• CHAPITRE UN •
Paris, 7:50
- Chloé ? Tu ne travailles pas aujourd'hui ?
Je grommelle avant de me retourner farouchement dans mon lit à l'entente des mots prononcés par ma meilleure amie. J'admets que sortir en boîte avec Alda et Harley la veille de mon stage afin de fêter mon retour à la capitale n'était pas une bonne idée. Dans ma tête s'effectue depuis cinq bonnes minutes une valse de marteaux-piqueurs qui commence à m'agacer. Des bruits de pas résonnent de plus en plus fort dans la pièce. La lumière du jour en plein visage, j'entrouvre les yeux avec difficulté. Tout à coup, la couette qui se trouvait sur moi est propulsée sur le sol.
- Debout ! Tu ne vas quand même pas te mettre en retard le premier jour, hurle Alda tandis que j'essaie tant bien que mal de me réveiller.
- Mais il est encore tôt, laisse-moi dormir, prononcé-je à la manière d'un enfant de trois ans.
Cette dernière me colle alors le réveil au visage : sept heures cinquante deux. Je me précipite soudainement en direction de la salle de bain, renversant par la même occasion le verre d'eau posé sur la table du salon. Quelle idiote ! Je ne peux pas me permettre cet écart. Mon père m'a donné une chance unique d'entamer ma carrière et il n'est pas question que je gâche cela. J'entends crier Alda à travers la porte mais ne distingue pas le sens de ce qu'elle prononce. Je n'ai pas le temps de m'attarder sur des bavardages. Je me déshabille en deux temps trois mouvements et rentre rapidement dans la douche avant d'hurler à la mort lorsque l'eau glacée parcours mon corps.
- Je t'avais prévenu, dit-elle sur un ton des plus méprisants en pénétrant dans la pièce.
- Tant pis, je m'attacherai les cheveux. Tu n'aurais pas une chemise à me prêter ? La mienne est complètement tâchée d'hier soir et...
- Respire Chlo, ça va aller ! Tu es un vrai moulin à paroles lorsque tu es stressée. Je n'ai pas envie d'entendre tes braillements dès le matin.
Alda et moi nous sommes rencontrées au collège. Elle me prenait pour l'intello de la classe tandis que je la prenais pour la tarée. Autant dire que nous nous sommes liées d'amitié de façon imprévisible. Lorsque j'ai perdu ma mère, je n'avais plus aucun point de repère, aucune attache. Je me suis longtemps enfermée dans une solitude telle que je n'adressais la parole à personne. Est alors venu le temps d'Henri IV, celui où j'ai eu la chance de poursuivre ma scolarité avec elle, ainsi que son petit ami, Harley. Cet improbable couple illumine le chemin de tout ceux qu'ils croisent ; ils font partis de ces personnes que je qualifierais d'exceptionnelles.
- Je pourrais te filer mon haut porte-bonheur, s'écrie Alda depuis l'autre bout de l'appartement. Papa coincé n'apprécierait sûrement pas mais tu ferais au moins de l'effet au bureau.
- Le fameux « papa coincé » dont tu parles m'a enfin donné une occasion de réaliser mon rêve alors non, je ne mettrai pas cet horrible bout de tissu jaune plus communément appelé t-shirt, qui ne sait que donner l'allure d'un gros tas de nouilles cuites renversées sur le sol. Et non je ne suis pas stressée !, hurlé-je assez fort pour faire sortir ma meilleure amie de sa chambre.
Celle-ci me prend soudainement dans ses bras avant de me lâcher et de feindre une moue moqueuse.
La garce.
- Harley va t'emmener, je l'ai appelé quand j'ai vu l'heure qu'il était. Il n'est pas question que tu prennes le métro ce matin.
Je la fusille du regard tandis que mon cœur, qui manquait de se décrocher d'une minute à l'autre, la remercie. Le grand blond pénètre alors dans l'appartement tout en lançant un regard complice à sa petite amie.
Aujourd'hui doit être mon premier jour au sein de la maison Jones. L'entreprise que tient à présent mon père n'est autre que le résultat du rêve de son ancienne femme, le fruit du travail acharné de ma mère. Suite à son décès, il avait hérité de l'intégralité de l'entreprise, ne faisant que développer ses sièges au fil des années.
« Vois toujours tes perspectives en grand. Ne te limite jamais à ce qui te semble nécessaire, repousse tes frontières jusqu'à en être entièrement satisfaite. »
Voilà ce qu'il me répétait à longueur de temps. Cette vision de grandeur est sans doute le seul trait que j'ai acquis de lui.
