Rêve de Noël : Deuxième flocon
- Et alors, le wrag ouvrit une laaaaaarge gueule et s'envola...
- N'importe quoi, se mit à rire Lur' en riant, pas impressionnée pour un sou. Les wrags, ils volent pas du tout !
Le prince charmant eut une moue boudeuse et replaça la couverture au-dessus de leur tête qui les maintenait dans un cocon de chaleur. L'après-midi était glaciale et le ciel si sombre que l'on se serait cru proche de la nuit. Mais, cachés dans leur château-cabane, les enfants n'en avaient cure.
- Bon, alors, pourquoi ils te font si peur ?
- J'ai pas peur, se renfrogna la fillette. Mais... Bah, ils ne volent pas, mais ils courent plus vite que nous. Ils grimpent mieux, et ils creusent aussi.
- Fort bien, je vois...
Le garçon réfléchit puis reprit d'une voix qui se voulait impressionnante :
- Alors, le wrag s'arrêta et huma l'air. Il sentait la petite fille qui se cachait derrière l'arbre. Il avait très faim. Mais vraiment très très faim. Il allait la croquer.
- Les wrags ne te croquent pas, le coupa Lur' en grimaçant. Ils t'ouvrent le ventre pour t'arracher les boyaux. Et, après, ils te dévorent encore vivant.
Ce fut au tour du garçon de froncer les sourcils. Il devait être choqué par le vocabulaire de sa nouvelle amie. Il était rare qu'une gamine de six ans emploie de tels mots. Mais Lur' était très sérieuse et il devina qu'elle en connaissait réellement plus que lui sur le sujet.
- Bon, d'accord. Si je veux faire peur à mes frères, il va falloir que je m'améliore, songea-t-il à voix haute.
- Et ta petite sœur ?
Il sourit :
- Non. Elle, elle est trop gentille ! Je ne veux pas l'effrayer, elle pleure déjà pour un rien.
- La mienne aussi ! C'est encore un nouveau-né, tu sais !
Ils échangèrent un sourire de connivence. Ils avaient appris à mieux se connaitre durant ces derniers jours. Lur' était satisfaite. Le prince charmant se révélait fidèle à son rôle. Il était gentil et lui racontait de chouettes histoires. Et, surtout, il ne la traitait pas comme un bébé.
- Alors... alors... le wrag se délecta des intestins de...
- Beurk ! Mais là c'est trop horrible ! protesta la fillette en repoussant la couverture, leur infligeant un courant d'air glacial.
Il eut une moue penaude :
- Tu as raison... c'est dégoûtant... Bon...
Puis, comme s'il comprenait enfin comment s'y prendre, il replaça une nouvelle fois la couverture par-dessus leurs têtes et reprit en plongeant ses yeux dans les siens, le regard sombre :
- La petite fille restait figée derrière son arbre. Elle tâchait de retenir son souffle. Le wrag approchait. Elle le sentait. Il la sentait. Encore quelques pas. Elle entendait ses griffes racler le sol. Sa respiration fétide parvenait jusqu'à elle.
La petite fille suffoquait. Mais elle n'avait pas le choix. Si elle respirait... La bête se déplaçait souplement. Encore quelques pas. La fillette restait recroquevillée sur elle-même, un poignard dans la main. Ne pas reprendre son souffle. Ses poumons allaient éclater. Le wrag approchait. Encore quelques pas. Et soudain...
RAHHHAAARRRHHH !
Lur' hurla de terreur quand le prince charmant se jeta sur elle pour la chatouiller. Se débattant à grands coups de pieds et de poings, il ne consentit à la relâcher que lorsqu'elle réussit à lui cogner sur le nez.
Lur' se releva, mi riant, mi pestant, sans même prendre la peine d'épousseter ses vêtements qui étaient, comme souvent, tous crottés de ses escapades. Sa moue vexée d'avoir crié de peur s'effaça vite devant la satisfaction d'avoir fait mordre la poussière au vilain prince, pas charmant du tout.
- Tu es complètement folle, et surtout dangereuse, ma parole, marmonna-t-il sans pouvoir s'empêcher de pouffer.
Elle lui tira la langue, puis elle vit son sourire et ne put résister à le lui rendre.
- C'était bien joué, messire l'affreux !
Quand elle s'aperçut qu'il comprimait sa narine ensanglantée, elle se força même à afficher un air contrit.
- Désolée... Je ne voulais pas te blesser...
Elle lui tendit un mouchoir tiré des petits trésors qu'elle amassait dans sa cabane. Le prince, quand même un peu charmant, fit la grimace en voyant l'état du tissu mais accepta le présent de bonne grâce.
Lur' plia la couverture et la rangea avant de ramasser son arc et ses flèches. Il était temps de rentrer, sinon elle raterait encore le ragoût de Mamah.
- Dis, tu me raconteras une autre histoire, demain ?
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