5
AVERY
Ce soir-là, je suis rentrée chez moi, plus remontée que jamais. Mes parents ont remarqué mon air abattu et ont tenté de comprendre pourquoi j'avais cette tête d'enterrement, mais ils ont vite compris qu'ils n'obtiendraient aucune réponse de ma part. S'il y a une chose que Liam et Amber Cooper respectent, c'est l'intimité de leurs enfants. Cela ne signifie pas qu'ils ne cherchent pas à comprendre. Pour eux, il est simplement essentiel de respecter les sentiments et les émotions des autres, une valeur qu'ils auraient aimé recevoir lorsqu'ils étaient plus jeunes. C'est une chose que j'apprécie et que je déteste à la fois. Oui, je suis la contradiction personnifiée. Mais honnêtement, je pense que tout adolescent est partagé entre le besoin de garder son jardin secret et l'envie de se confier.
Je ne veux pas que mes parents soient au courant de tous ces démons qui encombrent ma tête. Mais parfois, j'aimerais qu'ils me poussent à tout déballer, à enfin hurler cette douleur que je tente de cacher du mieux possible. Mais qu'est-ce que ça changerait ? À part leur refiler ce fardeau qui me pèse.
En arrivant dans ma chambre, je balance mon sac et tout ce que je porte. Mes larmes refont surface, et comme quelques heures plus tôt, je m'effondre. J'ai passé plus d'une heure à pleurer dans cet auditorium, à ruminer ma rancœur et mon amertume. À repasser les répliques tranchantes de Brenda. À me demander : pourquoi moi ?
En m'inscrivant dans cette école, j'espérais échapper au harcèlement scolaire. J'espérais qu'en étant auprès de Kyle, rien ne pourrait m'arriver, qu'il serait mon bouclier quoi qu'il advienne. Que mon statut social m'aiderait à y échapper. Mais c'est tout le contraire qui s'est produit. Pour une raison que j'ignore, je suis devenue la cible de cette peste.
Quelles étaient les chances que la cousine d'Amanda Mayfield soit dans mon école et dans mon cours de théâtre ? Amanda a toujours été jalouse de ma relation avec Kyle et du statut de mes parents. Son père était plutôt aisé, mais il n'avait pas la renommée de Liam et Amber Cooper. Elle n'avait pas une mère aussi aimante que la mienne, une famille soudée, un meilleur ami qui aurait détruit le monde pour la protéger.
On dirait que la jalousie est un trait de famille, mais que la confiance en soi ne l'est pas...
Une part de moi sait qu'au fond, je ne serai jamais la digne fille des Cooper. Je n'aurai jamais cette assurance qu'ont mes parents. Et je me déteste chaque jour d'être le fardeau que je suis. D'être si basique, de n'avoir rien du physique parfait de mes parents, d'être si invisible.
Je ne comprendrai jamais ce que Kyle me trouve. Il est tellement beau qu'il pourrait avoir n'importe quelle fille. Des filles plus grandes, plus jolies, plus pulpeuses et minces à la fois, des filles qui savent ce qu'elles veulent, des filles comme Brenda.
« Oh, et ne t'attache pas trop à ce bon vieux Kyle. On lui a imposé ta présence toute sa vie, mais il a le choix désormais. Beaucoup de meilleurs choix. Et il fera moins tâche à mes côtés qu'aux tiens, petite Avery. J'en ferai mon affaire », m'avait-elle dit avant de me fausser compagnie.
Mon regard dérive sur le cadre posé sur ma table de chevet. Une photo de Kyle et moi tout sourire. Et je ne peux m'empêcher de penser à quel point les paroles de Brenda sont véridiques. Kyle va devenir une véritable star du hockey, toutes les filles vont l'admirer et il verra que je ne suis plus sa seule option.
Je pourrais supporter qu'on me vole mes rôles, qu'on critique mon physique, qu'on me prenne tout ce que je possède, mais pas Kyle. Je ne pourrais jamais continuer à respirer si ma moitié me quittait. Qu'il soit mon meilleur ami ou plus, ma vie n'aurait aucun sens sans lui.
Mon regard se pose ensuite sur le grand miroir face à moi, et la voix de Brenda résonne à nouveau.
