27
KYLE
— Hey ! J'espère que vous n'avez pas trop attendu. Mon appel s'est éternisé, m'exclamé-je en arrivant à table.
J'embrasse rapidement ma mère et sa meilleure amie, cogne mon poing contre celui de Liam et de papa, avant de prendre place sur une des chaises restantes. Je n'étais pas surpris de recevoir un message de ma mère en début de matinée, m'invitant à les joindre pour le déjeuner. Ça fait des années qu'elle rêve de me voir plus de cinq jours d'affilée, alors savoir que nous serons dans le même endroit pour les dix prochains jours la comble de bonheur. Elle m'a laissé jouer le rôle de guide pour mes amis pendant les premiers jours, mais je savais que tôt ou tard, elle allait me coincer pour un repas en famille.
Je ne m'en plains pas pour autant. Même si j'ai réussi à m'acclimater à Boston et à me créer une vie là-bas, ma famille ne m'en manque pas moins. Alors, être de retour aux sources pour quelques jours va me faire le plus grand bien.
— Pas de soucis, on a tout notre temps, répond Amber en m'offrant son si beau sourire maternel.
Amber est l'une des personnes que je préfère sur cette Terre. Elle n'est pas ma mère, mais elle m'a toujours traité comme l'un de ses enfants. Il n'y a jamais eu de différence entre Avery, Landon, Kiara et moi. Nous étions les quatre bébés de notre petite famille et avions toujours un allié en cas de bêtise. L'avantage d'avoir des parents aussi géniaux que différents. On trouvait constamment notre compte auprès de l'un d'entre eux.
— Rien de grave pour ton appel ? m'interroge papa.
— Non, non, Adelie a juste passé trois quarts d'heure à me maudire. Camden leur en a fait voir de toutes les couleurs hier, et elle m'en veut encore d'avoir eu les vacances qu'aucun autre interne n'aura.
— Ah, ce n'est pas tous les jours que le directeur de l'hôpital se trouve être l'un des bons amis de son père. Il faut savoir profiter des privilèges quand on le peut, nous fait remarquer Liam.
Je ne le contredis pas. J'ai toujours détesté jouer la carte du petit privilégié. Je n'ai jamais exagéré ou clamé être supérieur parce que j'ai eu la chance de naître dans une famille aisée et connue. Mais lorsqu'il a fallu débloquer des jours de congé pour le mariage de mon meilleur ami, je n'ai pas hésité. Nous avons le droit à un certain nombre de jours de vacances, mais j'ai dû en prendre plus que permis pour cette période, avec les préparatifs. Alors, mon père a fait jouer ses contacts et j'ai eu le droit de partir quelques jours de plus. Chose qui a fait jalouser mes collègues.
— Et puis c'est le mariage de ton meilleur ami, ça non plus, ça n'arrive pas tous les jours. Tu as déjà pris pas mal de couleurs à ce que je vois, poursuit ma mère en me couvant de son regard admiratif.
— On dirait que le temps est de notre côté cette semaine. Kaylee et Hayden n'auraient pas pu choisir meilleure période pour s'unir. On a passé pas mal de temps dehors, alors ça aide.
Mon père et Liam entament une discussion sur la météo et les conditions de baignade. Pendant ce temps, je remarque une chaise vide à côté de moi, bien que la table soit mise pour six personnes.
— On attend quelqu'un d'autre ? Je pensais que Kiara et Landon arrivaient en même temps en fin de semaine.
Ma mère et Amber échangent un regard complice, piquant davantage ma curiosité.
— Non, ils arrivent bien en fin de semaine, m'explique Amber. Ils finissent tous les deux leurs examens dans deux jours et prendront la route juste après. La chaise restante est pour...
— Vraiment, vraiment désolée pour le retard. J'ai eu du mal à décrocher de mon téléphone ce matin, interrompt une nouvelle voix.
Évidemment. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?
— Eh bien, on dirait que nos enfants sont de vrais hommes et femmes d'affaires, à ce que je vois, commente ma mère.
Mon regard croise instinctivement celui d'Avery, surprise autant que moi de se retrouver ici. Nos parents ont visiblement omis de nous informer de la présence de l'autre à ce déjeuner. Après des années à respecter notre volonté de nous éviter, il semblerait qu'ils en aient eu assez de suivre nos directives.
Ce que je peux comprendre.
Avery s'installe rapidement. Son corps est tendu, son regard fuyant. Elle ne sait pas comment se comporter avec moi, et je ressens une pointe de culpabilité. Ces derniers jours, mes interactions avec elle ont été chaotiques. Un jour, je l'évite comme la peste, le lendemain, je l'invite à passer du temps avec mes amis, puis je la fuis à nouveau. Par moments, nous nous remémorons les bons souvenirs partagés, à plaisanter comme nous savions si bien le faire. Je ne peux rien y faire, sa présence me perturbe bien plus que je ne l'imaginais. J'étais convaincu de pouvoir continuer à l'ignorer comme je l'ai fait ces trois dernières années, mais c'est plus fort que moi. En la voyant ici, souriante, je ne peux m'empêcher de revoir la fille qui faisait battre mon cœur comme personne. Et cet endroit n'arrange rien. J'ai passé la plupart de mes étés dans cet hôtel, à faire les quatre cents coups avec Avery. Chaque recoin de ce lieu magique renferme un souvenir d'elle et moi.
