Deuxième partie

« Je reçois coup sur coup, ses poings s'abattent sur mon torse, elle frappe encore et encore. Je la laisse faire. Elle perd le contrôle. Je ne veux pas qu'elle se blesse alors je reste immobile et j'attends. Elle pleure et m'insulte, elle déverse toute sa colère. J'ai envie de frapper moi aussi mais pas sur elle, sur les murs. Frapper jusqu'à en crever. Elle me hait. »


Point de vue d'Harry

Un coup d'épaule dans la porte. Un autre. Allez ouvre-toi. Encore un autre, puis un autre. Putain ouvre-toi ! Ça y est. Nom de Dieu... Je reste à l'entrée de la pièce complètement cloué sur place. Pétrifié.

- Hailey...

Je ne reconnais pas ma propre voix tellement elle me semble faible et pitoyable. Elle se retourne lentement vers moi, elle est tellement pâle que ça m'effraie. Elle s'effondre. Mon corps réagit plus rapidement que mon esprit et sans le réaliser réellement, mes bras l'entourent avant qu'elle ne touche le sol. Je reste un moment assis par terre en la serrant contre moi. Je regarde sa lèvre fendue et je m'en veux.

Pauvre con. C'est de ta faute si elle est dans cet état, inconsciente dans tes bras. Je suis en colère contre moi-même. Non c'est de sa faute, pas la mienne, elle n'aurait jamais dû ouvrir cette porte ni voir toutes ces photos. C'est elle la coupable, pas moi.

Je lui en veux. Je la sens trembler, mon cœur se serre. Un de mes bras soutient déjà son dos, je glisse l'autre sous ses genoux et la soulève en douceur. Bon sang qu'elle est légère. Je la cale le plus possible contre mon torse, j'aime la sentir contre moi et je la ramène dans cette pièce. Je me mords la lèvre, coupable. Peu importe, je la ramène. Je l'allonge sur le matelas et la recouvre de la couverture. Elle tremble toujours. Je pars chercher un oreiller et une deuxième couverture. Je reste un long moment à la regarder dormir, je dégage délicatement les cheveux qui collent à son visage. Sa peau est douce, mon cœur s'emballe. Elle est si belle.

Je regarde autour de moi la cave qui nous entoure. La rage m'envahit, je quitte la pièce et de retour dans celle où je dors je deviens incontrôlable. J'arrache toutes les photos des murs, je grogne, je frappe, j'arrache, mes poings sont en sang. Les photos s'entassent sur le sol, je crie, je frappe encore, j'arrache encore jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Je tourne en rond en me tenant la tête, je perds le contrôle. La situation m'échappe. J'évacue toute ma colère contre les murs et je tombe à genoux à bout de forces.

Parmi toutes les photos étalées autour de moi, une attire mon regard, je m'en saisis et la caresse. Je me rappelle du jour où je l'ai prise. Je me rappelle de chaque instant de chacune des photos comme des souvenirs indélébiles gravés à jamais en moi.

Celle là remonte à six mois. Elle était dans sa chambre et moi dans l'arbre face à sa fenêtre, camouflé. Elle tenait une lame de rasoir dans sa main, j'avais déjà aperçu des cicatrices sur ses bras avant, je le savais mais c'était la première fois que je la voyais faire. C'était trop dur à regarder, trop dur à supporter. C'est ce jour là que je me suis juré de la sauver. Ça ne devait pas se passer comme ça, j'ai merdé, je merde. Je m'allonge au sol au milieu des photos et j'attends.

Point de vue d'Hailey

Je marche dans une ruelle sombre, il fait nuit, il fait noir. J'ai peur. Je sens une présence derrière moi, j'accélère le pas. Il me suit. Je cours maintenant, je tente de lui échapper. Je suis dans ma chambre, je me sens observée. Je suis paranoïaque. J'essaie de courir, je tombe, je me relève, je cours encore. Je me cogne contre un mur, j'ai mal. Je me retourne, deux grandes prunelles vertes me fixent intensément. Je hurle.

