13
KYLE
— Allez, Kyle. Tu peux y arriver, me répété-je depuis dix minutes en observant l'immense bâtisse face à moi.
Je n'aurais jamais pensé qu'une simple soirée étudiante pourrait susciter autant d'anxiété en moi. Pendant mes années lycée, j'en ai participé à plusieurs, même si ce n'était pas vraiment mon truc. C'était davantage pour faire plaisir à Avery. Si elle aimait quelque chose, je m'assurais de le préserver. C'était toujours ainsi pour moi.
Mais aujourd'hui, tout a changé. Être ici seul m'incite à vivre pour moi. Et pour être honnête, il s'agit d'un concept totalement inconnu. J'ai grandi en ayant cette fille à mes côtés, où que j'aille, quoi que je fasse. Je n'avais jamais envisagé ce que je ferais sans elle. Ça ne semblait pas avoir de sens à l'époque. Il n'y avait pas de Kyle sans Avery, nulle part sur cette terre. Il faut croire que la vie et ses nombreux tours m'ont prouvé le contraire.
Pourtant, c'est une bonne chose, n'est-ce pas ? Découvrir enfin qui je suis en dehors d'Avery Cooper. Depuis que j'ai posé le pied sur ce campus, c'est ce à quoi j'essaie de me convaincre.
Mes parents se sont occupés de me trouver un appartement proche du campus. Ils avaient prévu de payer le loyer chaque mois, mais Liam Cooper les a devancés en m'annonçant qu'il m'offrait cet appartement en guise de cadeau d'anniversaire. Je ne suis pas habitué à étaler ma situation financière, mais je ne vais certainement pas refuser ce geste. J'ai grandi dans une famille qui ne manquait pas de moyens et avec une famille de cœur encore plus aisée, ce dont je suis reconnaissant chaque jour. Mais je dois admettre que les Cooper ont vraiment mis le paquet cette fois-ci. Je m'attendais à un simple chèque ou à un nouveau téléphone, mais sûrement pas à un appartement.
Ils ont tous pris le temps de m'aider à m'installer. Ma mère a versé des larmes en repartant pour la Californie. Elle a accepté et soutenu ma décision d'étudier à l'autre bout du pays, mais cela reste difficile pour elle. Voir son premier enfant quitter le nid familial, c'est comme si la fin du monde approchait : ses mots, pas les miens.
Pourtant, même si dire au revoir à mes parents a été difficile, c'est une autre personne que j'ai eu du mal à laisser partir. Avery a décidé de ne pas suivre des études universitaires pour embrasser la carrière de ses parents dans le cinéma. Une décision pleinement soutenue par Amber et Liam, conscients des défis de Hollywood où il faut avoir les épaules solides pour briller parmi les paillettes et les caméras. Ils auraient préféré qu'Avery n'entre jamais dans ce milieu, mais ils respectent profondément les désirs de leur fille. Liam a toujours évité de suivre les traces de son père, en laissant à ses enfants la liberté de choisir leur propre chemin.
Elle avait prévu de rester à Boston avec moi le temps de trouver une audition, mais ses plans ont changé avec l'aide inattendue de ses parents. Cet été, elle a découvert qu'un film majeur était en préparation, réservé initialement aux acteurs déjà établis. Grâce aux relations de ses parents, elle a eu l'opportunité de passer une audition et, sans surprise, elle a décroché le rôle. Bien que j'aurais aimé l'avoir à mes côtés, j'étais sincèrement heureux pour elle. Avery est une actrice extraordinaire et j'ai hâte que le monde entier puisse enfin le reconnaître.
Me voilà désormais livré à moi-même dans une ville que je dois apprendre à connaître. Une nouvelle vie s'ouvre à moi, aussi excitante que terrifiante. Je n'ai jamais été aussi loin de mes repères, jamais sorti de ma zone de confort. Mais c'était mon choix, et c'est à moi de faire en sorte que ces prochaines années se déroulent au mieux.
J'ai hésité à participer à cette première soirée organisée par une fraternité de la fac, mais j'ai réalisé que rester enfermé chez moi ne m'aiderait pas à me faire des amis. Et quand je dis « réalisé », j'insinue que ma mère m'a sérieusement menacé de venir sur le campus pour me ridiculiser si je ne profitais pas pleinement de ma vie étudiante.
