Chapitre 3
Martha attendait Rey, devant l'école. Son père l'avait déposée, ce matin. C'était rare que ce soit lui qui l'emmène. D'habitude, c'était la mère de Rey qui venait la chercher et qui l'emmenait jusqu'à l'école.
-Désolé de t'avoir fait attendre, nous nous sommes réveillés en retard, ce matin, lâcha Rey les mains jointes.
-Pas de problème, j'ai l'habitude, rit-elle.
Ils marchèrent dans les couloirs de l'école. Rey et Martha étaient toujours fourrés ensemble, si bien que leurs camarades pensaient qu'ils étaient amoureux. Mais en réalité, il n'en était rien. Les deux meilleurs amis se connaissaient depuis la naissance. Ils n'avaient que deux semaines d'écart et leurs mères étaient meilleures amie de longues dates. Ils avaient donc passé toute leur enfance entre leurs deux maisons respectives.
La mère de Rey lui avait expliqué que celle de Martha avait été violoniste professionnelle. Elle avait beaucoup voyagé pour se produire sur scène avec l'orchestre symphonique de Tokyo. Elle avait aussi eu l'immense privilège de jouer la musique de certains films à succès. Mais quand elle était tombée enceinte de sa fille, elle avait décidé de retourner vivre à Misora et de devenir professeur de violon. C'est de cette façon que Martha et Rey avaient pu grandir ensemble.
-Oh Justin !, s'écria Rey.
En face de lui, adossé un mur, un garçon aux cheveux bleus foncés, tombant sur sa nuque, regardait face à lui. Deux longues mèches de ses cheveux se surélevaient, donnant l'impression qu'il s'agissait de mèches rebelles. Il portait son éternelle chemise vert d'eau, son pantalon d'un blanc immaculé et ses baskets de sport grise. Beaucoup de filles craquaient littéralement pour lui. Quand il tourna la tête vers Rey qui le saluait de la main, ses yeux bleus clairs se mirent à briller. Martha se mit à rougir. Voilà pourquoi Martha et Rey n'étaient pas amoureux, tout simplement parce que Martha en aimait déjà un autre. Elle essayait tout de même de rester discrète sur ses sentiments envers Justin.
Rey se rua sur lui et lui tapa dans la main. Martha avançait lentement, derrière son meilleur ami.
-J'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne t'ai pas vu !
-Tu exagères !
Justin souriait. Il replaça son sac sur une seule épaule.
-J'ai une compétition d'athlétisme, tout à l'heure.
-C'est déjà maintenant ?, demanda Martha. Je croyais que tu suivais d'autres cours de sport.
-C'est vrai, mais ce soir, c'est athlétisme. Et le prof nous a dit qu'on avait une compétition.
-On viendra t'encourager !, lâcha Rey très enthousiaste.
-C'est super gentil ! J'espère avoir la première place !, dit-il en levant le poing en signe de triomphe. En plus, ma mère a dit qu'elle viendrait me voir ! Je ne veux pas la décevoir !
-Tu m'étonnes !
Les trois amis étaient très enthousiasmés par la venue de la mère de Justin. Il faut dire que Martha et Rey adoraient Sophie Sokuryoku. Elle était très énergique et très débrouillarde. Son mari et elle, semblaient souvent en compétition, quand il s'agissait de faire du sport. Cette femme était une vraie battante. De plus, elle aussi, était une des meilleures amies des mères de Martha et Rey.
-En classe !, cria une voix que les trois amis ne connaissaient que trop bien.
La maîtresse s'arrêta net, voyant les trois amis ensemble. Elle se sentit tellement nostalgique, tout d'un coup.
-Rey et Martha, ce n'est pas votre classe ! Mademoiselle Coco va vous attendre ! Dépêchez-vous !
-Oui maman...
Ils saluèrent Justin de la main, qui leur lança un clin d'œil avant de rentrer dans sa salle de classe.
