Chapitre 2 - Corey

Je me fraie un passage dans le couloir principal du lycée, déjà agacé par ma journée. Nous avons perdu un match amical de Lacrosse alors que l'équipe face à nous ne sait pas jouer, mon C en littérature n'améliore rien, et j'ai l'impression que la journée ne fait que s'empirer. Sans compter la présence de Diana à la maison...

Tout ceci me rend complètement dingue. Cette fille est tout ce que je déteste, tout en étant tout ce que je désire. Elle est intelligente, réussit tout ce qu'elle entreprend, et pire que tout, elle est plus que mon genre... La tentation à deux pas de moi.

Comment peut-elle être insupportablement attirante ?

Ses longs cheveux blonds sont toujours détachés et tombent en cascade dans son dos, et ses formes attirent plus d'un regard, même si elle ne semble visiblement pas y porter attention. L'année dernière... Les choses auraient pu arriver entre nous. A présent, il n'y a pas la moindre chance pour que je cède à la tentation. C'est d'ailleurs pour cette raison précise que j'ai tout fait pour me montrer désagréable et la tenir très loin de moi. La garder éloignée, c'est éviter d'être tenté, et elle me le rend bien. Mais à croire que le ciel m'en veut, il a fallu qu'elle vienne habiter chez-moi, juste à côté de ma chambre...

Quand mes parents ont soumis l'idée d'être famille d'accueil pour venir en aide aux gens dans le besoin, j'étais mitigé. Pourtant je me suis dit qu'avoir un autre gars à la maison serait sympa... Je ne pensais pas à une fille. Et certainement pas à quelqu'un que je connais et avec qui j'ai un passif. Mais comment expliquer à mes parents que j'ai failli coucher avec Diana ? Je ne le peux pas.

Je passe près des casiers des dernières années sans porter d'attention à ce qui m'entoure, jusqu'à ce qu'un des mecs de l'équipe de natation m'arrête d'un geste.

- Eh mec !

Je me tourne vers Darren, le regard interrogateur même si je n'ai aucune envie de discuter. Je veux juste qu'on me foute la paix, et rentrer chez moi.

- J'ai un service à te demander... commence-t-il.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Je m'appuie contre son casier, les bras croisés.

- J'ai entendu dire que Shannon et toi étiez proches...

Je lève les yeux au ciel, agacé par cette rumeur. Shannon clame à qui veut bien l'entendre qu'on a passé la nuit ensemble il y a peu. En réalité, je crois que j'ai dû coucher avec elle l'année dernière... Et ça ne devait pas être mémorable pour que je ne retente pas l'expérience, même si elle aime faire croire qu'elle et moi, c'est récurrent. Mais à quoi bon démentir ? C'est une perte de temps pour moi.

- Bien sûr. Et qu'est-ce que ça pourrais bien t'apporter ?

- J'aurais voulu l'inviter à sortir. Est-ce que tu crois que tu pourrais me filer un coup de main ? L'équipe de natation ne lui fait pas grand-effet...

Je soupire, n'osant pas lui dire qu'il n'a aucune chance. Shannon ne s'intéresse qu'à un type de personne : ceux qui pourrait la faire évoluer dans la société. Elle est intelligente, mais surtout opportuniste. Son but est de réussir dans la vie, peu importe par quelle façon, et un mec comme Darren n'a malheureusement rien à lui apporter. Mais au lieu de le mettre en garde, je retire ma veste d'équipe de Lacrosse, et je la lui tends sous son regard surpris. Il se rendra bien vite compte qu'elle n'est parfaite qu'en apparence.

- Mets-là. Si elle croit que t'as intégré l'équipe de Lacrosse, elle acceptera plus facilement. Puis si jamais les choses ne continuent pas quand elle comprendra... C'est que ça ne pouvait pas marcher entre vous.

Et accessoirement, si elle est avec lui, elle me lâchera...

- Merci Williams ! Plus qu'à me lancer maintenant !

