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AVERY
— Pardonnez-moi, je me suis égarée. Mon chauffeur pensait qu'il devait me déposer à la 38ᵉ rue Chastam et non Chattam... Ahh non, espèce d'idiote, c'est l'inverse ! hurlé-je à moi-même en envoyant valser mon script à l'autre bout de la pièce.
Cela fait maintenant plus de quatre heures que je lutte pour mémoriser cette maudite scène. À chaque tentative, une erreur idiote vient ruiner mes efforts. Je commence à penser que l'univers conspire pour me pousser à abandonner, me laissant entendre que je ne serai jamais l'actrice parfaite que j'aspire à devenir. Comment pourrais-je briller à Hollywood si je ne parviens même pas à maîtriser une simple pièce de théâtre scolaire ?
Un léger rire résonne dans mes oreilles, me forçant à relever la tête et à rencontrer le regard amusé de mon père.
— Peux-tu me dire ce que t'as fait ce carnet pour que tu le maltraites de la sorte ? me demande-t-il sans perdre son sourire.
Je soupire en levant les yeux au ciel de façon faussement dramatique.
— Je ne suis qu'une bonne à rien, papa. Comment la fille d'acteurs ultra célèbres n'est pas fichue d'apprendre quelques lignes ?
Le sourire de mon père disparaît rapidement, laissant place à un froncement de sourcils prononcé.
— Premièrement, je te demanderai de ne plus jamais traiter ma fille de « bonne à rien ». Ce terme n'existe pas dans le dictionnaire de la famille Cooper. Deuxièmement, maîtriser un texte demande beaucoup d'entraînement et de patience.
Il ramasse le script éparpillé sur le sol et vient s'installer à mes côtés.
— Parfois, j'aimerais juste être aussi douée que maman et toi. On dirait que c'est inné chez vous, soupiré-je en ramenant mes genoux vers ma poitrine.
Il rit légèrement avant de secouer la tête avec désapprobation.
— Oh Avery, tu es tellement loin de la réalité. Je sais que tu nous as toujours vus, ta mère et moi, exceller au cinéma. Que tu avais des étoiles plein les yeux en t'imaginant à notre place. Mais laisse-moi te dire une chose : aucun de nous n'est né avec un script entre les mains. Tout ce que tu as toujours vu sur les tournages nous a demandé un travail colossal.
Il m'attrape le menton de sa main droite afin de rencontrer mon regard.
— Mon père ne m'avait jamais destiné à une carrière d'acteur. Je n'ai suivi aucun cours de théâtre au lycée ni été entouré de comédiens. Mais lorsque j'ai compris que je voulais faire du cinéma mon métier, j'ai travaillé sans relâche pour y parvenir. J'ai bossé jour et nuit pour apprendre des foutus lignes qui n'avaient aucun sens. J'ai perdu des nuits entières de sommeil pour prouver au monde que Liam Cooper pouvait réussir.
Il passe ses mains sur son visage en soufflant un bon coup.
— On m'a toujours perçu comme cet homme charismatique, confiant, apparemment sans faille ni défaut. Mais crois-moi, ces personnes n'ont vu que ce que je choisissais de montrer. Pourtant, je suis loin d'être parfait, loin de réussir tout ce que j'entreprends. Demande à ta mère, elle a dû me soutenir maintes fois pour me faire croire en moi-même.
Il entrelace sa main à la mienne et y dépose un doux baiser.
— Alors, ma fille, si tu veux vraiment dompter ce maudit texte, ne lâche rien. Échoue des centaines de fois, si cela te rapproche un peu plus du succès. Peu importe le résultat, je serai toujours là pour te soutenir.
Bien que mon père m'aime plus que tout au monde, il est peu enclin à montrer ses moments de fragilité, convaincu qu'il doit être un exemple pour sa famille. Cependant, ce qu'il ignore, c'est que cet instant de sincérité qu'il partage avec moi est l'une des plus belles choses qu'il ait faites depuis longtemps.
Alors, laissant échapper une larme, je le serre aussi fort que possible, le remerciant pour ses paroles qui m'ont reboostée bien plus qu'il ne pourrait l'imaginer.
