et vit qu'il ne restait qu'un quart d'heure avant que le réveil ne sonne. Il plaça sa main sur son front, il mourrait de chaud. Le fils de Sophie ne se rappela que rarement de ses rêves mais cette fois, il semblait qu'il ne pouvait pas effacer ce souvenir douloureux de sa mémoire. Le lycéen se leva et commença à se préparer pour les cours. Il ne comptait pas passer sa journée à ressasser ce songe étrange où il se voyait presque mourir.
-Déjà debout ?, demanda Léon un peu surprit.
-Je me suis réveillé avant l'heure, aujourd'hui.
Il termina de s'habiller et parti de la maison. Il écoutait ses chansons préférées mais son cœur était lourd. Il aperçut Rey devant le portail, et ce dernières contenta de baisser la tête. Justin le snoba et continua son chemin. Son regard se perdit aussi sur Prune, entourée de Daisy et Joey. Il se sentit sourire. Il était sincèrement content pour elle. Sa meilleure amie avait retrouvé ses amis. Au fond de lui, il regrettait de ne pas faire parti de son petit groupe. Mais Justin était résolu à ne pas céder à ses sentiments égoïstes. Il préféra les éviter.
-Tu pourrais faire attention..., grogna une petite voix qu'il ne connaissait que trop bien. Regarde où tu vas !
-Pas la peine de me brusquer, je n'ai fait que te bousculer.
-Sois déjà content que je ne t'ai pas insulté. J'ai trop de respect pour ta mère, pour ça.
-Pardon ?, lâcha Justin indigné. Répète un peu ça !
-Va te faire voir.
Il se retourna pour lui faire face et se rendit compte qu'elle le regardait depuis le départ.
-J'ai pas les mots pour te qualifier. Tu ne mérites même pas mes insultes. Je ne veux me brouiller qu'avec des gens qui assument leurs actes.
-Et je ne les assume pas ?
-Tourner le dos à tes amis: il faut vraiment être...
-Être un moins que rien ?
-Tu as tout détruit, à toi tout seul.
-C'est vrai.
-À l'avenir évite de te mettre sur mon chemin. J'ai en horreur les lâches et les menteurs. Maintenant, casse-toi, tu me dégoûtes.
Justin soutint le regard de la lycéenne avant de lui tourner le dos et de continuer sa route. Il avança d'un pas décidé vers sa salle de classe. Il tenait le haut de son uniforme et sentait son cœur éclater dans sa poitrine. Mais il ne fallait pas craquer, il devait garder cette image. Ils devaient continuer de le détester. Quand la pause du midi arriva, le jeune homme découvrit que Prune l'attendait.
-On mange ensemble ?
-C'est-à-dire que les garçons m'avaient...
Les garçons de sa classe lui passèrent devant à ce moment-là, levant les pouces en signe de victoire et lui faisant de grands clins d'œil. Justin leva les yeux au ciel tandis que Prune riait.
-Bon, je crois que ton problème est résolu.
-Ils croient que j'ai rencard avec toi... Quelle poisse !, fit-il avec une mine dégoûtée.
-Le lycée entier rêve d'un rendez-vous avec moi, t'as tellement de chance et tu ne le vois même pas !
-Si, merci de cet honneur, reine des pimbêches.
-Aller, viens idiot !
Elle lui saisit la main et il se laissa faire. Tous les lycéens les regardaient, certains chuchotant déjà quelques ragots à leur voisin. Ils trouvèrent un endroit tranquille à l'écart des voyeurs et s'assirent pour déjeuner.
-Alors tu t'es fais crier dessus par Martha ?
-Comment ça ?
-Elle est arrivée super énervée en cours. Et j'ai entendu dire qu'on l'avait vu avec toi. Et que tu avais plutôt subi cette rencontre.
-Elle a dit que je la dégoûtais et qu'elle avait envie de m'insulter. Ah... et qu'elle n'avait rien à dire à un lâche et un menteur.
-Ça ne te fait rien ?
-Non. Je sais qu'elle a raison.
-Tu dis n'importe quoi !
-Prune, arrête. On sait tous les deux que c'est à cause de moi que notre groupe s'est brisé.
-Non, c'est quand Flora est partie. Si ce n'était pas arrivé, rien de tout ça n'aurait eu lieu !
-Tu sais aussi bien que moi que je vous ai fuit comme la peste. Et je pense que tu peux comprendre la réaction des autres.
-Et le pardon ? Tu en fais quoi ?
-Je ne veux pas de leur pardon. Si les choses ont tournées de cette façon, c'est parce que je le voulais.
-Justin, je ne te comprends pas.
-Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
-Pourquoi tu te renfermes comme ça ?
Il ne répondit pas. Même à Prune, il ne pouvait pas le dire. Il s'en voulait de lui faire des secrets, mais s'il y avait bien quelqu'un qu'il voulait protéger c'était elle. Et parce qu'il l'aimait plus que tous les autres, il ne pouvait pas se confier à Prune.
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