vi
— Encore un échec, soupire Angelina en sortant de la salle d'examen.
— Peut-être que si tu assistais aux cours d'histoire de l'art tu réussirais les interrogations, je rétorque, enfin, c'est juste une hypothèse.
— Plus facile à dire qu'à faire, elle répond dramatiquement.
La jeune femme a toujours eu une aversion pour cette matière qu'elle qualifie d'obsolète et frivole. Son désintéressement se traduit par un manque de sérieux incorrigible dont j'ai horreur étant moi-même passionnée par l'histoire de l'art depuis ma plus tendre enfance. Néanmoins j'apprécie nos débats animés sur le sujet bien que nous soyons trop têtues pour écouter les arguments d'autrui. Nos conversations se ressemblent, je multiplie les éloges envers nos aïeux tandis qu'elle blâme la perte de temps occasionnée.
Mon amie sort de son sac un peigne vermillon qu'elle passe doucement dans sa chevelure châtain coupée au carré. Elle ajuste le positionnement de son béret carmin puis me questionne.
— De quoi j'ai l'air ?
— Du stéréotype de l'étudiante en art passionnée par Paris ?
— Parfait, répond Angelina visiblement satisfaite de ma description.
Valentina apparaît à son tour dans le couloir, les joues rougies par la température étouffante de la salle d'examen émanant des quarante cerveaux en ébullition qui y travaillaient. Ses cheveux sont en bataille, comme si elle sortait d'une lutte acharnée bien qu'en réalité son seul adversaire fut probablement le temps.
— Alors ?
— Si seulement ils m'avaient laissé cinq minutes supplémentaires, se lamente la petite blonde en replaçant son sac en toile sur son épaule.
Angelina s'empresse de critiquer la forme de l'épreuve mais je ne l'écoute plus.
— Vous savez quelle heure il est ? Finit-elle par déclarer en faisant mine de regarder l'heure sur sa montre invisible.
— L'heure d'aller boire un verre à L'attrape-Coeur ? Propose la seconde étudiante.
Je me réjouis à l'évocation de notre lieu favori, un café aux allures de bibliothèque à quelques pas de l'école. Les douces éffluves de cafés embaumant la pièce ainsi que l'ambiance chaleureuse nous ont convaincu de le désigner comme notre quartier général. En outre, cet endroit se distingue par la présence de nombreux livres trônant sur des étagères de bois brun. Les clients ont l'habitude de les feuilleter tout en consommant leur boisson chaude, ou du moins ils fixent les lignes en prenant un air passionné pour paraître cultivé.
— Tu viens Leah ?
Je sors de ma rêverie et refuse à contre coeur ayant déjà planifié le reste de ma journée.
Angelina m'interroge du regard et je me retiens de mentionner Giacomo qui m'attend de peur que leur imagination débordante ne me prête une liaison avec cet élégant italien.
— J'ai rendez-vous avec un peintre qui devrait m'aider à progresser, je me justifie.
Ces trois précédents soirs, Giacomo m'a rendu visite afin de m'affronter au poker. J'apprécie ce nouveau rituel qui chamboule ma routine. Je m'attèle à mon chevalet jusqu'à ce que la nuit tombe. Là, il toque à ma porte et reste jusqu'à minuit tapante.
Sa présence m'oblige à prendre une pause bien méritée dans mon travail et me change les idées. J'ai la fâcheuse tendance à peindre jusqu'à l'épuisement lorsqu'un projet me captive. Les lendemains de nuits inspirées, des cernes prononcées creusent mon visage et j'assimile laborieusement les paroles de mes professeurs. Passion dévastatrice.
La veille, entre deux bouchées de pizza, Giacomo m'avait appris que son ami peintre acceptait de me rencontrer et qu'il m'attendait à son atelier. A vrai dire j'avais oublié cet homme, trop divertie par nos parties de cartes. Cependant lorsque j'avais intégré la nouvelle, l'anxiété s'était vicieusement insinuée dans mon esprit. Mes émotions m'avaient alors empêché de réflechir correctement si bien que le bouclé fut obligé de me prêter main forte pour sélectionner parmi mes rares oeuvres personnelles celles que j'exposerai à l'œil expert de son ami.
Lorsque nous sortons de l'université, je repère aisément Giacomo appuyé contre son vespa rouge. Valentina et Angelina le remarquèrent à leur tour et ne se privèrent pas de commenter son apparence soignée. Deux vraies commères.
J'attend sagement que les filles s'éloignent avant de rejoindre Giacomo afin d'éviter un potentiel interrogatoire à son sujet. Malheureusement pour moi, ce dernier me remarqua et m'adresse un sourire étincelant qui ne passe pas inaperçu.
— Toi, t'as des choses à nous raconter, constate Valentina.
— C'est lui ton peintre ? S'étonne Angelina, moi aussi je veux bien qu'il m'aide à progresser.
Je lui donne un coup de coude et elle ricane. J'ignore leurs sifflements et leur promet de tout leur expliquer un autre jour.
Je passe délicatement ma main dans ma chevelure brune afin de la dompter et rejoins Giacomo. Geste vain puisque mon chauffeur les ébouriffe quelques secondes plus tard.
— Qu'est ce que tu penses de mon nouveau bolide ? Demande-t-il enthousiaste.
— Tant qu'il roule, ça me va.
J'attrape le casque assorti au scooter qu'il me tend et l'enfile difficilement. Un rapide coup d'œil dans le rétroviseur confirme mes craintes : cela ne me met pas du tout en valeur.
— Ça ne va à personne, affirme Giacomo comme s'il avait lu dans mes pensées, mais c'est vrai que c'est particulièrement laid sur toi.
Je réplique par une légère tape sur l'épaule et il ricane bêtement comme à l'accoutumée. Il enfile à son tour son équipement de sécurité et enfourche sa bécane. Je m'installe derrière mon nouvel acolyte et enroule mes bras autour de sa taille. Avant qu'il ne démarre en trombe, je croise le regard d'Angelina m'adressant un clin d'œil enfantin.
Giacomo roule imprudemment une dizaine de minutes, oscillant entre les voitures presqu'à l'arrêt tant la circulation est dense à cette heure. Il se gare dans une petite ruelle éloignée des grandes artères romaines. Je détaille les habitations défraîchies tandis que le brun sécurise son véhicule à l'aide d'un antivol.
Près d'une porte de bois, quatre visses fixent une plaque dorée annonçant « Restauration d'œuvres d'Art » suivi d'un numéro de téléphone. Je ferme les yeux et apprécie l'agréable parfum sucré qui émane de l'oranger en fleur empiétant sur la façade de l'atelier. Les doux rayons du soleil du mois d'avril réchauffent mon visage. Étonnamment les battements affolés de mon cœur s'apaisent et la tension qui m'animait s'évapore.
— Prête ?
🌪
Désolée pour le manque d'action dans ce chapitre, j'ai été obligée de couper le chapitre initial en deux pour la « version Wattpad » car il devenait assez long et que je n'ai pas eu le temps de le peaufiner la fin pour ce dimanche étant en pleine révision du bac de latin 🤦♀️
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