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AVERY

— Avery ? Que fais-tu encore en pyjama ? La représentation commence dans une heure et demie, s'étonne ma mère en entrant dans la salle de projection.

Je soupire, puis prends une nouvelle bouchée de pop-corn, ne quittant pas mon film des yeux. J'ai tout de même mis pause pour lui signaler que je l'écoute.

— À quoi bon ? Je n'en fais pas réellement partie, me lamenté-je.

La grande représentation du club de théâtre a lieu aujourd'hui. Celle dont j'ai été évincée sans même avoir eu la chance de prouver mon niveau. Mais ça, personne d'autre que Brenda, la prof et moi n'est au courant. Je n'ai pas osé parler du harcèlement moral et physique que me fait endurer la cousine d'Amanda. J'ai essayé à plusieurs reprises, mais à chaque fois, cette insupportable voix dans ma tête faisait tout pour me convaincre que ça n'y changerait rien. Qu'ils se mettraient soit dans des ennuis inutiles, soit qu'ils me regarderaient tous avec pitié. Alors, j'ai encaissé, telle la faible que je suis, et ce sont mes proches qui subissaient mon mauvais caractère. Tout ce que j'aurais aimé éviter.

J'ai même envisagé de quitter le club de théâtre, mais cela aurait été une victoire trop facile pour Brenda. Elle me compliquait déjà suffisamment la vie, je ne pouvais pas lui offrir ma défaite sur un plateau. Alors, je suis restée. J'ai aidé mes camarades à perfectionner leur jeu d'acteur, à concevoir les costumes et les décors. Je n'avais pas de rôle proprement dit, mais mes camarades n'y étaient pour rien. Mes parents m'ont toujours appris à aider mon prochain, et c'est ce que j'ai fait toute l'année.

Bien sûr, nous n'avons pas consacré l'année entière aux répétitions pour le spectacle. Certains cours étaient dédiés à cela, d'autres étaient plus amusants. Madame Hart nous a fait faire des jeux de rôle très intéressants, beaucoup d'improvisation aussi, qui révélait le talent naturel de certains étudiants, dont le mien apparemment. Cela m'a peu à peu redonné confiance en moi, malgré les incessantes critiques de Brenda.

Pourtant, même si j'ai énormément contribué à la production de cette pièce, assisté à de nombreuses répétitions, je ne peux pas me résoudre à voir mes camarades briller à ma place sous les projecteurs. C'est pourquoi j'ai décidé de ne pas y assister et de m'enfermer dans notre salle de projection pour m'empiffrer de pop-corn toute la soirée.

Ce n'est visiblement pas du goût de ma mère. Elle a troqué son simple jean pour quelque chose de plus sophistiqué et semble déjà prête à sortir. Elle ne va quand même pas y aller alors que je ne joue même pas dans cette pièce ?

— Faux. Tu fais partie de cette représentation au même titre que tes camarades. Tout élève inscrit dans ce cours en fait partie, peu importe le rôle.

Je laisse échapper un rire sans joie.

— Bien sûr, tout le monde ressentira l'absence de la foutue doublure, marmonné-je en attrapant la télécommande pour relancer mon film.

Mais madame Amber s'y oppose en éteignant complètement le vidéoprojecteur.

— Maman !

— Baisse d'un ton immédiatement. Je n'ai pas élevé une pleurnicharde, ni une égoïste, ni une personne qui abandonne, gronde-t-elle en croisant les bras.

Elle s'installe sur le siège à ma gauche et m'ordonne de la regarder droit dans les yeux. Ma mère peut être douce comme un chou à la crème la plupart du temps, mais lorsqu'elle passe en mode maman, elle devient la personne la plus intimidante que je connaisse.

— Tu n'as pas obtenu le rôle que tu espérais, c'est frustrant, crois-moi, je connais cet effet. J'ai traversé cela bien avant ta naissance et moi aussi, j'ai eu envie d'abandonner.

— Alors pourquoi ne l'as-tu pas fait ?

Elle respire lentement, laissant la colère s'évanouir pour retrouver ce regard tendre de mère que j'apprécie tant.

— Parce que j'ai compris que je n'étais pas seule. Tu vois, j'ai passé mon adolescence à faire des choix égoïstes, à ne penser qu'à moi-même, à mes sentiments, jouant le rôle d'une fille forte et sûre d'elle. Tu sais où cela m'a menée ? À perdre la seule personne qui se souciait réellement de moi derrière ce masque. Cette perte a guidé mes choix tout au long de ma vie. Je ne prétends pas qu'ils ont tous été parfaits, mais au fil du temps, j'ai appris à ne plus me concentrer uniquement sur mes propres sentiments.

