Chapitre 2
Ses yeux. Immenses. À la fois clairs et limpides. Deux orbes outremers à vous hypnotiser, comme si vous étiez pris au piège dans une cascade opulente, ruisselante de vie. Son regard vous prenait en otage, vous emprisonnait dans ses eaux. Il semblait à la fois vivant, mystérieux, pétillant, impénétrable. Il en révélait long sur elle, comme si elle cachait nombre de secrets qu'elle cherchait à nous dévoiler à travers une langue indéchiffrable. Beaucoup avait déjà tenté de deviner le langage de ses yeux, mais personne n'avait découvert ce qu'il recelait.
Elle semblait pareille à un oiseau sauvage, comme libre, indomptable, insaisissable. Hors de portée, et à la fois si présente.
Elle était belle, si ce n'était son allure plus ou moins superficielle. Elle se maquillait beaucoup, du fond de teint en masse. Personne n'en connaissait la raison, elle n'était pas du genre extravagante, cherchant à se faire remarquer. Sa discrétion en étonnait plus d'un un, s'arrêtant à son apparence surfaite. Ses cheveux étaient blonds comme le blé et volumineux, ondulés, souvent laissés tomber en cascade sur ses épaules délicates. Elle s'habillait chaudement, comme si elle craignait d'avoir froid en permanence, sa tenue souvent composée d'un pull épais à col roulé, d'un pantalon large taille haute, de bonnes chaussettes et des chaussures montantes. Elle n'enlevait jamais sa veste, et se faisait parfois reprendre en cours. Elle ne portait ni bijou, ni accessoire. Elle était de taille moyenne et se fondait facilement dans la foule.
Son caractère était étrange, rivalisant avec son apparence discrète et réservée. Elle était extravertie, joviale, avenante, arborant inlassablement un sourire splendide. Elle rayonnait de vie, de joie, de jeunesse. On ne la confondait jamais avec une autre, c'était elle et elle était unique. Une perle rare, auraient dit certains. Oui, elle l'était. Son élégance et sa grâce vous comblaient d'emblée, vous invitant à la découvrir. Elle vous parlait d'une voix claire, énergique et brûlante de bienveillance. Elle était dotée d'une gentillesse innée, d'une générosité à en faire culpabiliser beaucoup, et faisait toujours passer les autres avant elle. Parfois, elle s'écrasait devant autrui, comme une marque de méfiance, ou de manque de confiance en elle. Elle ne vous regardait jamais de haut, et semblait ne pas prendre conscience de sa valeur. Elle ne voulait pas que les autres manquent de quoi que ce soit et répondait à leurs besoins comme si c'était une évidence, et se morfondait dans l'ombre quand elle n'y parvenait pas, quand elle "défaillait". Elle ne voulait pas décevoir, quitte à s'oublier dans ses désirs. Elle en avait peur, ignorait ses propres besoins et se perdait dans ceux les autres. Beaucoup profitaient de ses faiblesses, alors elle s'échappait à nouveau, comme cet oiseau s'envolant au large. Elle courait à travers le monde, sillonnait entre les obstacles, comme une course sans fin dont elle n'en ressortait jamais essoufflée. Elle semblait mûre et mature, on aurait dit qu'elle était survivante d'épreuves qui en auraient fait tomber plus d'un. Elle ne tombait jamais, semblait dorénavant inatteignable pour toutes ces choses.