— Je t'aime, papa.
— Jamais plus que moi.
Il jette ensuite un coup d'œil aux feuilles entre ses mains.
— Alors, princesse, dis-moi de quoi parle cette fameuse pièce ?
Je prends une profonde inspiration pour reprendre mes esprits.
— C'est l'histoire d'une jeune fille qui a tout quitté pour réaliser son rêve de devenir actrice à Broadway. Personne n'a jamais cru en elle. Alors, sur un coup de tête, elle a quitté son pays pour rejoindre les États-Unis et affronter ses peurs. Bien sûr, elle rencontrera de nombreux obstacles sur son chemin, mais elle croisera aussi le chemin d'une personne spéciale qui la soutiendra tout au long de cette aventure et l'aidera à ne jamais abandonner.
— C'est une jolie histoire. À mon époque, on étudiait plus Roméo et Juliette, mais je dois dire que j'apprécie énormément la modernité de ton cours de théâtre.
— Oui, madame Hart n'est pas vraiment le genre de femme à faire comme les autres. Elle voulait créer quelque chose qui nous parle et qui nous motive à produire le plus beau spectacle de notre année. J'adore cette femme, avoué-je dans un sourire rêveur.
Mon père me le rend.
— Eh bien, on dirait que tu es entre de bonnes mains avec cette madame Hart. J'en suis ravi, ma puce. Je suis convaincu que la Kennedy Academy va t'apporter beaucoup de bonnes choses.
— Ah ah, va dire ça à ce râleur de Kyle. Il ferait flamber cette école si on lui donnait une allumette.
Cette fois, il éclate de rire, comprenant très bien de quoi je parle. Même après plusieurs semaines à l'académie, Kyle semble toujours peu enthousiaste à l'idée d'y étudier. À part moi, la seule raison qui le retient ici est sa récente passion pour le hockey sur glace. J'étais sceptique au début, mais après avoir assisté à ses entraînements et à son premier match, je dois admettre qu'il excelle vraiment dans ce domaine. Sans parler du fait qu'il est particulièrement sexy sur des patins.
— Ne t'en fais pas, ma fille. Kyle n'est peut-être pas satisfait de cette école, mais il y resterait à vie si c'était ce que tu voulais.
J'acquiesce en souriant. Il m'arrive parfois de douter de moi, de ne pas trouver ma place dans ce monde. Pourtant, s'il y a bien une chose dont je serai toujours fière, c'est d'être aimée par cet être incroyable qu'est Kyle Jennings.
— Allez, fais-moi un peu de place, je vais t'aider à donner ta meilleure performance et à décrocher ce premier rôle, reprend mon père en ouvrant mon script.
***
— Arrête de gigoter comme ça, Coop, tu me donnes le tournis, rouspète Kyle à mes côtés.
Je lui lance mon regard le plus noir tout en répétant mes lignes. Aujourd'hui, c'est le grand jour des auditions pour la pièce « Under the Spotlight », et mon stress est à son comble. Je n'ai pas dormi de la nuit, rongée par l'angoisse et les doutes. Je veux rendre mes parents fiers, je veux être à la hauteur de l'admiration de Kyle, je veux réussir et prouver que je ne suis pas une ratée. J'en ai besoin.
— Je ne peux pas, Kyle. Ce rôle est tellement important pour moi, je dois réussir.
— Eh, eh, calme-toi, me dit-il en m'attrapant par les épaules. Tu as répété pendant des heures, tu es une excellente comédienne et tu vas épater toute cette foutue salle, crois-moi. Et même si ces idiots ne te donnent pas le premier rôle, ce ne sera pas la fin du monde, Avery. Ce n'est qu'une pièce parmi tant d'autres, et ton tour viendra.
— Parce que tu penses que je vais échouer, c'est ça ? Mince, je n'ai pas été assez bonne, je...
Je m'interromps lorsque Kyle me plaque contre le mur le plus proche, son visage proche du mien. Mon cœur bat la chamade, mon corps tremble encore plus, trop sonné pour prononcer le moindre mot. L'effet Kyle Jennings sur moi, ça marche à tous les coups.