« Regarde-toi, Avery Cooper, si banale, si inintéressante. Tu devrais commencer à surveiller ta ligne si tu espères un jour posséder le même corps de rêve que ta chère maman. N'imagine pas faire carrière à Hollywood avec ces grosses fesses et ces poignées d'amour. »
Je ne m'étais jamais considérée comme « grosse » avant cette conversation. Je ne me trouvais pas forcément mince mais pas exactement en surpoids. Pourtant, plus je scrute mon reflet, plus ces détails deviennent apparents. C'est incroyable à quel point un simple commentaire peut avoir un tel impact sur notre esprit. Mes yeux parcourent chaque courbe, chaque rondeur, et une voix intérieure ne cesse de répéter que je suis trop grosse. Mon regard s'attarde sur mes hanches, sur mon ventre, scrutant chaque parcelle de peau à la recherche de la moindre imperfection. Je pince ma peau entre mes doigts, me demandant si je pourrais la faire disparaître d'un simple claquement de doigts. Les compliments passés semblent s'évaporer, éclipsés par les commentaires négatifs qui résonnent plus fort. Les mots blessants deviennent comme des poids invisibles, me faisant sentir plus lourde que jamais. Je me contemple et tout ce que je vois, c'est une étrangère qui me détruit peu à peu.
Je hais Brenda Mayfield. Je déteste qu'elle parvienne à anéantir le peu de confiance qui me restait. Son influence toxique s'insinue dans mon esprit, le réduisant à néant. J'aimerais l'oublier, ne plus me soucier des bêtises qu'elle déverse, me convaincre que ce ne sont que des paroles que je dois ignorer. Mais c'est impossible, car je ne suis pas la fille forte que mon entourage croit que je suis.
Mon esprit est un fil fin et fragile, brisable trop facilement.
Je repasse alors en revue tout ce que j'ai mangé ce midi, tout ce que j'ai grignoté au goûter, et la nausée s'empare de moi. Je me précipite dans ma salle de bain et évacue tout ce mal qui m'habite. Je vide mes entrailles de tout ce qui alimente les paroles de Brenda. Le réconfort que je trouvais dans la nourriture s'évapore. Je laisse mon corps expulser le surplus de nourriture et le tourment qui me ronge à cause de cela.
Les larmes refont surface, mon estomac se contracte de plus en plus, mon corps tremble, et rien d'autre n'existe autour de moi, à part cette douleur. Une douleur qui me lacère lentement et profondément.
Je passe la prochaine heure assise sur le carrelage froid de ma salle de bain, comme une loque, le visage enfoui entre mes jambes, laissant la tristesse me consumer, comme elle sait si bien le faire.
Soudain, le bruit d'une pierre heurtant ma fenêtre me fait sursauter, me ramenant brutalement à la réalité. Je me redresse précipitamment en reconnaissant le signal de mon meilleur ami. Il ne doit surtout pas me voir dans cet état. Un rapide coup d'œil au miroir me confirme que je suis dans un état pitoyable.
Je décide donc de remettre mon masque et de m'activer pour me rendre présentable. J'ouvre le robinet et laisse l'eau fraîche dégonfler mes yeux rougis par les larmes. Puis, je prends une brosse et attache mes cheveux en une queue de cheval rapide. J'essaie également de calmer mes battements de cœur en inspirant profondément et en expirant lentement. Une fois prête, je quitte ma salle de bain au moment précis où Kyle atterrit sur mon balcon.
Depuis toujours, nous avons ce petit rituel. Bien qu'il pourrait entrer par la porte, cette maison est aussi la sienne. Mais nous sommes maintenant à un âge où deux personnes de sexe opposé passant la nuit ensemble peut être mal interprété, surtout par un père particulièrement protecteur. Kyle apprécie de passer du temps avec moi et il lui arrive parfois de s'endormir à mes côtés. Rien de trop intime, mais je dois avouer que sentir son bras autour de ma taille ou écouter ses battements de cœur lorsque ma tête repose sur sa poitrine ne me laisse pas indifférente.
Cependant, malgré mon besoin de tout oublier dans ses bras, j'aurais préféré qu'il ne vienne pas. S'il y a bien une chose que je refuse, c'est que Kyle voie cette part sombre en moi. N'importe qui d'autre, mais pas lui. Je ne veux jamais que son regard change.