Je me réveille en sursaut et me débats. Je ne veux pas qu'il me touche.

Ne m'approche pas, lâche-moi !

Je réalise que je suis seule, ce n'est pas lui mais une couverture, elle porte son odeur. Il n'est pas là. Je me calme. Des bougies brûlent toujours un peu partout, je ne suis plus dans le noir.  Je suis en sueur et je tremble, assise sur le matelas, je revois toutes ces photos de moi sur les murs et j'ai de nouveau envie de vomir. Je me balance d'avant en arrière dans ce qui me sert de lit, ma tête est sur le point d'exploser. Ces photos... Toutes ces photos... Je l'ai déjà vu. J'en suis sûre maintenant. Où ? Quand ? Ça me glace le dos. Je suis en plein cauchemar, je vais me réveiller. Ce n'est pas réel, c'est impossible. J'ai mal à la tête. Je revois ses yeux verts, je suis parcourue de frissons. Il n'y a que dans les films qu'un psychopathe a des tonnes de photos de sa victime, et en général il est vieux et moche, voire même défiguré. Il n'est pas censé être magnifique et sentir la menthe.

Je repense à son baiser et je me sens en colère. Il n'a pas le droit de m'embrasser. Il n'a pas le droit de me toucher. Il n'a pas le droit d'avoir toutes ces photos de moi. Il n'a pas le droit de me retenir ici. Il n'a aucun droit. Je veux rentrer chez moi. Je veux rentrer chez moi maintenant. Je ne sais pas si c'est parce que je suis en colère mais je n'ai plus peur. Je me lève et je tente d'ouvrir la porte. Elle est fermée à clef évidemment. Je veux sortir. Je me mets à tirer dessus, à frapper de toutes mes forces, je hurle, je lui ordonne de venir m'ouvrir, je l'insulte.

Viens, ramène-toi enfoiré.

Je ne me reconnais pas. Je tambourine encore et encore, je crie de plus en plus fort. Je n'ai pas longtemps à attendre et quand la porte s'ouvre brusquement, je recule. Il se tient à l'entrée de la pièce, je ne cherche même pas à savoir s'il est énervé ou pas, je lui fonce dessus. Je frappe son torse de mes poings, il ne se défend pas, il se laisse faire. Je suis hors de moi, je lui crache toute ma haine, je lui hurle que je le hais. Il n'a aucune réaction, j'ai l'impression qu'il attend juste que je me fatigue, ça m'énerve encore plus. Je pleure en même temps que je donne coup sur coup, je voudrais lui faire autant de mal que lui m'en fait mais il ne ressent rien, il reste immobile.

Réagis putain !

Je tente de lui griffer le visage mais il me saisit les poignets et en moins d'une fraction de seconde, il me retourne et m'immobilise, son torse collé à mon dos. Je tente de le repousser, de me dégager de son étreinte mais ses bras qui entourent mon corps sont encore plus forts et puissants que des étaux.

- Calme-toi Hailey s'il te plaît...

Il a presque murmuré, sa voix est suppliante et douloureuse. Je lutte encore un moment avant de m'arrêter, c'est inutile de me battre contre lui, il est bien trop fort. Je suis à bout de forces, j'essaie de reprendre petit à petit ma respiration. Il ne me lâche pas, je crois qu'il attend d'être sûr que je sois totalement calmée. Je pleure encore, mes larmes coulent tellement qu'elles ravagent mon visage. Sa tête est collée à la mienne, je n'ai même pas le courage de me dégager. Je sens son souffle dans mon cou.

- Je te hais.

- Je sais Hailey. Je sais.

On a murmuré tous les deux et je serais incapable de dire laquelle de nos deux voix était la plus brisée. Je sens son torse se soulever lentement au rythme de sa respiration dans mon dos, ses bras qui me tiennent ne sont plus fermes et quand je sens encore une fois son souffle sur ma peau j'en ai des frissons d'effroi.