Je souhaite la détester de tout mon cœur, mais j'en suis incapable.
— Je vois que votre plan a fonctionné à merveille, ne puis-je m'empêcher de commenter.
Un sourire complice se dessine sur le visage des deux responsables.
— Écoutez, vous avez passé trois ans à nous rendre folles avec cette décision de vous éviter. Ça fait des années qu'on rêve de partager un seul instant avec nos deux grands bébés. Alors ce séjour est l'occasion rêvée. Et on ne s'excusera pas de l'avoir fait, réplique fermement ma mère.
Nos pères ricanent dans leur coin, nous indiquant qu'ils n'ont rien à voir avec cette décision, mais qu'ils s'en délectent tout de même.
Je pourrais agir comme un gamin et faire une scène, mais c'est inutile. J'ai accepté le fait qu'Avery et moi allons être amenés à passer du temps ensemble jusqu'au mariage, alors j'arrête de me battre. Peut-être qu'on arrivera enfin à se parler comme des adultes avant la fin de ce séjour, qui sait ?
— Alors, tes amis apprécient l'hôtel ? m'interroge Amber.
— Plus que tu ne peux l'imaginer. Jake, Nolan et Clay ont l'intention d'emménager ici, plaisanté-je.
Elle rit de ma remarque sans masquer sa réjouissance. Amber et Liam auront toujours plus d'argent qu'ils ne pourront en dépenser. Alors, au lieu de le balancer par les fenêtres, ils en profitent pour réaliser des projets qui leur tiennent à cœur. Ils donnent très souvent à des causes de charité. Liam a même créé une association qu'il partage avec sa mère pour aider les victimes de violence domestique, un sujet qui les a un jour touchés personnellement. Et puis il y a eu cet hôtel. D'après ce qu'Amber m'a raconté, sa jumelle et elle avaient eu pour rêve d'enfant de faire construire un hôtel. Elles avaient imaginé tout un tas de choses plus folles les unes que les autres. Alors, quand Amber a enfin réussi à faire le deuil de sa sœur, elle a décidé que tous les petits rêves que cette dernière a pu avoir étant plus jeune, elle les réaliserait. Et cet hôtel était l'un des points sur cette liste. Voilà pourquoi elle l'a renommé le A. Rose Hôtel. Avery Rose Adams vit à jamais en elle et en cet endroit merveilleux. Je n'ai pas eu la chance de la rencontrer, mais Amber m'a assuré qu'elle retrouve chaque jour une part de sa jumelle en sa fille. Je suis donc certain que je l'aurais adorée, malgré notre situation actuelle.
— Eh bien, tu peux leur dire qu'ils auront toujours une chambre ici, à mes frais.
La générosité de cette femme m'étonnera toujours. Ce qui ne devrait pas, puisqu'elle est la bonté personnifiée.
— J'ai croisé Kaylee ce matin. Elle m'a dit que vous êtes allés en randonnée hier. Toi aussi, Avery, continue ma mère.
— Oui, Ian a pris l'initiative de m'inviter. On a passé un bon moment. J'ai eu l'occasion de discuter avec Kaylee, répond Avery.
C'est ce que j'ai constaté. Kaylee semble s'être rapidement liée d'amitié avec la brune. Ça m'agaçait au départ ; j'imaginais que tous mes amis allaient me suivre dans ma décision de snober mon ancienne meilleure amie. Mais au fond de moi, je sais que je n'aurais pas aimé cette situation. Elle ne le mérite pas. Alors, en attendant de pouvoir à nouveau plaisanter avec elle, je suis content qu'elle ne soit pas seule.
— Ian a failli se prendre le pied dans l'une des lianes, ne puis-je m'empêcher de raconter.
Les rires fusent tandis que le même souvenir nous vient à l'esprit.
— Oh mon Dieu, ç'aurait été comique si la situation s'était répétée, commence Liam.
— Je pense que Kiara préférerait oublier ce fameux jour. Mais je me serais fait un plaisir de l'appeler pour tout lui raconter, poursuit mon père.
Mes yeux croisent ceux d'Avery sans que je m'en rende compte, et nous échangeons un regard complice en repensant à cet après-midi.
C'était la première fois que nous explorions la forêt avec Kiara et Landon. Tout se passait très bien jusqu'à ce que ma sœur insère le pied dans une liane qui servait de piège. Elle s'est retrouvée suspendue à un arbre par l'une de ses jambes. J'avoue que la situation était à mourir de rire pour tout le monde sauf elle. Sur le coup, nos mères étaient paniquées, mais avec le recul, on ne peut s'empêcher d'en rire aux éclats. Heureusement, nos pères sont intervenus rapidement, donc aucun dommage n'a été causé. Mais je dois avouer que j'aurais bien aimé voir cet idiot d'Ian suspendu à un arbre. J'aurais chéri ce souvenir jusqu'à la fin de mes jours. Sans parler de Kaylee qui aurait ressorti cet événement à chaque fois qu'elle en aurait eu l'occasion.