À chaque évocation de la perte de sa jumelle par ma mère, mon cœur se serre. Cette femme a traversé tant d'épreuves et pourtant, elle reste extraordinaire à chaque instant. L'idée de perdre Kyle un jour me terrifie. Cette seule pensée me retourne l'estomac. Je ne veux jamais ressentir la douleur de perdre ma moitié. Je ne suis pas certaine d'avoir la même force que ma mère.

— Pour revenir à ce que je voulais te dire, tu n'es pas seule dans ce spectacle. C'est un travail d'équipe. Tes camarades comptent sur toi. Il se peut qu'un d'entre eux soit submergé par le trac au dernier moment et ait besoin de quelqu'un de bienveillant pour le rassurer et le guider, et cette personne, c'est toi, chérie. Ou encore, imaginons que l'acteur principal se blesse ou ait un imprévu, qui pourra sauver la représentation ? Sa doublure, qui connaît la pièce sur le bout des doigts. Tu pourrais remplacer n'importe qui. J'ai entendu tes répétitions à maintes reprises. Tu as su ressentir chaque réplique de la pièce, et c'est cela, ma chérie, qui définit une véritable actrice.

Un sourire d'admiration se dessine sur son visage alors qu'elle caresse doucement ma joue.

— Tu vas donc te préparer et leur montrer qui est la véritable Avery Cooper. On peut te priver d'un rôle, mais tes valeurs restent intouchables.

Mon cœur déborde de fierté, mes yeux se remplissent de larmes. Peu importe la situation, Amber Adams Cooper a toujours su trouver les mots justes. C'est pourquoi j'ai toujours redouté de la décevoir un jour. Cette femme est impressionnante, elle restera toujours mon modèle. Mon plus grand souhait est de voir l'éclat de fierté briller éternellement dans son regard lorsqu'elle pose ses magnifiques yeux gris sur Landon et moi.

— Je savais que j'avais bien choisi la mère de mes enfants, intervient une voix familière.

Je ris en reconnaissant le sarcasme légendaire de mon père.

— Parce que tu en as un jour douté ? rétorque ma mère en arquant un sourcil.

Papa éclate de rire avant de secouer la tête avec conviction.

— Pas une seule seconde, mon amour.

Elle sourit à son tour avant de se blottir dans ses bras. Je les observe avec admiration. Mes parents ne sont pas parfaits, et pourtant, ils représentent l'exemple du couple que je souhaite former un jour avec mon âme sœur.

***

— Je ne vais pas y arriver, je vais tout faire foirer !! panique Sydney en effectuant les cent pas autour de moi.

J'ai finalement suivi les conseils de ma mère et je me suis rendu à leurs côtés à l'école. Après les avoir quittés pour rejoindre ma classe et aider à la préparation, madame Hart m'a remercié d'être venu et m'a tout de suite mis au travail. Mais maintenant, c'est la panique à bord. La représentation va commencer d'une minute à l'autre et les élèves commencent à avoir le trac.

Je décide donc d'intervenir, comme ma mère me l'a enseigné.

— Respire, Syd. Tu ne vas rien foirer du tout.

— Mais il y a tellement de monde, comment suis-je censée être naturelle alors que des centaines d'yeux me fixent ?

Je comprends ce qu'elle ressent. Je pense que tout acteur débutant ou professionnel panique légèrement à l'idée d'être scruté par tant de monde. C'est quelque chose de naturel, mais qu'il est primordial de contrôler.

— Tes peurs sont légitimes, crois-moi. Il n'y a rien de plus stressant que d'être épié de la sorte.

Son regard s'agrandit, m'indiquant que ma phrase augmente ses craintes. Alors, je me reprends rapidement :

— Ce que je veux te dire, c'est que le stress est normal. Il faut juste apprendre à le maîtriser. Regarde tous ces gens dans le public, ce sont des êtres humains comme toi. Ils ont tous leurs imperfections et leurs forces. Ils ont tous traversé des moments aussi stressants que celui-ci, et pourtant personne n'en est mort. Si cela peut t'aider, ne les fixe pas. Quand tu montes sur scène, oublie Sydney Gladstone. Deviens Livia Brentwood, un agent d'acteurs intrépide. Utilise la comédie à ton avantage. Tu aimes jouer, non ?

Elle hoche vigoureusement la tête.

— Alors joue et amuse-toi. Ne pense à personne d'autre qu'à ce personnage que tu maîtrises parfaitement. Sois quelqu'un d'autre ce soir, ose des choses que tu n'oserais pas en tant que Sydney, et montre-leur le talent qui se cache derrière cette fille timide.

Après un moment de réflexion, son visage s'illumine de joie. Elle se jette à mon cou en me remerciant sans cesse.