— Tu parles beaucoup trop, Avery Cooper, murmure mon meilleur ami, son souffle chaud caressant mon visage.
Je hoche la tête, incapable de répondre. Son regard alterne entre mes lèvres et mes yeux, me laissant complètement sans voix.
— Tu es incroyable, Avery. Tu as le droit de stresser, c'est humain, personne ne t'en voudra. Mais je ne veux pas que tu doutes de toi-même ni que tu te mettes dans tous tes états pour un rôle. Tu n'as pas besoin de ça pour briller.
Il m'attire contre lui et dépose un doux baiser sur ma tempe.
— Alors donne tout ce que tu as, Coop. Montre-leur qui tu es vraiment, et si ça ne leur convient pas, dis-leur d'aller se faire foutre. Tu es bien plus qu'un rôle.
Je souris, reconnaissante d'avoir quelqu'un comme lui à mes côtés, toujours prêt à me remonter le moral et à m'aider à affronter mes craintes.
Arrivés dans le hall du lycée, Kyle m'encourage une dernière fois avant que nos chemins ne se séparent. Nous n'avons pas de cours en commun ce matin-là. Mon audition est prévue pour midi, et malgré le stress persistant, les paroles de Kyle commencent à me calmer. Je connais mon texte, j'ai répété avec le meilleur acteur que je connaisse, et je suis motivée. Il n'y a aucune raison que cela se passe mal.
La matinée passe rapidement. J'ai eu une pause vers onze heures, pendant laquelle j'ai pu répéter à l'extérieur. La boule d'angoisse dans mon estomac refait surface à mesure que l'heure de mon audition approche.
Suis-je vraiment prête ? Ai-je besoin de plus de temps pour répéter ?
Arrête de te poser autant de questions, Avery, tu vas y arriver, bon sang !! s'écrie ma voix intérieure.
— Hey, tu es Avery Cooper, n'est-ce pas ? résonne une voix derrière moi.
Je me retourne et croise le regard d'un garçon inconnu, vêtu de l'uniforme du lycée, brun aux yeux de la même couleur. Il porte des lunettes et a un grain de beauté sur la joue droite. Un garçon plutôt banal, mais qui semble me connaître.
— Oui, on se connaît ? demandé-je, essayant de paraître polie.
— Pas vraiment, mais nous sommes dans le même cours de théâtre. J'ai vu tes répétitions, et madame Hart m'a demandé de prévenir tous les étudiants de son cours que je croiserais.
— Oh, d'accord. Qu'y a-t-il ? Rien de grave, j'espère ?
Il secoue la tête pour me rassurer.
— Non, non. Elle a juste une réunion avec les autres professeurs à midi, alors elle a décalé les auditions à 14 h 30. Comme personne n'a de cours cet après-midi, ça tombait bien.
Je suis surprise par cette nouvelle. J'aurais pensé que madame Hart nous aurait envoyé un e-mail pour un changement aussi important. Sans doute l'a-t-elle fait, mais je n'ai pas touché à mon téléphone de la matinée, obnubilée par ce satané script.
Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Plus de temps pour me préparer ne peut pas me faire de mal, mais cela signifie aussi plus de temps pour stresser. Quoi qu'il en soit, le choix ne m'appartient pas, alors je n'ai pas d'autre choix que de continuer à répéter.
— Merci de m'avoir prévenue dans ce cas. J'aurais fait le déplacement pour rien autrement. Je vais pouvoir continuer à réviser dans les heures qui viennent.
— Oui, du temps supplémentaire ne peut pas faire de mal. Tu auditionnes pour le rôle principal, c'est ça ?
— Oui, j'ai vraiment été séduite par le personnage de Cassidy, donc j'espère vraiment l'obtenir.
Il sourit en acquiesçant.
— Tu es la fille d'Amber et Liam Cooper, alors je suppose que l'acting est dans ton sang.
— Je ne suis pas leur fille biologique, donc ce n'est peut-être pas une question d'ADN, mais c'est certainement dans mon héritage familial. J'aimerais les rendre fiers en suivant leurs pas, avoué-je.
Il semble comprendre, me lançant un regard tendre.
