Chapitre 33

Martha claqua la porte de son casier et le ferma à clé. Ses cheveux étaient encore humides. Elle les rattacha comme à l'accoutumée et fut surprise de ne pas en sentir autant de d'habitude. Elle n'était pas encore vraiment habituée à sa nouvelle coupe. Ça ne faisait qu'un petit mois qu'elle avait décidé de couper ses cheveux longs. C'était nettement plus pratique pour les rentrer dans le bonnet de bain. Maintenant que Martha faisait partie du club de natation, elle était très occupée. Entre les entraînements, les cours de violon, de trompette, et le lycée, elle n'avait pas trop de temps pour elle. Mais cela n'empêchait pas la lycéenne de s'échapper de chez elle en pleine nuit pour retrouver des copines à des fêtes improvisées. Elle n'était plus aussi studieuse qu'à l'école primaire, mais ces notes étaient toujours excellentes. C'était plutôt un problème de comportement: sécher de temps en temps, répondre aux profs, se faire renvoyer de cours. Martha les avait tous fait. Évidemment, ni Émilie, ni Frédéric n'approuvaient cette attitude et l'adolescente passait souvent son temps à se faire punir, du moins quand elle respectait la punition. L'ambiance à la maison était devenue très tendue depuis quelques années maintenant. Ses parents avaient presque finis par lâcher l'affaire. S'ils la punissaient de cours de musique, elle séchait encore plus. S'ils la punissaient de natation, elle se faisait renvoyer.

-Je suis rentrée..., lâcha-t-elle.
-C'était une bonne journée ?, demanda Frédéric en passant devant l'entrée.
-Aussi nulle que toutes les autres.

Avant même que son père puisse lui demander quoi que ce soit, elle monta les escaliers jusqu'à sa chambre. Elle en ferma la porte et balança ses deux sacs, pleine de rage.

-Martha, tu dois étendre tes affaires de piscine !, cria Émilie à travers la porte.

L'adolescente ouvrit son sac, prit sa serviette, son maillot et son bonnet, ouvrit la porte et les lâcha devant celle-ci. Elle referma la porte à peine une seconde plus tard, cette fois-ci à clé.

-Martha !, hurla Émilie qui avait l'impression de devenir folle. Je ne suis pas là pour ramasser tes affaires. Quand nous traiteras-tu avec respect ? Je t'en prie Martha, ouvre cette porte !

La jeune fille ne répondit pas. Elle leva les yeux au ciel. De l'autre côté de la porte, Émilie sentait la colère laisser place au désarroi.

-Dis-moi quand est-ce que je vais retrouver ma Martha ?! Où est ma fille ?!, questionna Émilie avant d'éclater en sanglot.
-Elle a grandit, maman..., chuchota la jeune fille.

Martha entendit sa mère s'éloigner de la porte de sa chambre et en profita pour aller prendre un bain dans la salle de bain rattachée à sa chambre. La jeune fille était énervée. « Que Prune soit de retour, passe encore. Mais dans ma classe... », pensa l'adolescente contrariée. Martha avait voulu faire un trait sur ce passé et cela passait par le fait de ne plus avoir aucun lien avec ces anciens amis. C'était aussi précisément pour cette raison qu'elle avait changé de comportement et était passée de la petite fille réservée et intello, à l'adolescente rebelle d'aujourd'hui. Elle était prête à tout pour effacer cette vieille image d'elle-même. Martha ne voulait plus jamais souffrir de cette amitié qui ne lui avait fait, selon la lycéenne, que du mal. Elle plongea dans son bain moussant et soupira. « Ce soir j'ai rendez-vous en bas de la maison pour aller à une fête, il faut que je me prépare », se dit-elle en jouant avec la mousse blanche de son bain. Quand elle en eut finit avec sa douche, elle s'habilla, se maquilla et mit ses lunettes. Elle ouvrit son placard, prit une paire d'escarpin à petits talons. Finalement, elle ouvrit la fenêtre de sa chambre, située au premier étage, s'avança vers la branche de cerisier qui s'élançait vers sa fenêtre, s'y accrocha d'une main et en sauta. Elle tomba sur le gazon fraîchement tondue et manqua de salir sa robe. Elle essuya ses pieds puis mît ses chaussures. Ensuite, elle passa par la porte arrière de la maison et là, monta dans la voiture qui l'attendait. Les basses de la voiture jouaient de la musique à fond à l'arrière et Martha du se boucher les oreilles quelques instants.

-Vous êtes prêtes à y aller ?, demanda le conducteur, un étudiant universitaire en première année.
-Un peu qu'on l'est, démarre !, hurla Martha avec un sourire espiègle sur le visage.
-C'est la Martha qu'on adore !, crièrent tous les autres dans la voiture.

L'étudiant démarra aussitôt sous un bruit assourdissant et ils se dirigèrent vers le lieu où la fête se déroulait.