- Lâche-moi...

Il ne dit rien, ne proteste pas. Ses bras me libèrent lentement comme pour s'assurer que je ne vais pas m'effondrer. Je ne sais pas pourquoi mais je reste encore quelques secondes contre lui, sûrement pour m'assurer, moi aussi, que je suis capable de tenir debout, puis je m'éloigne et me retourne pour lui faire face. La peine que je lis dans son regard me surprend et me tord l'estomac. Il est fou, un fou ne ressent pas de tristesse. Pourtant la sienne est réelle et elle semble tellement sincère que je ne comprends pas. J'essuie les dernières larmes qui coulent sur mes joues.

- Ces photos...

J'ai à peine soufflé, pourtant je vois les muscles de son cou et de ses bras se contracter. Alors que quelques minutes avant je le frappais, maintenant j'ai peur de le mettre en colère mais c'est plus fort que moi, j'ai besoin de savoir.

- Qui es-tu ?

Il tressaille légèrement, ces yeux deviennent durs et il serre les poings. Je tremble, je commence à avoir peur. Je sens qu'il lutte pour ne pas s'énerver. Il reste immobile plusieurs secondes à me fixer. Mon récent courage totalement envolé, je suis de nouveau tétanisée, incapable de bouger. Après quelques minutes à me regarder, les traits de son visage se détendent, il se reprend.

- Tu as besoin de manger, je reviens.

J'aurais aimé protester, lui dire que ce n'est pas de la nourriture que je veux mais des réponses, que j'en ai besoin, mais je m'abstiens car même s'il a réussi à se calmer, sa voix est restée dure. Il sort de la pièce et je l'entends verrouiller la serrure. Maintenant qu'il n'est plus là, j'ai l'impression que je vais m'effondrer comme si toute la tension retenue dans mon corps m'abandonnait d'un seul coup. Fébrile, je me rassois sur le matelas plus perdue que jamais.

Il a toujours été un monstre, c'est l'image que j'ai de lui. Il me retient enfermée dans cette pièce minable, il m'a frappée deux fois et m'a embrassée de force. C'est réellement un monstre mais l'avoir vu comme ça, la tristesse dans ses yeux, ne pas réagir quand je le frappais, s'être contrôlé comme il l'a fait, tout cela me perturbe. Ça lui donne un visage plus humain. Et sa façon qu'il avait de me tenir contre lui était presque rassurante. L'envie de vomir me reprend à nouveau. Rassurante ? Il n'a rien de rassurant. Je ne veux pas qu'il ait un visage plus humain. C'est un monstre, un foutu enfoiré de monstre complètement malade. J'ai l'impression de tenter de me convaincre moi-même. Pourtant les photos... Rien que de les revoir dans ma tête, j'en ai des sueurs froides. Je me sens perdue.

La porte qui s'ouvre de nouveau me tire de mes pensées, je sursaute légèrement. Il tient un plateau et une lampe de chevet dans ses mains. Je suis surprise, je ne comprends pas. En silence il pose le plateau devant moi et va brancher la lampe juste à côté de mon matelas. Je ne peux pas m'empêcher de le regarder quand il souffle sur toutes les bougies qui traînent un peu partout pour les éteindre. Une fois qu'il a terminé, il revient et s'assoit en face de moi à même le sol. La fine robe blanche que je porte ne me protège pas du froid et je grelotte malgré moi, il s'en rend compte et enlève sa chemise avant de me la tendre.

- Tiens.

Je me sens comme une idiote à regarder le vêtement. C'est la sienne, c'est sa chemise, il l'avait sur lui. Je ne veux pas la mettre, c'est hors de question. Mais il insiste.

- Mets-la s'il te plaît.