— C'est tout à fait compréhensible. Je m'appelle Daryl, au fait, dit-il en tendant la main.
— Enchantée, Daryl.
— De même, Avery. Je dois y aller, mais on se voit tout à l'heure pour les auditions. Comme on dit dans le milieu, casse-toi une jambe.
Je ris en opinant.
— Toi aussi. À plus tard.
Il me sourit une dernière fois avant de s'éloigner.
— C'était qui, ce gringalet ? s'exclame une voix familière derrière moi.
Je me retourne et retrouve mon meilleur ami, observant Daryl s'éloigner avec un regard méfiant.
— Juste un gars de ma classe qui venait me prévenir du changement d'horaire des auditions, expliqué-je.
Kyle continue de le fixer, peu convaincu. Sa jalousie flagrante me fait sourire et me réchauffe le cœur. Habituellement, c'est moi la jalouse possessive, mais je suis plus discrète que lui.
— Hmm, normalement, c'est la prof qui devrait vous prévenir par e-mail, non ? demande-t-il perplexe.
— Elle l'a sans doute fait, ou elle n'a pas eu le temps. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas regardé mon téléphone de la matinée, donc je suis contente qu'il m'ait trouvée.
— Contente, hein ? dit-il en arquant un sourcil.
Je ris en levant les yeux au ciel. Sa jalousie n'a vraiment pas lieu d'être. Je viens de rencontrer ce Daryl, et mon cœur bat seulement pour une personne depuis toujours. Il n'y a aucune compétition possible.
— Tu sais ce que je veux dire, idiot.
Il lâche un petit soupir, un sourire aux lèvres. J'apprécie ce côté de Kyle, sa possessivité qui montre à quel point il tient à moi, sans avoir besoin de mots.
— Je venais te dire que le coach nous a convoqués pour une réunion, donc je ne pourrai pas assister à ton audition. Mais comme tu viens de m'annoncer qu'elle est décalée, peut-être que je pourrai passer te voir. À quelle heure c'est ?
— À 14 h 30, juste une demi-heure avant ton entraînement, donc je ne sais pas si tu pourras me voir. Tout dépendra de l'ordre de passage.
Il hoche la tête, l'air songeur.
— J'essaierai de passer et on verra bien si j'ai la chance de te voir performer. Sinon, je sais que tu ne manqueras pas de me faire part de tous les détails de ta victoire.
— Si je réussis, le corrigé-je spontanément.
Il soupire en ébouriffant mes cheveux.
— Ce n'est qu'un détail, Coop. Tu vas tous les impressionner, j'en suis certain.
Je souris pour le remercier, espérant de tout cœur qu'il ait raison
Allez Avery, tu vas y arriver !
***
Voilà dix bonnes minutes que j'attends devant la salle de théâtre. Madame Hart nous avait dit qu'elle viendrait nous chercher, mais il est déjà deux heures et demi passé et personne n'attend devant la porte. Est-ce que les consignes ont changé en même temps que l'horaire ? J'ai cherché Daryl, mais il est introuvable. Je commence à me demander si j'ai bien compris les modifications.
Juste au moment où je décide d'ouvrir la porte pour voir ce qui se passe, une horde d'étudiants sort de la salle. Certains ont l'air heureux, d'autres tristes, mais ce qui attire mon attention en premier, c'est leur visage. Ils sont dans mon cours de théâtre. Alors pourquoi sortent-ils de la salle et non l'inverse ?
Je hèle une fille qui passe à côté de moi pour en savoir plus.
— L'audition ? répète-t-elle, confuse. Elle avait lieu à midi. L'horaire a été annoncé en même temps que la date. Les rôles ont déjà été attribués.
Et là, c'est la douche froide. La fille s'éloigne tandis que je reste plantée dans ce couloir. Ma poitrine se serre de colère et je scrute le flux incessant d'étudiants sortant de leur audition. Une de mes camarades me lance un regard compatissant avant de s'en aller à son tour. Un frisson de rage et de frustration me traverse. Comment ai-je pu être si crédule ? J'étais tellement impatiente que je n'ai pas remis en question une seule seconde les indications de ce garçon que je ne connaissais pas. Quelle idiote je fais. Je pensais que malgré la compétition, nous étions tous dans le même bateau.