Elle était très créative, peignait, dessinait des œuvres splendides dans son carnet à dessin. Elle faisait option arts au lycée, et aurait voulu faire partie du club de musique car elle jouait de la harpe d'une main de maître. " Pas assez douée ", avait-elle dit. Elle semblait ne pas se rendre compte de tous ces talents, comme si elle n'était que nulle dans tous les domaines. Elle ne voulait pas entendre parler des compliments, elle n'y croyait pas, en riait parfois. Elle ne voulait pas de mensonges à dormir debout, elle avait quelque chose contre les secrets, contre les paroles en l'air, l'injustice. Personne ne savait ce qui la poussait à être si révoltée par les diseurs de belles promesses. Elle ne croyait personne, semblait sourde face aux ragots, aux on-dits, refusait qu'on juge ou dise du mal d'autrui en sa présence. Elle exposait certaines fois son opinion de façon claire, contrastant avec son caractère réservé voire honteux lors de tant de moments. Elle ne disait pas tout ce qu'elle pensait, on ne savait pas vraiment de quoi elle avait peur, peut-être du jugement ? Du rejet ? Elle semblait trop souvent si amoindrie, si rabaissée face aux autres. Elle se tenait inconsciemment en retrait, se repliait sur elle-même lorsqu'elle côtoyait quelqu'un, comme un réflexe, mais arborait un immense sourire assuré, afin de cacher son trouble.
Personne ne savait ce qu'elle pensait réellement de tout cela, ce que son regard intense voulait nous dire. Elle semblait quelques fois absente, détachée du monde, mais nous revenait toujours en souriant, toujours en s'autodérisant à travers ses blagues. On ne savait pas ce qu'elle pensait d'elle, à vrai dire, on ne savait pas grand chose d'elle. Elle était mystérieuse, inconnue, mais présente, vraie, vivante et heureuse. Elle créait un monde à elle toute seule, son monde de couleurs, de lumières, de vie. Elle apportait la joie de vivre partout où elle allait, rendait le sourire aux malheureux et aidait le plus de personnes possible. Elle ne semblait aucunement apte à la fatigue, comme si tous ces efforts ne lui coûtaient rien. Elle aimait le monde, aimait la vie, goûtait chaque jour comme le dernier, comme le plus beau miracle qui ait pu exister en ce monde. Elle s'émerveillait devant tout, voyait le talent et la beauté chez chacun, et savait toujours que dire et que faire lorsqu'elle discutait avec autrui. Elle était vertueuse, splendide de l'intérieur, l'âme la plus charitable et magnifique que l'univers ait connu.
C'est comme ça que je l'ai toujours vue. Toujours connue. Depuis le collège, depuis que je la côtoie. Nous sommes amis depuis la cinquième, et même aujourd'hui, nous nous parlons toujours autant. Je suis en première B, elle en première D. Ses yeux semblent me parler constamment, me dire tout ce qu'elle ne dit pas, tout ce qu'elle cache derrière son beau sourire. Je n'ai jamais réussi à déchiffrer son langage, et son regard m'hypnotise toujours autant. J'évite de la regarder trop souvent, de peur de me perdre, me noyer dans son océan outremer. Son sourire m'enivre de satisfaction et de joie, et je donne cher de ma peau chaque jour, afin de l'entendre rire pleinement. Ses yeux pétillants et son caractère indomptable quelques fois enfantin m'invitent à la suivre, jusqu'au bout du monde s'il le faut. Je ne peux la lâcher du regard trop longtemps, ne peux m'empêcher d'aller lui parler chaque jour, elle emplit ce vide brûlant qui m'habite en permanence.
Ce sentiment que j'éprouve pour elle, je ne peux l'exprimer, je ne peux le ressentir, je n'en ai pas le droit, je me le refuse. Pourquoi ? Comment est-ce arrivé au juste ? Je préfère ne pas m'en rappeler, je voudrais ne jamais m'en souvenir...
Cette fille aux milles sourires m'offre le plus beau des cadeaux en me côtoyant, que je ne peux accepter, que je ne peux me permettre d'en profiter. Elle rit et me parle chaque jour, je préfère que rien ne change à cette situation, je suis satisfait de tout cela, ça me convient. Rien ne presse, et de toute façon, elle le saura à un moment, arrivera ce jour ou je ne pourrai plus ignorer ce sentiment qui me ronge quand je l'approche.
Je suppose que d'ici là, je serais parvenu à lire le langage de ses yeux.
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