Deux des serveurs de l'hôtel interrompent notre conversation en nous ramenant nos plats.
— Deux burgers frites pour madame et monsieur, s'exclame l'un d'entre eux en déposant les assiettes devant Avery et moi.
Par habitude, je retire les tomates du burger d'Avery pour les mettre dans mon assiette, tandis qu'elle retire les cornichons du mien. Ce n'est qu'après avoir réalisé le geste que nous nous rendons compte de ce qui vient de se passer.
— Euh... désolé, je...
— Non, c'est moi, je...
Personne ne termine sa phrase et nous détournons le regard, nos sourires de gêne à peine dissimulés. C'est bien la première fois que nous nous retrouvons dans une telle situation, à agir par pur réflexe. Une habitude que nous avions développée depuis notre jeunesse. À l'époque, nous avions pour coutume de retirer des éléments que l'autre n'aimait pas. Pour Avery, c'étaient les tomates. Moi, au contraire, j'adore ça, alors je prenais toujours l'initiative de les manger à sa place. De son côté, elle faisait de même avec les cornichons. Enfin, ce dernier point est un mensonge de ma part dont elle n'a jamais eu connaissance. Je savais qu'elle adorait les cornichons et qu'elle trouvait qu'il n'y en avait jamais assez. Ainsi, j'ai prétendu ne pas aimer ça pour qu'elle puisse en profiter sans culpabilité.
Cette scène n'échappe évidemment pas au regard perspicace des matriarches de la famille, qui ne se gênent pas pour murmurer entre elles. Cela doit probablement être le plus beau jour de leur vie. Elles ont été profondément affectées par notre « séparation ». Elles ont toujours cru que nous finirions ensemble, que nous étions faits l'un pour l'autre. Alors, quand cette rupture a eu lieu, elles ont toutes les deux tenté de nous raisonner. Pour ma part, j'ai préféré éviter ces conversations en fuyant ou en changeant de sujet, une compétence dans laquelle j'excelle, selon Kaylee.
— Et toi, Ave ? Un nouveau projet en cours ? l'interroge mon père.
Avery se mord la lèvre en triturant ses doigts, signe que le sujet ne lui plaît pas forcément. Cela m'étonne sincèrement. L'Avery que je connaissais était toujours excitée à l'idée d'un nouveau projet ou lorsque son métier était évoqué. Aujourd'hui, je vois qu'elle préfère éviter la conversation, ce qui m'intrigue.
— Hmm, pas pour le moment. J'ai décidé de prendre une pause et de me recentrer sur moi-même. C'est pour ça que j'avais décidé de passer quelques semaines chez mes parents avant de venir ici.
Alors, c'est pour ça qu'Amber l'a traînée ici. Elle n'était donc pas réellement prévue parmi les invités.
Ma mère m'a dit qu'Avery avait enchaîné les projets ces trois dernières années, qu'elle n'avait pas arrêté une seule seconde, ce qui l'inquiétait. Il semble qu'elle ait atteint sa limite et que le robot en elle ait enfin besoin d'une pause.
— Ce qui est une bonne chose. Il faut savoir écouter son corps, tente de la rassurer ma mère.
Avery esquisse un sourire forcé tout en continuant de tripoter ses doigts. Une part de moi comprend qu'elle ne dit pas tout et que cette pause est bien plus qu'un simple besoin de relâcher la pression. Je connais Avery mieux que je ne me connais moi-même, et je perçois quand quelque chose la tracasse vraiment. D'abord ces appels à répétition, ce visage si triste et renfermé, et maintenant cela. J'ai naïvement pensé que sa tristesse était due à mes actions, mais je commence à réaliser qu'il y a autre chose.
Que se passe-t-il, Avery ?
À nouveau, mon corps agit avant de réfléchir et je dépose ma main sur sa cuisse en signe de réconfort, un geste que j'avais l'habitude de faire autrefois. Elle me lance un regard confus, mais cette fois, je maintiens le contact visuel. Je lui montre ainsi qu'elle peut se détendre, qu'elle est en sécurité.
— Il manque quelques accessoires à Kaylee pour le mariage. J'ai pensé que vous pourriez organiser une petite séance shopping entre filles pour l'aider, lancé-je pour changer de sujet.
— Oh, j'adore l'idée ! réagit immédiatement ma mère.
Peu à peu, les épaules d'Avery se détendent, ses doigts se relâchent, et son regard reconnaissant me réjouit. Mon sourire s'élargit naturellement, et ma main reste posée sur sa cuisse jusqu'à ce que je sois certain qu'elle se sente mieux.
🎞️🏄🌊🏒🩺
Kyle l'homme que tu es 🥹🥹
Un petit moment en famille !!
J'aime jouer sur le fait qu'ils se connaissent toujours par cœur et que le naturel de leur complicité sera toujours présent.
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