KYLE

— Dix minutes de retard, tu as battu ton record, souris-je en guise de bonjour.

Hayden ricane en s'engouffrant dans ma voiture. Cela fait presque deux mois que je connais cet imbécile, et il n'a jamais été à l'heure pour nos rendez-vous. Que ce soit pour le covoiturage avant l'entraînement, nos pauses déjeuner souvent serrées dans le temps ou nos soirées étudiantes, il est toujours en retard. Mon ami est bien un mec, mais quand il s'agit de se préparer, il est aussi lent que les femmes les plus coquettes de ma famille. Et croyez-moi, mes tantes sont parmi les plus exigeantes qui existent. Comme si ça ne suffisait pas, je suis continuellement son chauffeur attitré. Il a une voiture et son permis, mais il préfère être la « passenger princess ».

— Oh ça va, j'ai été extrêmement rapide pour une fois.

« Extrêmement rapide » signifie qu'il a pris une douche au lieu d'un bain.

— Je parie que Nate n'y est pas étranger.

Le regard qu'il me lance confirme ma supposition.

— Monsieur avait un rencard ce soir et a retourné toute la maison à la recherche de la tenue parfaite. Il m'a viré de la salle de bain alors que je venais à peine de sortir de la douche. J'ai donc dû me coiffer en vitesse, sans obtenir le résultat que j'avais imaginé. Non, mais tu te rends compte ? Quel genre d'individu fait ça ?

— Tu veux vraiment qu'on parle de Nate alors que tu passes plus de temps devant ton miroir que dans ton propre lit, précisé-je en haussant un sourcil.

Il plisse les yeux, se sentant trahi. Mais il sait que je suis le plus réaliste de nous deux et qu'il est plus superficiel que la plupart de ses conquêtes.

— Que veux-tu que je te dise, prendre soin d'un physique de rêve comme le mien demande du temps et des efforts. Je ne veux pas perdre mon statut de l'homme le plus sexy du campus.

Bien qu'il en fasse parfois des tonnes, Hayden ne ment pas sur ce point. En deux mois, il a conquis le cœur de nombreuses filles, et il est déjà admiré et adulé. Son physique de sale gosse et son talent sur la glace y sont pour beaucoup. La saison de hockey a commencé il y a quelques semaines, et Hayden s'est démarqué dès notre premier match. Il est naturellement charismatique, mais sur des patins, il est magique. Je l'admets volontiers, je suis l'un de ses premiers admirateurs. Il a une aisance naturelle en public que beaucoup lui envient. Je suis persuadé qu'il ira très loin et deviendra un brillant avocat.

— Je parie que Nate aurait préféré hériter d'un cousin laid et grassouillet, blagué-je.

— N'empêche, tous ces efforts pour une nana qu'il n'avait même pas envie de baiser le soir même.

— Faut croire qu'il n'y a pas que des serial baiseurs dans ce monde. Je sais, c'est choquant.

Hayden lève les yeux au ciel face à mon ironie, sans perdre son sourire de petit con. Il a renoncé à l'amour et aux contes de fées depuis que sa seule petite amie a brisé son cœur. C'est encore très récent et l'a beaucoup plus affecté qu'il ne veut bien l'admettre. Voilà pourquoi, désormais, il ne souhaite plus rien de sérieux. Du bon temps, quelques orgasmes et on passe à la suivante. Je ne juge pas, il fait ce qu'il veut de son corps, mais c'est un concept qui me sera toujours étranger.

— C'est vrai qu'il y en a certains qui sont promis à une fille depuis leur naissance et qui n'iront jamais voir ailleurs, même quand ils ne sont pas officiellement en couple avec cette même fille, réplique l'insolent.

Je souris en levant mon majeur. J'ai parlé d'Avery à Hayden et de notre situation particulière. Il m'a traité de fou, d'idiot, et ne comprend pas comment cette situation peut me convenir. J'ai accepté ses remarques sans forcément argumenter. Mon histoire avec Avery est unique. Personne ne comprend vraiment nos sentiments, pas même nous. Pourtant, il y a une chose qui reste certaine, c'est que mon cœur ne pourra jamais aimer quelqu'un comme il aime Avery.

***

— Vous êtes en avance, c'est Noël ou quoi ? s'exclame Ian en nous voyant arriver à leur table.

— Hayden a eu un rencard écourté avec son miroir. Alors, on a été plus rapide que d'habitude, ricané-je en lançant un regard complice à mon ami.

Les gars éclatent de rire, connaissant bien la relation privilégiée qu'entretient Hayden avec son physique. Nous nous asseyons à leurs côtés avant de héler la serveuse pour passer commande.

Ce soir, nous faisons la fête au Gracy, le bar le plus branché de la fac, où tous les étudiants se rassemblent pour se bourrer la gueule, draguer et profiter entre amis. Nous avons l'habitude de nous y rendre chaque semaine avec certains gars de notre équipe. Très rapidement, des liens se sont créés entre nous, formant ma première vraie bande d'amis.

