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AVERY
— Tu verras, ma puce. Le lycée peut être difficile au départ, mais c'est aussi l'endroit où tu te créeras le plus de souvenirs. Et l'école que nous avons choisie semble parfaite. Il y a une bibliothèque immense pour que tu puisses t'évader durant ton temps libre ou simplement bosser tes cours pour éviter de le faire en rentrant. Il y a aussi un très bon programme d'art dramatique où tu pourras améliorer ton jeu d'acteur, bien qu'il soit déjà très bon...
Je laisse ma mère énumérer tout ce que la Kennedy Academy aura à offrir à la future lycéenne que je m'apprête à devenir. Habituellement, j'aurais pris part à la discussion avec un enthousiasme similaire au sien. Après tout, j'étais la première à être toute excitée par cette nouvelle aventure. Pourtant, depuis que je suis rentrée de ma virée matinale, mon cerveau ne cesse de penser à ce qu'il s'est passé au milieu de l'océan. Le corps de Kyle contre le mien, ses mains autour de mon visage, son souffle chaud caressant ma peau, ses pupilles océan ne me quittant pas du regard, et enfin, ses douces lèvres contre les miennes. Les papillons explosant dans mon ventre, les frissons, l'adrénaline.
Kyle Warren Jennings : mon océan.
Je savais que notre premier baiser serait magique, mais je ne m'attendais pas à ce que mon cerveau se mette définitivement en pause après coup. J'aurais envie de dire que le manque de sommeil y est pour quelque chose, mais ce serait se voiler la face. Kyle est simplement né pour chambouler tous mes sens et ce baiser n'en était qu'un aperçu.
— Tu me diras quel goût a le sucre au thé, murmure soudainement la voix suave de mon meilleur ami.
Je sursaute en envoyant valser un peu de sucre en poudre sur le carrelage de la cuisine. Je peste contre ma maladresse, sous le regard amusé de celui qui me trouble plus que de raison. J'attrape le torchon à ma droite pour le lui lancer à la figure afin qu'il remballe ce sourire satisfait qui m'irrite autant qu'il me donne envie de rire.
Il attrape une banane sur le plan de travail et s'adosse contre celui-ci, attendant que ma mère termine ses longs éloges sur notre futur établissement. Il en profite pour se moquer gentiment d'elle en effectuant des gestes exagérés pour illustrer ses propos. Je cache alors mon visage entre mes mains en essayant de retenir un rire peu discret.
— Kyle Warren Jennings, cesse tout de suite de te foutre de moi dans mon dos, s'exclame soudainement la maîtresse de maison, sans se tourner pour autant.
Grillé.
Il grimace et s'apprête à lui demander comment elle savait qu'il était là, alors qu'elle ne pouvait même pas le voir.
— Je te connais depuis ton premier jour, jeune homme. Rien ne peut me surprendre quand il s'agit de ma fille ou de toi, anticipe-t-elle.
Sur ça, aucun de nous ne peut la contredire. Amber Adams Cooper a beau ignorer encore beaucoup de choses de ce monde, lorsque ça concerne sa fille et son filleul, rien ne lui échappe.
Enfin, presque...
— Sorry, Amby, tu sais que je n'oserais jamais te manquer de respect, raille Kyle en embrassant tendrement la joue de ma mère en guise d'excuse.
— Hmm, je t'ai à l'œil, petit insolent.
Nous rions en chœur, puis Kyle profite que ma mère soit distraite une seconde pour jeter mon verre de thé trop sucré dans l'évier tout en m'en servant un nouveau. Il y ajoute deux cuillères à sucre, comme je l'aime, et le repose devant moi. Ce sont toutes ces petites attentions qui font de Kyle cet être exceptionnel qu'il est.
Mon être exceptionnel.
Il prend ensuite place à mes côtés et attrape une crêpe tout juste préparée par ma mère. Étant à moitié française, sa recette de crêpe est parfaite, et Kyle et moi en raffolons plus que nos estomacs ne le permettent.
