- 9 -
- Tu devrais manger un peu, Harry..., me dit ma soeur.
Je ne réponds rien et concentré sur ma tâche, continue de jouer avec mes petits pois dans mon assiette.
- Laisse-le un peu Gemma, le réprimande ma mère. Alors, mon chéri, ça avance ton devoir de littérature ?
Je relève brusquement la tête, sortant enfin de ma rêverie.
- Qui t'en a parlé ?
Gemma sourit, amusée, ce qui moi, ne m'amuse pas du tout.
- Oh, il revient enfin parmi nous ! fait-elle remarquer.
Ma mère lui lance un regard sévère et je hausse les sourcils en direction de ma soeur, lui montrant bien que j'ai gagné.
Ma mère soupire, fatiguée par nos enfantillages, et reporte son attention sur moi. Dommage, j'aurai aimé qu'elle oublie cette conversation.
- C'est Eleanor qui nous en a parlé. D'ailleurs, c'est une fille bien pour toi.
- Eleanor ? Elle n'est même pas dans ma classe. Et Eleanor n'est pas mon genre, je rajoute en grimaçant après quelques secondes.
- C'est quoi ton genre alors ? Elle est magnifique cette fille, la défend Gemma.
- Je n'ai pas dit le contraire. J'adore Eleanor, et elle est parfaite, mais c'est le genre de Louis, pas le mien.
Ma mère boit une gorgée d'eau et me dit avec douceur après avoir reposé son verre :
- Tes amis se font du soucis pour toi, et nous aussi Harry.
- Je vais bien.
Ma soeur intervient, mais pas pour m'embêter cette fois :
- On dirait que tu es ailleurs en ce moment, comme si tu ne te souciais plus de rien. Même la littérature semble ne plus t'intéresser.
Ma mère fixe son regard sur moi avec inquiétude.
- Tu vas toujours à la chorale, au moins ?
Je soupire d'agacement et me lève.
- Puisque je vous dis que je vais bien. Si vous vous inquiétez tant pour ce devoir, il est en cours d'écriture. Et oui, je vais toujours à la chorale.
Je ne leur laisse pas le temps de répondre et me dirige vers ma chambre rapidement. J'entre dans la pièce et me jette sur mon lit en regardant le plafond.
Pourquoi tout le monde se fait autant de soucis ? Je ne suis pas en danger, et je n'ai surtout pas besoin d'être le centre de leur attention.
Argh, je déteste que les gens prennent pitié de moi. Mais alors... Carter doit ressentir exactement la même chose lorsque je la suis partout, persuadé qu'elle a besoin d'aide.
La pauvre, je n'aurai jamais dû faire ça. Peut-être qu'elle préfère être seule, tout simplement. Peut-être que comme moi, elle déteste qu'on ait pitié d'elle, et qu'on veuille l'aider alors qu'elle est très bien seule.
C'est possible, mais ça me paraît peu probable. Cette lueur dans son regard, ses secrets, son air mystérieux... Tout me pousse à croire qu'elle n'a pas choisi cette vie, même si elle veut faire croire le contraire.
Okay, je vais prendre une résolution. Si elle ne vient pas d'elle-même, alors c'est fini. Je ne vais pas la forcer à s'ouvrir à moi, j'ai sans doute déjà causé assez de dégâts comme ça.
Quelqu'un toque à ma porte et je m'écrie :
- Laisse-moi !
Il semblerait que ma soeur est une rebelle, puisque la porte s'ouvre et qu'elle entre dans ma chambre. Elle referme derrière elle, vient vers le lit et se laisse tomber sur le lit juste à côté de moi, fixant elle aussi le plafond blanc.
- Depuis quand je me préoccupe de ce que tu m'ordonnes ? demande-t-elle.
- Pourquoi tu as toqué dans ce cas ?
- Pure formule de politesse. C'est de famille, n'est-ce pas, Harold ?
Je ris faiblement. Ma soeur a toujours eu le don inexplicable pour me redonner le sourire quand ça ne va pas.