— Tu es incroyable, Avery. C'est toi qui aurais dû avoir le premier rôle.

Je lui offre un sourire sincère, touchée par ses paroles.

— Allez, les autres t'attendent.

Elle prend une grande inspiration avant de rejoindre le reste de notre classe. Pour ma part, malgré la déception de ne pas pouvoir jouer ce soir, je suis fière de faire partie d'un groupe aussi talentueux.

L'année prochaine, je ferai mieux. Je ne laisserai pas Brenda me décourager. Je sais qu'elle ne me laissera pas tranquille, qu'elle continuera à me rendre la vie difficile. Je ne prétends pas être suffisamment forte mentalement pour l'arrêter. Ce que je sais, en revanche, c'est que je ne la laisserai pas jouer avec les deux choses les plus importantes de ma vie : le théâtre et Kyle.

Elle veut me rabaisser ? Elle en aura l'occasion. Elle veut bousiller ma santé mentale ? Elle n'y parviendra pas sans mon aide. Mais elle ne m'enlèvera pas mes deux piliers. Je m'en fais la promesse.

Aujourd'hui, je lui laisse sa seule chance de briller. L'année prochaine, je serai la star du spectacle. Je montrerai à mes parents que je suis digne d'être leur fille et au reste du monde que je suis aussi talentueuse que mes parents.

Je sors enfin des loges et je suis surprise de trouver toute la classe encore présente. Les élèves ont l'air paniqués, certains murmurent entre eux, signe qu'il y a un problème.

Pitié, que ce ne soit pas grave.

— Eh, Valérie, pourquoi personne n'est sur scène ? questionné-je l'une de mes camarades.

— Il y a eu un problème avec Brenda...

Mon cœur fait un bond. Un problème avec Brenda ? A-t-elle causé du tort ou en a-t-elle subi ? Voyant ma confusion, Valérie poursuit ses révélations.

— Tu sais que Brenda vit sur le campus, n'est-ce pas ?

J'acquiesce. En effet, notre académie propose un hébergement pour les élèves éloignés, moyennant des frais supplémentaires. Mes parents ont refusé cette offre. Bien que nous ne vivions pas à côté, le trajet en voiture n'est pas douloureux. Pour eux, il était hors de question de nous séparer. Nous sommes encore trop jeunes, et tant que mes parents peuvent repousser l'inévitable, ils le feront.

Brenda loge ici, car elle ne vit pas à Los Angeles. Cette académie fait partie des meilleures, chose que ses parents n'ont pas pu refuser.

Cependant, je ne vois pas le lien entre sa vie sur le campus et le spectacle.

— On vient d'apprendre que quelqu'un aurait saccagé leur appartement. Tout a été détruit, mais rien n'a été volé. Elle et ses colocataires sont actuellement interrogés et ne seront pas relâchés avant la fin de la soirée. Brenda ne pourra donc pas participer au spectacle alors qu'elle tient le rôle principal. Madame Hart est en ce moment au téléphone avec le proviseur pour obtenir plus de détails.

Son aveu me laisse sans voix. C'est la première fois qu'un tel événement se produit sur le campus. C'est aussi la première fois que quelqu'un cherche à nuire à Brenda. Je ne dis pas qu'elle est amie avec tout le monde, bien au contraire. Beaucoup la craignent, et personne n'a jamais osé riposter, certainement pas moi. Pourtant, l'envie ne manquait pas. Savoir que quelqu'un a enfin rendu la pareille à cette vipère me réchauffe étrangement le cœur. Qui que ce soit, cette personne a mon éternel respect.

— Pourquoi sont-elles interrogées ? demandé-je, confuse.

— Elles seraient apparemment rentrées en trouvant leur logement dans cet état. La police cherche à savoir ce qu'il s'est passé. Ils ont besoin de coupables, de mobiles, donc elles doivent témoigner, répond Valérie.

Je risque sûrement d'être soupçonnée, mais je ne m'en inquiète pas. J'ai des alibis solides et personne n'oserait contrarier mes parents.

Ce qui me préoccupe, c'est la possible annulation du spectacle. Les élèves ont tellement travaillé dur pour cette soirée, et ça m'agace que Brenda puisse encore tout gâcher. Bien que le délit ne soit pas de sa « faute », elle n'est pas non plus innocente. Si quelqu'un en est venu à lui faire ça, c'est qu'elle l'a bien mérité. Elle a été cruelle avec bon nombre de personnes cette année, et j'étais son souffre-douleur préféré. Pourtant, je n'aurais jamais eu le cran de faire une chose pareille.

— Mais alors, qu'en est-il de la représentation ?

