Le point de départ de mon obsession remonte à une époque floue, comme si mes premiers souvenirs étaient enveloppés dans une brume éthérée. Existe-t-il un moment précis où mes désirs ont pris racine, me poussant à devenir une ombre altérée de moi-même, prête à céder à toutes les extravagances pour ne voir que cette seule chose ?

Mon obsession la plus ancienne, celle qui hante mes pensées, est liée à une voiture rouge. Elle était la quintessence de la perfection, aucune autre ne glissait aussi gracieusement sur les roues, aucune carrosserie ne capturait aussi bien la lumière. Chacun la convoitait, mais pour moi, elle était bien plus qu'un simple caprice. La posséder devenait une nécessité vitale, une obsession dévorante qui me consumait.

Je me rappelle la sensation du métal froid dans ma paume, serrant cet objet précieux imprégné de sueur due à une longue prise en main. La folie engendrant une autre, il n'a fallu qu'une journée avant qu'un autre enfant ne manifeste son désir de jouer avec elle. J'ai cédé à l'emprise de la folie, frappant violemment sa tête à plusieurs reprises avec l'objet de toutes mes convoitises, jusqu'à ce qu'il s'excuse, terrifié.

C'était sûrement ça le début. La calamité d'une descente dans l'obsession, une quête insatiable pour posséder ce qui capturait mon imagination. Cette voiture rouge, symbole de désir devenu une ombre indélébile dans ma mémoire, était le catalyseur de mes pulsions irrationnelles, me transformant peu à peu en un être obsédé, prêt à tout pour satisfaire cette passion dévorante.

"Et si quelqu'un d'autre veut jouer avec la belle voiture ? Tu n'es pas tout seul ! On partage les jouets."

Mais moi, moi je ne jouais pas avec.

C'était bien plus que cela. Ce n'était pas juste un jeu. Cette voiture rouge n'était pas un simple jouet destiné à être partagé. Elle était ma liaison avec quelque chose de plus grand, une extension de moi-même. C'était ma voiture. C'était à moi pour toujours.

J'aurais dû pressentir, dès le moment où mes yeux se sont posés sur lui, que son être résonnait avec cette voiture. Ce n'était pas simplement une trame d'enfant étreint par la jalousie et l'envie, mais plutôt une entité ténébreuse, enracinée profondément dans les méandres de mon esprit. C'était une maladie, un abcès corrompu et insatiable, un cycle interminable. Ça recommençait, persistant sans relâche, me plongeant inlassablement dans les abysses de mes entrailles, là où l'enfer s'ouvrait sous mes pieds.

À chaque regard que je posais sur lui, c'était comme observer une étendue infernale s'étirant, dévorant tout ce qui m'entourait. En retour, il me découvrait aussi, s'insinuant toujours plus profondément dans les recoins sombres de ma tête.

"J'aurai voulu qu'il meurt."

Comme si ses paroles résonnaient encore, une litanie mortelle qui me fait tourner la tête, m'empêchant toute réflexion. Rien ne se dresse entre toi et moi, pas lui, pas moi-même.

"Espèce de monstre !"

Le visage de Christopher, déformé par le cauchemar, se déchaîne sur moi. Je le revois me frapper à maintes reprises, proférant des insultes, jusqu'à ce que Nam l'emporte pour le calmer. Cependant, mon attention est irrésistiblement attirée par une silhouette recroquevillée dans un coin, les bras repliés, le menton encore tremblant, sidéré par mon état ensanglanté. Sa réaction me déroute. Après tout, c'est lui qui m'a demandé de le faire. Je l'ai fait pour toi, pour te protéger.