— Prêt pour cette rentrée ? J'énumérais à l'instant avec Avery tous les avantages que possède la Kennedy Academy. J'ai même entendu que le cours d'astronomie était très complet et plutôt intéressant pour les fans tels que toi, reprend ma mère sur le même ton que précédemment.
Kyle et moi échangeons un regard entendu. J'ai beau être enthousiaste, ma mère l'est un million de fois plus. Elle a toujours eu peur qu'avec mon statut, trouver un lycée adéquat serait compliqué. Mais elle a discuté avec des amis du milieu et certains lui ont assuré que la Kennedy Academy était l'école parfaite pour moi. Beaucoup d'élèves aussi privilégiés que nous le sommes, d'autres simplement très riches. Personne ne me traitera comme un être exceptionnel et c'est tout juste ce qu'il me faut. Bien que Kyle ne soit pas la progéniture de célébrités, ses parents l'ont tout de même inscrit dans ce lycée. Il était hors de question de nous séparer pour les quatre prochaines années. Et puis, le salaire de son père chirurgien pouvait très bien régler les frais de scolarité, alors la question était réglée.
— Oui, j'ai vu ça, lorsque j'ai passé le programme en revue cet été. Sans parler des cinquante brochures que tu as déposées sur mon bureau, souligne-t-il en esquissant un énième sourire railleur.
J'éclate de rire, tandis que ma mère affiche une moue boudeuse. Non, cette femme ne fait jamais les choses à moitié et elle a passé sa vie à nous le prouver.
— Je veux simplement que vous viviez les plus belles années de votre vie. Je n'ai pas eu la chance de vivre les miennes pleinement, alors je veux le meilleur pour mes deux plus grands bébés.
Son regard s'attriste lorsqu'elle repense à ses années lycées. Ma mère n'a pas eu une scolarité très stable. Elle a perdu sa jumelle lorsqu'elle avait notre âge, ce qui a engendré pas mal de complications à ce niveau. Elle ne m'a jamais caché cette part de son passé. Elle m'a confié qu'elle avait déjà fait cette erreur en le cachant à mon père et que leur couple en avait pâti. Et puis, elle voulait aussi que je connaisse mes origines et la signification derrière ce prénom qu'elle m'a donné : Avery...
— On va tout faire pour les vivre à fond. On étudiera, fera autant d'activités extrascolaires possibles, de nouveaux amis...
— Et des soirées plus déjantées les unes que les autres, ajoute une nouvelle voix féminine.
Mon regard croise celui d'une des femmes les plus ravagées que je connaisse — en sérieuse compétition avec ma tante Fallon — mais que j'adore aussi plus que tout : Alexandra « Lexie » Jennings, la meilleure amie de ma mère, ma tante de cœur, ma marraine, la mère de ma personne préférée et la femme dont je tiens mon deuxième prénom.
— Et voici la mère de l'année, raille maman.
Tante Lexie et elle se lancent un regard complice avant d'exploser de rire. Leur amitié a traversé les années, les peines de cœurs, a bravé les océans et les tempêtes et jamais rien n'a pu détruire ce lien si précieux. Ce lien qu'elles ont choisi de léguer à leur descendance. Même si clairement, le genre de sentiments qu'elles partagent n'a rien avoir avec ce que je ressens pour mon meilleur ami.
— Attention, je ne dis pas que les études ne sont pas importantes, mais en tant qu'adolescents, il est proscrit de ne penser qu'à ça. Nous n'avons qu'une jeunesse, il faut en profiter, reprend la mère de Kyle.
— En évitant de ramener des MST et de finir en cellule de dégrisement, si possible, souligne la plus tempérée des deux.
Mon regard rencontre celui du brun à ma gauche, et c'est à notre tour de rire aux éclats. Plus rien ne nous surprend lorsqu'on se retrouve face à ces deux personnages. Tante Lexie sort les plus grosses conneries qui puissent exister, tandis que maman tente de calmer ses ardeurs.
— Voilà pourquoi il est important de se protéger, les enfants.
