"Parker, bouge-toi !"

La voix impérieuse de Monsieur M ne tolère aucune hésitation, m'obligeant à plonger mes mains entre les bras inertes de l'homme gisant dans une mare de sang au milieu de son salon. Il est sans nom, juste 'le voleur de thune', comme l'avait mentionné Namjoon.

Je renifle bruyamment, la morve me coulant du nez, tandis que je dépose le corps du trentenaire dans une benne à ordures, soigneusement placée au coin de la rue. Je prends garde de ne pas m'empêtrer dans les cheveux de sa femme, déjà décédée depuis cet après-midi.

"Hé, passe la deuxième si tu veux pas qu'on se fasse choper par les flics putain !" s'énerve mon coéquipier, tenant fermement les pieds de la jeune femme.

"Tirez-vous, y a les poulets ! Merde !" s'écrie le guetteur en jetant un coup d'œil furtif par la porte d'entrée, avant de décamper plus vite que la lumière.

L'échange de regards entre Hoseok et moi ne laisse place à aucune parole. Nous lâchons brusquement le cadavre, qui s'écrase mollement sur le sol, avant de prendre nos jambes à notre cou. Le cri d'alerte résonne dans l'air, mais Monsieur M reste introuvable. Dans ces moments-là, c'est chacun pour soi. En arrivant dans l'entrée, je suis obligée de faire un détour pour ne pas marcher dans le sang qui bloque la porte de derrière. Soudain, un pistolet et une lumière aveuglante me prennent d'assaut. Immobile, je fixe un policier avec son sourire triomphant qui se transforme en un hurlement annonçant qu'il a enfin attrapé quelqu'un.

"Pas un geste ou je tire."

Le temps n'est pas de son côté. Un bruit sourd retentit, le coup de feu a été plus rapide que sa tentative de lever un pied sur le palier. Son visage s'élargit de manière grotesque, la balle le transperce de part en part au milieu du front avant de se loger dans le mur derrière moi. Son corps sans vie s'effondre sur lui-même et tombe en avant, juste devant mes pieds, comme s'il exécutait une revérence macabre.

"Personne ne va tirer sur personne ce soir."

La voix de Monsieur M s'infiltre dans l'obscurité de la nuit, me tirant de mon état de choc. Il s'approche, dominant la scène de son regard sombre.

"On y va."

Il enroule sa grande main autour de mon poignet fin et me traîne dans le noir de la nouvelle lune.

L'entièreté du trajet retour se déroule dans un silence pesant. Le patron n'est pas du genre à s'adonner à des discussions inutiles, encore moins à offrir du réconfort aux âmes traumatisées. On pouvait le constater rien qu'en observant le sang séché, figé sur ses mains pâles qui serrent le volant lorsqu'il effectue un virage à droite. Les motifs de tatouages divers, émergeant de son grand manteau noir, ornent ses bras jusqu'aux poignets. Autant se faire une raison, il a l'apparence d'un gangster mêlé à une aura de magnanime du luxe. Un Yakuza affublé des traits d'un mannequin en retraite.

Au début, quand je me suis retrouvée au cœur de cet univers où l'humanité semblait être une denrée rare, j'avais craint de finir en bouillie dans un tonneau dès le lendemain. Cependant, me voilà encore là, toujours présente et attendue à chaque mission à haut risque. Il semblerait que je sois douée dans ce que je fais. Sauf, bien sûr, lorsque je risque de me faire abattre, mettant en péril la couverture du Gang, inévitablement...

La voiture se gare dans la cour arrière et Namjoon vient ouvrir la porte de Monsieur M en se courbant poliment.

"Dans mon bureau." ordonne-t-il à son bras droit sans lui laisser une seconde pour répondre quoi que ce soit.

Le binôme s'éclipse derrière la porte, qui se referme sur la musique assourdissante et les stroboscopes dansant au rythme des strip-teaseuses se déhanchant sur les barres lustrées du Palace.

Je m'approche du cylindre en métal déjà embrasé et retire mon manteau ainsi que mon t-shirt, marqué par les éclaboussures de sang du policier. Sous le froid glacial de l'hiver, je balance les deux morceaux de tissu dans le feu crépitant au fond du tube rouillé. Je les observe se consumer, se déchirer en lambeaux, puis se transformer en cendres, emportant avec eux toutes les traces de ce massacre.

"Cool de voir que t'es en vie", murmure Hoseok d'un ton impassible en passant derrière moi avant de pénétrer à son tour dans la boîte.

Quelques minutes plus tard, le guetteur franchit le portail dans un petit footing, essoufflé. Il me dévisage alors que je suis à moitié habillé, les mains dans les poches de mon jean, puis continue son chemin jusqu'au Palace, visiblement sidéré.

Mes mains tremblent. Est-ce le froid qui les agite, ou bien la terreur qui persiste ? Le feu à peine naissant peine à réchauffer mon corps, luttant pour rester en place sans que mes jambes ne s'emballent à nouveau. Sans vraiment y prêter attention, le rideau qui obstrue la fenêtre du bureau se referme. Enfin, je prends la décision d'entrer à mon tour dans la planque du Gang de Séoul, plus connu sous le nom officiel du Palace.

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