• CHAPITRE VINGT •
Refuser sa proposition relèverait tout simplement du suicide. Si je ne parviens pas à garder ce stage, ma lettre de recommandation finira alors à la poubelle, de la même façon que ma chance de parvenir à entrevoir le bout du tunnel. La route est encore longue et d'autant plus difficile qu'avec Sam Miller, j'ai l'impression de la traverser à plus de deux-cents kilomètres heure.
- Alors ?, demande-t-il impatient, les bras croisés sur sa poitrine.
Je réfléchis de longues minutes afin de ne pas lui donner l'impression d'être une proie facile. Celui-ci finit toutefois par perdre patience, scrutant les aiguilles de sa montre toutes les secondes.
- Tu n'en as pas réellement le choix finalement..., prend-t-il un malin plaisir à souligner.
Je l'observe avec insistance, l'air hésitante. Il affiche une légère moue qui ne fait que davantage pencher la balance en sa faveur. Dieu qu'il est attirant ! Son pull blanc lui colle à la peau, soulignant un torse musclé et des épaules bien plus développées que je n'aurais pu l'espérer. Son pantalon tombe nonchalamment sur ses hanches. Et ses fesses ! Je me mords la lèvre inférieure face à cette image d'Apollon. Passer une semaine en sa compagnie tout en sachant qu'il incarne le fruit défendu risque de s'avérer difficile. Il tentera très certainement de continuer à jouer de son sex-appeal tandis que je ne représente qu'une petite souris essayant de fuir, alors que toutes les portes sont condamnées. Il doit bien exister un compromis...
- Je ne peux pas laisser Alda toute seule, elle a besoin de moi, tenté-je dans un élan désespéré.
- Ton amie est une grande fille. Elle saura se débrouiller seule. Mais bien essayé, accompagne-t-il d'un clin d'oeil moqueur.
- Et le ménage ! Qui va s'en occuper ?
Tout en prononçant cette dernière phrase, je me rends moi-même compte à quel point cela est ridicule. Je dois m'empêcher de rire avant qu'il ne m'oblige à rester ici par la force. Pense à quelque chose de triste Chloé... Comme un chat abandonné ? Non, je n'aime même pas les chats.
- J'ai moi-même pu remarquer à quel point tu pouvais être désorganisée alors ne me la fais pas à l'envers Jones. Mais je pardonne cette erreur de débutante. Je t'apprendrai l'art de la rhétorique lorsque tu me supplieras d'arrêter de te torturer.
Suis-je en plein rêve ou vient-il de me faire un sous-entendu très connoté ? Je me sens instantanément rougir. Son regard insistant me donne l'impression qu'il lit en moi comme dans un livre ouvert. L'attention qu'il me porte à cet instant précis provoque une douce chaleur au bas de mon ventre. Je devrais très sérieusement songer à commander un vaccin contre les situations gênantes. Je déteste l'idée du contrôle qu'il possède sur mes émotions. L'idée de devoir me débrouiller seule ne m'a jamais dérangé, contrairement à celle de voir mon emploi du temps chamboulé.
- Pour ma défense, j'ai remporté haut la main l'organisation du défilé, exprimé-je victorieuse.
- Je considère donc ta réponse comme positive ?, m'ignore-t-il d'un air tout-à-fait supérieur.
Peut-être n'apprécie-t-il pas le fait que je ne rebondisse pas sur ses paroles quelque peu déplacées mais je m'en contre-fiche. S'il croit que je vais laisser transparaitre la moindre faiblesse, il se met le doigt dans l'oeil. Il n'y a qu'une place à atteindre et deux personnes à la poursuite de la réussite. Je déteste perdre et je pense que lui aussi. Je suis ravie de constater que mon attitude l'irrite à ce point.
Afin de continuer sur ma lancée, je m'installe confortablement sur une des chaises entourant la longue table de la salle-à-manger. Je n'avais pas fait attention à tout cela auparavant mais son appartement fait au moins cinq fois la taille du mien. Je ne baigne pourtant pas dans la misère mais lui nage carrément dans le luxe à ce stade. L'ensemble de la décoration est d'un blanc somptueux. Les fenêtres sont encadrées de rideaux en velours rouge, tandis qu'une table basse en verre prend place au centre de trois canapés de cuir noir. Un écran plat surplombe l'ensemble de ce salon. L'endroit où je me trouve se situe, quant à lui, en hauteur vis-à-vis des trois légères marches présentes entre deux poteaux blancs, derrière les canapés. Tout est épuré, à l'image du locataire. Ce ne sera finalement peut-être pas si difficile que cela de travailler calmement dans l'enceinte de ce château en plein coeur de Paris.
- Disons qu'un tel cadre de travail ne peut pas se refuser. Je vois qu'être le directeur général permet de payer le loyer d'un tel appart, dis-je à voix haute sans réel contrôle sur ce flot de parole.
Je le regrette immédiatement. Sam s'approche en effet de moi, ayant enfin décroché les yeux de cette fichue montre devant également coûter la moitié du loyer qu'il paie actuellement. J'ai également toujours été habituée à vivre confortablement, malgré le fait que mon père ne me donnait que peu d'argent vis-à-vis de l'héritage qu'il a pu recevoir lors du décès de ma mère. Mais peu importe, l'argent ne m'a jamais manqué et c'est le principal. Cet arrière goût de m'as-tu-vu, très peu pour moi.
- Je suis propriétaire de l'immeuble, ma belle, dit-il tout en pesant chacun de ses mots avec une fierté inconditionnée.
- Si tu crois que cela m'impressionne, mens-je effrontément.
Évidemment que c'est le cas ! Cet homme est millionnaire et s'entête à vouloir prendre une place que j'ai toujours chéri alors que lui pourrait s'offrir le quart des sociétés de la capitale. En plus, il a plus l'allure d'un banquier que d'un homme travaillant dans l'univers de la mode. Mais je pense qu'il serait préférable de garder cette réflexion pour moi avant de me faire scotcher la bouche.
- Si tu crois que j'en ai quelque chose à faire, répond-t-il tout en tournant les talons.
Son insolence m'agace de plus en plus. Ce trait de caractère ne le rend que plus atypique. Il n'est plus l'homme froid qui m'a réembauché moins de cinq minutes après avoir été virée le jour de mon arrivée. Être en incapacité de lire entre les lignes que représentent Sam Miller, s'avère être la chose la plus déstabilisante que j'ai connu depuis mon arrivée. Car sans totalement parvenir à cerner qui il est réellement, je ne parviendrai que plus difficilement à l'évincer de la course.
Celui-ci revient aussitôt, une pile de feuilles entre les bras qu'il dépose lourdement sur la surface de la table. L'une d'elle attire mon attention...
Il a osé m'organiser un planning le salaud !
- Tu rigoles là j'espère ? Je suis censée faire la cuisine un soir sur deux ! Non mais il n'est pas question que je me transforme en bonne à tout faire, m'énervé-je soudainement.
- On s'entre-aide entre colocataires, non ?, ironise-t-il. Si tu préfères mourir de faim, libre à toi. Les grandes figures de demain ne sont pas les fainéants d'aujourd'hui, conclut-il de façon théâtrale tout en claquant la porte de son bureau.
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