— C'est ton joli minois que tu vas devoir protéger, si tu suggères encore une fois quelque chose de la sorte à ma fille, Lex, intervient une voix plus grave dans mon dos.
Ma mère recule d'un pas, tandis que mon père fait son entrée dans la cuisine pour faire face à une Lexie qui ne ressent pas une once de peur. Elle aborde même son visage le plus narquois en croisant les bras sur sa poitrine.
— Oh, Liam chéri, ta fille entre au lycée, et toi comme moi savons très bien ce que font les gamins de leur âge, lance-t-elle sur un ton plein de sous-entendus.
— Et c'est ici que la conversation s'arrête, m'écrié-je en couvrant mes oreilles.
Il n'y a rien de pire pour un enfant qu'entendre à quel point ses parents avaient et ont toujours une vie sexuelle bien active.
Beurk.
Le coin de la bouche de mon père s'étire, incapable de résister à l'humour de Lexie. Il pince son bras pour qu'elle cesse ses bêtises, puis vient déposer un doux baiser sur mon front en guise de bonjour.
— Avery Cooper, je t'interdis d'approcher cette folle durant les quatre prochaines années.
La folle en question tire la langue pour la forme, sans masquer son amusement.
Une matinée normale chez les Cooper-Jennings. Une atmosphère dans laquelle j'ai eu la chance de grandir. Une que je n'aurais échangée pour rien au monde. Une dont je serai reconnaissante pour le restant de mes jours.
— Tu ne devais pas tourner tôt, aujourd'hui ? le questionne ma mère.
— J'ai décalé d'une petite heure. Mon bébé entre au lycée, je ne voulais pas manquer cette grande étape.
Je souris en me blottissant contre lui. Liam Cooper, playboy de sa génération, l'un des acteurs les plus talentueux sur Terre, une célébrité pour le monde. Mais simplement le meilleur papa de l'univers pour moi. Bien que sa carrière ait toujours été très importante pour lui, il ne l'a pas une seule fois fait passer avant sa famille. Il n'a jamais manqué le moindre événement de ma vie ou de celle de mon frère. Il a joué de nombreux rôles au cours de sa carrière, mais celui de père restera à jamais celui qui le sied le mieux.
Lorsque ma mère a annoncé à mon père qu'elle ne pourrait jamais avoir d'enfant, il avait accepté cette réalité comme étant définitive. Même si devenir parent était son plus grand rêve, l'amour qu'il éprouvait pour ma mère surpassait tout. Mais un beau jour, un bébé magique fut déposé devant une caserne, bouleversant leur existence à jamais. Quelques années plus tard, un dernier bambin est venu compléter cette famille atypique, apportant la joie tant attendue à ce couple à qui la vie n'avait pas fait de cadeaux.
Ma famille.
— Vous êtes tout de même au courant qu'on change simplement d'établissement scolaire. Pourquoi tout le monde en fait une affaire d'État, râle le casseur d'ambiance.
Je soupire en levant les yeux au ciel.
— Ne faites pas attention à lui, Kyle a décidé d'être le rabat-joie de service depuis son réveil.
L'insolent m'adresse un sourire moqueur en me pinçant la joue.
— Je dis juste qu'on va entrer dans un établissement en début de matinée, qu'on va nous donner un emploi du temps, qu'on va suivre des cours, des activités extrascolaires et qu'on rentrera à la maison pour raconter notre journée et faire nos devoirs, comme nous le faisons depuis pas mal d'années, déjà.
— Qu'est-ce que je disais ? Rabat-joie.
Les rires de nos parents fusent face au numéro du deuxième duo de choc.
— Amber Adams, je crois qu'on a bien élevé nos enfants, ricane Lexie en adressant un sourire complice à sa moitié.
— Pendant que Dean et moi tondions la pelouse, raille mon père.
Nous rions à nouveau, tandis que ma mère vient embrasser la joue de mon père en signe d'excuse avant de se blottir contre lui.
— T'inquiètes, tu auras toujours ton titre de père de l'année. Maintenant, les morveux, finissez rapidement votre petit déjeuner si vous ne voulez pas être en retard.
