Chapitre 1 - Diana

Qui aurait cru qu'en l'espace d'une semaine, ma vie se verrait être bousculée de cette façon ? Certainement pas moi. Il y a quelques jours encore, j'étais dans cet appartement misérable, entourée de mes cours, à tenter de gérer des problèmes qui ne sont pas les miens, vivant une vie dont je me contentais sans broncher. Mais voilà, il a fallu qu'un voisin comprenne la situation... Et joigne le département de la santé et des services sociaux pour qu'ils s'occupent de ma situation.

En peu de temps, ils ont vite compris que ma mère était accro au crack, et que je passais mon temps à tenter de lui sortir la tête de l'eau, sans compter le défilé d'homme tout aussi accro qu'elle plusieurs fois par mois... les voisins ont fini par trouver notre situation étrange, et il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que les réserves de drogue de ma mère soient trouvées et que ma garde lui soit retirée. Je pourrais dire que j'en suis surprise... Mais ce serait un mensonge. Je savais que ce genre de choses allait arriver, parce qu'il ne pouvait pas en être autrement. Je regrette seulement de devoir m'éloigner de ma mère et la laisser suivre seule sa cure de désintoxe...

Je me retrouve à devoir vivre en famille d'accueil, et ma mère ne pourra récupérer ma garde qu'à la seule et unique condition d'être complètement sevrée de son addiction. En d'autres termes, ça n'arrivera jamais. Elle n'a jamais arrêté pour moi, ça ne changera pas aujourd'hui ...

J'inspire bruyamment, le cœur battant à tout rompre, avant de grimper ces quelques marches qui mènent tout droit à ma nouvelle vie. Face à cette énorme maison, j'ai l'impression de me retrouver bien loin de la réalité dans laquelle je vivais. Je m'approche de la grande porte ancienne et j'appuie longuement sur la sonnette jusqu'à ce que quelqu'un daigne ouvrir. L'attente me paraît interminable alors que je sais précisément ce qui m'attend derrière cette porte. Comme je m'y attendais, Corey Williams apparaît dans l'embrasure de la porte, sourire suffisant aux lèvres et regard charmeur. Je ne me ferais pas avoir par sa belle gueule. Je ne dois pas sortir de mes gonds. Pas maintenant.

- Que puis-je faire pour toi, jolie Diana ? susurre-t-il comme il aime le faire durant nos cours en commun.

Je plisse le nez, me retenant de toutes mes forces de l'insulter. Je ne dois pas instaurer une ambiance plus mauvaise qu'il n'existe déjà entre nous... Car je vais vivre avec lui ces prochains mois. Il est certes attirant en tout point, mais il est surtout incroyablement agaçant. Mais je dois faire bonne figure pour les semaines à venir, jusqu'à ce que les admissions en université soient annoncées et que j'ai la certitude de pouvoir quitter cette vie que je n'ai pas choisie.

- Toi, tu ne peux rien faire pour moi. Mais tes parents en revanche, ils m'attendent... soupiré-je.

Corey fronce les sourcils, visiblement perplexe, avant que son visage ne s'éclaire et que son regard se fasse plus sombre. Enfin, il comprend.

- Me dit pas que c'est toi qui va être en famille d'accueil ici ? lâche-t-il, brusquement, l'air peu ravi.

- Eh si... Tu en as de la chance, n'est-ce pas ?

Si on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas non plus sa famille d'accueil...

- Donc c'est ton assistante sociale dans notre salon ? poursuit-il.

- Bon, Corey, tu me laisses entrer, oui ou non ?

Il ne cache même pas son agacement en s'écartant du passage, son regard bleu glacial posé sur moi et me détaillant de la tête aux pieds. Je ne suis pas plus ravie que lui à l'idée de vivre ici. Quand j'ai su que j'allais me retrouver chez lui pour les quelques mois qu'il me reste avant l'université, avant ma liberté, j'ai cru que je n'allais pas m'en remettre. S'il y a bien une personne avec qui je suis incapable de rester plus d'une demi-heure sans m'énerver, c'est lui. Aussi parce que je déteste cette attraction qu'il y a entre nous malgré tout.