Juste à ce moment-là, la voix de notre professeure résonne dans la pièce.

— Avery, te voilà ! Parfait, tout le monde se prépare, le spectacle aura bien lieu ! s'exclame-t-elle à bout de souffle.

— Brenda a été relâchée ? demande l'un de mes camarades.

— Non, mais fort heureusement, j'ai anticipé ce genre de problème dès le début de l'année en nommant une doublure. C'est Avery Cooper qui prendra sa place.

Mes yeux s'écarquillent de surprise. Avec tout ça, j'avais complètement oublié le rôle qui m'avait été attribué. Mon Dieu, je vais paraître encore plus coupable. Mais là, tout de suite, personne ne semble s'en préoccuper ; seul le spectacle compte, et l'horloge continue de tourner.

— Madame Hart, je...

— Je sais que ce n'était pas prévu, mon enfant. Mais nous n'avons pas le choix. Je sais que tu connais le texte sur le bout des doigts. Et pas seulement le tien, ne crois pas que je suis aveugle. C'est pourquoi je t'ai attribué ce rôle en premier lieu. Tu es talentueuse et tu vas briller sur scène ce soir, je n'en doute pas.

— La prof a raison, Avery. Tu es la meilleure !! m'encourage Sydney.

Un par un, mes camarades me motivent comme je les ai motivés avant cela. Peu à peu, mon stress s'évapore, mon cœur se remplit d'amour et seule la réussite de ce spectacle compte.

Tenez-vous bien, Avery Alexandra Cooper arrive plus déterminée que jamais.

***

— Je n'arrive toujours pas à croire que je me suis produite sur scène ! m'exclamé-je en m'asseyant à même le sable, plus heureuse que jamais.

Kyle éclate de rire en me ramenant contre lui. La représentation date désormais de deux jours, et je continue d'en parler. C'est mon meilleur ami qui subit mon excellente humeur cette fois-ci. Ça doit lui changer de mes plaintes et de mon air triste habituel.

Mais je ne réalise toujours pas que le spectacle a été un carton. Mes parents étaient si fiers de moi, tout comme ma professeure qui m'a assuré que si je conservais cette attitude, le premier rôle de la prochaine pièce me serait attribué. J'ai déjà hâte d'être à l'année prochaine.

Hmm, tu feras moins la maligne quand tu seras à nouveau le souffre-douleur de la peste de service.

— Pour la millième fois, Coop, ce rôle était fait pour toi. Tout était écrit d'avance, le destin s'est simplement manifesté. Je suis fier de toi.

Mon cœur se gonfle. Faire la fierté de mes parents a toujours été mon rêve, mais faire celle de Kyle est mon cadeau le plus précieux.

— Merci, Kyle. Merci de ne jamais cesser de croire en moi.

— C'est quelque chose qui ne changera jamais, quoi que tu fasses.

Je souris davantage en embrassant sa joue.

— Tu crois qu'ils vont trouver qui a causé du tort à Brenda ? demandé-je en regardant l'horizon.

Le lendemain, j'ai été interrogée, car j'avais un mobile potentiel. Cependant, j'ai rapidement été écartée des suspects, comme j'ai passé toute la journée chez moi, avec des caméras pour le prouver. La police a admis qu'ils auraient du mal à prouver quoi que ce soit. Les caméras de l'école ont été piratées, aucune preuve, aucune empreinte, aucun bien volé, personne n'a été blessé. Il y a de grandes chances que l'affaire soit classée sans suite. Mais je reste tout de même intriguée.

— Je ne sais pas et je m'en moque complètement. Tout ce qui compte, c'est toi et ta performance phénoménale. Et puis, j'ai entendu des rumeurs, et peu importe qui est le coupable, Brenda l'a sûrement bien mérité.

Je ris doucement, car je pense exactement comme lui, et c'est satisfaisant de voir que Kyle voit enfin le véritable visage de Brenda. Quoi qu'il arrive, jamais il ne sera attiré par elle. S'il y a bien une chose qu'il déteste, ce sont les harceleurs.

— Tu as raison. Peu importe qui est cette personne, je ne pourrais jamais assez la remercier pour cette soirée fabuleuse.

🎞️🏄🌊🏒🩺

Comme je le dis souvent : Karma is a bitch.

Les mauvaises actions de Brenda se sont retournées contre elle et Avery a enfin pu prendre sa revanche.

Il va rester 2 chapitre sur le lycée. Donc il y aura une ellipse de temps entre les deux.

Ensuite on passera à l'université avec des complications différentes pour Kyle et Avery.
Mais tous mes fans de fucking roomie seront très content de retrouver toute la bande.

J'espère que l'histoire vous plait pour le moment !

A demain ☺️

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