Avant de venir ici, j'avais déjà eu des potes, mais je savais que notre amitié ne dépasserait jamais le lycée. Je sais qu'il est encore trop tôt pour dire ce genre de choses, mais j'ai ce sentiment que tout sera différent avec ces gars-là. Il y a cette alchimie naturelle entre nous qui me fait me sentir différent. Plus vivant.

Notre bande est composée de huit garçons aussi incroyables que différents : Hayden et Ian, les mecs à nanas ; Elliott et Miles, les geeks ; Jake, l'aventurier ; Jamie, le cuistot ; moi, le plus tempéré du groupe et amoureux de la science ; et j'oublie quelqu'un...

— Salut les gars, désolé pour le retard, résonne une voix.

Je me tourne et une touffe blonde entre dans mon champ de vision.

Clayton O'Connell. Le petit nouveau. Clay est arrivé dans l'équipe après tout le monde. Il s'est installé à Boston il y a quelques semaines et n'a donc pas pu passer les sélections en même temps que nous. Il a eu de la chance, car un des gars de l'équipe a abandonné après quelques jours, laissant une place libre pour lui. Une décision que le coach n'a jamais regrettée, puisque ce gars-là a un excellent jeu.

Il est un peu plus réservé que les autres, mais Hayden et moi avons tout fait pour l'inclure au maximum. C'est un mec vraiment gentil et je suis persuadé qu'on deviendra vite inséparables.

— T'inquiète, t'es pile à l'heure. On a commandé une tournée de vodka, ça te convient ? lui demande Jake.

— Parfait !

Clay s'installe sur le siège restant à mes côtés. J'ai eu l'occasion de discuter quelques fois avec lui. Il vient tout droit du Texas, près d'Austin. Il a deux petites sœurs jumelles de seize ans. Il a une bonne relation avec sa mère, mais avec son père, c'est plus compliqué depuis qu'il lui a révélé son plus gros secret.

— Et si on jouait à un petit jeu : chacun va tour à tour nous donner son body count en donnant les prénoms qui vont avec. À chaque prénom oublié, on devra boire cul sec, propose Ian tandis que la serveuse dépose notre plateau.

Chouette, ça va être facile et rapide pour moi.

— Mec, t'es un sacré bâtard, comment je suis censé me souvenir de toutes mes nanas, gémit Hayden.

— Fallait garder ton pantalon fermé, ma biche, se marre Miles, déclenchant l'hilarité des autres. D'ailleurs, celle de ce soir sera blonde ou brune ? Peut-être rousse pour changer.

Hayden sourit malicieusement.

— Hmm, pourquoi pas rousse tiens. Je n'en ai encore jamais connu.

Jake secoue la tête sans réprimer un rire avant de faire tourner la bouteille pour savoir qui commencera.

— Clayton, le petit nouveau. À toi l'honneur, mon poulet.

Clay se mord la lèvre, anxieux à l'idée d'être jugé pour ses préférences, mais mon léger signe de tête lui donne le courage de se lancer.

— Deux : Alexia, qui m'a fait comprendre que j'aimais les hommes. Et Jason, qui m'a confirmé que j'aimais les hommes. Rien d'autre depuis. Ah si, un coup rapide, il y a quelques mois, avec Braylon.

Un silence s'installe pendant quelques secondes, stressant à nouveau le blond. Mais rapidement, les gars se mettent à applaudir en hurlant des mots d'encouragement.

— T'es un petit cachotier, O'Connell. Mais t'en fais pas, cette université est bourrée de spécimens sexy. Tu vas vite augmenter ton compteur, s'écrie Jamie.

Clay se détend enfin et finit par rire avec le reste du groupe. C'est ça que j'aime dans notre équipe : chacun est différent et personne ne juge l'autre.

Jake nous annonce un compteur de douze avec un oubli. Miles est légèrement au-dessus avec quatorze filles et trois oublis. La bouteille s'arrête enfin sur moi. Je souffle un bon coup, sachant pertinemment qu'ils vont me charrier.

— Zéro.

Nouveau silence. Je souris, anticipant leur réaction. Ils se mettent alors à rire, pensant que je blague.

— Pas mal, celle-là, Jennings. Maintenant, dis-nous la vérité, ricane Ian.

Je hausse les épaules sans perdre mon sourire.

— Attends, t'es vraiment puceau ? s'étonne Elliott.

— C'est un truc religieux, tu te préserves pour le mariage ? questionne Jamie.

— Non. C'est un peu compliqué à expliquer, mais je me préserve pour la fille que j'aime : Avery.

— Et elle ne sait pas que tu existes, c'est ça ?

— Absolument pas. On s'aime, mais on attend le bon moment. Quand on sera enfin réunis après la fac.

Leurs yeux s'écarquillent. Seul Hayden reste de marbre, car il connaît déjà toute l'histoire.

— Mais comment c'est possible ? Elle ne te fait même pas une petite branlette de temps en temps ? Rien, nada ? Tu n'es même pas allé voir d'autres nanas en attendant ? poursuit Ian, comme si le concept était inenvisageable.