On ne choisit pas sa mère, après tout.
Alors que je reste indécis à l'entrée, mon téléphone se met à vibrer, m'annonçant un nouveau message.
Avery C : Alors, tu t'amuses à cette soirée ?
Kyle J : Tu crois que ma mère le saurait si je décidais de faire machine arrière ?
Avery C : À 100 %, cette femme a un radar anti-fun, peu importe où tu te trouves, elle le détectera.
Sa réponse m'arrache un sourire.
Kyle J : Alors, je vais me lancer...
Avery C : Arrête de réfléchir et vis l'instant présent. Tu ne seras pas un étudiant insouciant toute ta vie. Profite de ces dernières années avant que la vraie vie commence réellement.
Kyle J : Ce n'est pas pareil sans toi.
Avery C : Je suis avec toi, toujours, n'oublie pas. Je dois y aller. On se rappelle plus tard, je veux tous les détails de cette première soirée. Bisous !
Je lui réponds par un clin d'œil émoji avant de ranger mon téléphone. Je prends une grande inspiration avant de finalement franchir le seuil.
Quand faut y aller, faut y aller.
La porte d'entrée est grande ouverte, la musique résonnait déjà à l'extérieur, mais le volume augmente à mesure que je m'approche. Le rez-de-chaussée est plein à craquer, moi qui pensais être arrivée tôt, c'est raté. Je parviens tout de même à me faufiler au milieu de tous ces corps pour rejoindre un coin moins bondé.
Ce qui est certain, c'est que les soirées universitaires n'ont rien à voir avec celles du lycée. Pourtant, ces dernières étaient déjà assez impressionnantes. Ce soir, je ne suis pas sûr de me faire des amis. Il y a beaucoup trop de monde, d'étudiants à moitié déchirés...
L'envie de me faire la malle est tentante, mais l'agaçante petite voix de ma mère résonnant dans ma tête m'en dissuade très rapidement. Je profite alors que la table des boissons soit libre pour aller me servir une bière. Ça m'aidera sans doute à me détendre.
— Tu nous en offres une ? résonne une voix dans mon dos.
Je me retourne brusquement pour faire face à deux jeunes étudiantes qui me dévisagent intensément. L'une est brune, vêtue d'une robe noire très près du corps, l'autre est rousse, en top et jupe. J'essaie de rester impassible, mais un sentiment de malaise s'installe. Au lycée, j'ai déjà été dragué, mais les filles savaient rapidement qu'elles n'avaient aucune chance face à Avery.
Ici, personne ne la connaît, personne ne me connaît, et c'est à moi de fixer des limites sans être impoli.
— On t'a vu tout seul et on s'est dit qu'on pourrait te tenir compagnie. Moi, c'est Susie, et elle, c'est Carmen, on est toutes les deux en première année, se présente la brune.
Je souris poliment en leur adressant un signe de main.
— Moi, c'est Kyle et je suis également en première année.
— Et dis-moi, Kyle, d'où tu viens ? Cet accent, cette peau bronzée, je dirais Californie, poursuit Carmen.
Je prends une gorgée, espérant que l'alcool fera redescendre l'anxiété qui monte de plus en plus.
— Los Angeles.
Je lutte pour rester poli, mais je ne veux pas non plus laisser penser qu'elles peuvent aller plus loin. Au lycée, Avery ou un ami finissait toujours par m'extirper de ce genre de situations. Aujourd'hui, je suis seul et je ne sais pas comment arrêter cette conversation sans les vexer. La situation s'aggrave quand la brune commence à me toucher sans mon consentement, se rapprochant de plus en plus. Mon cœur bat plus vite, mes mains deviennent moites.
Allez, Kyle, tu es assez mature. Dis-lui que tu n'es pas disponible et mets un terme à ces conneries.
— J'ai entendu dire que les Californiens étaient très attirants, et tu sembles confirmer toutes ces rumeurs, Kyle...
Sa façon de prononcer mon nom me donne un haut-le-cœur. Je ferme les yeux un instant pour me reprendre et m'apprête enfin à lui répondre, mais une nouvelle voix m'en empêche.
— Bébé, tu es là ! Ça fait un quart d'heure que je te cherche de partout, s'exclame une voix masculine.