Pourtant, quand son sourire éclate à travers la baie vitrée, j'oublie que j'ai un jour voulu être seule.
— Hey Coop, je me suis inquiété, lance-t-il en entrant.
Effectivement, il est possible que je sois rentrée plus tôt que prévu. Habituellement, j'attends la fin de son entraînement et nous rentrons ensemble. Ou bien, si je dois rentrer plus tôt, je l'avertis toujours. Mais aujourd'hui était différent ; j'étais bien trop bouleversée pour agir normalement.
— Désolée, j'avais mal à la tête, j'aurais dû t'appeler, bafouillé-je en évitant son regard.
— Hé, hé, tout va bien, je m'inquiétais simplement. Et puis, je voulais savoir comment s'était passée ton audition.
À l'évocation de ce mot interdit, mon cœur s'accélère. Mes larmes menacent de refaire surface, mais je résiste farouchement à l'envie de tout dévoiler.
— Je n'ai pas eu le rôle.
Je ne cache pas ma déception ni ma tristesse. Kyle trouverait ça trop suspect.
— Putain, jure-t-il, sa colère déformant ses traits. Ils sont tellement idiots. Tu étais celle qui avait le plus de talent. Comment ont-ils pu donner le rôle à quelqu'un d'autre ?!
En trichant, ai-je envie de hurler.
Mais il est hors de question que Kyle découvre le harcèlement incessant que me fait subir Brenda. Il ne mérite pas d'être entraîné dans mes combats, il n'hésiterait pas à les mener à ma place et à en subir les conséquences.
— Il faut croire que quelqu'un a été plus doué que moi, mens-je en feignant un sourire.
Il plonge son regard au plus profond du mien, cherchant à déceler la moindre trace de mensonge. Mais je reste stoïque, le poussant à me croire.
— C'est complètement ridicule. Quelqu'un a dû soudoyer ta prof ou lui verser quelque chose dans son café. Je ne peux pas croire qu'elle soit simplement passée à côté de ton don naturel.
Si tu savais à quel point tu es proche de la vérité, Kyle, et combien ça me torture de ne pas pouvoir te l'avouer.
— Kyle...
Il prend enfin conscience que je ne suis pas enchantée par ce dénouement. Il inspire profondément avant de me lancer son regard le plus doux.
— Pardonne-moi, Ave. Tu n'as pas besoin que je remue le couteau dans la plaie, mais je ne peux juste pas accepter qu'on soit aussi injuste avec ma personne préférée.
Il s'approche alors de moi et prend mon visage entre ses mains.
— Ce ne sont que des idiots. Ne les laisse jamais te faire douter de toi. Tu es époustouflante et un jour, tu réussiras à le prouver au reste du monde, comme tu le fais chaque jour avec moi. Et ils regretteront tous de t'avoir sous-estimée.
Ses paroles résonnent en moi, et j'aimerais tant parvenir à y croire aussi intensément que lui. J'aimerais que ça suffise.
Mais une fois de plus, je verrouille la vérité à double tour, laissant l'homme de mes rêves me serrer fort contre lui tout en me détestant de devoir encore lui mentir.
🎞️🏄🌊🏒🩺
Ayez un Kyle dans votre vie 🥹🥹
Ce chapitre a été si difficile à écrire. Les problèmes avec son corps est quelque chose qui touche tellement de gens et c'est si compliqué d'en guérir. Ça m'as suivit toute ma vie et le retranscrire à travers Avery m'a fait tellement mal au cœur.
Ce personnage est si proche de mon cœur et vous allez vite comprendre pourquoi je la défendrai toujours de toute mon âme.
Il y a aussi le problème de ne rien dire, de tout garder en soi. Sachez que ce n'est pas juste de la mauvaise communication. C'est un problème plus profond, plus psychologique. Avery est persuadé qu'elle fera du mal autour d'elle si elle se dévoilait. Et c'est ce qui va rapidement la mener à sa perte. Vous le découvrirez par la suite.
En tout cas, si vous vivez cela, sachez que vous n'êtes pas seuls, sur vous êtes forts et que pourrez vous en sortir.
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