Il attrape ma veste, l'air ravi, et je n'attends pas de savoir comme il compte s'y prendre pour me détourner. Je poursuis ma route jusqu'au bureau du directeur avec lequel j'ai rendez-vous, appréhendant ce qu'il peut avoir à me dire. Je n'ai plus beaucoup de temps avant que les admissions en université ne commencent à être annoncées... Et je n'ai qu'une hantise, ne pas réussir à être admis dans les facs que je vise. Les gens ont beau penser que mon avenir est tout tracé, ce n'est pas vrai, et c'est précisément ce qui me taraude.

Une fois devant le bureau, je suis surpris de voir la porte s'ouvrir et une tête blonde que j'évite depuis ce matin en sortir. Diana sourit au directeur, l'air visiblement satisfaite de son entretien, et je reste figé à les observer dialoguer. Je ne devrais même pas la trouver belle lorsqu'elle sourit.

- Encore félicitations, mademoiselle Cooper. Continuez ainsi et vous serez sur la liste des admissions anticipées ! la congratule le directeur.

Elle hoche la tête, un sourire fier aux lèvres, puis elle passe à côté de moi après avoir remercié le directeur sans même me calculer. A-t-elle compris qu'il vaut mieux qu'elle se tienne éloignée ? Peut-être bien... et je ne devrais pas en être déçu. Mais je ne relève pas, m'avançant jusqu'à la porte où le directeur m'attend déjà, j'ai bien plus important à gérer.

- Je suppose que vous savez pourquoi je vous ai convié ? me demande-t-il.

- Pour mon admission à l'université, comme tous vos rendez-vous en ce moment, supposé-je sans difficulté.

- En effet. Comme nous en avons déjà discuté, le sport est l'une des choses qui vous permettent de garder une moyenne élevée... commence-t-il en m'invitant à m'installer sur une chaise.

- Vous me l'avez déjà dit, oui. Et c'est pour ça que mes heures d'entraînement ont doublé en plus de l'augmentation de mon travail personnel.

- Ce n'est pourtant pas suffisant.

Je dévisage le directeur, retenant la colère de s'exprimer face à ses mots. Il glisse mon relevé de notes vers moi. Je n'ai pas besoin d'y jeter un œil pour savoir ce qui y est écrit. Mes notes ont nettement augmenté ces dernières semaines, j'ai travaillé dur pour atteindre mes objectifs, mais ce n'est jamais suffisant. Tant qu'on ne s'appelle pas Diana Cooper et que notre pire note se résume à un A-, rien n'est jamais assez bien. Je ne suis pas le plus brillant des élèves, je le sais. Pourtant je travaille dur, je me donne à fond afin de pouvoir réussir, alors savoir que tout ceci ne sert peut-être à rien... C'est un échec à mes yeux.

- Ne me regardez pas comme ça, Monsieur Williams. Vos parents ont beau connaître du monde, les places dans ces facultés ne sont pas données...

- Je le sais, merci. Et c'est pour ça que je redouble d'effort depuis des mois. Alors où est votre problème ? m'agacé-je. Je suis passé de C- à B+ dans toutes les matières, et je suis à deux doigts d'atteindre un A-, alors ne me dites pas que je ne fais pas assez d'effort.

J'en ai marre que tout le monde pense que je ne mérite pas ma place parce que ma famille pourrait m'ouvrir des portes. Ce que les gens ignorent, c'est que mes parents ne me pensent pas capable de réussir. Selon eux, je devrais me concentrer sur un cursus sportif, qui conviendrait mieux à mes aptitudes. En réalité, personne ne m'ouvrira de portes, je ne peux compter que sur moi-même pour tenter de trouver les clés pour les ouvrir et d'entrer à l' université. Alors même si le sport est ce qui me permet de conserver une moyenne à B+, ce n'est pas le cursus universitaire que j'envisage, loin de là.

- Monsieur Williams, ce que je suis en train de vous expliquer, c'est qu'à l'heure actuelle, vous ne serez accepté dans aucune des universités que vous souhaitez. Vous êtes un bon élément, mais il y a tout de même des élèves dont le dossier intéressera bien plus de grandes universités.

Mon visage se décompose alors que je sais déjà de qui il parle. Le nombre de places dans ces universités est très limité... Et j'ai un exemple parfait d'élève qui me passera devant.