Son sourire dragueur et son air de tombeur m'horripilent plus que ce que les mots sont capables de l'exprimer, simplement parce que cela m'atteint un peu trop. Heureusement, je n'ai que quelques mois à devoir vivre sous le même toit que Corey Williams, homme imbuvable et insupportable.

Je passe à côté de lui sans même lui jeter une œillade, faisant le choix de l'ignorer plutôt que de rétorquer, et je le laisse me guider dans les longs couloirs jusqu'à un salon dont les moulures au plafond me donneraient envie de lever les yeux au ciel. Cette maison détonne cruellement avec mon précèdent lieu de vie, mais je ne peux pas nier une chose : sans les Williams, je serais surement à la rue.

Mon assistante sociale est assise sur le canapé, les Williams face à elle, et lorsqu'ils m'aperçoivent en compagnie de Corey, le silence s'abat sur la pièce. Tout est si différent de chez moi... à commencer par les parents de Corey. Monsieur Williams est assis dans le canapé, bien droit, son costume noir tombant parfaitement, et sa femme se tient juste à côté de lui, tirée à quatre épingle. Pour peu, je pourrais les croire tout droit sortis d'une série américaine qui raconterait l'histoire des privilégiés de notre société...

- Tu es en avance, Diana. Je t'en prie, assieds-toi, m'intime celle à cause de qui je me retrouve ici.

Je n'ouvre pas la bouche en prenant place sur le divan, le plus éloigné possible de mon assistante sociale. Je ne l'ai vu que de rares fois depuis que ma mère a été prise en charge, mais je sais d'ores et déjà que je ne la supporte pas. Je dépose mon sac à dos entre mes jambes, puis je jette un regard mauvais à Corey lorsque celui-ci s'assied avec nous. Il est obligé de rester et de tout écouter ? Je n'ai aucune envie d'écouter ses remarques.

- J'étais justement en train d'expliquer plus en détail à Monsieur et Madame Williams ta situation... compliquée, reprend-elle.

Les mains à présent croisées sur mes genoux, je dévisage mon assistante sociale avec perplexité. Pourquoi tourner autour du pot ? Autant appeler un chat, un chat. Je ne supporte pas de la voir prendre des pincettes avec moi, comme si j'étais fragile et incapable d'affronter la réalité. Et s'il y a bien une chose que je ne suis pas, c'est fragile.

- Ma mère est droguée et actuellement enfermée en désintoxe. Dites les choses comme elles-sont, dis-je posément.

- J'essaie simplement de te ménager, Diana.

Je secoue la tête, n'en croyant pas un mot. Bien sûr que non, elle ne veut pas me ménager, elle fait simplement son travail, le reste, elle s'en fout. Elle se moque de savoir que je déteste le fils Williams pour bien trop de raison, ou que je ne sois pas heureuse, elle fait ce qu'on lui demande, rien de plus, rien de moins, et lorsque je quitterais tout ceci pour l'université, elle oubliera mon nom, comme tous ceux qui m'ont précédés.

- J'expliquais donc que j'allais te suivre régulièrement, poursuit-elle. Je vais m'assurer que tes résultats scolaires sont corrects, pour commencer.

- A quoi bon vérifier ? C'est Miss Parfaite, raille Corey en me jetant un regard moqueur.

Je ferme les yeux, contrôlant tant bien que mal la colère qui bout dans mes veines lorsque je me retrouve face à lui. Je ne dois pas lui porter d'attention... Oui, je suis de ceux qui passent des heures à travailler parce que tout ne m'est pas servi sur un plateau d'argent. J'ai besoin de travailler durant de longues heures pour dire d'être ne serait-ce qu'un peu considérée, contrairement à Corey qui sera sûrement accepté là où ses parents ont fait leurs études. Je m'en suis vite rendu compte durant la courte période ou je pensais que quelque chose serait possible entre nous. Alors si réussir signifie être Miss Parfaite, je le suis. L'université de Yale est peut-être une tradition chez eux, mais c'est un rêve pour moi. Et je ne laisserais personne me le retirer.