Je le regarde quelques secondes dans les yeux. Je ne veux pas la prendre, je ne veux pas l'avoir sur moi mais j'ai tellement froid que mon corps ne me demande pas mon avis et je regarde ma main, impuissante, se saisir du tissu. Je l'enfile, elle est chaude, et elle sent bon. Elle sent son odeur. Elle est cent fois trop grande pour moi. Je lui souffle un léger merci et je me demande s'il ne va pas avoir froid, lui, avec son simple t-shirt blanc. On reste un moment silencieux à se fixer. J'ai oublié que je n'avais pas le droit de le regarder et je crois que lui aussi l'a oublié.

- Mange Hailey.

Il rapproche un peu plus le plateau de moi, je l'inspecte. Un sandwich et une bouteille d'eau comme d'habitude. Je ne sais pas si c'est parce qu'il ne me crie pas dessus ou si c'est parce que la peur ne me bloque pas l'estomac pour la première fois, mais j'attrape le sandwich et croque une petite bouchée. Je le vois se détendre, je me détends aussi, je ne veux pas l'énerver. Il me regarde manger attentivement comme pour être sûr que je ne recrache pas. Je mange lentement, j'ai peur d'être malade. J'ai envie de lui poser un million de questions mais je n'ose pas. Bizarrement sa présence et ses yeux fixés sur moi ne me dérangent pas plus que ça. C'est sûrement à cause de la lumière, avant nous étions dans le noir. J'avais peur. J'ai toujours peur mais quelque chose a changé, ce n'est plus la même peur. Maintenant il a un visage et d'avoir un visage, de mettre une image sur la personne qui me retient prisonnière... Ça a quelque chose de... Je ne sais pas. Je ne veux pas analyser tout le bordel qu'il y a dans ma tête maintenant sinon, je crois que je perdrais de nouveau mon sang- froid et je me remettrais à hurler. Tout en mangeant mon sandwich, je réalise que ce sont les ingrédients que je préfère.

Bacon cuit et tomates.

Ce n'est pas courant et il l'a fait lui même, je peux le deviner rien qu'au goût qu'il a, il est bon contrairement à ceux que l'on trouve dans le commerce déjà préparés. Les centaines de photos de moi sur les murs resurgissent dans ma tête et je suis parcourue d'un frisson d'horreur. À quel point me connaît-il ? Au point de savoir quels ingrédients j'aime dans mon sandwich. Une part de moi apprécie le geste et l'autre en est terrorisée. Il me connaît et je réalise soudain que je ne connais même pas son prénom. J'ai dû avoir une expression bizarre car je le vois froncer les sourcils. Il ouvre la bouteille d'eau et me la tend. J'ai envie de lui dire que je ne suis pas un bébé, que je peux le faire moi-même mais je me tais et je bois. Il me fixe toujours, je tente de deviner son prénom.  Lequel lui irait le mieux. Le premier qui me vient à l'esprit est psychopathe et le deuxième Dieu car il est magnifique. Mais Dieu et psychopathe ne sont pas des prénoms. Dylan ? Ethan ? Liam ? Aaron ? Nathan ? Non... Jason ? Jason, comme dans Vendredi 13. Un tueur.

- Harry.

Je sursaute.

- Je m'appelle Harry.

- Comment as-tu su que...

Je suis incapable de finir ma phrase tellement je suis sous le choc.

- Parce que je te connais par cœur Hailey.

Sa réponse me fait l'effet d'une décharge électrique dans tout le corps. J'ai un mouvement de recul, je lâche la bouteille d'eau que je tenais toujours, elle se déverse sur le sol. J'ai la tête qui tourne. Avec les photos ou même encore le sandwich, je le savais mais je refusais de l'admettre. C'est bien trop traumatisant de se dire qu'un parfait étranger connaît tout de vous et l'entendre de vive voix est un choc violent. Je le regarde, il a de nouveau cette tristesse dans le regard.

Non, va te faire voir. Tu es juste un malade.

- Va-t'en...

J'ai à peine murmuré, incapable de parler réellement. Il tend une main vers moi mais je me recule encore plus jusqu'à ce que mon dos heurte le mur.

- Hailey...