Je suppose d'abord qu'il s'agit du petit ami de l'une de ces filles, mais quand il écarte la brune pour m'attirer contre lui, je réalise que ce n'est pas le cas.
— Fais-moi confiance, chuchote-t-il à mon oreille.
Avant que je puisse réagir, il plaque ses lèvres contre les miennes pendant quelques secondes. Puis, il me relâche et sourit aux filles à nos côtés. Elles semblent déçues, tandis que je reste complètement abasourdi.
— Désolé, les filles. Je vous emprunte mon mec pour le reste de la soirée.
Puis, sans leur laisser le temps de répondre, il attrape ma main et m'entraîne le plus loin possible. Nous nous retrouvons dans le jardin extérieur et nous installons dans un coin tranquille. Enfin, je peux respirer normalement. Je pose alors mon regard sur l'homme à mes côtés : grand, brun tirant sur le châtain clair, yeux noisette, carrure sportive et un sourire chaleureux. Il a l'air sympathique, et après le numéro qu'il vient de jouer, je me doute qu'il est plein de ressources. Mais j'ai clairement besoin d'explications, car je suis encore plus perdu qu'à mon arrivée.
— Je... C'était quoi, ça ? finis-je par lui demander.
Son sourire s'élargit.
— Pardonne-moi d'avoir réagi sans te prévenir, mais c'était la seule solution que j'ai trouvée sur le moment. Les filles se foutent souvent que les mecs soient couple, mais quand elles pensent qu'ils sont gays, elles ont tendance à se retirer rapidement.
Je repense à la tête qu'elles faisaient et je ne peux pas lui donner tort.
— C'est clair qu'elles ne vont pas réessayer de sitôt, m'exclamé-je. Mais pourquoi es-tu intervenu ?
— Aucune idée, j'ai juste remarqué ton malaise en passant devant vous et je me suis dit qu'un peu de solidarité masculine ne pourrait pas faire de mal.
C'est vrai que je lui dois une fière chandelle. J'aurais pu m'en sortir seul, mais ç'aurait été beaucoup plus compliqué sans son intervention.
— Au fait, moi, c'est Hayden Jones et toi ?
— Kyle. Kyle Jennings, réponds-je en serrant sa main.
Nous échangeons un sourire complice tout en nous serrant la main. J'ai le sentiment que je vais peut-être me faire mon premier ami ici.
— Jennings, tu ne fais pas du hockey par hasard ? Ton nom me dit quelque chose.
— Oui, je me suis inscrit pour rejoindre l'équipe universitaire. J'ai commencé au lycée et j'ai pensé que continuer serait un bon choix. Et toi, tu fais aussi partie de l'équipe ?
Il hoche la tête vivement sans perdre son sourire.
— Évidemment. Je suis né sur des patins, je ne pouvais pas priver l'équipe du joueur exceptionnel que je suis.
Son franc-parler me fait rire à nouveau.
— Rien que ça. Merci de nous faire cet honneur, alors.
— Tout le plaisir est pour moi.
Nous rions encore une fois ensemble, puis trinquons à cette soirée. Enfin, je commence à me détendre et je sens qu'avec Hayden à mes côtés, tout se passera bien. Peut-être qu'il m'ignorera demain, mais ce soir, je veux croire qu'une amitié pourrait naître entre nous.
***
— Oh mon Dieu, j'avais imaginé toutes sortes de scénarios pour cette première soirée, mais celui-ci est encore meilleur, se marre Avery pour la énième fois depuis que je lui ai raconté ma soirée en détail.
L'avantage de vivre sur deux côtes différentes, c'est que peu importe l'heure à laquelle je rentre, il sera toujours plus tôt chez Avery. Je ne suis pas rentré particulièrement tard de cette première fête universitaire, mais ça ne veut pas dire que je ne me suis pas éclaté pour autant. Pour être totalement honnête, j'ai passé toute ma soirée à discuter avec Hayden. Il s'est révélé être un personnage très comique avec des tonnes d'anecdotes à partager. J'ai appris qu'il vient de New Haven, ce qui fait qu'il n'a pas eu à s'éloigner de chez lui, contrairement à moi. Il a été adopté alors qu'il n'était qu'un bébé. Un sujet sur lequel il ne s'est pas étendu, laissant entendre qu'une histoire douloureuse se cache derrière. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Avery et à leur situation similaire, sauf qu'Hayden a été recueilli par deux hommes, une situation qui ne fait aucune différence dans son cœur, ce que j'approuve.