— Rien de rien, ce n'est pas mon style. Je ne critique pas les choix des autres, notre corps nous appartient ainsi que les décisions le concernant. Pour ma part, le sexe n'est pas qu'un défouloir ou un concours. C'est avant tout un moment privilégié avec la personne en qui tu as assez confiance pour te dévoiler complètement. C'est peut-être bateau et guimauve, mais c'est ma façon de penser. Pour moi, il n'y a qu'avec une seule femme que je voudrais partager ce moment. Quel que soit le temps que ça prendra.

Chacun m'écoute en silence, essayant de comprendre mon point de vue, même si dans leur cas, c'est difficilement envisageable. Ils ne me jugent pas, ils ne voient simplement pas des gars comme moi tous les quatre matins.

— Je trouve que c'est très honorable, me dit Clay en souriant.

Chacun hoche la tête avant de continuer leur record. J'en profite alors pour me tourner vers Clay. Il a raté le premier mois de cours, car sa mère s'était blessée et il devait la remplacer au ranch familial.

— Comment va ta mère ? lui demandé-je tandis que le reste de la bande débat sur le compteur d'Ian et Hayden.

— Beaucoup mieux. Elle me répète de ne pas m'inquiéter, qu'elle a déjà connu pire et qu'une petite entorse ne va pas l'arrêter.

— Mais tu n'en es pas convaincu.

Ses lèvres pincées se relâchent pour laisser échapper un soupir, son regard se pose sur ses chaussures, exprimant son inquiétude et une pointe de culpabilité.

— Elle travaille beaucoup trop. Elle dit le faire par passion, mais je sais qu'au fond, ça la ronge. Je pense qu'elle ne veut pas décevoir mon père. Ce ranch est un héritage familial, mon père l'a reçu de son père, qui lui-même l'avait hérité de son père...

— Et tu portes cette culpabilité parce que tu étais censé en être l'héritier, même si tu n'en as jamais voulu.

Son silence est une réponse à ma question. Je sais combien il est terrifiant de décevoir ses parents. Personnellement, je sais que quoi que je fasse, mes parents me soutiendront toujours. Sur ce point, je suis chanceux. Cependant, les enfants se mettent souvent une pression énorme, croyant qu'en suivant les traces de leurs parents, ils les rendront encore plus fiers. Avery en est l'exemple parfait. Je ne dis pas qu'elle n'est pas une actrice talentueuse, au contraire, elle est époustouflante. Mais serait-elle vraiment intéressée par le cinéma si Amber et Liam avaient choisi une autre voie professionnelle ?

Avery veut être la fille parfaite. Depuis toujours, elle a eu peur d'être abandonnée par ses parents à la moindre erreur. Elle s'est convaincue que leur différence de sang les rendraient plus susceptibles de la rejeter. Mais elle se trompe. Pour Amber et Liam, Landon et elle sont tout. Ils représentent leur seconde chance, après que la vie leur ait mis des bâtons dans les roues.

— J'adore ce ranch, j'y ai vécu ma meilleure enfance. Malheureusement, je ne me vois pas y consacrer toute ma vie. Je veux devenir architecte, c'est là ma véritable passion. Mais pour mon père, ce serait une autre déception à ajouter à la longue liste.

Sa confidence me touche profondément. Clay semble être un type en or, et il mérite le soutien de sa famille.

— Alors ne baisse pas les bras. La famille est importante, mais n'oublie pas que c'est ta vie, et que tu es celui qui doit en choisir le chemin. En tout cas, sache que tu as mon soutien.

Son visage s'illumine d'un sourire sincère.

— Merci, Kyle. T'es un super ami.

— Je fais de mon mieux.

— Non, il est parfait, il est juste trop modeste pour l'admettre, résonne la voix d'Hayden derrière moi.

Je me retourne pour trouver mon ami penché sur mon épaule, un demi-sourire aux lèvres.

— Désolé, je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre votre conversation. Sache que je suis également à tes côtés. La famille de sang ne se choisit pas, mais nous pouvons créer celle qui nous choisit, peu importe nos décisions. Et toi, Clayton O'Connell, tu fais désormais partie de la nôtre...

Hayden pose sa main sur mon épaule, son regard passant de Clay à moi. J'ai toujours pensé qu'Avery était la seule famille dont j'avais besoin. Pourtant, l'idée de partager le reste de ma vie avec ces gars-là me plaît bien.

Boston était définitivement le bon choix.

🎞️🏄🌊🏒🩺

Kyle a trouvé sa deuxième famille !!

Alors ? Content de revoir notre petite bande ?

J'ai ajouté une petite backstory à Clay parce que j'ai remarqué qu'on ne savait pas grand chose sur lui dans Fucking Roomie ! Ce qui était une très mauvaise idée parce que ça m'a donné envie d'écrire son histoire à lui aussi 😭😭

D'ailleurs qui a remarqué le clin d'œil à Kaylee plus haut ?

A mercredi pour la suite !