- Des élèves comme Diana Cooper, c'est ça ? lâché-je amèrement.

- Entre autres, oui. Sans compter que son investissement dans les activités de notre établissement est impressionnant.

- Alors quoi ? Je dois aller nettoyer Central Park et ce genre de connerie ?

Habitué à ma façon de parler, le directeur secoue la tête afin de me détromper sans relever mon vocabulaire. J'ai compris que mon dossier n'est pas suffisant, mais si je dois rajouter des activités à mon emploi du temps, je ne pourrais jamais tout concilier. Mes journées ne durent que vingt-quatre heures, et entre le sport, mes cours, et le travail que je tente de fournir en dehors, je ne peux pas faire plus.

- Non, Corey, dit-il avec plus de familiarité. Je pensais plutôt à l'option théâtre. Dans une semaine auront lieu les auditions, c'est l'occasion pour vous d'ajouter un plus à votre dossier scolaire.

- Du théâtre ? Sérieusement ? Et c'est quoi comme pièce ?

J'aime la littérature, ça a toujours été le cas, sauf que je ne suis pas de ceux qui aiment jouer une pièce de théâtre. Surtout qu'apprendre des répliques demande un travail considérable... Travail que je ne pourrais jamais fournir en si peu de temps.

- Roméo et Juliette, me répond le directeur. Je précise que cette participation est notée.

Je le dévisage, perplexe. Shakespeare ? Ils ne pouvaient pas choisir plus classique ? L'histoire de Roméo et Juliette a été vue et revue. Tout le monde en connaît l'issue, et la jouer est une perte de temps à mes yeux. Mais suis-je vraiment en position de négocier ? Je ne le pense pas. Pour atteindre le cursus de journalisme dont je rêve, je ne dois pas faire le difficile. Si quelque chose d'aussi ridicule que du théâtre peut m'ouvrir des portes... Alors je ferais ce que l'on me demande.

- Et je dois avoir un rôle important, je suppose ? Ou une réplique suffirait ?

Le directeur ne cache même pas son exaspération.

- Une réplique suffit. Mais mettez y du vôtre, Monsieur Williams...

- J'y met du mien, sinon je n'envisagerais même pas cette option. Avez-vous autre chose à me dire ? Une autre mauvaise nouvelle à m'annoncer ?

Le directeur replace ses lunettes sur son nez, l'air aussi fatigué par ma présence que je le suis par la sienne.

- Non, vous pouvez disposer.

Je me lève sans attendre, la mâchoire crispée, et je quitte le bureau du directeur en fonçant dans les couloirs. Le directeur pense bien faire, mais en réalité, il ne fait qu'augmenter mon agacement. J'ai bossé dur, bon sang ! Je fais tout pour réussir à entrer dans une université réputée, mais mes efforts ne portent visiblement pas leurs fruits. Et maintenant je vais devoir bosser pour une foutue pièce de théâtre dont je me moque royalement ! Je prends la direction des vestiaires pour être seul, et j'y jette mon sac sans ménagement, marchant dans tous les sens en tirant sur mes mèches.

- Putain ! dis-je en donnant un coup de pied dans un casier.

Je me laisse tomber sur un banc, ma tête entre mes mains. Ça fait des mois que je travaille comme un dingue pour mes études ! J'ai abandonné les soirées, les filles, j'ai littéralement mis ma vie entre parenthèses pour prouver aux autres et à moi-même que je suis capable de réussir ! Je ne suis pas un sportif sans cervelle, j'ai des ambitions, mais même quand je tente de le prouver, rien ne fonctionne ! Je relève la tête lorsque des pas se font entendre, et mon regard croise celui marron de Diana qui m'observe, figée. S'il y a bien une personne que je ne veux pas voir, c'est elle. Elle va sûrement être admise à Yale comme elle en rêve, et je n'ai pas envie de la voir étaler son succès par-dessus mon échec.

- Tu veux quoi ? Tu me suis maintenant ? lâché-je brusquement.

Elle fronce les sourcils, pas le moins du monde intimidée. Elle le devrait.

- Je viens lire ici tous les jours, dit-elle en montrant un roman qui m'est inconnu.