Il a murmuré lui aussi. Pendant plusieurs jours, il n'a pas prononcé mon prénom une seule fois et maintenant il le répète sans cesse. Je ne veux plus qu'il le dise, je ne veux plus l'entendre, il n'a pas le droit. Je lui balance l'oreiller dans la figure.

- Va-t'en !

Cette fois je viens de hurler. Je veux qu'il s'en aille. Je veux qu'il s'en aille maintenant. Je le vois me regarder quelques secondes avant de baisser la tête, résigné et quitter la pièce.

Je m'allonge repliée sur moi-même et je pleure. Je pleure à en avoir mal au ventre, je pleure toutes les larmes de mon corps, j'ai l'impression qu'elles sont infinies. Je réalise vraiment enfin tout ce qu'il se passe. Je suis retenue prisonnière par un garçon qui est obsédé par moi. Je ne comprends pas pourquoi. Pourquoi moi. J'ai vu des photos de moi qui remontaient à plusieurs mois. Depuis combien de temps me suit-il ? Je n'ai pas eu le temps de toutes les voir mais une surgit devant mes yeux. Moi en train de dormir dans mon lit. Je réalise que pour prendre cette photo il devait être dans ma chambre, à quelques centimètres de moi à peine. J'ai l'impression que je vais m'évanouir. Je dormais et il était là à me regarder dans MA chambre, dans ma propre chambre, là où je pensais être en sécurité. Il a pénétré chez moi.

Je crois que je suis au bord de l'hystérie. Qu'a-t-il vu encore ? M'a-t-il espionnée sous la douche ou quand je me changeais ? J'essaie de chasser les images malsaines qui me traversent l'esprit. Mais je n'y arrive pas. Je vais étouffer. Je n'arrive plus à respirer, je suis en train de perdre pied. J'ai l'impression que les murs se rapprochent de moi, qu'ils veulent m'écraser. Il faut que je sorte d'ici. Je me lève et me dirige vers la porte. Il ne l'a pas verrouillée, c'est la première fois. Je suis dans le couloir, il fait noir et je n'y vois presque rien. Je me tiens au mur, je titube. Je suis certaine qu'il va me sauter dessus à tout moment, il faut que je sorte, j'ai besoin d'air. J'avance péniblement, je suffoque. Aucun signe de sa présence, c'est étrange mais je ne prends pas le temps d'y penser. Je me mets à courir, le couloir est long, je vois une lumière au bout, il faut que je l'atteigne. J'ai l'impression que mes poumons vont exploser, j'ai besoin d'air.

J'y suis enfin, il n'est toujours pas là. Des escaliers étroits pris au piège entre deux murs se dressent devant moi, je les monte difficilement. Je lutte pour respirer, j'atteins enfin la porte. Je l'ouvre et là c'est le choc. Je me serais attendue à tout sauf à ça. Une immense cuisine s'étend devant moi. Rien de délabré, de vieux ou de détruit, je ne suis pas dans une vieille maison abandonnée comme je le croyais, bien au contraire. La cuisine est immense et extrêmement luxueuse. Je réalise que je respire de nouveau. Mais avant que je n'ai pu faire un pas, une silhouette se dresse devant moi, je n'ai pas le temps de réagir que je suis poussée en arrière. En moins de quelques secondes je me retrouve en bas des escaliers, collée au mur, une main plaquée sur ma bouche et un corps collé contre le mien. Deux prunelles bleues d'azur me fixent intensément. Ce n'est pas lui, c'est quelqu'un d'autre et ce que je vois dans ses yeux me terrorise. Je tente de me débattre de toutes mes forces mais il est trop fort. J'essaie de hurler mais sa main sur ma bouche m'en empêche.

- Shhht, Shhht, Shhht... Tiens-toi tranquille.

Il murmure d'une voix mauvaise. La peur et la panique me paralysent  immédiatement. Il affiche un sourire malsain.

- Alors voilà le jouet si précieux de mon petit frère.

Son frère ? Je sens de l'amusement dans sa voix, je suis pétrifiée.