Tandis que je monte dans la voiture d'Harley, un message d'Alda s'affiche sur mon téléphone : « tu as oublié une pochette sur la table du salon. T'm, bon courage. »
- Prête pour le grand jour MacGyver ? Nos amis les américains ne vont pas trop te manquer ?
Je lui lance un regard noir tandis que le stress me monte à la gorge. Je sais que je ne devrais pas me comporter ainsi mais mon corps me dicte les choses d'une toute autre façon. La société appartient à mon père, certes, mais loin de moi l'idée de vouloir le faire remarquer à tout le monde et encore moins à une bande de requins opportunistes.
Lorsque nous arrivons devant la Défense, Harley tente de me rassurer par des phrases toutes faites mais je ne l'écoute qu'à moitié. Toute ma concentration est désormais focalisée sur l'immensité de l'immeuble s'érigeant face à moi. Je ne suis habituellement pas superstitieuse mais commencer un nouveau stage et se lever du pied gauche ne fait sûrement pas bon ménage...
Je m'avance alors d'un pas décidé vers l'accueil où une femme débordée tient deux téléphones en mains.
- Maison Jones à votre écoute. Je vous reprends dans quelques instants, ne quittez pas.
Elle lève soudainement ses deux yeux d'un bleu perçant vers moi et me détaille de la tête aux pieds avant de pousser un petit soupir.
- Vous devez être Mademoiselle Jones. Monsieur Arnault vous attends au dernier étage, veuillez prendre l'ascenseur à votre droite, prononce-t-elle d'une façon robotique avant de s'atteler à sa tâche.
Bon... Passer inaperçue ici semble être vain. En même temps, qui ne connaît pas la fille de Monsieur Jones, l'un des « hommes d'affaires les plus influents au monde », comme il aime constamment le souligner.
La montée dans l'ascenseur me paraît interminable. Mon chemisier ne fait que davantage s'imbiber de sueur tandis que l'adrénaline provoquée par ce premier jour grimpe au même rythme que cette fichue cage. J'ai l'impression d'étouffer au fur et à mesure que les chiffres encastrés dans la paroi métallique s'illuminent.
Lorsque le ding retentit et que je m'apprête à précipitamment quitter l'oppression due à ces quatre murs, une jeune femme me rentre brutalement dedans, ses dossiers se trouvant de ce fait éparpillés sur le sol. Celle-ci s'arrête un instant, fixe les dommages causés par mon empressement et me jette un regard noir digne d'une furie. Je me précipite alors pour l'aider mais elle s'écarte aussitôt, prenant la place que j'occupais il y a encore quelques secondes afin de monter les cinq derniers étages restants. Et merde. Je n'ai pas le temps d'attendre sa descente.
Je me dirige d'un pas décidé vers les escaliers de secours tout en regardant les aiguilles de ma montre comme si ma vie en dépendait. J'ai littéralement vingt minutes de retard et je pense que mon cœur risque d'exploser dans ma poitrine si je ne me dépêche pas d'atterrir dans ce fichu bureau.
J'arrive au dernier étage plus essoufflée qu'il ne le faudrait, prenant toutefois une bonne résolution : se remettre au sport. Soit celle que je prends à peu près tous les trois mois pour au final l'abandonner à son sort dans l'impétueuse jungle que sont mes pensées.
Une double porte vitrée s'étend face à moi. L'intérieur de la pièce que je peux constater est d'un luxe sans nom. J'y distingue un grand bureau en chêne sur lequel est disposé un vase en porcelaine contenant quelques roses blanches. Le mur, lui, est entièrement recouvert de baies vitrées, donnant une impression certaine de domination au sein de ce lieu de travail.
Je réajuste mon tailleur avant de me préparer à frapper mais me rétracte vivement en entendement de viles gloussements s'approcher. La jeune femme qui m'avait alors bousculé quelques minutes auparavant roule des hanches tout en adressant un sourire aguicheur à l'homme se tenant à côté d'elle.
Je m'apprête à faire mon entrée tandis que la vipère me jette un regard moqueur lorsque la porte se claque sous mon nez. De longs rideaux noirs se ferment soudainement afin de me cacher la vue et une lourde voix emplie de colère parvient jusqu'à moi :
- Vous êtes en retard Mademoiselle.
Je sens mon teint virer au rouge écarlate en une fraction de secondes alors que mes jambes ne savent plus sur quel pied danser. Respire Chloé, tout va bien se passer.
- Pardonnez-moi, je..., bafouillé-je avant que sa voix ne transperce à nouveau le couloir.
- Vous êtes virée.
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