***
C'était un jeudi soir comme les autres pour Joey. Il était en train de lire quand il se souvint qu'il avait un devoir à rendre le lendemain. Il se précipita sur son bureau et sortit de quoi écrire. S'il ne rendait pas le travail, le prof allait lui passer un sacré savon. Rien que d'y penser, Joey fit une mine dépitée. Il y passa plusieurs heures et quand il eut fini, il vit qu'il était déjà plus de deux heures du matin. Il rangea la feuille dans une pochette à l'intérieur de son sac avant de se rassoir à son bureau un instant. Il regarda au-dessus de lui, sur son étagère remplit de livres et en tira un. Il en dépoussiéra légèrement le dessus puis l'ouvrit.

-Tiens, je ne l'ai pas fini... c'est bizarre..., se murmura-t-il à lui-même.

Il ouvrit le livre à la page où il en était resté et le marque page en tomba. En le ramassant il se rendit compte qu'il ne s'agissait pas d'un marque page. C'était une photo avec tous ses amis de l'école primaire, lors du dernier festival sportif auquel il avait participé. Ils avaient tous un sourire immense sur le visage. Joey inspecta la photo pendant un long moment. Tout avait tellement changé. Il déposa la photo sur son bureau et prit le livre. Il se mit au lit et continua la lecture du livre en question. Il se rappela alors de pourquoi il n'avait jamais fini ce livre: il parlait d'amitié. Néanmoins, il acheva sa lecture assez rapidement avant de se décider à dormir un peu.

                                              ***
Martha était rentrée dans les trois heures du matin, tentant du mieux qu'elle pouvait de ne pas faire de bruit. Comme à chaque fois qu'elle rentrait chez elle après être sortie sans permission, son cœur battait très fort dans sa poitrine. Elle retira ses chaussures comme avant de partir, reprit l'entrée par derrière et revint où se trouvait le cerisier qui se trouvait quasiment collé à sa fenêtre. Sur la branche de trouvait une corde, elle plaça les escarpins dans son petit sac à main, s'accrocha à la corde et escalada l'arbre en se tenant fermement à la corde. Une fois arrivée à la branche, elle s'y accrocha et finit par rentrer par la fenêtre. Elle secoua ses pieds, déposa ses chaussures au sol, ainsi que son sac à main et se dirigea vers sa salle de bain. Elle retira ses lunettes et se démaquilla. Une fois de plus, elle avait réussi à faire le mur sans se faire attraper. Pour descendre, elle sautait souvent de l'arbre et pour remonter elle avait appris à grimper du mieux qu'elle pouvait. C'était risqué mais Martha aimait la sensation que cela lui procurait. Elle s'arrangeait toujours pour ne pas trop boire d'alcool et ainsi éviter de perdre ses moyens pour retourner chez elle discrètement. Elle retira sa robe et fila de nouveau à la douche. Quand elle en sortit, elle enfila son pyjama et se coucha. Elle ne dormirait pas beaucoup cette nuit, mais le jeu en avait valut la chandelle. Martha se coucha soulagée. Elle en avait oublié la présence de Prune.

                                             ***
La pluie avait continué de tomber toute la journée du vendredi. Ça l'avait fait passer terriblement lentement. Rey passa devant les casiers, retira sa paire de chaussures, ouvrit son propre casier, reprit ses chaussures de ville et les enfila rapidement. Juste avant de sortir, il dégaina son parapluie et du coin de l'œil, il aperçut Prune. Il dévia le regard et commença à avancer. Mais à peine fut-il sorti du lycée que son cœur se serra. Il devait faire demi-tour et affronter Prune. Il lui devait bien ça. Il n'avait pas le droit de l'éviter alors que lorsqu'elle était à Tokyo, il avait tenté de garder contact juste ce qu'il faut. Après tout, Prune était passée par une lourde épreuve récemment et Rey ne pouvait pas l'ignorer.

-Prune ?, demanda-t-il en voyant une jeune fille avec une ombrelle violette couverte de dentelle blanche et une valise dans la main.

Elle se retourna et Rey put voir son visage. Elle avait toujours la même coiffure que quand il l'avait rencontré la première fois: excepté les mèches violettes. Un immense sourire se dessina sur le visage de l'adolescente. Elle se rapprocha davantage de lui.

-Rey ! Je suis super contente d'enfin te voir ! On aurait dit que tu avais disparu !
-Désolé de me manifester que maintenant...
-Aucun problème !
-Où tu vas ?
-Oh... je vais à l'hôtel. L'internat ferme le week-end et ma mère a payé l'hôtel pour le week-end.
-À l'hôtel ? Sérieusement ?
-Elle n'a pas osé demander qu'on m'héberge. C'est rien.
-Non, viens à la maison !
-Quoi ? Non, c'est ridicule... Ça fait super longtemps qu'on ne s'est pas vu et puis... Je ne veux pas déranger et...
-Viens ! Tu ne nous déranges absolument pas. Je te le jure.