Mais quel était le but de Daryl en me jouant ce tour ? Nous n'auditionnions même pas pour le même rôle. Nous ne nous connaissons pas. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour qu'il détruise mes rêves de la sorte ?
Je tente de reprendre mes esprits et je me rue dans le théâtre pour trouver des explications et tenter de sauver mon cas. Si j'explique la situation à Madame Hart, peut-être acceptera-t-elle de repasser les auditions.
Sans regarder où je vais, je percute quelqu'un et lorsque je lève les yeux pour m'excuser, je croise enfin son regard.
Daryl.
— Comment as-tu pu faire ça ?! aboyé-je tandis que la colère monte en moi.
Son regard semble sincèrement désolé, mais que sais-je de sa sincérité alors qu'il m'a manipulée ?
— Je suis désolé, Avery. Elle ne m'a pas laissé le choix.
Elle ?
— Qui ? Qui ne t'a pas laissé le choix ?
— Vraiment désolé, bafouille-t-il avant de prendre la fuite, tel le lâche qu'il est.
Je tremble toujours autant, la tension ne veut pas retomber. Je suis une bombe à retardement, prête à exploser à tout instant. Putain, j'ai tellement travaillé dur pour ce foutu rôle. Il ne peut pas m'échapper comme ça.
Je jette un coup d'œil vers la scène et aperçois Madame Hart en train de ranger ses affaires. Je ne perds pas de temps et me précipite vers elle pour plaider ma cause.
— Madame Hart, attendez, je vous en prie.
Lorsqu'elle me reconnaît, elle me lance un regard interrogateur.
— Mademoiselle Cooper, je vous ai appelée une dizaine de fois. Si vous pensiez que votre statut vous exemptait d'auditionner, vous vous êtes trompée de cours.
Ce que je redoutais est en train d'arriver. Elle et les autres élèves vont penser que je me prends pour quelqu'un de spécial juste parce que mes parents sont célèbres. Putain, non, c'est justement parce qu'ils sont acteurs que je dois bosser encore plus dur si je veux les impressionner.
— Ce n'est pas le cas. Pas du tout. Cette audition était très importante pour moi, j'ai passé des jours et des nuits à répéter. Quelqu'un m'a dit que l'audition avait été déplacée. Je ne serais jamais arrivée en retard intentionnellement.
Elle m'observe un moment, essayant de sonder mes intentions, de savoir si je cherche à la tromper ou si je dis la vérité. J'ai besoin qu'elle me croie. Qu'elle croie en ma valeur. Qu'elle ne me juge pas sur mes origines. Je ne le mérite pas.
— Vous ne semblez pas mentir, mademoiselle Cooper. Je dois dire que vous avez toujours été ponctuelle et très attentive en classe. Voilà pourquoi j'attends avec impatience de vous voir auditionner pour la prochaine pièce.
Prochaine ?
— Comment ça ? Vous venez juste de dire que vous me croyez. Pourquoi ne puis-je pas auditionner pour celle-ci ?
— Les auditions sont terminées et les rôles ont déjà été distribués.
Déjà ? Normalement, les délibérations ne prennent pas plusieurs jours ? Est-ce que la malchance me suit à ce point pour me retrouver dans le cours de la seule prof qui décide aussi vite ?
— C'est Brenda Mayfield qui a décroché le premier rôle.
Brenda... À l'entente de son prénom, mon esprit commence enfin à comprendre et à faire les connexions : elle qui m'a avertie que ma vie allait devenir un enfer, Daryl qui m'a manipulée en disant que « elle » ne lui a pas laissé le choix, Brenda qui décroche le rôle que je voulais tant. C'est elle qui tire les ficelles.
— Je suis désolée, Avery, je suis certaine que tu aurais été une excellente Cassidy. C'est pourquoi tu seras sa doublure. C'est le seul rôle que je puisse te donner.
Et sur ces mots, elle quitte l'auditorium. Je reste là, sur scène, impuissante, tandis que l'amertume m'envahit.