Justin s'installa à sa table. À côté de lui, se trouvait Prune Ohno. C'était une jeune fille plutôt discrète avec de longs cheveux noirs, coiffés de deux petits chignons, laissant les autres parties de ses cheveux libres. Ses yeux violets rappelaient ceux de sa mère. Justin et Prune étaient très amis. Et pour cause, la super star Loulou Segawa, du moins Ohno maintenant, était la mère de la petite Prune. Il faut savoir que Loulou et Sophie étaient aussi très amies quand elles étaient enfants. Et lorsque la star a décidé de venir s'installer à Misora pour éviter les paparazzi afin de faire vivre une existence correcte à sa fille, les deux amies d'enfance se sont retrouvés. Prune et Justin se sont tout de suite entendus. Même s'ils ne ressemblent pas beaucoup, ils sont comme chien et chat. Ils révèlent leur vrai visage quand ils sont en compagnie de l'autre.
-En retard, Justin ? Ça ne te ressemble pas..., souffla Prune.
-Parler en cours, c'est ça qui ne te ressemble pas...
Il lui tira la langue tandis qu'elle levait les yeux au ciel. Madame Tetsuya était plantée devant le bureau de Justin.
-Je ne vous dérange pas ?, demanda-t-elle.
Justin blêmit et Prune cacha sa bouche avec sa main. Elle était en train de rire discrètement. La maîtresse aux longs cheveux rouges retourna devant le tableau. Elle interrogea un autre élève. Prune tira la langue à Justin. Il fit mine de bouder. À la récréation, il lui ferait payer.
***
-Rey ? Où est-il encore ?
-Tu me cherchais ?
Il regarda sa mère, droit dans les yeux. Cette dernière avait toutes ses affaires à bout de bras.
-Je te ramène, ce soir...
-Oh, désolé mais je rentre avec Martha. Aujourd'hui, elle est libre. En plus, j'ai promis à Justin de venir l'encourager.
-Ah... ah bon ? Bon bah... à tout à l'heure alors.
Doremi était déconcertée. Elle n'imaginait pas que son fils s'entendait si bien avec la fille d'Émilie. Il faut dire que les chiens ne font pas des chats. Doremi avança dans les couloirs vides de l'école. Ça lui rappelait son enfance. C'est ici même, qu'elle avait rencontré ses meilleures amies: Sophie, Loulou et Mindy. Pour ce qui est d'Émilie, elle la connaissait déjà de la maternelle. Mais plus important encore, c'est ici qu'elle avait rencontré François: son mari. À cette époque-là, elle n'aurait jamais pensé qu'un jour, elle finirait par devenir institutrice. C'était vraiment pas gagné à l'époque. Elle toqua à la porte, face à elle.
-Entrez !
-Mademoiselle Kiki, bonsoir.
Doremi referma la porte derrière elle. Son ancienne professeur était devenue la directrice de l'école. Bien qu'elle se soit mariée, Doremi peinait à utiliser son nom de mariée quand elle s'adressait à elle.
-Il y a un problème, Doremi ?
Mademoiselle Kiki aussi, avait du mal à appeler son élève par son nom de mariée. Ça ne gênait pas Doremi que son ancienne maîtresse l'appelle par son prénom, au contraire.
-J'aimerai savoir si Rey a fait des progrès récemment...
-C'est à mademoiselle Coco qu'il faut demander ça.
Elle croisa les bras sur sa poitrine, un peu surprise que Doremi lui demande ça.
-Je sais bien mais... est-ce qu'elle vous a fait des rapports à son sujet ou quoi que ce soit ?
-Ne t'inquiète pas pour lui, il est maladroit, pas très fort en cours et surtout, quasiment toujours en retard, mais il progresse. Martha Yada semble être un moteur pour lui, d'après ce que j'entends dire.
-J'avais aussi une autre question...
-Je t'en prie, pose la moi.
