• CHAPITRE VINGT-NEUF •
La journée de la veille s'est déroulée sans embûche. Enfin, si on ne compte pas les marques présentes sur mes doigts tant je me suis acharnée à coucher toutes mes pensées sur le papier. J'ai également trouvé la force de revenir sur quelques-uns de mes croquis. Je compte bel et bien mettre un terme à ce projet car celui-ci, personne ne pourra le gâcher. Dans le pire des cas, il restera au fond de mes tiroirs mais je pourrais au moins toujours me dire qu'ils serviront un jour à concrétiser mon rêve. Mon avenir ne demeure heureusement pas figé à vingt ans.
En arrivant au bureau, je ne peux m'empêcher de craindre le comportement de mon patron. Dois-je d'ailleurs encore le qualifier de la sorte ? Toutes les limites semblent avoir été franchises et honnêtement, je n'ai pas la force d'affronter ses excuses une fois de plus. Je suis toutefois certaine d'une chose : mes occupations d'hier ne seront sûrement pas celles d'aujourd'hui.
- Bonjour Chloé, s'exprime soudainement une voix féminine me faisant immédiatement sursauter.
Emma Rosewood se tient face à moi, encore plus élégante qu'elle pouvait l'être le soir du défilé. J'écarquille les yeux à tel point qu'une lueur de mépris traverse son visage l'espace d'une seconde. Bon, je ne peux pas lui en vouloir si elle pense effectivement que j'ai moi-même tout fichu en l'air. Ce ne sont pas les partenariats qui lui manquent et encore moins les petites nouvelles dans mon genre qui n'attendent que de saisir leur chance.
- Oh, bonjour. En quoi puis-je vous aider ?, tenté-je calmement.
Mais non, là je suis clairement tout sauf calme ! Serait-ce un signe pour me rappeler ce que Sam m'a fait ? L'envie de pendre mes jambes à mon cou afin de claquer la porte au nez de notre égérie ne serait pas refus.
Contrôle-toi Chloé, tout va bien se passer. Elle doit probablement ne même plus se souvenir de toi. Bien-sûr que si ! Elle vient de prononcer ton prénom imbécile. Bon sang, quand vais-je finir par faire taire cette petite voix ? Si elle continue, je risque de me liquéfier sur place. Mon corps est à deux doigts de trembler et si je ne parviens pas à me calmer, elle me prendra pour une folle à lier. Je n'ai pas envie que ma conscience me torture au point de finir mes jours enfermée dans une cave, alors autant prendre une grande inspiration.
Un, deux...
- Je ne vais pas passer par quatre chemins. Le festival du film de Los Angeles commencera le quatre novembre et, malgré de nombreuses propositions, je prends l'initiative de venir directement vers vous afin de vous demander l'une de vos créations. Votre talent m'a conquis à l'instant même où j'ai su que la robe que vous portiez provenait de votre unique travail. Vous respirez la jeunesse mais avant tout la détermination. Et bien que mes jeunes années sont loin derrière moi, je n'en serais jamais arrivée là sans ce qui fait l'essence même du mérite, à savoir l'acharnement.
Oh. Punaise. Oui, je vais définitivement me claquer. Je ne peux qu'être en plein rêve et j'ai besoin de me réveiller avant que mon coeur ne me joue des tours, littéralement.
- Ressaisis-toi un peu, soufflé-je à moi-même.
- Je vous demande pardon ?, me questionne Emma, interloquée.
- Avec grand plaisir Madame..., commencé-je avant que les documents que je portais quelques instants plus tôt se retrouvent éparpillés sur le sol.
Sérieusement, je souhaiterais que l'on me surnomme Pierre Richard sur le champs. Où ai-je la tête ? En tout cas clairement pas sur mes épaules comme elle devrait l'être en bonne et due forme. J'aimerais qu'il existe un petit menue qui nous permettrait de modifier tel ou tel défaut à notre guise, un peu comme dans les Sims. La maladresse me colle à la peau dans des situations toutes plus gênantes les unes que les autres.