Kyle et moi hochons la tête à l'unisson, suite aux ordres de la maîtresse de maison, avant d'engloutir rapidement nos crêpes.
***
La Kennedy Academy est réputée pour être l'une des écoles les plus prestigieuses au monde. Les frais de scolarité sont exorbitants, les lycéens qui y étudient proviennent obligatoirement de milieu privilégié. Très peu de bourses sont disponibles pour les classes moyennes. En observant l'imposante bâtisse devant moi, composée de verre étincelant, entourée de jardins parfaitement entretenus, je suis frappée par la beauté saisissante de cet endroit, bien au-delà de ce que la brochure avait pu me laisser imaginer. Le soleil, plus rayonnant que jamais aujourd'hui, s'aligne parfaitement avec ces éléments, offrant un spectacle visuel époustouflant. Mon admiration pour l'école ne fait que croître.
Je jette un coup d'œil au garçon à mes côtés afin de capter chacune de ses réactions. Imaginez ma surprise lorsque je ne le vois pas plus impressionné que ça.
— Kyle, regarde ça, n'est-ce pas incroyable ?
— Mouais, un peu too much pour un lycée. Ils sont quand même au courant qu'une bande d'ados immatures va tenter d'étudier durant quatre ans et repartir avec un diplôme fraîchement payé par papa, maman ? critique Kyle. T'es sûre qu'on n'a pas atterri dans les nouveaux locaux d'Elon Musk ?
Je soupire, habituée à ce que Kyle ne partage pas ma perspective sur l'école. Bien sûr, la Kennedy Academy n'offre pas l'expérience lycéenne ordinaire, mais il pourrait au moins essayer de voir les choses positivement. De nombreux jeunes rêveraient d'étudier ici, mais seule une poignée a cette opportunité grâce à des chèques signés par leurs parents. Pourquoi Kyle ne réalise-t-il pas la chance qu'il a d'être ici ?
Sûrement parce que tout ce que ses parents gagnent lui revient de droit, et que la vraie chanceuse dans l'histoire, c'est la petite fille trouvée devant cette caserne, quinze ans plus tôt, me rappelle ma conscience.
Oui, c'est juste. Je suis du genre à me rappeler constamment que le hasard m'a donné cette vie. Qu'il aurait fallu d'un contretemps pour que rien de tout ça ne soit à moi. Contrairement à Kyle qui mérite biologiquement cette vie que lui ont offerte Dean et Lexie.
— Moui, peut-être que j'en fais encore trop, soupiré-je en baissant la tête tout en triturant mes doigts.
Une main ferme, mais douce se pose sur mon épaule. Quand je relève la tête, je rencontre le regard océan de Kyle.
— N'arrête jamais d'en faire trop, Avery Cooper. C'est ce qui fait de toi la fille la plus géniale que je connaisse, m'avoue Kyle alors qu'un franc sourire vient étirer ses lèvres.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que ses mots continuent de faire écho dans mon esprit.
« La fille la plus géniale que je connaisse. »
Kyle sait toujours trouver les mots justes. Je sais qu'il ne voulait pas de cet établissement, de ces murs en verre, de cet engouement pour des choses si futiles. Qu'il préférerait aller au lycée près de chez nous et de la plage. Étudier la journée et affronter les vagues le soir. Porter des vêtements qu'il aurait choisis. Et pourtant, il a renoncé à tout ça en un claquement de doigts lorsqu'il a aperçu ces étoiles dans mes yeux lorsque j'ai mentionné la Kennedy Academy.
Parce que quoi qu'il arrive, Kyle Warren Jennings choisit toujours mon bonheur.
🎞️🏄🌊🏒🩺
Un petit chapitre tout doux pour continuer l'introduction de l'univers.
Vous avez rencontré la famille des protagonistes. Évidemment, pour ceux qui ont lu One Last Chance vous les avez reconnu ! Quel joie de pouvoir retrouver des personnages que j'ai écris dans le passé 🥹
Le prochain chapitre sera plus intéressant pour la suite des événements ☺️
A mercredi !!
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