- Corey, tais-toi ou je te demanderais de sortir d'ici, le reprend sa mère. Nous ferons notre possible pour aider Diana, même si nous n'avons pas spécialement de doute concernant ses réussites scolaires, affirme-t-elle à l'attention de l'assistante sociale. J'ai entendu dire lors de certaines réunions que tu étais parmi les meilleures de votre année, félicitations, me dit-elle directement. Avoir A dans la majorité des matières est impressionnant à votre niveau.

J'ouvre la bouche, déroutée, avant qu'un sourire sincère mais timide n'étire mes lèvres. Je suis dans les meilleures parce que je me suis donné les moyens de l'être... Et les mots de Madame Williams me touchent, parce que je n'ai pas eu l'habitude d'être félicitée. J'ai travaillé dur pour obtenir ces A, c'est la seule manière possible d'atteindre les meilleures universités pour une personne comme moi, peu importe ce qu'un mec comme Corey peut en dire. Je ne me laisserais pas juger sous principe que je me donne les moyens de réussir.

- Merci beaucoup madame Williams, soufflé-je.

- Appelle moi Abby.

Je détourne les yeux, gênée, pour rencontrer le regard noir de Corey que j'affronte sans ciller. Il a beau être respecté au lycée, il ne me fait pas peur. Si je suis Miss Parfaite d'un point de vu scolaire, lui l'est d'un point de vu popularité. Comment lui en vouloir ? Rien qu'en le regardant, il est facile de comprendre pourquoi tant de gens l'apprécie... Et j'étais l'une de ces personnes à une époque. Mais ces remarques ne m'atteignent plus, et même si son regard me donne chaud, je préfère l'ignorer. Il pourra tenter de m'atteindre, j'ai dépassé l'époque où ce genre de personne m'intéressait. S'il y a bien une chose que je me suis promis cette année, c'est de rester focalisée sur ma scolarité et mon avenir, et rien ne m'en détournera.

- Bien, je pense que nous avons abordé tout ce qu'il fallait avant l'arrivée de Diana. Je vais vous laisser faire plus ample connaissance, et s'il y a un problème, vous avez mon numéro, dit l'assistante sociale en se levant pour prendre congé.

- Je vous raccompagne, rajoute Abby.

Mon assistante sociale prend le temps de me saluer, ce à quoi je réponds par un vague signe de tête, et je l'observe, soulagée de la voir partir. L'attention de Williams et de son fils est fixée sur moi, et j'affronte les deux hommes, prête à faire face à ceux qui vont me loger pour quelque temps.

- Alors, Diana, tu fais donc partie des têtes ? demande Williams, intéressé.

- Elle fait partie des intellos coincés, surtout.

Je jette un regard noir à Corey, ce qui ne le fait que rire un peu plus. Ce crétin s'amuse des réaction des autres, et c'est bien ce qui m'exaspère le plus. Coincé ? Je pense que nous savons tous les deux que je ne le suis pas. Pourquoi ne pourrait-il pas m'ignorer ? A une époque, c'est ce qui fonctionnait le mieux pour nous.

- Ce n'est pas parce que je ne suis pas en admiration devant l'équipe de Lacrosse que je suis coincée, le rembarré-je. Et oui Monsieur, du moins, j'espère en faire partie.

- Tu peux m'appeler Marley. Et peu importe ce que Corey peut dire, continue de travailler, c'est important.

- Important mais mortellement ennuyant, grommelle-t-il.

Son père ne dit rien, même s'il entend les remarques de son fils, puis il se lève en finissant son verre d'eau, replaçant sa veste de costume. Tout chez lui donne matière à imposer, jusqu'à sa carrure qui ressemble à celle de Corey, mais il ne m'intimide pas pour autant. Les hommes comme lui courent les rues à New York... Encore plus dans un quartier tel que celui-ci.