- Parfait, dit-elle d'un ton enjoué comme pour balayer le ridicule dont je fais preuve. J'attends vos idées avec impatience, Mademoiselle Jones.
Celle-ci m'adresse un léger sourire avant de quitter la pièce, me laissant seule face à tout ce désordre. Je m'empresse de tout réunir en vitesse avant que quelqu'un ne me surprenne. Des bruits de pas viennent toutefois m'interrompre. Je me redresse alors en quatrième vitesse.
Évidemment, Sam a choisit cet instant précis pour débarquer. Ses yeux constatent avec amusement le sol avant de rester bloqués sur mes cuisses. Je baisse immédiatement le regard et constate que ma jupe est si remontée que tout le monde peut aisément apercevoir la couleur de ma petite culotte. Un sourire malicieux arbore fièrement ses lèvres.
- Intéressante...
Non mais pour qui se prend-t-il ? S'il pense que je suis d'humeur à écouter ses remarques indécentes, il se trompe totalement.
- Ton entrevue avec Madame Rosewood était intéressante ?, répète-t-il subitement.
Bon, c'est décidé. Je ne suis qu'une idiote sur son petit nuage qui n'écoute plus ce qu'on lui dit. Si je ne parviens pas à davantage contrôler mes pensées brûlantes en sa présence, il va vraiment falloir que je ferme les yeux à chaque fois que je le sentirai près de moi. Bien que je meurs d'envie de l'envoyer bouler, la méchanceté ne constituera pas un remède suffisant à la colère qui brûle en moi.
- Très bien, merci, réponds-je nonchalante.
Sur ces mots, je lui tourne instantanément le dos afin d'adopter une posture décente pour ramasser tout ce capharnaüm. J'entends toutefois la porte du bureau dans lequel je me trouve se fermer derrière moi. Ma respiration se fait d'autant plus vive que, lorsque je me relève, mon patron s'approche lentement de moi jusqu'à bloquer le moindre de mes mouvements de ses deux mains puissantes. Les fesses plaquées contre le mur du fond, celui-ci s'empare des feuilles que je tiens dans mes mains afin de les jeter à côté de l'ordinateur sur lequel je travaille habituellement.
Sans enlever ses mains des miennes, ce dernier baisse cette fois-ci son regard sur mes lèvres entrouvertes. La réaction de mon corps ne fait que davantage accentuer la colère présente en moi. Cet homme me fait bien plus d'effet que je ne le voudrais et, petit à petit, l'amertume semble me quitter pour laisser place au désir. Je le déteste aussi intensément que je veux sentir sa bouche contre la mienne.
- Je suis tellement désolé Chloé. Tu n'imagines pas à quel point je m'en veux, souffle-t-il dans le creux de mon oreille.
Je comprends alors que mon discours d'hier a su le marquer. Je lui ai très distinctement fait comprendre que je ne voulais plus d'excuses et, au lieu de prendre le risque d'attiser ma rancoeur, Sam a jugé bon de joindre l'acte à la parole. Il faut dire qu'il n'aurait pas pu mieux se rattraper qu'en redonnant une réelle chance à ce contrat.
Je reste toutefois persuadée qu'il n'aurait pas dû agir de cette façon. Les manigances ne sont définitivement pas ma tasse de thé.
- Et sache que je le suis profondément de ne pas pouvoir oublier le fait que tu as trahi ma confiance, rétorqué-je tout en me détachant de son emprise.
- Parfait, dit-il en levant les bras au ciel en guise d'abandon.
Ses sourcils se froncent instantanément. Il secoue la tête de droite à gauche en ouvrant frénétiquement la porte à ses côtés.
- Tu quitteras plus tard ce soir. Du travail t'attend. Et je ne veux rien entendre à ce propos, Jones. Je suis encore ton supérieur, que tu le veuilles ou non, conclut-il en quittant les lieux sans m'adresser le moindre regard.
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