- Je comprends mieux maintenant.

Je ne sais pas ce qu'il comprend mieux, mais sa voix rendue rauque par le désir, me paralyse autant que la perversité que je vois dans son regard et quand ses doigts caressent ma joue, je me mets à pleurer. Il pousse un grognement de satisfaction. Sa main est maintenant posée sur ma cuisse, j'ai l'impression qu'elle me brûle la peau. Je hurle intérieurement.

Pitié non, lâche-moi...

Il semble aimer ça. Je crois que je vais m'évanouir. Un bruit lui fait tourner la tête et il me murmure à l'oreille :

- On n'en a pas fini, toi et moi...

Avant de s'éloigner rapidement de moi. Quand Harry apparaît dans l'encadrement de la porte en haut des escaliers, je suis soulagée. Je n'aurais jamais cru ressentir ça un jour, pourtant c'est le cas. Il descend les marches le regard noir, je n'ai jamais vu autant de dureté dans son regard.

- Tiens, je crois que j'ai trouvé quelque chose qui t'appartient H. Elle essayait de se faire la belle, je l'ai retrouvée à l'entrée de la cuisine.

Il prend un air innocent. Même s'il ne me touche plus, je suis toujours collée au mur pétrifiée et tremblante, incapable de bouger. Harry toise durement son frère, il se met entre lui et moi. Il passe un bras autour de mes épaules et me serre contre lui, protecteur. Je me blottis contre lui en m'accrochant à son t-shirt, il resserre son étreinte sur moi et je me sens en sécurité. Il ne l'a pas quitté des yeux une seule seconde.

- Barre-toi Louis.

Sa voix est tellement dure qu'elle me fait trembler encore plus que je ne tremble déjà.

- C'est bon, détends-toi, c'était pour déconner.

- Dé-ga-ge.

Il détache bien chaque syllabe en le foudroyant du regard. Ses yeux sont tellement noirs que j'ai l'impression qu'il serait capable de le tuer. Il a le regard d'un tueur, pourtant je ne me suis jamais autant sentie en sécurité qu'entre ses bras à cet instant précis. L'autre nous regarde quelques secondes à tour de rôle avant de poser ses yeux sur moi, je me pétrifie. Je sens les bras d'Harry se resserrer autour de moi, puis l'espèce d'ordure lève ses mains devant lui en signe de résignation et remonte l'escalier mais avant de refermer la porte, il rajoute d'un air moqueur.

- Je vais chez Eleanor.

Puis il referme la porte. Je sens le corps d'Harry se détendre contre le mien, je m'accroche toujours à lui et quand il tourne les yeux vers moi, son regard a complètement changé, il n'est plus noir mais inquiet.

- Ça va ?

Il me scrute attentivement mais je suis incapable de lui répondre. Je suis encore sous le choc de ce qu'il vient de se passer. Mes jambes m'abandonnent et comme s'il s'y attendait, il glisse rapidement un bras sous mes genoux et l'autre étant déjà autour de ma taille, il me soulève avec une facilité déconcertante. Je me blottis le plus possible contre lui et je serre encore plus fort son t-shirt. Il vient de me sauver. Il me ramène et m'allonge sur le matelas, il me recouvre de couvertures puis il s'assoit au bord à côté de moi.

- Je suis désolé Hailey...

Je ne peux pas me retenir de pleurer. La peur que j'ai ressentie est encore présente et quand j'imagine ce qui a failli se passer s'il n'était pas arrivé, mon corps est pris de spasmes et de tremblements. Il reste là un petit moment à me regarder puis je le sens se relever et s'éloigner. Je ne sais pas ce qu'il me prend, mais je suis prise de panique, je ne veux pas qu'il s'éloigne. S'il n'est pas là, j'ai peur que son frère revienne alors je m'agrippe à son t-shirt le regard suppliant. Il semble désarçonné, il me regarde quelques secondes complètement perdu puis je crois qu'il comprend car il se rassoit un peu plus proche de moi. Je me rallonge mais ne lâche pas son t-shirt pour autant.