Ce rôle n'était pas seulement un rôle. C'était ma chance de prouver au monde que mes parents n'avaient pas élevé une bonne à rien, un échec ambulant. Qu'ils m'avaient choisie pour que je les rende fiers, pour que je sois à leur niveau. Sinon, à quoi bon être la fille de deux acteurs immensément talentueux ?
Mais au fond, peut-être que je ne suis pas aussi douée que je le pensais. Ma mère ne se serait jamais fait avoir de la sorte.Mon père n'aurait jamais laissé filer une chance pareille.
Un rire sardonique résonne dans mes oreilles. Mon cœur s'accélère quand je me retourne et croise le regard narquois de Brenda. Son visage est marqué d'un sourire cruel qui semble se moquer de ma détresse. La colère, qui n'était qu'une lueur dans mes pensées, prend feu, se transformant en une flamme de frustration et d'injustice. Ses yeux brillent de satisfaction, comme si elle avait remporté la guerre. Je la déteste.
— Tu es fière de toi, j'espère ? craché-je en la foudroyant du regard tandis que je lutte pour retenir mes larmes.
— Oh, Avery Cooper, je ne pensais pas que tu étais si naïve, et pourtant, te voilà. C'était si facile que c'en est presque ennuyeux.
Elle prononce ces mots comme si elle ne venait pas de me voler ce qui comptait le plus. Comment peut-on être si cruel ?
— Mais putain, c'est quoi ton problème, espèce de folle ? On ne se connaît même pas !! Pourquoi tu t'en prends à moi de cette manière ?
Son sourire s'efface alors que son regard se durcit. Maintenant, c'est elle qui s'énerve ? C'est le comble. Elle s'approche dangereusement de moi, jusqu'à ce que son visage soit si près du mien que je sens son souffle.
— Mon problème, Avery, c'est que tu ne mérites rien de ce qui t'arrive. Je connais les filles comme toi, les petites innocentes qui pensent que le monde est à leurs pieds parce que papa et maman sont célèbres. Mais non. Tu n'as aucun talent, tu n'es ni belle, ni intéressante. Tu n'es qu'une petite mouche facilement écrasable qui a eu l'immense chance d'être élevée par des gens talentueux. Je suis celle qui a le plus de talent et jamais je n'aurais permis que ton statut vienne brouiller le jugement de madame Hart.
— Alors, c'est ça, tu es jalouse ? Parce que tu savais que j'avais mes chances de te battre.
Elle rit, un son qui me glace le sang.
— Ne sois pas ridicule, Cooper. Ton nom est la seule chose qui pourra t'aider dans la vie. Mais tant que je serai là, même ça ne te servira à rien. Tu n'auras aucun rôle dans cette école, alors abandonne maintenant avant de te faire encore plus de mal.
Elle continue de déverser son flot d'insultes tandis que la rage boue en moi.
Une fois terminé, elle me lance un sourire faux avant de quitter le théâtre. Les émotions m'assaillent avec une force inattendue. L'image de son visage narquois reste gravée dans ma mémoire, et l'injustice de la situation me submerge. Mes jambes cèdent sous le poids de la déception, et je me laisse glisser le long du mur. Les larmes, jusque-là retenues, dévalent mes joues. Chaque sanglot semble libérer un poids insupportable de mes épaules, mais la douleur persiste, nichée dans le creux de ma poitrine. Comme si mon corps comprenait enfin que jamais je n'aurais la vie normale dont j'ai toujours rêvé. Qu'il y aura toujours une Brenda pour me rappeler que cette vie que j'ai aujourd'hui, je ne la mérite pas. Que mes parents n'ont pas fait le bon choix et qu'eux aussi finiront par le regretter. Comme ma mère biologique a regretté de m'avoir mise au monde.
Et qu'à la fin, ils partiront tous et je me retrouverai comme je suis venue au monde : seule.
🎞️🏄🌊🏒🩺
Ce chapitre m'a tellement mise en colère en l'écrivant. Surtout parce que le harcèlement scolaire est quelque chose que je connais bien et qui détruit toute confiance en soi.
Et ça ne va pas aller en s'améliorant pour Avery. Le prochain chapitre est particulièrement difficile.
A demain pour la suite
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