Mademoiselle Kiki avait maintenant des cheveux gris et blanc éparpillés un peu partout. Elle n'en restait pas moins ravissante. Ses longs cheveux, autrefois lâchés, étaient maintenant rassemblés dans un chignon.
-Est-ce que vous avez des nouvelles de mademoiselle Koukou ?
Son ancienne professeur se pencha un peu sur sa chaise à roulette. Les deux femmes avaient été très proches à l'époque où Doremi n'était qu'une enfant. Mademoiselle Koukou était le genre de femme si douce que rien que sa voix pouvait remonter le moral. En tant qu'infirmière scolaire, elle veillait bien sur les élèves. Doremi avait une affection particulière pour elle. Penser à cette femme la ramena à une époque si lointaine, qu'elle lui semblait imaginaire.
-Il paraîtrait qu'elle revient bientôt en ville.
-Vraiment ?, s'enquit Doremi très surprise.
-Je crois qu'elle est un peu nostalgique de son poste ici. Elle aimait beaucoup cette école. C'est ce qu'elle m'a dit, la dernière fois que je l'ai eu au téléphone.
Doremi souriait. Si mademoiselle Koukou revenait en ville, ça ne pouvait être qu'une bonne nouvelle. Bien que son existence, face partie de sa vie d'avant, elle n'en oubliait pas moins à quelle point, mademoiselle Koukou avait eu un rôle primordial dans son enfance.
-Bien, j'espère que ça se fera !
-Moi aussi, à vrai dire...
Mademoiselle Kiki, aussi, était très souriante. Doremi se courba respectueusement, salua sa directrice et quitta l'établissement. Elle avait hâte de rentrer à la maison et de retrouver François. Son mari était devenu l'entraîneur des équipes de football qui existaient, à Misora. Il s'occupait de jeunes gens de cinq à dix-huit ans. Son emploi du temps était relativement chargé mais il aimait particulièrement faire de sa passion, son métier. François avait longtemps rêvé de briller dans un stade mais après le lycée, il avait eu un accident qui l'avait condamné à exercer plutôt cette carrière d'entraîneur. De plus, amoureux depuis l'école primaire de Doremi, il avait préféré l'épouser et mener une vie bien rangée. François aimait aussi passer du temps à jouer avec son fils, quand son genoux ne le faisait pas souffrir.
-Je suis rentrée !, cria Doremi dans l'entrée.
Elle se déchaussa. Une délicate odeur vint jusqu'à ses narines. Ses yeux se mirent à scintiller et elle se mit à courir vers la cuisine.
-Tu fais du steak !
Elle salivait déjà, sans s'en rendre compte. François se tourna vers elle. La vision de Doremi retransmettait la scène différemment. C'était flou, avec des contours roses mielleux et des tonnes de cœurs flottants autour de son mari.
-Doremi ! Doremi ! Doremi !
-Hmmm...
-Tu m'écoutes ?
Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits. François se moquait d'elle. Elle prit une mine boudeuse. Il recula un peu jusqu'à atteindre son épouse et déposa un baiser sur sa joue.
-Ta journée c'est bien passée ?
-Parfaitement bien. Rey est rentré ?
-Oui, il est dans sa chambre. Le dîner est bientôt prêt.
-Depuis quand tu fais la cuisine ?
-Depuis que tu pars tard de l'école...
-Désolée, dit-elle en se grattant la nuque. Je devais voir mademoiselle Kiki.
-Rey, à table ! Ce n'était pas grave, j'espère ?, demanda François en arquant un sourcil.
-Non, non, non !
Rey descendit de sa chambre en courant. Lui aussi, avait les yeux brillants, rien qu'en sentant l'odeur du steak.
-Un steak..., dit-il en bavant.
-On sait de qui, il tient celui-là...
Au moment où il acheva cette phrase, François se rendit compte que son fils et sa femme se tenait les mains, les yeux remplis d'étoiles, de la bave sur la commissure des lèvres. Il leva les yeux au ciel, puis se mit à rire. Telle mère, tel fils !
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