Par la suite, j'ai appris qu'il a toujours aimé patiner. Il pratique le hockey depuis l'enfance, mais n'envisage pas d'en faire sa carrière, tout comme moi. Il a choisi le droit pour devenir avocat et défendre des causes qui lui tiennent à cœur depuis toujours, ce que j'admire.
On a passé le reste du temps à apprendre à se connaître, sans pour autant entrer dans tous les détails. Chacun a sa part de secrets qui ne se dévoilent pas aussi facilement. La confiance ne se donne pas, elle se mérite, et seul le temps nous dira si une telle situation est envisageable. Mais ça m'a l'air bien parti. J'ai senti une vraie connexion entre Hayden et moi. Et la dernière fois que j'ai ressenti quelque chose d'aussi fort, c'était avec Avery. Bien sûr, quelque chose de purement platonique, mais tout de même aussi fort.
— C'est clair que je ne m'attendais pas à rouler une pelle à un mec un jour, et sûrement pas dans de telles conditions.
— Dois-je me méfier de cet Hayden ? plaisante-t-elle.
— Hmm, il est assez beau mec, je dois avouer...
— Kyle !!
J'explose de rire suite au ton mi-amusé mi-outré qu'elle vient d'employer.
— Ça va, je plaisante. Tu sais qu'il n'y aura jamais personne d'autre dans mon cœur, fille ou garçon.
— Je préfère ça. Enfin bref, je suis contente que le dénouement de cette soirée se soit avéré positif. Si cet Hayden peut devenir l'ami qui t'aidera à affronter les prochaines années, je ne peux que l'apprécier pour cela.
Je souris en entendant sa dernière remarque.
— J'ai hâte que tu puisses le rencontrer. C'est un sacré personnage, mais vous avez beaucoup en commun.
— Hmm, la carte de l'adoption, le point que je rêve de partager, ironise-t-elle.
C'est ce qu'elle fait toujours lorsqu'elle souhaite montrer qu'un événement ne l'affecte pas. Je ne relève jamais parce que je sais qu'elle déteste en parler, mais ça ne veut pas dire que je ne ressens pas sa peine.
— Sinon, comment ça se passe pour toi ? Tu as rencontré ton nouvel agent aujourd'hui, c'est ça ? Comment est-il ?
Elle marque un silence qui m'intrigue, puis elle reprend la parole avec prudence.
— Hmm, c'était différent de ce que j'avais imaginé, mais rien de dramatique. Nous avons simplement des caractères différents, et je vais devoir faire des compromis pour que cela fonctionne.
Je fronce les sourcils, peu convaincu par ses paroles. Peu importe la renommée de ce type, s'il blesse Avery ou lui cause des soucis, je m'en chargerai personnellement.
— N'oublie pas qu'il travaille pour toi, pas l'inverse. Tu as le pouvoir, Avery Cooper, tant que tu y crois, tout ira bien.
Elle esquisse un sourire de l'autre côté de l'écran, sans que ça atteigne ses yeux pour autant.
— Tu me manques, murmure-t-elle.
Mon cœur se serre à l'entente de ces simples mots. Si elle savait à quel point terme n'est qu'un euphémisme de ce que je ressens en ce moment...
Mais nous nous sommes promis d'être forts, et je me suis toujours engagé à être le plus fort des deux. Avery a besoin de moi. Je ne peux pas laisser ma douleur et mes émotions prendre le dessus. Elle passe avant tout. Toujours.
— On se reverra bientôt, je te le promets. En attendant, montre à Hollywood quelle star tu es.
🎞️🏄🌊🏒🩺
Kyle est enfin à Boston !
Et il a enfin rencontré celui qui s'apprête à devenir son meilleur ami de tous les temps !
Notre homme capable préféré : Hayden Jones !
J'avoue que j'avais envie de quelque chose d'assez comique pour leur première rencontre et j'adore l'idée que j'ai eu 🙈🙈
Dans le prochain chapitre on retrouvera le reste de la bande (sauf Kaylee&Nolan)
A demain ❤️
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