- Je suis là, je ne partirai pas.

Je le regarde dans les yeux comme pour m'assurer qu'il est sincère.

- Je te le promets, calme-toi, je reste là.

Je ne sais pas pourquoi mais je lui fais confiance. Je sais qu'il ne va pas me laisser, je ferme les yeux. Il me caresse délicatement les cheveux, je ne le repousse pas, au contraire, ça m'apaise. Je finis par céder à la fatigue autant psychologique que physique et je m'endors sans le réaliser réellement.

Quand je me réveille, je le vois allongé à côté de moi à même le sol, endormi. Je n'ai pas dû dormir longtemps car je me sens encore fatiguée, même presque plus épuisée qu'avant de m'endormir. Je l'observe en silence, je ne peux plus nier le fait qu'il est vraiment magnifique.

Mon esprit est complètement embrouillé. Je réalise à peine ce qu'il s'est passé. Je ne suis pas dans une vieille maison abandonnée comme je l'avais cru, la cuisine que j'ai vue avait tout sauf l'air délabré. J'aurais dû m'en douter rien qu'en le regardant. Ses vêtements sont toujours propres et repassés et les sandwichs sont faits maison. On ne doit pas être dans un endroit éloigné de tout comme je le pensais et l'espoir me gagne. Je repense aux deux prunelles « azur » et je me mets à trembler. Son frère... Il a un frère... Et il me veut du mal. J'ai vu la lueur de défi dans ses yeux quand il m'a regardée avant de partir, rien que d'y repenser j'en ai des sueurs froides. Je retiens de nouvelles larmes en repensant à ce qu'il s'est passé, à la peur que j'ai ressentie face à lui et surtout à la sécurité que j'ai ressentie quand j'étais dans les bras d'Harry. J'ai eu l'impression que rien ne pouvait m'arriver, qu'il était là pour me protéger. Pourtant c'est le méchant lui aussi... Le méchant qui m'a sauvée. Je suis perdue. J'ai peur. Je ne sais plus vraiment de quoi mais j'ai peur. Comme s'il avait senti mon regard posé sur lui, il ouvre lentement les yeux et ses deux prunelles vertes me font face.

- Hey...

Il murmure, je le regarde.

- Hey...

Je murmure à mon tour.

- Tu vas mieux ?

Il parle doucement, sa voix est encore plus rauque au réveil. Je hoche la tête même si je ne suis pas certaine que ce soit vrai. Comment pourrais-je aller mieux ? On reste un long moment silencieux, allongés l'un à côté de l'autre sur le ventre, lui sur le sol moi sur le matelas de quelques centimètres de hauteur. Il a glissé ses bras sous son visage pour surélever un peu sa tête afin de bien pouvoir me regarder. Ses yeux dans les miens, les miens dans les siens, on se regarde tout simplement. C'est la première fois depuis que je suis enfermée ici que je ne ressens aucune peur, aucune crainte face à lui et au fait de réellement le voir. J'aimerais lui poser un tas de questions, je sais qu'il s'en doute et je crois qu'il attend patiemment que je trouve le courage de les formuler. Ce n'est pas facile, si je veux qu'il me réponde, je ne dois pas le brusquer et encore moins le mettre en colère.

Pourquoi toi et ton frère êtes fous ? Elle est où la sortie ?

Non je ne peux définitivement pas lui dire ça, puis aussi étrange que cela puisse paraître, je réalise qu'il y a une part de moi qui ne veut pas le blesser.

- C'est qui Eleanor ?

Je n'arrive pas à croire que j'ai posé cette question, elle est sortie de ma bouche sans que je m'en rende compte. Parmi toutes les questions que j'ai à lui poser, c'est la plus ridicule et inutile de toutes. Je crois qu'il ne s'y attendait pas non plus car il a un léger petit sourire qui apparaît au coin des lèvres mais il se reprend vite et même s'il a duré qu'une demi-fraction de seconde, mon cœur s'emballe. Je ne l'avais jamais vu sourire. Il a des fossettes.