Rey s'avança vers Prune et lui prit sa valise des mains. Elle lui lança un regard attendri et ils se mirent en route. L'adolescente monopolisa la plupart de la conversation, le lycéen se contentant d'acquiescer. Ils arrivèrent assez vite chez les Tetsuya.

-Maman, je suis rentré.

Ils déposèrent leurs affaires au sol et retirèrent leurs chaussures. Rey se rendit directement dans le salon, Prune sur les talons.

-Prune ?!, s'écria Doremi en voyant la jeune fille. C'est toi ?!
-Oui... je...euh...

Doremi se jeta sur la fille de son amie et la serra fort dans ses bras. Elle essuya ses yeux larmoyants.

-Comment tu te sens ? Tu as tellement grandit ! Qu'est-ce que tu es jolie ! Tu es revenue ? Mais depuis quand ? Et...
-Doremi... laisse-la respirer, tu veux..., lâcha François en posant une main sur l'épaule de sa femme. Comment tu vas Prune ?
-Bien, bien.
-Elle est à l'internat du lycée. Elle est arrivée cette semaine, commença à expliquer Rey. Mais l'internat ferme le week-end et elle n'avait nulle part où aller.
-Si, en fait, je devais aller à l'hôtel mais...
-À l'hôtel ? Connaissant Loulou, elle n'a pas voulu nous déranger mais tu es la bienvenue ici. Nous avons une chambre en plus qui ne demande qu'à être occupée.
-Ce n'est pas ton bureau ?
-Si, mais il est aménageable pour elle. Ne t'en fais pas, je vais téléphoner à Loulou pour lui dire que tu loges ici, qu'elle se fasse rembourser. Tu peux rester à la maison autant que tu veux.
-Vous êtes sûrs ?
-Bien évidemment ! Tu es la fille d'une de mes meilleures amies, je ne vais pas te laisser sans toit sur la tête ! Mais où sont tes affaires ?
-Dans l'entrée.
-François, tu pourras tout monter dans mon bureau, s'il-te-plaît ? Rey, tu peux nous faire du thé ? Ça me fait vraiment plaisir de te revoir.
-Merci de me recevoir.
-Ne me remercie pas ! Tu es chez moi, comme chez toi. Tu auras une maison où loger tous les week-ends, c'est mieux que l'hôtel, non ?

Avant même que Prune puisse répondre, Doremi plaça son portable à son oreille et attendit que Loulou réponde à son appel. Prune quitta la pièce et entendit que le père de Rey l'appelait. Elle le rejoignit dans le bureau.

-C'est un peu étroit maintenant qu'il y a le gros bureau de Doremi, mais tu devrais t'y sentir bien.
-Merci beaucoup.
-Il n'y a pas de mal. On est très content de pouvoir s'occuper de toi, Prune.

François referma la porte du bureau en sortant. Prune regarda autour d'elle: la pièce était assez petite. Il y avait une petite fenêtre, une grande armoire à côté du gros bureau de Doremi et un petit lit d'une place. La valise de Prune trônait au milieu de la pièce. Elle l'ouvrit et en sortie quelques affaires afin de se mettre plus à l'aise. Une fois qu'elle eut fait ça, elle retourna au salon où Doremi l'attendait assise sur le canapé.

-Assis toi, je t'en prie. Tout est arrangé avec ta mère. Je l'ai un peu sermonné: quoi de plus normal ! Elle ne me préviens même pas que tu viens t'installer ici. J'ai demandé aussi pour que tu t'installes ici pour la semaine mais elle a dit que tu voulais être à l'internat.
-Oui, oui, ça me plaît assez d'être près du lycée.
-Comme tu le souhaites mais si tu changes d'avis, le bureau reste ouvert !
-C'est très gentil. Merci beaucoup de votre hospitalité à vous trois.
-C'est normal, voyons ! Bon, raconte moi un peu, comment c'était Tokyo ? Ce n'est pas trop dur d'être séparée de ta maman ?
-Non, enfin... c'était une bonne décision. J'ai détesté Tokyo, à vrai dire. Être loin de tous ceux que je connaissais. Ça me rassure d'être à Misora. Je m'y sens chez moi.
-Ah... crois-moi, je te comprends.

Doremi tapota affectueusement l'avant-bras de Prune. Elle était contente de la voir. Depuis trois ans, Doremi n'avait pas vu Loulou. Ce n'était pas faute d'avoir demandé si elle pouvait aider. Mais Loulou avait refusé chacune de ses propositions. Et puis, Noé était mort. Doremi avait décidé d'appeler Loulou tous les jours. Parfois l'actrice ne répondait pas à l'appel, mais il ne faisait aucun doute qu'elle les voyait tous. La maman de Rey voulait être présente pour son amie: elle le ferait en prenant bien soin de sa fille.

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