- Alors, reprend-elle, si ce n'est pas Eleanor, quel est son nom ?
Je fronce les sourcils et tourne la tête vers elle.
- De qui tu parles ? je demande, sceptique.
- Oh, ne fais pas l'innocent, je connais cette air absent. Je l'ai eu avant toi, tu sais.
Je secoue lentement la tête et me remets à fixer le plafond. Elle a tout faux.
- Non, ce n'est pas ce que tu crois. Elle... Je veux être son ami, mais elle est solitaire, j'ai l'impression qu'elle ne veut pas montrer aux autres qui elle est.
- Je connais ce genre de filles Harry. Si elle est comme ça, c'est que quelque chose, ou quelqu'un, l'a forcée à le devenir.
- C'est bien ça le problème. Elle ne veut pas m'en parler. Et elle est étrange, trop mystérieuse.
Ma soeur me prend la main, et un hoquet de surprise m'échappe. Elle n'avait pas été aussi proche de moi depuis la mort de notre père, et je dois avouer que ce contact m'avait manqué.
- Alors aide-la, Harry.
Je ne réponds pas et on reste comme ça quelques minutes, dans un silence apaisant, que je finis par briser, peu sûre de moi.
- Gem' ?
- Hm ?
- Tu sais... On se chamaille tout le temps mais... Je vous aime, toi et maman. Je veillerai toujours sur vous, quoi qu'il arrive.
Elle tourne la tête vers moi et me sourit tendrement.
- Je sais. Je t'aime aussi petit frère.
Je lui rends son sourire et dépose un doux baiser sur son front, après lequel elle quitte ma chambre, me laissant seul avec mes pensées.
Les minutes passent, pendant lesquelles je reste immobile, fixant le plafond de ma chambre comme si il allait me donnait les réponses à mes questions.
Environ une vingtaine de minutes plus tard, mon téléphone vibre et je tends mon bras jusqu'à ma table de nuit pour m'en emparer.
Carter : Je suis désolée. - C.M
Moi : De quoi ?
Carter : D'être aussi froide alors que tu veux juste être gentil. - C.M
Moi : Si tu es désolée, alors pourquoi es-tu comme ça ?
Carter : Je ne fais pas exprès, Harry. Des choses que tu ne peux pas comprendre sont arrivées, et je suis devenue ce que je suis devenue, c'est tout. - C.M
Moi : Laisse-moi deviner, tu ne peux toujours rien me dire ?
Carter : Je ne pourrai jamais te le dire, mais si je pouvais, sache que je l'aurai déjà fait. - C.M
Moi : Et pourquoi ?
Carter : Parce que je t'aime bien, Harold. T'es quelqu'un de gentil, et si j'avais été normale, on aurait pu être de très bons amis. Mais je ne suis pas une fille normale, alors oublie. - C.M
Moi : Ce n'est pas parce que tu n'es pas "normale" que l'on ne peut pas être amis, Carter. Ton excuse n'est pas valable.
Carter : Oh si, elle l'est. Plus que tu ne le crois. Je suis désolée Harry. - C.M
Moi : Arrête d'être désolée ! Tu ne veux pas agir au lieu de t'excuser ?
Carter : Je ne peux pas agir ! Je ne le pourrai jamais. - C.M
Moi : Alors c'est ce que tu veux ? Être seule pour le restant de tes jours ?
Carter : Ce n'est pas moi qui ai fait ce choix. On l'a fait pour moi. Je ne peux rien y faire, et quoi que tu fasses, tu n'y peux rien non plus, alors abandonne, c'est ce que moi j'ai fait. - C.M
Énervé, je repose mon téléphone et me réinstalle sur le dos face au plafond, car c'est la position qui m'aide le plus à réfléchir.
Cette fille est vraiment la fille la plus étrange que j'ai jamais rencontrée... Mais aussi la plus magnifique et la plus envoûtante.
Sans savoir pourquoi, elle me demanderait la lune que je ferais tout pour la lui décrocher.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top