- C'est la petite amie de mon frère.

On parle à voix basse comme si l'un comme l'autre, on ne voulait pas se brusquer. Mais même en parlant doucement, sa voix reste grave. Je ne l'ai pas beaucoup entendue mais je l'aime sa voix et je veux l'entendre encore. Elle me fait oublier la solitude et l'enfermement.

- C'est ton frère ?

- Oui mon grand frère, Louis.

- Il a quel âge ?

- 21 ans.

- Et toi ?

- 19 ans.

Il a deux ans de plus que moi. Cette conversation, dans la situation dans laquelle je suis, semble complètement déplacée et futile pourtant je l'apprécie. Je suis restée trop longtemps sans parler et maintenant ça me fait du bien. Je crois que c'est à cause du silence des jours précédents. De ne pas avoir parlé, de n'avoir écouté personne parler. J'ai besoin de parler et d'écouter. Puis il connaît tout de moi, j'ai envie d'en savoir plus sur lui, et plus j'en saurai plus j'aurai de chance de m'échapper. Un nouveau silence s'installe entre nous et je me demande si à l'extérieur, mes parents et la police me recherchent. Sûrement. J'espère. Je veux y croire. J'ai besoin d'y croire pour ne pas perdre tout espoir et devenir totalement folle.

- Il est quelle heure ?

Encore une question stupide et qui le surprend, pourtant il ne me fait aucune remarque et regarde sa montre.

- 23h56.

Je ne dis plus rien, il me regarde un peu plus intensément et il doit comprendre que je suis perdue car il rajoute :

- On est le 12 janvier, ça fait 16 jours que tu es ici.

- Pourquoi moi ?

Je ne voulais pas poser cette question, je ne veux pas savoir sa réponse. J'appréhende sa réaction pourtant il ne change pas de comportement et il me répond comme si c'était une évidence.

- Parce que tu es différente.

La façon dont il l'a dit "différente", j'ai eu l'impression de recevoir le plus beau compliment du monde. Je me sens mal à l'aise et touchée à la fois. Je tente de ne pas lui montrer.

- Il me fait peur.

- Mon frère ?

- Oui.

Je vois ses prunelles se rembrunir.

- Il ne t'approchera plus.

Sa voix a été plus ferme qu'il ne l'aurait voulu et j'ai vu un éclair de colère traverser ses yeux avant de disparaître.

- Est-ce-que tu as peur de moi ?

Sa question me déstabilise mais je vois dans son regard qu'il attend réellement ma réponse. J'essaie d'y réfléchir, il y a peu encore j'aurais répondu oui sans hésitation.

- J'avais peur... Et... Et j'ai toujours peur de toi.

J'ai l'impression de l'avoir blessé mais je n'en suis pas certaine, il ne laisse rien paraître.

- Et vos parents ?

Je n'aurais jamais dû poser cette question, j'ai touché un point sensible je crois. Son visage se ferme immédiatement, ses traits se durcissent et ses prunelles se noircissent. Il reste silencieux, je sais qu'il ne me répondra pas et ne me dira rien de plus. Je ne sais pas quoi faire,  je me sens mal alors je me tais et un long moment passe ainsi sans qu'aucun de nous deux ne brise le silence. La fatigue commence à me gagner à nouveau.

- Merci Harry...

Je murmure d'une voix endormie, il a compris et hoche la tête, il sait pourquoi je le remercie. Pour son frère tout à l'heure et d'être resté avec moi ensuite.

- Dors Hailey.

Ce n'était pas un ordre, pourtant je lui obéis et ferme lentement les yeux.

« Je me réveille, je suis seul. Elle n'est plus là.

Mon cœur explose. Comment ai-je pu être aussi con.

Je frappe de rage dans le mur.

Je dois la retrouver. »

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Tags: #amour#drame