- Va lire ailleurs, à ce que je sache tu n'es pas dans l'équipe de sport.

Diana reste un instant à m'observer, perplexe, et je ne détourne pas une seule fois le regard. Je me moque d'être brusque, qu'elle me considère comme un abruti fini, parce que je sais que c'est déjà comme ça qu'elle me voit. Après la nouvelle que je viens d'apprendre, je ne suis d'humeur à voir personne.

- Tu es un tel connard, je trouve ça fascinant, souffle-t-elle.

- Je te demande pardon ?

Je me relève, la mâchoire un peu plus crispée. Ce n'est clairement pas le moment pour m'insulter. Elle est peut-être intouchable pour moi, mais ça ne lui donne pas tous les droits, encore moins aujourd'hui.

- Oui, tu as raison de t'excuser, répond-elle en souriant avec assurance. Bon, je suppose que ma lecture ne sera pas pour aujourd'hui, je te dis à ce soir chez toi !

Elle tourne les talons, ses longs cheveux blonds bougeant au rythme de ses mouvements, et je l'observe partir, pantois. Elle m'insulte puis part en ayant le dernier mot ? Depuis quand je me laisse marcher dessus par une fille comme elle ? Il est hors de question qu'elle me traite de sa façon alors qu'elle ignore tout de ma vie. Alors avant qu'elle ne quitte le vestiaire, je me lève et attrape son poignet, ce qui me vaut un regard noir de sa part.

Je ne devrais pas autant aimer l'énerver.

- Ne me touche pas, Corey.

- C'est marrant, à une époque tu ne disais pas ça...

Elle recule vivement, le visage à présent rouge à la mention de ce qui a pu arriver entre nous l'année dernière. Je ne regrette pas, peut-être qu'elle si... En tout cas, elle s'en souvient aussi bien que moi, et comme je m'en doutais, elle n'en a jamais parlé à personne. Et je dois avouer que ça m'arrange.

- Tu n'es qu'un crétin. Reste dans ta merde et agresse tout le monde, mais oublie moi, crache-t-elle.

- T'oublier ? On partage un mur, Jolie Diana. J'entends tout ce que tu peux dire ou faire... T'oublier risque d'être complexe.

Elle me repousse violemment, en colère, et un sourire étire mes lèvres. Nous savons tous deux que ces quelques mois à devoir cohabiter ensemble vont être un enfer... Et c'est bien la seule chose qui arrive à me tirer un sourire aujourd'hui. L'enfer ne m'a jamais paru aussi attrayant, tout en sachant que je risque de me brûler les ailes.

- Si cette histoire ressort, je te préviens... commence-t-elle.

- Tu feras quoi ? On sait tous les deux que tu n'es pas en mesure de faire quoi que ce soit.

Elle s'approche de moi, le regard dur et les poings serrés, pas le moins du monde dérangée par sa tête de moins. C'est ce qui m'avait attiré chez elle, son tempérament de feu. Elle a débarqué dans notre lycée comme une bouffée d'air frais avec son innocence et sa répartie à toute épreuve... Puis elle a vite compris que même à notre âge, tout n'est pas rose, et sa répartie est devenue son moyen de défense. Elle a certes un caractère fort... mais elle ne fait pas le poids face à moi, même si j'ai hâte de voir jusqu'où elle pourrait aller...

- Ne me sous-estime pas, Corey.

- Je ne te sous-estime pas, j'attends même avec impatience de voir jusqu'où tu es capable d'aller...

Je me penche vers elle en pinçant son menton entre mon pouce et mon index, et j'observe ses lèvres avec l'envie de m'approcher, mais Diana me repousse d'un geste sec, le visage brûlant, avant de quitter la pièce d'un pas pressé, me fuyant sans même s'en cacher. A nouveau seul, je me laisse tomber sur le banc à nouveau, un long soupire m'échappant, sachant pertinemment que je joue avec le feu lorsque je suis avec Diana... Mais c'est plus fort que moi. Mon avenir est incertain, et je vais devoir partager ma baraque avec une tentation perpétuelle sous les yeux... Qu'est-ce que j'ai fait pour en arriver là ?

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