- Bien, je vais devoir passer quelques coups de fil importants. Ma femme t'expliqueras les choses plus en détail, mais nous avons prévu quelques sorties tous ensemble durant les prochaines semaines. Nous nous sommes dit que tu aimerais sûrement te sentir bien accueilli, dit-il avec bienveillance. Corey, je te laisse montrer sa chambre à Diana ? Je devrais pouvoir me libérer tôt aujourd'hui.

Le père de Corey ne me laisse pas le temps de lui répondre, il ne regarde plus que son fils. Des sorties ? Avec Corey et ses parents ? Oui, je leur suis reconnaissante d'être ici... Mais ca ne veut pas dire pour autant que j'ai envie de passer mon temps avec Corey. Plus je me tiens loin de lui, mieux c'est.

- Bien sûr, avec plaisir, même... répond Corey sans me quitter des yeux.

Son père quitte la pièce, nous laissant en tête à tête, et je toise Corey sans même prendre le temps de me faire discrète. Maintenant que nous sommes seuls, je ne compte pas me laisser écraser. Si la vie m'a bien appris une chose, c'est qu'il faut déterminer les règles avant que les autres ne le fasse, car il n'y a que de cette façon qu'il est possible de contrôler une situation. Enfin... Sauf quand la personne face à vous aime transgresser les règles.

- Il est hors de question que tu entres dans ma chambre. Tu me montres la porte, rien de plus, c'est compris ? lâché-je sérieusement.

- De quoi as-tu peur, jolie Diana ? Que je me glisse dans ton lit ? Ne t'en fais pas, j'ai déjà donné... dit-il en passant près de moi.

J'inspire profondément avant d'expirer, et je le suis en serrant les poings, mon sac à nouveau sur mes épaules. Je n'ai pas peur de lui ou de son charme qu'il pense irrésistible. Moi aussi, j'ai déjà donné. Je veux juste avoir l'assurance d'un environnement où je me sentirais en sécurité... Et ce ne sera pas le cas si Corey fait partie des meubles.

- Pourrais-tu arrêter d'être condescendant ? demandé-je en fixant son dos.

- Tu devrais t'écouter, ce n'est pas moi le plus condescendant de nous deux, rétorque-t-il. Voilà ta chambre, juste à côté de la mienne... rajoute Corey en me souriant avec espièglerie.

Je fixe la porte blanche, puis mon regard dérive jusqu'à celle d'à côté, derrière laquelle se trouve la porte de Corey. Est-ce que c'est une blague ? Il est hors de question que je partage un mur avec ce bougre, encore plus que sa porte soit si proche de la mienne... Je veux mettre le plus de distance entre nous. Je ne suis pas condescendante, simplement réaliste, lorsque nous sommes ensemble, je suis déroutée et il arrive à me mettre hors de moi, alors plus loin nous sommes loin de l'autre, mieux je me porte.

- La porte est équipée d'une serrure ? m'assuré-je.

- Pourquoi ? Tu veux nous enfermer dedans ? propose-t-il.

Je souffle d'agacement avant de poser une main sur la poignée, mais la porte reste tristement fermée. Je jette un regard noir à Corey qui continue de rire dans son coin, visiblement très amusé par la situation. Et ce son ne devrait même pas m'atteindre.

- Quoi ? Ne me regarde pas comme ça. C'est toi qui vient de demander s'il y avait une serrure... s'amuse-t-il avant d'agiter une clé sous mon nez.

Je l'attrape d'un geste sec puis je déverrouille la porte pour pénétrer dans la chambre et la claquer au nez de Corey, celui-ci continuant de rire d'une façon que je déteste à travers celle-ci. Je m'adosse contre la porte en soupirant, déjà exténuée à l'idée de partager son lieu de vie. Lui et moi... nous ne nous entendrons plus jamais. Je l'ai cru il y a longtemps... Je pensais que Corey était différent... Mais je me trompais. Il a beau être attirant, cohabiter représente un vrai défi. Il est le pire de tous ces fils à papa, parce qu'il est le plus intelligent de tous. C'est un prédateur... et je ne me laisserais pas chasser.

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